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Full text of "Les origines chrétiennes des hôpitaux, hospices et bureaux de bienfaisance du Périgord"

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LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

DES  HOPITAUX 

HOSPICES  ET  BUREAUX  DE  BIENFAISANCE  DU  PÉRIGORD. 


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LES 

ORIGINES  CHRÉTIENNES 

DES  HOPITAUX 

HOSPICES  ET  BUREAUX  DE  BIENFAISANCE 

DU  PÉRIGORD 


RÉPONSE  A  LA  LOI  DU  5  AOÛT  1879 


A.-B.  PERGOT. 

CHANOINE  HONORAIRE, 

Membre  de  l’Académie  de  Rome  dite  de  la  Religion  catholique, 
et  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Périgord, 

4 

"  ,  CURE-DOYEN  DE  TERRASSON, 

459  36 

-^3853$?- 

PÉRIGUEUX 

CASSARD  FRÈRES,  IMPRIMEURS-LIBRAIRES 

RUE  SAINT-MARTIN,  I  3  ET  1  5  . 


188S 


PREFACE. 


La  loi  du  5  août  1879  sur  l’organisation  des  com¬ 
missions  administratives  des  hôpitaux,  hospices  et 
bureaux  de  bienfaisance,  a  donné  lieu  à  l’ouvrage 
que  nous  publions.  On  sait  que  cette  loi  exclut  de 
ces  commissions  le  clergé  et  tout  élément  reli¬ 
gieux. 

A  cette  occasion,  Mgr  Dabert,  notre  vigilant  évê¬ 
que,  toujours  disposé  au  combat,  lorsqu’il  s’agit 
des  droits  et. des  intérêts  de  l'Eglise,  me  fit  l’hon¬ 
neur  de  m’écrire  : 

«  PérigueuXj  le  11  août  1879. 

»  Mon  bien  cher  doyen, 

»  Je  viens  faire  appel  à  votre  plume  pour  un  travail  qui 
»  me  paraît  plein  d’actualité. 

»  Vous  connaissez  la  nouvelle  loi  sur  l’administration 
»  des  hospices  et  des  bureaux  de  bienfaisance.  Cette  loi 
»  laïcise  cette  administration  au  point  d’exclure  des  con- 
»  seils  et  commissions  les  curés  et  toute  influence  ecclé- 
»  siastique. 

»  Ce  n’est  pas  seulement  là  de  l’impiété,  c’est  encore  de 
»  l’ingratitude  au  premier  chef  ;  car  c’est  à  l’Eglise  que  la 


PRÉFACE. 


»  société  moderne  doit  ces  asiles  de  la  pauvreté.  A  l’Eglise, 
»  dis-je,  et  dans  notre  Périgord  par  nos  chères  sœurs  de 
»  Sainte-Marthe. 

»  Gela  dit,  je  me  suis  demandé  s'il  n’y  avait  pas  lieu 
»  de  relever  dans  une  suite  d’articles  ce  fait  de  la  fonda- 
»  tion  de  nos  hospices  par  les  vénérables  anciennes  sœurs 
»  de  Sainte-Marthe.  Le  public  en  serait  édifié,  et  l 'esprit 
»  moderne  y  trouverait  une  flétrissure  qu’il  n’aurait  pas 
»  volée. 

»  J’ai  communiqué  cette  pensée  à  M.  Junières  et  à  mon 
»  conseil  ;  elle  a  été  chaudement  approuvée, et  M.  Junières, 
»  qui  a  rédigé  dans  les  registres  de  Sainte-Marthe  le  récit 
»  des  fondations,  vient  de  m’en  remettre  des  copies.  J’ai, 
»  de  mon  côté,  pensé  à  vous,  cher  Doyen,  pour  l’exploita- 
»  tion  de  cet  intéressant  sujet.  Il  m'agréerait  beaucoup  à 
»  moi-même,  mais  impossible  pour  moi  d’y  penser.  Je 
»  serais  très  heureux  que  vous  voulussiez  accepter  ce  tra- 
»  vail,  pour  lequel  vous  auriez,  je  le  répète,  tous  les  ren- 
»  seignements  désirables  et,  en  bien  des  cas,  une  rédac- 
»  tion  toute  faite.  —  Si,  comme  je  l’espère,  vous  acceptez, 
»  je  vous  enverrai  sans  délai  les  écrits  manuscrits  qui 
»  m’ont  été  remis. 

»  Votre  tout  dévoué  en  N.  S. 

»  f  N.-JOSEPH, 

Évêque  de  Pêrigueux  et  de  Sarlat.  » 

Un  travail,  aussi  gracieusement  offert,  ne  pou¬ 
vait  être  refusé  ;  je  l’acceptai  et  je  le  commençai. 

Le  11  du  mois  d’août  1882,  j’eus  l’honneur  d’écrire 
à  Sa  Grandeur  : 

«  Monseigneur, 

»  J’achève  le  travail  que  Votre  Grandeur  me  fit  Thon- 


PRÉFACE. 


III 


»  neur  de  me  demander,  il  y  a  trois  ans,  sur  les  Origines 

»  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  HOSPICES  ET  BUREAUX  DE  BIENFAI- 
»  SANCE  DU  PÉRIGORD. 

»  Justement  indignée,  avec  tous  les  catholiques,  des 
»  dispositions  de  la  loi  du  5  août  1879,  excluant  de  l’admi- 
»  nistration  de  ces  établissements ,  le  clergé  et  tout 
»  élément  religieux,  Votre  Grandeur  voulut  répondre,  par 
»  la  logique  des  faits,  à  cette  loi,  et  en  faire  voir  l’injus- 
»  tice,  je  dirai  même  l’inconvenance. 

»  Il  fallait,  pour  cela,  démontrer  que  l’Eglise,  fécon- 
»  dant  la  charité  chrétienne,  avait  seule  fondé  ces  établis- 
»  sements,  d’où  la  conséquence  naturelle  qu’elle  avait  un 
»  droit  réel  à  ne  pas  être  exclue  de  leur  administration. 

»  C’était  bien  là  le  travail  que  Votre  Grandeur  me  fai- 
»  sait  l’honneur  de  me  demander  par  sa  lettre  du  11  août 
»  1879,  et  c’est  le  travail  que  j’ai  fait  et  publié  par  Notices 
»  spéciales  dans  divers  numéros  de  notre  Semaine  reli- 
»  gieuse. 

»  Si  Votre  Grandeur  a  jeté  un  coup  d’œil  sur  ces  Notices, 
»  elle  a  pu  facilement  se  convaincre  que  j’ai  donné  plus 
»  d’extension  à  l’idée  qu’elle  avait  conçue  et  au  pro_ 
»  gramme  qu’elle  m’avait  tracé. 

»  Me  renfermant  dans  les  limites  de  cette  idée  et  de  ce 
»  programme,  je  n’avais  à  m’occuper  que  des  établisse- 
»  ments  hospitaliers  dirigés  par  nos  soeurs  de  Sainte- 
»  Marthe  du  Périgord  ;  ma  tâche  était  courte  et  facile. 
»  Mais  nous  avons  plusieurs  hôpitaux  et  hospices  dirigés 
»  par  des  religieuses  appartenant  à  d’autres  congréga- 
»  tions.  Les  oublier,  c’était  faire  un  travail  incomplet  et 
»  insuffisant. 

»  Dès  le  moment  que  je  sortais  du  programme  indiqué, 
»  il  a  fallu  ne  pas  m’en  tenir  aux  documents  que  Votre 
»  Grandeur  me  promettait,  devant,  dans  sa  pensée,  me 


IV 


PRÉFACE. 


»  suffire,  et  dans  lesquels  je  devais  trouver  souvent  une 
»  rédaction  toute  faite.  Avec  ces  documents,  précieux  sans 
»  doute,  et  dont  j’ai  fait  usage,  nous  aurions  eu  les  pro- 
»  cès-verbaux  d’installation  de  nos  sœurs  de  Sainte-Mar- 
»  the  dans  les  établissements  hospitaliers  qu’elles  diri- 
»  gent,  mais  nous  ignorerions  les  origines  de  ces  établis- 
»  sements.  Nous  ne  pourrions  pas  les  revendiquer  comme 
»  œuvres  de  la  charité  chrétienne  et,  par  suite,  comme 
»  propriétés  de  l’Eglise.  Il  fallait  cependant  démontrer  ces 
»  origines  pour  prouver  que  les  droits  de  l’Eglise  à  coopé- 
»  rer  au  moins  à  l’administration  de  ces  établissements, 
»  ont  été  lésés  par  la  loi  du  5  août  1879. 

»  Ici,  ma  tâche  devenait  difficile,  pénible  même  ;  Votre 
»  Grandeur  saura  l’apprécier. 

»  Il  fallait,  en  effet,  se  procurer  des  documents  qui  per- 
»  missent  de  voir  la  fondation  de  chaque  établissement  et 
»  d’en  suivre  les  développements  jusqu’à  nos  jours.  Mais 
»  où  les  trouver  ? 

»  J’ai  cherché. 

»  En  fouillant  dans  les  archives,  dans  les  bibliothèques  ; 

»  en  déchiffrant  les  vieux  actes,  les  vieux  registres,  il 
»  arrive  souvent  qu’on  trouve  ce  qu’on  ne  cherchait  point, 

»  ou  plus  quion  ne  cherchait.  J’ai  fait  ainsi  quelquefois 
»  des  découvertes  heureuses.  D’autre  fois,  je  n’ai  pas  eu 
»  dans  mes  recherches  tout  le  succès  désiré. 

»  Nous  avons  dans  le  diocèse  83  établissements  hospi- 
»  taliers,  régulièrement  établis  et  fonctionnant  sous  la 
»  direction  intelligente  et  dévouée  de  nos  religieuses. 

»  Dans  mon  travail,  chaque  établissement  a,  eu  sa 
»  notice  spéciale,  qui  forme  un  tout  complet  et  pourrait 
»  avoir  pour  titre  :  La  Chanté  chrétienne  en  action.  Réunies, 

»  ces  noticesformentla  vraie  Statistique  de  la  Charité  dans 
»  le  Périgord,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu’à 


PRÉFACE. 


»  nos  jours,  et  offrent,  dans  leur  ensemble,  aux  générations 
»  qui  viennent,  un  glorieux  tableau  quilesporte  à  l’amour 
»  de  notre  mère,  la  sainte  .Église,  et  à  la  pratique  des 
»  œuvres  de  bienfaisance  qu’elle  inspire. 

»  Dans  mes  recherches,  j’ai  pu  constater  que,  dans  notre 
»  diocèse,  la  charité  chrétienne  est  féconde  aujourd’hui 
»  comme  aux  temps  anciens.  Elle  a,  en  ce  moment,  en 
»  préparation  plusieurs  établissements  hospitaliers,  dont 
»  l’éclosion  ne  peut  tarder  à  se  produire.  J’ai  dû  en  tenir 
»  compte  et  leur  donner  une  place  dans  ma  statistique. 
»  Par  le  fait  seul  qu’ils  sont  d’origine  récente,  quenousles 
«voyons  naître  et  se  développer  sous  nos  yeux,  ils  offrent 
»  un  exemple  plus  efficace  et  parlent  un  langage  mieux 
»  compris. 

»  Si  je  n'ai  oublié  aucun  de  nos  établissements  hospita- 
»  liers,  je  n’ai  pu  énumérer  tous  nos  Bureaux  de  bien- 
»  faisance,  encore  moins  dire  les  origines  de  chacun. 
»  Cela  m’eût  demandé  un  travail  dont  je  me  suis  reconnu 
«impuissant,  et  qui,  d’ailleurs,  n’était  d’aucune  utilité 
»  pour  la  cause  que  nous  soutenons.  Je  me  suis  borné  à 
»  parler  de  quelques-uns  qui  m’ont  paru  s’éloigner  de  la 
»  ligne  commune  et  offrir  un  intérêt  tout  particulier. 

«  Toujours  dans  le  but  d’offrir  à  la  génération  présente 
»  et  aux  générations  à  venir  des  exemples  d’une  salutaire 
»  influence,  j’ai  recueilli  autant  que  possible  la  liste  des 
»  bienfaiteurs  de  chaque  établissement  hospitalier.  Pla- 
»  cée  comme  Tableau  d’Honneur,  suivant  le  conseil  que 
«j’en  donne,  dans  l’appartement  le  plus  fréquenté,  elle 
»  invitera  le  pauvre  à  la  reconnaissance,  et  le  riche,  à  se 
»  faire  le  bienfaiteur  du  pauvre. 

»  Voilà,  Monseigneur,  le  résumé  de  ce  que  j’ai  fait  pour 
«répondre  à  vos  désirs  et  remplir  la  tâche  que  Votre 
»  Grandeur,  me  jugeant  trop  favorablement,  voulut  bien 


VI 


PRÉFACE. 


»  m’imposer.  L'OEuvre  avait  ses  difficultés  ;  il  m’a  fallu, 
■j  pour  la  poursuivre  jusqu'à  la  fin,  m’encourager  par  la 
»  pensée  de  vous  être  agréable  et  de  faire  une  œuvre 
»  utile  à  la  gloire  de  l’Église. 

»  Cette  œuvre  est-elle  parfaite?  Non,  sans  doute,  mais 
»  elle  a  un  mérite  incontestable,  le  mérite  de  l’à-propos  : 
»  elle  vient  à  son  temps. 

»  Son  utilité  fut  reconnue  dès  les  premières  Notices  qui 
»  parurent  dans  notre  Semaine  religieuse.  Il  me  fut  alors 
»  demandé  si  je  ne  ferais  pas  une  édition  spéciale  pour 
»  réunir  le  tout  en  un  volume,,  facile  à  conserver.  Dans  le 
»  cours  de  la  publication,  cette  demande  m’a  été  souvent 
»  renouvelée  par  un  grand  nombre  de  prêtres  et  de 
»  laïques,  et  parmi  ces  derniers  je  pourrais  citer  plusieurs 
»  de  nos  studieux  et  savants  collègues  de  la  Société  his- 
»  torique  et  archéologique  du  Périgord.  Et,  dans  ces  der- 
»  niers  mois,  sans  doute  parce  qu’on  a  vu  que  mon  travail 
»  touchait  à  sa  fin,  la  demande  a  pris  un  caractère  pres- 
»  que  impératif  ;  on  m’a  dit  et  écrit  :  Il  nous  faut  une 
»  nouvelle  édition,  si  vous  ne  voulez  pas  que  votre  OEuvre 
»  reste  inutile,  perdue  qu’elle  serait  dans  la  collection, 
»  plus  ou  moins  conservée,  de  la  Semaine  religieuse. 

»  J’ai  dû  céder  à  ces  instances  dont  je  me  sentais  émi- 
»  nemment  honoré.  L’édition  désirée  et  demandée  est 
»  sous  presse,  et  bientôt  j’en  ferai  hommage  à  Votre 
«  Grandeur. 

»  Daignez  agréer,  Monseigneur,  l’hommage  de  mes  sen- 
»  timents  les  plus  respectueux  et  les  plus  dévoués. 

A.  Pergot, 

Chanoine  honoraire,  Curé-doyen  de  Terrasson. 


Quelques  jours  après,  le  20  du  mois  d’août  1882, 


PRÉFACE. 


VII 


Monseigneur  daigna  m’honorer  de  la  réponse 
suivante  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  Je  me  félicite  de  ma  modeste  initiative  dans  votre 
»  important  travail  sur  «  Les  Origines  chrétiennes  »  de  nos 
»  établissements  de  bienfaisance.  J’en  ai  suivi  avec  un  vif 
»  intérêt  les  développements  successifs,  et  c'est  une  joie 
a  pour  moi  de  le  savoir  heureusement  accompli. 

»  Un  double  mérite  est  acquis  désormais  parmi  nous  à 
»  votre  OEuvre  :  L’histoire  lui  devra  un  faisceau  magni- 
»  fique  de  faits  trop  vite  oubliés,  et  la  conscience  catholi- 
»  que  une  invincible  protestation  contre  les  injustices  du 
»  présent. 

»  Il  y  a  dans  notre  législation  des  lois  qui  la  déshonorent, 
»  et  de  ce  nombre  est  celle  qui  porte  ladate  du  5  août  1879. 
»  Loi,  en  effet,  d’odieuse  ingratitude  envers  l’Église  :  On 
»  lui  .interdit,  en  la  personne  de  ses  ministres,  toute  ingé- 
»  rence ,  tout  accès,  dans  les  asiles  où  s’abrite,  où 
»  s’alimente  la  pauvreté*  et  plus  qu’à  tout  autre  lui  appar- 
»  tiennent  ces  asiles.  Elle  y  est  chez  [elle  ;  leurs  habitants 
»  sont  ses  hôtes,  et  le  pain  qui  les  nourrit,  elle  l’a  pétri  de 
»  ses  mains. 

»  Où  se  trouve  l’amour  vrai  du  pauvre  ?  L’amour  sans 
»  défaillance,  que  ne  déconcertent  ni  l’indifférence,  ni 
»  l’ingratitude,  l’amour  courageux  et  fort  qui  va  jusqu’à 
»  l’oubli  de  soi,  jusqu’au  sacrifice  ?  Dans  l’Église  et  nulle 
»  part  ailleurs.  Ce  noble  sentiment  de  commisération 
»  envers  les  déshérités  de  la  fortune,  l’Église  le  prend  au 
»  cœur  de  l’homme  tel  que  la  nature  l'y  a  versé,  puis  elle 
»  le  retrempe  dans  l’esprit  dont  elle  est  animée,  le  trans- 
»  figure  par  la  grâce  dont  elle  est  la  dispensatrice,  l’élève 


VIII 


PRÉFACE. 


»  jusqu’à  la  hauteur  d’une  vertu  surnaturelle  et  lui  cora- 
»  munique  sa  constance,  sa  force  invincible  et  son  admi- 
»  rable  fécondité.  Eh  bien  I  C’est  de  cet  amour  là  que 
»  l’on  trouve  à  l’origine  et  au  progrès,  comme  à  l’entretien 
»  èt  au  service  de  nos  établissements  de  bienfaisance.  Ce 
»  fait  est  constaté  par  tous  les  témoignages  de  l’histoire  ; 
»  mais  ce  sera  votre  honneur,  comme  votre  mérite,  de 
»  lui  avoir  donné,  en  ce  qui  concerne  le  Périgord,  une 
»  éclatante  démonstration. 

»  Je  sais  ce  que  votre  savant  ouvrage  vous  a  coûté  de 
»  laborieuses  et  patientes  recherches  :  soyez  heureux  de 
»  l’avoir  écrit.  Déjà  notre  Eglise  devait  à  votre  piété 
»  filiale  le  récit  des  origines  apostoliques  de  sa  foi  ;  elle 
»  vous  devra  encore  celui  de  sa  charité  dans  ses  plus 
»  importantes  manifestations  :  double  titre  à  sa  mater  - 
»  nelle  gratitude. 

»  Recevez,  Monsieur  le  curé,  l’assurance  de  mon  affec- 
»  tueux  dévouement  en  N.  S. 

»  f  N.-JOSEPH, 

»  Evêque  de  Périgueux  et  de  Sarlat.  » 

Après  ce  témoignage,  d’autant  plus  flatteur  qu’il 
est  plus  autorisé,  on  me  permettra,  pour  compléter 
cette  Préface,  de  placer  ici  quelques  encourage¬ 
ments  dont  m’ont  honoré  des  prêtres  et  des  laïques, 
et  qui  me  prouvent  l’utilité  de  l’œuvre  que  j’ai 
faite,  et  la  nécessité  de  la  reproduire  en  un  volume. 

Un  chanoine  : 

«  Bien  cher  confrère^ 

»  Je  vous  envoie  de  grand  cœur  mon  bulletin  de  sous- 


PRÉFACE. 


IX 


»  cription  au  livre  que  vous  vous  proposez  de  publier, 
»  comme  présentant  en  un  seul  volume  les  articles  qui 
»  ont  paru  dans  la  Semaine  religieuse  sur  les  Origines 
»  chrétiennes  des  maisons  de  charité  du  Périgord. 

»  Je  me  trouverais  fort  embarrassé,  si  j’étais  obligé  de 
»  produire  tous  les  numéros  de  la  Semaine  religieuse  où 
»  on  a  pu  lire  votre  travail  en  articles  séparés.  La  pensée 
»  de  les  réunir,  seul  moyen  de  les  conserver,  est  d’une 
»  très  bonne  inspiration.  J’y  souscris  très  volontiers,  pour 
»  l’œuvre  qui  est  bonne  et  utile,  et  aussi  pour  l’auteur  qui 
»  possède  mes  sympathies,  mon  estime  et  mon  affec- 
»  tion.  » 

Un  laïque,  membre  de  la  Société  historique  et 
archéologique  du  Périgord,  inspecteur  de  la  Société 
française  d’archéologie  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  Je  vous  dois  bien  des  remercîments  pour  le  plaisir  et 
»  le  profit  que  je  retire  depuis  longtemps  déjà  de  la  lec- 
»  ture  de  vos  monographies  sur  les  établissements  de  cha- 
»  rité  du  Périgord...  Comme  toutes  les  grandes  œuvres,  la 
»  vôtre  atteint  plus  d’un  but  :  En  défendant  l’institution 
»  chrétienne  de  la  charité,  vous  élucidez  l’histoire  locale, 
»  la  véritable  histoire  du  peuple,  celle  où  l’on  puise  le- 
»  plus  d’enseignements  profitables  et  que  nos  gouvernants 
»  feraient  bien  de  consulter  davantage  pour  le  profit  des 
»  gouvernés  et  aussi  pour  leur  propre  intérêt,  afin  de 
»  paraître  moins  ignorants  et  moins  grotesques  devant  les 
»  étrangers  et  la  postérité.  » 

Le  même,  en  m’envoyant  sa  souscription  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  Avant  de  partir  pour  les  eaux*  de  Cauterets,  je  veux 


PRÉFACE. 


»  me  mettre  en  règle  vis-à-vis  de  vous  en  vous  envoyant 
»  mon  bulletin  de  souscription.  J’ai  trouvé  trop  d’intérêt 
»  à  lire  ces  Notices  dans  la  Semaine  religieuse,  malgré  les 
»  coupures  incessantes  qu’elles  ont  eu  à  subir,  pour  ne 
»  pas  désirer  les  relire  dans  leur  ensemble  et  dans  de 
»  meilleures  conditions.  Ce  que  vous  avez  prouvé,  pièces 
»  en  main,  pour  les  établissements  hospitaliers  du  Péri- 
»  gord,  pourrait  se  prouver  pour  toutes  les  maisons  de  ce 
»  genre  qui  existent  dans  le  monde.  Qui  peut,  en  dehors 
»  de  la  religion,  professer  la  charité  envers  le  prochain  et 
»  le  dépouillement  ?  Ce  ne  seront,  certes,  pas  nos  gouver- 
»  nants  qui  viendront  créer  une  exception  à  la  règle.  Je 
»  vois  bien  tout  ce  qu’ils  détruisent,  mais  je  n’aperçois 
»  pas  encore  ce  qu’ils  ont  fondé.  Puissions-nous  voir  bien- 
»  tôt  un  nouvel  ordre  de  choses  plus  conforme  au  bon 
»  sens  et  au  bon  droit,  qui  vous  mette  dans  la  nécessité 
»  d’ajouter  de  nouveaux  chapitres  à  votre  belle  histoire.  » 

Un  prêtre  : 

«  Bien  cher  confrère, 

»  C’est  avec  bonheur  que,  m’associant  au  désir  que  plu- 
»  sieurs  vous  ont  manifesté  et  qui  a  été  éprouvé  par  tout 
»  le  clergé,  en  particulier,  j’ai  l’honneur  de,  vous  adres- 
»  ser  ma  souscription  à  la  nouvelle  édition  des  Origines 
»  chrétiennes  des  hôpitaux ,  hospices  et  bureaux  de  bien- 
»  f  aisance  du  Périgord.  ' 

»  Avec  toutes  mes  félicitations  pour  votre  ouvrage  si 
»  intéressant,  à  tous  les  points  de  vue,  daignez  agréer, 

»  etc.  » 

Un  ingénieur  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  J’ai  l’honneur  de  vous  adresser  ci-inclus  mon  modeste 


PRÉFACE. 


XI 


»  bulletin  de  souscription .  Je  suis  très  reconnaissant 

»  au  bon  curé  de  X.,  mon  ami,  de  m’avoir  procuré  l’occa- 
»  sion  de  vous  adresser  mes  bien  sincères  compliments 
»  sur  une  œuvre  dont  j’ai  lu  quelques  extraits  dans  la 
»  Semaine  religieuse.  » 

Un  prêtre  : 

«  Monsieur  le  Doyen, 

»  Votre  ouvrage  est  une  bonne  œuvre  dont  le  diocèse 
»  doit  vous  être  reconnaissant.  J’avais  lu  vos  articles  dans 
»  la  Semaine  religieuse ,  et  je  l’avais  longtemps  collec- 
»  tionnée  à  cause  d'eux  ;  mais  j’avais  fini  par  égarer  plu- 
»  sieurs  numéros  et  je  m’étais  découragé.  Vous  me  ren- 
»  dez  un  vrai  service  ainsi  qu’à  un  grand  nombre  de  prê- 
»  très,  en  faisant  une  édition  spéciale  pour  réunir;  en  un 
»  seul  volume  vos  articles  épars.  » 

Un  laïque,  membre  de  la  Société  historique  et 
archéologique  du  Périgord  : 

«  Monsieur  le  Doyen, 

»  Je  m’empresse  de  vous  retourner  signé  le  bulletin  de 
»  souscription  à  vos  études  sur  les  Origines  chrétiennes 
»  des  hôpitaux  du  Périgord.  Notez  devoir,  à  nous  cher- 
»  cheurs  chrétiens,  est  de  faire  ressortir  par  tous  les 
»  moyens  les  bienfaits  du  Christianisme  sur  l’humanité  et 
»  sur  les  arts,  et  de  soutenir  les  auteurs  de  ces  travaux.  » 

Un  prêtre  : 

«  Monsieur  le  Doyen, 

»  Je  me  fais  un  bonheur  de  souscrire  aux  Origines 
»  chrétiennes  des  hôpitaux,  etc.  Cette  œuvre  de  longue 


XII  PREFACE. 

»  haleine  a  dû  vous  coûter  bien  du  travail  et  des  recher¬ 
ches.  Vous  trouverez  votre  récompense  dans  les  nom- 
»  breuses  adhésions  que  vont  vous  donner  vos  confrères 
»  et  toutes  les  personnes  du  Périgord  qui  tiennent  à  cœur 
»  de  favoriser  les  œuvres  patriotiques.  » 

Un  laïque,  sénateur  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  J’applaudis  de  tout  cœur  au  projet  de  publication  que 
»  votre  infatigable  charité  vient  d’entreprendre  par  ces 
»  tristes  temps.  Rappeler  les  OEuvres  glorieuses  de  la 
»  bienfaisance,  c’est  l’encourager  et  l-’honorer  ;  c’est  digne 
»  de  vous  et  de  votre  talent.  » 

Un  prêtre  : 

«  Monsieur  le  Chanoine, 

»  Je  souscris  de  tout  cœur  à  votre  excellent  ouvrage  sur 
»  les  Origines  chrétiennes  de  nos  Hôpitaux  et  Bureaux 
»  de  bienfaisance.  C’est  une  belle  œuvre  que  vous  avez 
»  entreprise  ;  Dieu  saura  la  récompenser.  Non  content 
»  d’avoir  été  l’historien  de  notre  grand  Saint  Front,  vous 
»  voulez  être,  sur  vos  vieux  jours,  le  défenseur  éclairé  et 
»  l’apologiste  sans  peur  d’OEuvres  merveilleuses  que  nos 
»  démolisseurs  ne  sauraient  revendiquer  pour  eux.  Hon- 
»  neur  à  votre  vaillant  courage  !!  » 

Un  laïque,  avocat  distingué  : 

«  Monsieur  le  Curé, 

»  Vous  m’avez  fait  un  grand  honneur  en  me  mettant 
»  au  nombre  de  ceux  qui  liront  avec  un  religieux  intérêt 
>>  les  annales  de  nos  ancêtres  chrétiens.  Votre  plume  vient 


PRÉFACE. 


XIII 


»  de  les  enrichir  encore.  Il  lui  appartenait,  après  avoir  cé- 
»  lébré  les  miracles  des  siècles  de  foi,  de  faire  connaître 
»  à  une  génération  oublieuse  les  OEuvres  patientes  des 
»  siècles  de  charité.  Ces  deux  vertus  ont  eu  leurs  apôtres 
»  dans  nos  contrées.  Grâce  à  vous,  il  ne  sera  plus  permis 
»  d’ignorer  ni  leurs  noms  ni  leurs  actes...  Je  vous  remer- 
»  cie  avec  un  affectueux  respect  d’avoir  bien  voulu  ne 
»  pas  me  trouver  indigne  d’apprécier  et  de  méditer  votre 
»  ouvrage,  et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  trouver  dans 
'»  mon  adhésion  reconnaissante  et  empressée  une  nou- 
»  velle  assurance  de  mes  sentiments  religieusement  dé- 
»  voués.  » 

Un  prêtre,  au  bas  du  bulletin  souscrit  : 

«  Honneur  aux  infatigables  défenseurs  de  toutes  les 
»  saintes  causes  !  Si  nous  n’avons  pas  la  force  de  les  imiter, 
»  ayons  au  moins  celle  de  les  louer  et  de  les  seconder  I 

Un  avocat,  membre  de  la  Société  historique  et 
archéologique  du  Périgord  : 

«  Monsieur  le  Doyen, 

»  Je  remets  sous  ce  pli  le  bulletin  de  souscription  que 
»  vous  avez  bien  voulu  m’adresser,  et  m’estime  heureux 
»  de  pouvoir,  dans  la  mesure  de  mes  moyens,  contribuer 
»  au  succès  d’un  ouvrage  tel  que  le  vôtre.  » 

Un  laïque,  étranger  au  Périgord,  membre  de 
plusieurs  sociétés  savantes  : 

«  On  ne  saurait  trop  applaudir  à  la  publication  d’un 
»  travail  comme  celui-là  ;  il  est  d’une  utilité  et  d’une 


XIV 


PRÉFACE. 


»  opportunité  incontestables.  Rien  ne  sera  plus  à  même 
»  de  faire  ressortir  l’injustice  de  ceux  qui  aujourd’hui 
»  écartent  systématiquement  des  commissions  administra- 
»  tives  des  établissements  hospitaliers,  les  évêques,  les 
»  prêtres  et  parfois  même  les  laïques  suspectés  de  clérica- 
>>  lisme.  C’est  l’Église  qui  a  créé  ces  maisons  hospitalières  ; 
»  la  plupart  des  bienfaiteurs  appartiennent  au  clergé  ;  la 
»  bonne  administration  des  communautés  hospitalières 
»  en  a  accru  les  revenus.  Et  quant  aux  laïques  qui  les  ont 
»  fondées  ou  enrichies,  c’étaient  des  chrétiens  ;  on  n’a 
»  qu’à  lire,  pour  s’en  convaincre,  les  extraits  de  leurs  tes- 
»  taments  ou  les  titres  de  fondation,  enfouis  dans  les  ar- 
»  chives.  Faites  bien  ressortir  tout  cela, Monsieur  le  doyen, 
»  et  vous  montrerez  que  les  Chambres  ont  fait  une  OEuvre 
»  malhonnête  ç, n  excluant  du  conseil  des  hôpitaux  et  hos- 
»  pices  les  ministres  du  culte  catholique.  » 

Dans  une  autre  lettre,  le  même  correspondant 
me  disait  : 

«  Vous  avez  fait  une  chose  éminemment  utile,  Monsieur 
»  le  doyen,  en  mettant  au  jour  ces  pages  magnifiques  des 
»  annales  hospitalières  de  votre  Périgord.  Il  serait  à  dési- 
»  rer  que  votre  exemple  fût  suivi  partout.  Ce  ne  sont  pas 
»  les  théories  plus  ou  moins  bien  exposées  qui  forment 
»  ou  changent  les  opinions  ;  ceci,  c’est  comme  la  belle 
»  musique  :  autant  en  emporte  le  vent;  mais  les  faits  dans 
»  leur  brutalité ,  comme  on  a  coutume  de  dire,  les  faits, on 
»  ne  peut  les  dénier,  à  moins  de  mauvaise  foi  manifeste. 

»  Il  faut  bien  en  reconnaître  l’évidence,  et  de  leur  examen 
»  on  ne  peut  sortir  que  convaincu  ou  homme  de  parti- 
»  pris,  avec  lequel  la  discussion  n’est  plus  possible. 

»  Continuez,  Monsieur  le  Doyen,  continuez  encore  cette 


»  œuvre  de  revendication  des  droits  de  l’Eglise  ;  vous  avez 
»  choisi  la  voie  la  plus  pratique  et  je  désire  que  votre 
»  œuvre  soit  vulgarisée  dans  la  plus  large  mesure  possi- 
»  ble.  Que  vos  études  ne  soient  pas  lues  seulement  par  un 
j>  groupe  d’hommes  éclairés  et  déjà  convaincus  ;  qu’elles 
»  passent  sous  les  yeux  de  tous  ;  qu’on  les  propage  dans 
»  les  familles  chrétiennes,  dans  les  écoles  libres.  Elles 
»  seront  lues  avec  plus  de  plaisir  que  les  études  d’un 
»  intérêt  général,  car  il  y  sera  question  du  pays  ;  les  noms 
»  cités  dans  ces  pages  seront  ceux  de  la  contrée.  On  pourra 
»  donc  vérifier  sur  place,  car  les  documents  originaux 
»  seront  à  portée  de  toutes  les  mains.  Que  de  mémoires 
»  oubliées  vous  apprendrez  à  bénir  1 

»  Vous  avez  bien  voulu  me  promettre,  Monsieur  le 
»  Doyen,  l’ensemble  de  ces  intéressantes  études  sur  les 
»  hôpitaux  du  diocèse  de  Périgueux  ;  je  me  réjouis  de  les 
»  posséder,  et  surtout  de  les  devoir  à  leur  auteur,  pour 
»  lequel  je  professe  ces  sentiments  de  vénération  qu’ins- 
»  pirent  toujours  les  vaillants  défenseurs  de  l’Eglise.  » 

Ces  témoignages  se  passent  de  tout  commentaire 
Nos  lecteurs  en  jugeront. 


INTRODUCTION. 


On  ne  peut  mettre  en  doute  que  les  établisse¬ 
ments  hospitaliers  ne  soient  d’origine  purement 
chrétienne.  On  en  chercherait  vainement  des  tra¬ 
ces  dans  les  sociétés  païennes.  Il  appartenait  au 
Christianisme  d’inaugurer  les  œuvres  de  bienfai¬ 
sance  envers  les  pauvres. 

Jésus-Christ  fut  le  premier  pauvre  de  l’ère  chré¬ 
tienne,  qui  commençait  à  sa  naissance.  Né  dans 
une  étable,  il  n’eut  pas  dans  le  cours  de  sa  vie 
«  un  lieu  où  il  pût  librement  reposer  sa  tête  (1)  ». 
Mais  il  fut  le  premier  aussi  à  prendre  soin  des 
pauvres,  à  s’occuper  d’eux  :  il  les  évangélisait  et 
les  nourrissait.  Jusques  à  lui  les  pauvres  avaient 
été  tellement  méprisés  ou  du  moins  négligés, 
c’était  chose  si  extraordinaire  de  faire  attention  à 
eux,  de  s’en  occuper,  qu’il  put  donner  sa  conduite 
à  leur  égard  comme  une  preuve  de  sa  divinité. 
«  Allez,  disait-il  aux  envoyés  de  son  précurseur, 
»  allez  dire  à  Jean  :  Les  aveugles  voient,  les  boiteux 
»  marchent,  les  lépreux  sont  guéris,  les  sourds 
entendent,  les  morts  ressuscitent,  les  paumes  sont 
»  évangélisés  (1).  » 


(1)  S.  Matthieu,  ch.  8,  V.  20. 


INTRODUCTION. 


Pour  relever  le  pauvre  de  l’état  d’abjection  où 
l’avait  laissé  le  paganisme,  ennoblir  sa  pauvreté, 
la  rendre  honorable  aux  yeux  du  riche,  Jésus- 
Christ  se  met  dans  la  personne  du  pauvre  et  déclare 
devoir  tenir  comme  donnés  à  lui-même  les  soins 
qui  sont  donnés  aux  pauvres.  Il  fait  entendre  aux 
riches,  en  faveur  des  pauvres,  cette  parole  qu’au 
dernier  jour  il  dira  aux  bénis  de  son  Père  :  «  J’ai 
»  eu  faim,  et  vous  m’avez  donné  à  manger  ;  j’ai  eu 
»  soif,  et  vous  m’avez  donné  à  boire  ;  j’ai  eu  besoin 
»  de  logement,  et  vous  m’avez  logé  ;  j’ai  été  nu,  et 
»  vous  m’avez  revêtu;  j’ai  été  malade,  et  vous 
»  m’avez  visité;  j’étais  en  prison,  et  vous  êtes 
»  venus  me  voir  (2).  » 

Nous  voyons  que  les  Apôtres,  imitant  leur  divin 
Maître,  n’oublièrent  pas  les  pauvres  ;  ils  élurent  et 
consacrèrent  sept  diacres  pour  être  les  ministres  ou 
les  distributeurs  des  aumônes  (3). 

Les  pauvres  ainsi  ennoblis,  devenus  par  droit 
de  première  affection,  de  première  sollicitude,  sa 
propriété,  Jésus-Christ  les  a  donnés  à  son  Eglise, 
qui  les  a  reçus  avec  amour  et  reconnaissance,  et 
en  a  toujours  fait  son  bien,  son  trésor,  ses  joyaux, 
les  diamants  de  sa  couronne.  L’empereur  Valérien 

(1)  S.Matth.,  ch.  2,  V.  5. 

(2)  S.  Matth.,  ch.  25,  V.  35. 

(3)  Act.  des  Ap.  ch.  6,  V.  5. 


INTRODUCTION. 


ayant  ordonné  au  diacre  Laurent  de  lui  livrer  les 
trésors  de  l’Eglise,  Laurent  lui  demanda  trois  jours 
pour  les  ramasser.  Ce  délai  lui  étant  accordé,  il 
assembla  tout  ce  qu’il  put  trouver  d'aveugles,  de 
boiteux,  d’infirmes  et  d’autres  pauvres,  et,  au  troi¬ 
sième  jour,  il  alla  avec  cette  suite  au  palais  de 
l’empereur  et  lui  dit  :  «  Auguste  prince,  voilà  les 
trésors  de  l’Eglise  que  je  vous  ai  amenés  :  trésors 
éternels  qui  augmentent  toujours,  sans  jamais 
diminuer,  qui  se  répandent  partout  et  que  chacun 
peut  posséder.  » 

Quoique  l’Eglise  eût  toujours  déployé  une  solli¬ 
citude  spéciale  pour  les  pauvres,  les  établissements 
hospitaliers  où  l’on  retirait  les  indigents,  les  mala¬ 
des,  les  infirmes,  ne  commencèrent  à  bien  se  déve¬ 
lopper  qu’après  le  règne  de  Constantin,  c’est-à- 
dire  quand  le  triomphe  du  Christianisme  fut  défi¬ 
nitivement  assuré. 

Dans  le  principe,  ces  établissements,  qu’on  les 
nomme  Maisons  hospitalières,  hôpitaux  ou  hospi¬ 
ces,  étaient  simplement  destinés  à  recevoir  les 
pèlerins  ou  les  étrangers  qui  voyageaient  par  un 
motif  de  piété.  On  ne  tarda  pas  à  y  admettre  les 
pauvres  et  les  malades.  La  première  Maison  hospi¬ 
talière  de  ce  genre  fut  fondée,  vers  la  fin  du 
me  siècle,  à  Jérusalem ,  par  d’illustres  dames 


INTRODUCTION. 


romaines  qui  s’étaient  retirées  dans  cette  ville  pour 
y  pratiquer  les  vertus  chrétiennes  sous  la  direc¬ 
tion  de  saint  Jérôme. 

Ce  pieux  exemple  fut  imité  dans  beaucoup 
d’antres  villes  de  l’Orient;  les  hôpitaux  pour  les 
pèlerins  et  les  malades  y  étaient  déjà  nombreux  à 
la  fin  du  ive  siècle. 

En  Occident,  lorsque  l’invasion  des  barbares  vint 
bouleverser  l'empire  romain,  une  foule  d’églises  et 
de  monastères  ouvrirent  des  asiles  aux  malades  et 
aux  infirmes.  Les  rois  et  les  grands  personnages 
suivirent  l’exemple  que  leur  donnait  le  clergé. 
Parmi  les  établissements  qui  remontent  à  cette 
époque,  c’est-à-dire  aux  ve,  vie  et  vu®  siècles,  on  cite 
les  hôpitaux  de  Lyon,  de  Reims,  d’Autun  et  de 
Paris.  A  cette  nomenclature  que  nous  donne 
Dupiney  de  Yorepierre,  auquel  nous  faisons  plu¬ 
sieurs  emprunts,  nous  ajouterons  l’hôpital  de  Ter- 
rasson,  fondé  vers  le  milieu  du  vie  siècle  par  le  roi 
Gontran,  en  reconnaissance  d’un  bienfait  reçu  de 
l’ermite  saint  Sour. 

Les  maisons  hospitalières  se  multiplièrent  consi¬ 
dérablement  en  France  pendant  les  Croisades,  car, 
outre  la  charité  qui  parlait  alors  aux  cœurs  avec 
une  éloquence  irrésistible,  une  maladie  cruelle,  la 
lèpre,  apportée  d’Orient  par  les  Croisés,  provoqua 


INTBODUGTION. 


5 


la  fondation  d’une  multitude  d’hôpitaux  pour  les 
malheureux  atteints  de  cette  affection. 

En  même  temps  que  les  asiles,  destinés  au  trai¬ 
tement  des  différentes  sortes  de  maladies  et  d’in¬ 
firmités  humaines,  se  multipliaient,  il  se  formait 
de  toutes  parts  des  congrégations  d’hommes  et  de 
femmes,  qui  se  vouaient  aux  besoins  des  malades. 
C’était  l’Eglise  qui  couvrait  le  sol  de  la  France 
d’hospices  et  d’institutions  charitables,  et  c’était 
l’Eglise  seule  qui  les  administrait  au  temporel 
comme  au  spirituel.  Le  pouvoir  civil  ne  songeait 
pas  alors  à  exclure  l’Eglise  de  ces  établissements, 
où  elle  se  dévouait  pour  l’humanité  souffrante  et 
malheureuse  ;  il  avait  trop  à  cœur  léserais  intérêts 
des  pauvres  pour  vouloir  les  arracher  aux  soins 
maternels  de  l’Eglise. 

Mais  l’Eglise  n’est  pas  égoïste  ;  elle  s’est  toujours 
montrée  l’ennemie  du  monopole. — Au  commence¬ 
ment  du  xive  siècle,  elle  voulut  bien  faire  partager 
à  des  laïques  et  les  charges  et  les  mérites  de  l’ad¬ 
ministration  du  temporel  des  maisons  hospitalières. 
Au  concile  de  Vienne,  en  1311,  elle  décréta  que 
l’administration  du  temporel  des  hospices  serait 
confiée  «  à  des  laïques  sages,  intelligents,  sensibles 
»  aux  misères  des  pauvres  et  capables  de  se  com- 
»  porter  en  vrais  tuteurs  de  leurs  biens,  à  la 


INTRODUCTION. 


»  charge  par  eux  de  rendre  compte  de  leur  admi- 
»  nisjtration  aux  évêques.  » 

Si,  plus  tard,  le  pouvoir  civil  revendique  et 
obtient  pour  ses  représentants  le  droit  de  direction 
des  hôpitaux,  il  conserve  cependant  au  représen¬ 
tant  de  l’Eglise,  au  curé  du  lieu  où  se  trouve 
l’établissement,  une  place  distinguée  dans  la 
composition  du  bureau  d’administration  (1). 

Il  en  fut  ainsi  jusqu’en  1790.  Mais,  à  cette 
époque,  la  nomination  des  administrateurs  des 
hôpitaux  fut  dévolue  aux  municipalités,  et  non- 
seulement  le  représentant  de  l’Eglise  n’y  trouva 
plus  sa  place,  mais,  quatre  ans  plus  tard,  les  Sœurs 
de  Charité  furent  chassées  de  ces  établissements, 
parce  quelles  ne  voulurent  pas  prêter  un  serment 
que  leur  conscience  repoussait.  Les  conséquences 
en  furent  désastreuses  pour  les  pauvres  ;  les  sources 
de  la  charité  se  trouvèrent  taries,  et  des  rapports 
officiels,  cités  au  Sénat  par  M.  de  Chesnelong,  nous 
disent  que  les  pauvres  mouraient  de  faim  dans 
les  hôpitaux. 

La  loi  du  5  août  1879  nous  ramène  à  cette 
époque.  Elle  a  été  dictée  par  le  même  esprit,  avec 
un  surcroît  de  haine  anti  religieuse.  L’Eglise  n’a 
plus  son  représentant  dans  les  commissions  admi- 


(l)  Voir  la  Déclaration  de  1698. 


INTRODUCTION. 


nistratives,  et  bientôt,  nous  devons  nous  y  attendre, 
un  post-scriptum,  ajouté  à  cette  loi,  viendra 
bannir  des  hospices  et  des  hôpitaux,  non-seulement 
les  Sœurs  de  Charité,  tant  aimées  des  pauvres, 
mais  tout  élément  chrétien,  toute  idée  de  religion. 
Peut-on  espérer  que  les  conseils  municipaux  et  les 
préfets  se  préoccuperont  de  choisir  de  préférence, 
comme  cela  devrait  être,  «  des  hommes  sages, 
»  intelligents,  sensibles  aux  misères  des  pauvres 
»  et  capables  de  se  comporter  en  vrais  tuteurs  de 
»  leurs  biens,  »  tels  que  le  concile  de  Vienne  les 
voulait  ?  Non  ;  il  faudra  avant  tout  être  républi¬ 
cain,  ce  qui  équivaut  à  ne  pas  vouloir  de  Dieu  ; 
car  le  but  de  nos  législateurs  est  de  chasser  Dieu 
de  l’asile  des  pauvres,  comme  on  veut  le  chasser  de 
l’enseignement.  —  L’hôpital  est,  à  sa  manière,  une 
école  où  le  malheureux  peut  apprendre  la  rési¬ 
gnation  qui  allège  les  souffrances,  et  acquérir 
l’espérance  d’une  vie  meilleure  qui  les  couronne. 
On  ne  veut  pas  que  le  pauvre  reçoive  cet  ensei¬ 
gnement. 

Un  mot  maintenant  sur  les  Bureaux  de  bien¬ 
faisance. 

Ils  ne  sont  pas,  comme  les  hôpitaux  et  les 
hospices,  un  asile  pour  les  pauvres,  les  malades  et 
les  infirmes  ;  ils  sont  des  administrations  purement 


INTRODUCTION. 


locales,  chargés  de  concentrer  les  aumônes  de  la 
charité  privée,  pour  les  distribuer  à  domicile  aux 
indigents,  soit  en  argent,  soit  en  denrées  alimen¬ 
taires  et  en  vêtements,  soit  en  médicaments,  etc. 

Les  Bureaux  de  bienfaisance,  comme  les  hôpi¬ 
taux  et  les  hospices,  sont  d’origine  purement 
chrétienne  ;  mais,  plus  anciens  que  les  hôpitaux  et 
les  hospices,  qui  ne  datent  que  du  me  siècle,  ils 
remontent  aux  premiers  jours  du  Christianisme. 
Nous  trouvons  le  premier  Bureau  de  bienfaisance 
dans  le  collège  des  sept  diacres,  élus  et  consacrés 
par  les  Apôtres  pour  prendre  soin  des  pauvres  et 
leur  distribuer  les  aumônes. 

Avant  comme  après  la  fondation  des  hôpitaux  et 
des  hospices,  il  y  eut  dans  chaque  maison  épisco¬ 
pale,  dans  chaque  église,  dans  chaque  monastère, 
des  distributions  régulières  d’aumônes  de  toute 
nature.  C’était  là  encore  le  Bureau  de  bienfaisance, 
mais,  comme  on  le  voit,  purement  ecclésiastique. 
Son  organisation  civile  ne  remonte  qu’à  1642. 
A  cette  date,  un  édit  royal  institua  les  Bureaux  des 
pauvres.  Mais  on  y  admit  l’élément  religieux.  On 
comprenait  que  la  majeure  partie  des  biens  de  ces 
établissements  provenant  de  l’Eglise  ou  de  la  charité 
des  catholiques,  on  ne  pouvait  éloigner  l’Eglise  de 
leur  administration,  ni  priver  le  pauvre  de  son  ta- 


INTRODUCTION. 


teur  naturel,  qui  est  le  curé  dans  chaque  paroisse. 

Il  fallait  arriver  à  notre  époque  pour  voir  les 
pauvres,  trésor  de  l’Eglise,  arrachés  à  son  amour 
et  soustraits  à  la  Sœur  de  Charité,  pour  être  livrés 
à  des  laïques  dont  le  premier  titre  à  l’honneur  de 
soigner  les  pauvres  sera  d’être  républicain.  Heu¬ 
reux  encore  le  pauvre  si,  pour  lui  donner  droit 
aux  secours  du  bureau  de  bienfaisance,  on  n’exige 
pas  de  lui  la  profession  de  foi  républicaine  et  le 
chant  de  la  Marseillaise  !  —  On  en  viendra  là.  Je 
pourrais  citer  une  localité  où  l’on  a  exigé  d’une 
pauvre  veuve,  pour  lui  continuer  une  faible  ration 
de  pain,  qu’elle  retirât  son  enfant  de  l’école  con¬ 
gréganiste  pour  l’envoyer  à  l’école  laïque. 

En  1847,  M.  le  baron  de  Watteville,  inspecteur 
général  des  établissements  de  bienfaisance,  fit 
un  admirable  rapport  à  M.  le  Ministre  de  l’in¬ 
térieur  sur  le  Paupérisme  et  l’Administration  des 
secours  à  domicile,  en  d’autres  termes  sur  les 
Bureaux  de  bienfaisance.  —  Nous  lui  empruntons 
les  lignes  suivantes  sur  la  nécessité  de  confier  aux 
Sœurs  de  Charité  le  soin  de  distribuer  les  secours  à 
domicile  :  «  Elles  seules,  dit-il,  remplissent  réelle- 
»  ment  le  devoir  de  visiter  les  pauvres.  Les  laïques 
»  ne  peuvent  accomplir  ce  devoir  en  tout  temps  et 
»  en  toutes  circonstances.  Leur  présence,  d’ailleurs, 


10 


INTRODUCTION. 


»  n’apporte  pas  au  même  degré,  chez  l’indigent, 
»  ces  consolations  morales  qui  accompagnent 
»  toujours  la  religieuse.  Les  seuls  Bureaux  de 
»  bienfaisance  dont  les  secours  soient  vraiment 
»  efficaces  sont  ceux  où  ces  dignes  femmes  les 
»  distribuent  elles-mêmes.  Dans  l’intérêt  du  pau- 
»  vre,  dans  celui  d’une  bonne  administration,  il 
»  faudrait  en  instituer  partout  où  le  montant  des 
»  ressources  permet  de  subvenir  à  leurs  dépenses.» 

Que  diront  de  cela  nos  modernes  législateurs? 
Ils  trouveront  sans  doute  le  baron  de  Watteville 
trop  clérical.  —  Il  n’en  est  pas  moins  dans  le  vrai. 

Disons,  en  terminant  cette  introduction,  que  la 
cause  des  pauvres  et  de  l’Eglise  fut  vaillamment 
défendue  par  nos  orateurs  catholiques  à  la  Cham¬ 
bre  des  députés  et  au  Sénat.  Mais  que  peuvent 
l’éloquence  et  la  raison  devant  des  juges  décidés  h 
condamner  quand  même  ? 

L’Eglise  subira  la  loi,  sans  toutefois  renoncer  à 
ses  droits  méconnus.  Il  est  de  son  devoir  de  les 
revendiquer  devant  un  tribunal  dont  les  décisions 
sont  encore  respectées,  devant  l’opinion  publique. 
Le  travail  que  nous  allons  publier  sur  les  Origines 
chrétiennes  de  nos  établissements  de  bienfaisance 
sera  la  digne  protestation  de  l’Evêque,  du  clergé 
et  des  catholiques  du  Périgord. 


LES 


ORIGINES  CHRÉTIENNES 

HOPITAUX,  HOSPICES  ET  BUREAUX  DE  BIENFAISANCE 

DU  PÉRIGORD 


I 

Aperçu  sur  l’Institut  de  Sainte-Marthe 
du  Périgord. 

PREMIÈRE  période  :  1643-1800. 

L’Institut  de  Sainte-Marthe  ayant  la  direction  de  la 
plupart  des  établissements  de  bienfaisance  dont  nous 
aurons  à  parler  dans  ce  travail,  il  convient,  avant  tout,  de 
donner  un  Aperçu,  aussi  succinct  que  possible,  sur  ses 
origines  et  ses  développements.  Il  aura  son  utilité.  Dès  lors 
que  nous  aurons  bien  fait  connaître  la  bonté  de  l’arbre 
religieux,  heureusement  planté  au  sein  de  notre  diocèse, 
notre  lecteur  n’aura  pas  à  s’étonner,  à  mesure  que  nous 
lui  en  montrerons  les  fruits,  de  les  trouver  si  bons,  si  con¬ 
formes  au  goût  de  notre  Mère  la  sainte  Eglise. 

'A  une  époque  qu’on  ne  peut  bien  préciser,  mais  peu 


12 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


d’années  avant  1643,  les  autorités  de  la  ville  de  Périgneux 
avaient  affecté  exclusivement  aux  malades  indigents  un 
local  peu  spacieux  situé  près  du  moulin  de  Saint-Front, 
et  lui  avaient  donné  le  nom  symbolique  d 'Hôtel-Dieu. 
La  ville  possédait  déjà  le  Grand-Hôpital  pour  les  malades 
de  toutes  conditions. 

Quelques  charitables  jeunes  filles  s’étaient  vouées  spon¬ 
tanément  à  soigner  les  malades  de  l’Hôtel- Dieu.  Bientôt 
vinrent  se  joindre  â  ces  dévouées  servantes  des  pauvres 
deux  demoiselles,  deux  sœurs,  de  la  ville  d’Angoulême, 
Antoinette  et  Jeanne  Juilbard.  Depuis  longtemps  elles  dé¬ 
siraient  quitter  le  monde  pour  consacrer  leur  vie  au  soin 
des  pauvres  et  des  malades.  Pour  en  faire  l’essai,  l’Hôtel- 
Dieu  de  Périgueux,  où  l’on  ne  contractait  aucun  engage¬ 
ment,  leur  convenait.  Elles  ne  tardèrent  pas  à  acquérir 
sur  leurs  compagnes  l’ascendant  que  donnent  toujours 
les  hautes  vertus  et  devinrent,  sinon  les  supérieures,  du 
moins  les  premières  entre  celles  qu'elles  considéraient 
comme  leurs  égales.  Bientôt  elles  contractèrent  en  leur 
nom  avec  les  autorités  de  la  ville  des  engagements  qui 
les  attachaient  à  la  direction  de  l’Hôtel-Dieu,  et  en  môme 
temps  Mgr  l’évêque  de  Périgueux  les  autorisait  à  vivre  en 
communauté  avec  leurs  compagnes,  et  à  poser  ainsi  les 
fondements  d’une  congrégation  locale,  sous  le  vocable 
de  :  Sœurs  de  Sainte-Marthe-du-Pèrigord.  C’était  une 
heureuse  inspiration  de  prendre  pour  patronne  et  pour 
modèle  la  glorieuse  Hôtesse  du  Christ,  dont  elles  voulaient 
continuer  l’office  auprès  du  Sauveur  dans  la  personne 
des  pauvres. 

Ceci  avait  lieu  en  l’année  1643.  Malgré  l’approbation 
épiscopale,  la  règle  proprement  dite  ne  fut  donnée  et 
approuvée  que  sept  ans  plus  tard  par  M6r  Philibert  de 
Brandon,  évêque  de  Périgueux. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  13 
Dans  son  approbation,  l’auguste  Prélat  relevait  la 
grandeur  et  la  sublimité  des  œuvres  de  la  nouvelle 
Congrégation,  les  sœurs  y  faisant  vœu  de  servir  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  dans  ses  membres  souffrants.  Cette 
règle  fut  confirmée  par  les  évêques  ses  successeurs  sur  le 
siège  de  Périgueux.  -, 

Le  but  de  la  nouvelle  Congrégation,  après  la  plus 
grande  gloire  de  Dieu,  était  de  s’employer  au  soin  des 
malades  indigents,  en  leur  rendant  tous  les  services  exigés 
par  leur  état.  Toutefois  il  était  enjoint  par  la  règle  aux 
Sœurs  de  soigner  plus  spécialement  l’âme  que  le  corps 
des  pauvres,  auxquels  elles  se  dévouaient. 

Quelques  années  après  la  fondation,  on  joignit  d’autres 
œuvres  à  celles  qu’on  avait  eues  en  vue  dans  le  principe. 
Nous  aurons  lieu  d’en  parler. 

Les  Sœurs  s’engageaient  par  des  vœux  simples,  mais 
perpétuels,  de  chasteté  et  de  stabilité,  au  service  des 
pauvres  malades.  Quoiqu’elles  ne  fissent  pas  les  vœux  de 
pauvreté  et  d’obéissance,  elles  étaient  néanmoins  obligées 
de  les  observer  dans  la  pratique  :  la  vie  commune  était 
en  usage,  et  un  article  de  la  règle  disait  que  les  Sœurs  ne 
devaient  posséder  rien  comme  propre  et  avec  attache. 

Quand  à  l’obéissance,  la  règle  disait  formellement  :  que 
les  Sœurs  ne  pouvaient  sortir  ni  faire  faire  le  moindre 
message  sans  en  avoir  obtenu  la  permission  de  la  supé¬ 
rieure.  Il  était  dit  de  plus  qu’elles  devaient  accepter  les 
emplois  sans  réplique ,  à  moins  que  leur  conscience  n'y 
fût  engagée.  Dans  ce  cas,  elles  pouvaient  faire  leurs  obser¬ 
vations,  mais  elles  devaient  être,  néanmoins,  disposées  à 
obéir  si  la  supérieure  ne  trouvait  pas  à,  propos  de  changer 
de  détermination. 

La  Congrégation  reconnaissait  M^l’évêque  de  Périgueux 


14 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


pour  premier  supérieur  et  devait  recourir  à  lui  dans  les 
affaires  extraordinaires. 

Cette  première  règle,  dont  nous  ne  pouvons  rapporter 
ici  tous  les  détails.,  fut  toujours  conservée  sans  aucune 
modification^'usqu’en  1852,  époque  de  la  réunion  de 
toutes  les  communautés  du  diocèse  en  une  seule  Congré¬ 
gation. 

Dès  le  principe,  l’aînée  des  sœurs  Juilhard,  Antoinette, 
fut  reconnue  pour  fondatrice  et  première  supérieure.  Les 
archives  ne  font  mention  d’aucun  acte  d’agrégation  avant 
l’approbation  donnée  par  Mer  de  Brandon.  Mais, dès  que  cette 
approbation  fut  connue,  de  jeunes  personnes,  distinguées 
par  leur  naissance  et  leur  piété,  aspirèrent  à  l’honneur  de 
se  ranger  sous  la  bannière  de  Sainte-Marthe,  et  à  devenir, 
sous  ses  auspices,  d’humbles  servantes  des  pauvres.  La 
première  fut  la  sœur  Marthe  Dubois.  Son  acte  d’agrégation 
est  de  l’année  1653. 

La  fondatrice,  Antoinette  Juilhard,  gouverna  la  Congré¬ 
gation  jusqu’en  1679.  Son  grand  âge  ne  lui  permettant 
plus  alors  de  remplir  cette  charge,  elle  s’en  démit  et  vécut 
encore  plusieurs  années.  Sa  vie  ne  fut  qu’une  suite  de 
bonnes  œuvres  ;  elle  donna  l’exemple  de  toutes  les  vertus, 
mais  une  parfaite  abnégation  fut  sa  vertu  privilé¬ 
giée.  On  ne  sait  pas  si  la  maladie  qui  l’enleva  à  l’affec¬ 
tion  de  sa  communauté  fut  longue.  Ayant  reçu  tous  les 
sacrements  et  la  visite  de  Mer  de  Francheville,  évêque  de 
Périgueux,  elle  rendit  sa  belle  âme  à  son  Créateur,  le 
2  août  1685. 

Les  religieuses  de  l’Hôtel-Dieu  voulaient  garder  auprès 
d’elles  les  restes  vénérés  de  leur  fondatrice,  mais  le  révé¬ 
rend  Père  recteur  des  Jésuites,  qui  désirait  aussi  avoir 
cette  précieuse  relique,  obtint  de  faire  les  obsèques  et  la 
sépulture  de  la  vénérée  Mère  dans  la  chapelle  du 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  15 

collège,  qui  était  sous  la  direction  des  Pères  de  sa 
compagnie. 

A  la  Mère  Antoinette  Juilhard  avait  succédé,  en  1679, 
sœur  Anne  de  Mèredieu,  qui  fut  la  première  supérieure 
élue  par  les  suffrages  des  religieuses,  suivant  le  mode 
prescrit  par  la  règle. 

Les  archives  de  la  Congrégation  nous  ont  conservé  sur 
cette  seconde  supérieure  des  détails  pleins  d’intérêt.  En 
les  mettant  sous  les  yeux  de  la  famille  actuelle  de  Sainte- 
Marthe,  nous  lui  dirons  :  Interrogez  vos  anciennes ,  les 
premières  religieuses  de  votre  institut,  elles  vous  instrui¬ 
ront  par  de  beaux  exemples. 

Sœur  Anne  de  Mèredieu  appartenait  à  une  famille 
distinguée,  et,  de  bonne  heure,  elle  avait  trouvé  en  son 
cœur  l’attrait  de  la  vie  religieuse  ;  c’était  l’appel  de  Dieu. 
Son  amour  pour  les  pauvres  lui  avait  fait  choisir  la  Congré¬ 
gation  de  Sainte-Marthe,  mais  elle  avait  rencontré  dans 
l’affection  de  ses  parents  un  obstacle  à  l’accomplisement 
de  ses  désirs.  Ce  ne  fut  qu'après  des  demandes  réitérées 
qu’elle  obtint  de  commencer  ses  épreuves  dans  l’Hôtel- 
Dieu  de  Périgueux,  et  qu’après  un  long  noviciat  qu’elle 
reçut  le  consentement  pour  l’émission  de  ses  vœux. 

Elle  avait  été  une  novice  fervente,  elle  fut  une  religieuse 
exemplaire  :  sa  charité  était  vive,  ingénieuse  ;  les  malades 
les  plus  dégoûtants  et  ceux  dont  le  caractère  et  l’humeur 
étaient  les  plus  difficiles  avaient  ses  préférences.  Les 
offenses  et  les  injures  devenaient  des  titres  pour  avoir 
des  droits  à  son  affection  particulière. 

Malgré  le  soin  qu’elle  mettait  à  cacher  sa  vertu,  non- 
seulement  sœur  Anne  de  Mèredieu  était  regardée  comme 
une  sainte  dans  la  communauté  et  l’hospice,  mais  elle 
était  en  vénération  dans  la  ville  de  Périgueux.  Cette 


16  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

vénération  se  manifesta  d’une  manière  éclatante  à  sa 
mort,  arrivée  en  1698. 

-  On  avait  exposé,  selon  l’usage,  le  corps  de  la  défunte 
dans  la  chapelle  de  la  communauté.  Les  habitants  de 
la  ville,  de  mus  les  rangs,  s’y  portèrent  en  foule.  Pour 
conserver  quelque  chose  qui  eût  appartenu  à  la  vénérée 
Mère,  on  enleva  la  couronne  de  fleurs  qui  reposait  sur  sa 
tête,  ainsi  qu’une  partie  de  ses  vêtements,  pour  s’en  par¬ 
tager  les  lambeaux.  La  communauté  dut  placer  des  hommes 
de  garde  près  du  cercueil  ;  mais,  cette  précaution  devenant 
encore  insuffisante,  on  se  vit  contraint  d'enlever  ce  pré¬ 
cieux  dépôt.  Les  obsèques  furent  faites  dans  la  chapelle 
de  l’Hôtel-Dieu,  et  le  corps  fut  déposé  dans  un  caveau 
qu’on  y  avait  préparé. 

Cependant  la  Congrégation  prospérait  toujours,  et  l’on 
comptait  un  nombre  plus  que  suffisant  de  religieuses  pour 
l’hospice  où  elle  avait  pris  naissance.  Leur  surabondance 
et  la  bonne  administration  des  sœurs  dans  l’établissement 
de  l’Hôtel-Dieu  inspirèrent  aux  autorités  de  la  ville  la 
pensée  de  leur  confier  la  direction  de  l’Hôpital-Général, 
appelé  la  Manufacture ,  situé  sur  l’emplacement  de 
l’hôpital  actuel.  Il  était  desservi  par  une  ancienne  reli¬ 
gieuse  de  la  Charité,  aidée  de  quelques  séculières  à  titre 
de  servantes. 

Ce  fut  en  l'année  1701,  onze  ans  après  la  mort  d’Anne 
de  Mèredieu,  que  les  sœurs  de  Sainte-Marthe  s’établirent 
à  l’Hôpital-Général  ;  mais  elles  reconnaissaient  pour 
maison-mère  l’Hôtel-Dieu  et  dépendaient  en  tout  de  la 
supérieure  de  cette  maison. 

La  Congrégation  prenait  du  développement  et  embrassait 
de  nouvelles  œuvres,  ce  qu’elle  a  toujours  fait,  à  mesure 
qu’elle  a  pris  plus  d’extension.  Dix  ans  plus  tard,  en  1711, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  17 

elle  put  fonder  l’iiôpital  de  Mussidan,  sur  la  demande  des 
antorités  de  cette  ville.  Nous  aurons  lieu  d’en  parler. 

Etablies,  comme  nous  venons  de  le  dire,  dans  l’Hô- 
pital-Général,  les  religieuses  de  Sainte-Marthe  le  diri¬ 
gèrent  et  desservirent  pendant  de  longues  années,  à  la 
grande  satisfaction  des  pauvres  et  de  l’administration 
civile.  Mais,  en  1779,  les  administrateurs  leur  ayant 
suscité  des  difficultés,  et  les  Sœurs  ne  pouvant  plus 
accomplir  le  bien  qu’elles  désiraient  faire,  il  fut  arrêté 
qu’elles  abandonneraient  l’Hôpital  -  Général.  Avant  de 
prendre  cette  détermination,  la  supérieure  avait  demandé 
l’avis  du  premier  supérieur,  Mgr  de  Grossolles  de  Flam- 
marens,  évêque  de  Périgueux,  et  en  avait  reçu  la  lettre 
suivante  : 

«  Madame,  je  vois  avec  peine,  par  les  deux  dernières 
»  lettres  que  vous  m’avez  écrites,  toutes  les  tracasseries 
»  qu’on  vous  suscite.  J’ai  reçu  en  même  temps  l’arrêté 
»  pris  par  MM.  les  administrateurs  de  l’Hôpital-Général 
»  de  Périgueux.  C’est  à  vous,  Madame,  à  assembler  votre 
»  communauté,  à  recueillir  les  suffrages,  et  à  vous  décider 
»  ensuite  à  prendre  le  parti  le  plus  sage  et  le  plus  sûr  ; 
»  soyez  assurée  d’avance  que  j’approuverai  toujours  tout 
»  ce  que  vous  ferez  d’accord  avec  votre  communauté. 

«Vous  me  trouverez  toujours  disposé  à  donner  à 
»  toutes  vos  sœurs,  et  à  vous  en  particulier,  des  marques 
»  de  mon  attachement  et  à  rendre  publiquement  témoi- 
»  gnage  de  tous  les  services  que  vous  rendez  à  l’Hôpital- 
»  Général. 

»  C’est  avec  ces  sentiments  que  j’ai  l’honneur  d’être,  etc.» 

La  résolution  prise  ne  fut  pas  exécutée,  on  ne  sait  pour¬ 
quoi  ;  nous  trouvons  les  sœurs  de  Sainte-Marthe  dans 
l’Hôpital-Général  encore  en  1794. 

A  la  révolution  de  1789,  la  Congrégation  eut  à  subir  les 

2 


18 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


conséquences  de  cette  époque  de  terreur  et  de  crimes. 
Elle  avait  espéré  pendant  quelque  temps  que  la  loi  de 
proscription  ne  l’atteindrait  pas,  mais  elle  ne  tarda  pas  à 
être  cruellement  désabusée. 

On  commença  par  supprimer  l’établissement  de  l’Hôtel- 
Dieu  et  l’on  transporta  les  malades  à  l’Hôpital-Général. 
Les  sœurs  des  deux  maisons  se  réunirent  alors  et  se 
fixèrent  dans  cet  hôpital.  Elles  avaient  pu  espérer  d’y  jouir 
de  quelque  sécurité,  mais  le  calme  ne  fut  pas  long.  Vint 
le  moment  où  l’on  exigeait  des  prêtres  le  serment  à  la 
Constitution.  On  voulut  exiger  des  sœurs  le  même  ser¬ 
ment,  elles  refusèrent.  Plusieurs  furent  mises  en  réclu¬ 
sion,  on  chercha  à  intimider  les  autres,  mais  toutes  furent 
fermes  et  constantes  dans  leur  refus,  mettant  leur  repos 
et  leur  vie  entre  les  mains  de  Dieu. 

Une  autre  épreuve  bien  pénible  leur  était  réservée  :  leur 
aumônier,-  prêtre  vertueux  et  fidèle  à  l’honneur  de  son 
sacerdoce,  fut  obligé  de  fuir  ou  de  se  cacher.  On  lui  subs¬ 
titua  un  prêtre  assermenté  ;  mais  les  sœurs  refusèrent 
constamment  d’être  en  communion  avec  lui  et  d’assister 
à  sa  messe. 

Elles  avaient  obtenu  de  garder  le  Saint-Sacrement  en 
cachette,  et  même,  au  besoin,  de  le  transporter  d’un  lieu 
à  un  autre  pour  le  soustraire  à  la  profanation.  Elles 
eurent  le  bonheur  de  garder  longtemps  ce  précieux  dépôt, 
enfermé  dans  une  petite  case  pratiquée  sur -la  tribune  de 
leur  chapelle.  Le  Dieu  fait  pauvre  ne  devait  pas  abandon¬ 
ner  la  maison  de  ses  pauvres. 

On  peut  juger  de  tout  ce  que  les  sœurs  eurent  à  souffrir, 
soit  pour  se  procurer  le  bonheur  de  recevoir  elles-mêmes 
les  sacrements  de  Pénitence  et  d’Eucharistie,  soit  pour  les 
faire  administrer  à  leurs  malades.  Mais,  malgré  tout  ce 
qu'elles  eurent  à  supporter  de  peines  et  d’ennuis,  de  pri- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  19 

vations  spirituelles  et  corporelles,  elles  se  maintinrent  à 
l'Hôpital-Général  jusqu'en  1794. 

A  cette  époque,  nos  sœurs  de  Sainte-Marthe,  comme 
toutes  celles  qui  ne  voulurent  point  se  soumettre  à  des 
exigences  que  leur  conscience  repoussait,  furent  obligées 
de  quitter  leurs  établissements  et  de  se  retirer  dans  leurs 
familles. 

La  Congrégation  se  composait  alors,  tant  à  Mussidan 
qu’à  Périgueux,  de  trente  religieuses  ;  Congrégation  peu 
nombreuse  encore,  mais  toute  remplie  de  l'esprit  de  Dieu. 

Avant  de  clore  cette  première  période  de  l’existence  de 
notre  Congrégation,  nous  ferons  remarquer  l’influence  de 
la  bonne  odeur  de  ses  vertus.  Plusieurs  maisons  hospita¬ 
lières,  entre  autres  celles  de  Brantôme,  de  Ribérac  et  de 
Bergerac,  se  fermèrent  à  l’instar  de  Sainte-Marthe  de 
Périgueux,  dont  elles  prirent  le  nom  et  la  règle,  en  con¬ 
servant  toutefois  leur  indépendance,  vivant  de  leur  propre 
vie,  ayant  chacune  son  noviciat  pour  s’alimenter  et  se 
perpétuer.  Nous  aurons  à  raconter  leurs  origines. 

La  Congrégation  de  Sainte-Marthe  d’Angoulême  fut 
aussi  une  fille  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  et  se 
forma  sur  le  modèle  de  sa  mère.  Les  deux  premières  reli¬ 
gieuses  de  cette  Congrégation  firent  leur  noviciat  à  l’Hôtel- 
Dieu  de  Périgueux ,  attirées  sans  doute  par  la  bonne 
renommée  des  deux  sœurs  Antoinette  et  Jeanne  Juilhard, 
originaires,  comme  elles,  d’Angoulême.  Mais  Sainte- 
Marthe  d’Angoulême  ne  fut  jamais  unie  que  par  les  liens 
de  la  charité  à  Sainte-Marthe  de  Périgueux  ;  elle  conserva 
toujours  son  indépendance. 

seconde  période  :  1800-1852. 

Dès  que  les  circonstances  le  permirent,  en  1800,  celles 
des  religieuses  de  Sainte-Marthe  qui  avaient  survécu  à 


20 


LES  ORIGINES  CHBÉTIENNES 


l’orage  révolutionnaire  et  qui  ne  furent  pas  retenues  par 
des  infirmités,  au  nombre  de  six  seulement,  s’empressè¬ 
rent  de  reprendre  leur  poste  auprès  de  leurs  chers  mala¬ 
des.  Elles  y  furent  même  invitées  par  les  autorités  de 
Périgueux,  qui,  à  la  manière  dure  et  peu  charitable  dont 
les  pauvres  étaient  traités  par  les  infirmiers  mercenaires, 
avaient  pu  se  convaincre  on  commence  à  l’oublier 
aujourd'hui  —  que  la  religion  seule  peut  enfanter  des 
âmes  dévouées,  prêtes  à  s’immoler  à  chaque  instant  pour 
le  salut  et  le  soulagement  de  leurs  frères,  pauvres  et 
malheureux.  On  aura  beau  creuser  dans  le  laïcisme,  on 
n’en  fera  pas  sortir  une  sœur  de  charité,  un  frère  de 
Saint-Jean-de-Dieu,  un  Vincent-de-Paul. 

Les  saintes  et  dévouées  filles  de  Sainte-Marthe  éprouvè¬ 
rent  une  indicible  joie  d’être  rappelées  et  de  pouvoir 
reprendre  les  œuvres  auxquelles,  sous  l’inspiration  divine, 
elles  avaient  consacré  leur  vie.  Mais  en  quel  étal,  et  nous 
livrons  ceci  aux  réflexions  de  nos  modernes  réformateurs, 
en  quel  état  vont-elles  retrouver  l’asile  des  pauvres 
qu’elles  avaient  laissé  si  bien  pourvu  de  tout  ?  Sous  la 
direction  des  mercenaires  qui  les  avaient  remplacées,  tout 
avait  été  dévasté  ou  pillé;  c’était  le  dénûment  le  plus 
complet.  Il  n’y  avait  pas  même  le  linge  de  première  néces¬ 
sité,  à  tel  point  que  les  sœurs  furent  obligées,  pendant 
quelque  temps,  de  se  servir  de  leur  propre  linge  pour 
changer  les  malades.  Si  elles  étaient  rentrées  avec  une 
grandejoie,  parce  qu’on  leur  avait  dit  :  Vous  allez  revenir 
dans  la  maison  de  Dieu,  la  maison  de  vos  pauvres,  après 
le  triste  inventaire  de  tant  de  misère,  fait  dès  la  première 
heure,  elles  sentirent  un  moment  leur  courage  défaillir. 
Mais  bientôt,  tombant  à  genoux  devant  une  image  de  la 
Sainte-Vierge  que  l’une  d’elles  avait  apportée,  elles  se 
mettent  sous  la  protection  de  la  Mère  du  Dieu  fait  pauvre, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  21 

et  se  relèvent  pleines  de  confiance  et  prêtes  à  tout  entre¬ 
prendre  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le  bien-être  de  leurs 
chers  pauvres. 

Parmi  les  religieuses  qui  rentrèrent  à  l’hôpital  en  1800, 
nous  devons  citer  la  sœur  Lamy  ou  Marie  Lapeyrière.  Le 
Dictionnaire  des  ordres  religieux  a,  sur  cette  sœur,  une 
belle  page  dont  la  lecture  fera  plaisir  à  nos  religieuses 
actuelles  de  Sainte-Marthe.  Gomme  nous  l’avons  déjà  dit, 
il  est  toujours  utile  d’interroger  les  ancêtres. 

«  La  sœur  Lamy  était  une  de  ces  âmes  privilégiées  qui 
»  ne  veulent  que  connaître  la  volonté  de  Dieu,  pour  l’ac- 
»  complir  de  toute  la  force  de  leur  volonté.  Bien  jeune 
»  encore,  se  sentant  appelée  à  la  vie  religieuse,  mais 
»  n’ayant  d’attrait  prononcé  pour  aucune  communauté, 
»  elle  en  visita  plusieurs  à  Périgueox.  Croyant  connaître 
»  assez  clairement  que  Dieu  la  voulait  dans  la  Congréga- 
»  tion  de  Sainte-Marthe,  elle  n’hésita  pas,  elle  y  entra  et 
»  fit  profession  en  1783. 

»  Lors  de  la  Révolution,  elle  montra  un  courage,  une 
»  énergie  dont  on  ne  l’aurait  pas  crue  capable,  elle  tou- 
»  jours  si  douce,  si  timide  I  Mais  que  ne  peuvent  pas  les 
»  âmes  quand  elles  sont  revêtues  de  la  force  et  de  la  vertu 
»  d’en  haut  ? 

»  La  vertu  caractéristique  de  cette  religieuse  était  une 
»  douceur  inaltérable,  mais  qui  n’ôtait  rien  à  sa  fermeté. 

»  A  cette  douceur  étaient  jointes  une  aimable  simplicité 
»  qui  ne  soupçonnait  jamais  le  mal,  et  une  charité  active 
»  et  sans  bornes.  Elle  supportait  les  mauvais  procédés 
»  avec  une  patience  angélique,  et  avait  une  admirable 
»  éloquence  pour  persuader  aux  autres  la  pratique  de 
»  cette  vertu.  On  peut  dire  qu’en  la  voyant  on  se  sentait 
»  attiré  vers  elle,  mais  de  cet  attrait  qui  incline  vers  tout 
»  ce  qui  est  bien. 


22 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Si  cette  sœur  se  montra  une  des  plus  fermes  au 
»  moment  du  danger,  elle  ne  se  montra  pas  moins  ardente 
»  à  réparer  les  désastres  causés  dans  l’hôpital  par  les 
»  agents  de  la  révolution.  A  toutes  les  vertus  elle  joignait 
»  une  piété  tendre  et  ardente  ;  aussi  mit-elle  tout  en 
»  œuvre  pour  remettre  en  bon  état  la  chapelle  de  l’hos- 
»  pice.  Tout  manquait,  mais  elle  se  mit  en  quête  et  obtint 
»  des  autorités  les  objets  d’art  épargnés  par  la  fureur 
»  révolutionnaire  dans  les  chapelles  des  communautés 
»  qui  n’étaient  pas  rétablies. 

»  Combien  de  fois,  après  des  journées  laborieuses 
»  passées  près  du  lit  des  malades  et  des  mourants,  a-t-elle 
»  travaillé  bien  avant  dans  la  nuit  pour  l’ornement  de  la 
»  maison  du  Dieu  trois  fois  saint  !  Et  son  travail  contri- 
»  buait  non-seulement  au  culte  du  Seigneur,  mais  elle  en 
»  recevait  souvent  une  rétribution  qui  lui  aidait  à  pro- 
»  curer  aux  pauvres  les  choses  les  plus  indispensables. 

»  Cette  religieuse  fut  élue  quatre  fois  supérieure,  et 
»  pendant  les  douze  années  de  sa  supériorité,  elle  fut 
»  toujours  égale  à. elle-même,  toujours  bonne,  douce  et 
»  complaisante.  Jamais  une  parole  aigre  ne  sortait  de  ses 
»  lèvres  ;  ses  réprimandes  et  corrections  étaient  toutes 
»  imprégnées  de  cette  mansuétude  chrétienne  qu’elle 
»  avait  puisée  dans  le  cœur  du  Dieu  de  charité. 

»  Cette  vénérée  Mère  mourut  le  8  mars  1842,  à  la 
»  quatre-vingt-deuxième  année  de  son  âge,  munie  des 
»  Sacrements  de  l’Eglise,  pleine  de  jours  et  de  vertus, 
»  laissant  après  elle  une  grande  réputation  de  sainteté.  » 

Nous  avons  laissé  nos  chères  religieuses  reconstruisant 
pour  ainsi  dire  l’asile  des  pauvres,  et  réparant  les  dégâts 
causés  par  l’orage  révolutionnaire.  En  peu  d’années  elles 
eurent  rendu  à  l’hôpital  de  Périgueux  sa  prospérité  pre¬ 
mière,  et  elles  continuèrent  à  le  diriger,  à  la  grande  satis- 


23 


B  ES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

faction  des  administrateurs  et  pour  le  bien-être  des  pau¬ 
vres  et  des  malades,  jusqu’à  la  révolution  de  1830. 

Ici  commence  une  ère  de  nouveaux  revers  pour  la  Con¬ 
grégation  de  Sainte-Marthe. 

A  cette  époque,  l’administration  de  l’hôpital  de  Péri- 
gueux  fut  entièrement  changée.  Elle  fut  composée  d’hom¬ 
mes  peu  bienveillants  à  l’égard  des  religieuses,  mécon¬ 
naissant  les  services  qu’elles  avaient  rendus,  qu’elles 
rendaient  encore  tous  les  jours,  et  le  dévouement  qu’elles 
apportaient  à  l’accomplissement  de  leur  œuvre.  Ils  leur 
suscitèrent  mille  tracasseries.  Une  des  plus  graves  fut  de 
vouloir  limiter  le  nombre  des  sœurs,  ce  qui  leur  ôtait  la 
possibilité  d’admettre  de  nouveaux  sujets,  et  par  consé¬ 
quent  de  prendre  de  l’extension,  la  Congrégation  n’ayant 
pas  de  noviciat  indépendant  de  l’hôpital. 

Il  fallut  se  prémunir  contre  cette  mauvaise  volonté  des 
administrateurs,  et,  sans  beaucoup  de  ressources,  mais 
comptant  sur  la  Providence  qui  ne  fit  pas  défaut,  on 
acheta  à  Saint-Léon-sur-l’Isle  un  petit  local  où  l’on,  plaça 
provisoirement  quelques  novices  que  l’on  avait  reçues  à 
l’hôpital. 

Mais  les  administrateurs  n’en  poursuivirent  pas  moins 
leur  persécution,  espérant  lasser  la  patience  des  sœurs  et 
les  obliger  à  demander  elles-mêmes  à  se  retirer.  C’est  ce 
qu’elles  firent.  En  novembre  1835,  avec  l’approbation  des 
supérieurs  ecclésiastiques,  elles  abandonnèrent  l’hôpital 
de  Périgueux  et  se  retirèrent  les  unes  à  Saint-Léon-sur- 
l’Isle,  et  les  autres,  au  nombre  de  cinq,  allèrent  à  Beau¬ 
mont,  où  depuis  longtemps  elles  étaient  demandées  pour 
y  diriger  un  petit  hospice  et  une  maison  d’éducation. 

Avec  les  revers  s’ouvrit  une  ère  nouvelle  pour  la 
Congrégation.  Plusieurs  petites  villes  du  diocèse  récla¬ 
mèrent  des  sœurs  de  Sainte-Marthe  pour  soigner  leurs 


24 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


pauvres-  et  élever  chrétiennement  leurs  enfants.  De  ce 
nombre  fut  d’abord  Thiviers,  où  trois  religieuses  furent 
envoyées  en  1836  pour  diriger  un  hospice  et  y  faire  une 
classe  gratuite,  et,  peu  de  temps  après,  le  Bugue  pour 
fonder  un  établissement  semblable  à  celui  de  Thivièrs. 
D’autres  maisons  se  fondèrent  successivement,  les  reli¬ 
gieuses  conservant  toujours  le  lien  commun  qui  les 
attachait  ensemble,  sous  la  direction  d’une  même  supé¬ 
rieure. 

Sorties  de  Périgueux  dans  les  conditions  que  nous 
venons  de  dire,  les  sœurs  de  Sainte-Marthe  conservèrent 
l’espoir  d’y  rentrer  ;  elles  piîrent  le  réaliser  sous  l’admi¬ 
nistration  de  Mgr  Gousset.  L’illustre  prélat,  arrivé  à 
Périgueux  en  1837,  n’eut  pas  plutôt  pris  connaissance  de 
ce  qu’avait  eu  à  souffrir  la  Congrégation  de  Sainte-Marthe, 
qu’il  compatit  à  ses  peines  et  lui  témoigna  toujours  le 
plus  grand  intérêt.  Sa  Grandeur  jugea  qu’avec  le  déve¬ 
loppement  que  prenait  cette  Congrégation  dans  le  diocèse, 
il  lui  fallait  dans  sa  ville  épiscopale  la  maison  principale, 
la  maison  dirigeante,  la  maison-mère.  L’occasion  se 
présenta.  Les  religieuses  de  la  Visitation  ayant  fait  bâtir 
une  nouvelle  communauté,  désiraient  céder  leur  ancienne 
maison,  située  à  la  porte-sud  de  Saint-Front.  Mgr  Gousset 
conseilla  aux  religieuses  de  Sainte-Marthe  d’en  faire 
l’acquisition.  Elles  en  prirent  possession  au  mois  de 
novembre  1839,  y  transportèrent  leur  noviciat  de  Saint- 
Léon  et  en  firent  leur  maison-mère. 

Peu  de  temps  après,  Périgueux  ne  possédant  pas  de 
salle  d’asile,  elles  en  fondèrent  une  dans  leur  propre 
maison  avec  le  concours  de  l’autorité  municipale.  Cette 
salle  est  encore  la  seule  qui  existe  dans  la  ville,  et  elle 
réunit  tous  les  jours  près  de  150  enfants  de  la  classe 
indigente. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  25 

Un  peu  plus  tard,  en  1846,  la  ville  voulant  avoir  un 
dépôt  de  mendicité,  ou  plutôt  un  hospice  de  vieillards  ou 
d’incurables,  elle  en  confia  la  direction  aux  sœurs  de 
Sainte-Marthe.  Là,  comme  ailleurs,  elles  remplirent  leur 
tâche  avec  autant  de  zèle  que  de  dévouement.- 

Outre  ces  établissements,  la  maison  de  Périgueux  avait 
pu,  vers  la  même  époque,  fournir  trois  religieuses  au 
petit  séminaire  de  Bergerac  et  deux  au  lycée  de  Périgueux, 
chargées  du  soin  de  l’infirmerie  et  de  la  lingerie. 

A  Mgr  Gousset  avait  succédé  sur  le  siège  de  St-Front 
Mgr  George,  de  pieuse  et  apostolique  mémoire.  Ce  prélat, 
non-seulement  continua  l’intérêt  et  la  bienveillance  de 
son  prédécesseur  envers  la  Congrégation  de  Ste-Marthe, 
mais  nous  pouvons  dire  qu’il  en  fut  le  réformateur  ;  les 
annales  de  la  Congrégation  ne  lui  refuseront  pas  ce  titre. 

Nous  avons  à  raconter  ici  un  des  actes  qui  honorent  le 
plus  l’épiscopat  de  Mgr  George,  et  bien  certainement  le 
fait  le  plus  important  de  l’histoire  de  Sainte-Marthe. 

Nous  avons  dit  que  plusieurs  maisons  religieuses  du 
diocèse  avaient  pris  et  suivaient  la  règle  de  Sainte-Marthe 
de  Périgueux  et  en  portaient  le  nom,  quoique  indépendan¬ 
tes  de  cette  Congrégation.  De  ce  nombre  étaient  les  reli¬ 
gieuses  des  hospices  de  Bergerac,  Ribérac  et  Brantôme, 
et  les  religieuses  des  couvents  d’Eymet  et  de  Monpazier. 
En  outre,  trois  autres  communautés,  suivant  une  règle 
très  peu  différente  mais  s’appliquant  aux  mêmes  œuvres, 
existaient  dans  le  diocèse;  c’étaient  les  religieuses  de 
l’hôpital  de  Sarlat,  sous  le  patronage  de  saint  Alexis,  et 
les  deux  communautés  de  la  Miséricorde  de  Bergerac, 
l’une  dans  la  ville  et  l’autre  dans  le  bourg  de  la  Made¬ 
leine.  Ces  trois  maisons  étaient  aussi  indépendantes. 

Parmi  ces  diverses  communautés  vouées  à  peu  près  aux 
mêmes  œuvres,  quelques-unes  avaient  peine  à  se  soutenir 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


faute  de  sujets.  L’isolement  leur  était  funeste.  Il  fallait 
qu’un  lien  les  attachât  les  unes  aux  autres  en  mettant  en 
commun  et  les  intérêts  spirituels  et  les  intérêts  matériels  ; 
et  ce  lien  devait  s’attacher  lui-même  à  un  centre  fécond 
d’où  partirait  la  vie.  Ce  centre  pouvait  se  trouver  dans 
Sainte-Marthe  de  Périgueux. 

Cette  communauté  venait  d’être  reconnue  par  le  gou¬ 
vernement  comme  Congrégation  à  supérieure  générale, et 
pouvait  par  conséquent  faire  des  fondations  en  leur  don¬ 
nant  l’existence  légale.  La  vie  religieuse  y  surabondait 
et  ne  demandait  qu’à  s'écouler  pour  apporter  la  fécondité 
dans  les  maisons  dont  la  stérilité  faisait  prévoir  la  chute. 

L’état  de  ces  maisons  —  les  neuf  que  nous  avons  déjà 
nommées  —  avait  attiré  l’attention  et  provoqué  la  solli¬ 
citude  pastorale  de  Mgr  George.  Pressé  d’un  autre  côté 
par  les  prescriptions  du  concile  de  Bordeaux,  Sa  Gran¬ 
deur  nourrissait  depuis  longtemps  le  projet  de  former  de 
toutes  ces  maisons  une  seule  Congrégation,  sous  la  direc¬ 
tion  d’une  supérieure  générale,  en  s’aidant  des  éléments 
que  lui  offrait  Sainte-Marthe  de  Périgueux.  Pour  atteindre 
ce  but,  une  fusion  complète  était  nécessaire,  et,  pour 
l’entreprendre  et  la  conduire  à  bonne  fin,  il  ne  fallait  pas 
moins  que  toute  l’énergie  de  Mgr  George. 

Le  projet  fut  d’abord  communiqué  à  chaque  commu¬ 
nauté  pour  être  sérieusement  médité  devant  Dieu  et  la 
conscience  de  chaque  sœur  ;  puis  toutes  les  religieuses 
furent  convoquées  pour  deux  retraites  données  successi- 
ment  au  Petit-Séminaire  de  Bergerac..  Là,  avec  cette  élo¬ 
quence  persuasive  qui  lui  était  propre,  le  Prélat  exposa 
et  développa  son  plan  d’une  Congrégation  générale,  et  il 
eut  bientôt  porté  la  conviction'dans  toutes  ces  âmes,  déjà 
bien  préparées  par  la  faveur  de  la  retraite.  Il  fallut 
cependant  faire  des  concessions  aux  ^plus  âgées,  à  celles 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  27 

qui  avaient  «  pris  leurs  engagements  sacrés  avant  le 
concile  de  Bordeaux  ». 

Quoique  bien  fixé  sur  les  dispositions  des  sœurs  pré¬ 
sentes  à  ces  retraites,  Mgr  George  ne  voulut  cependant 
rien  précipiter  ;  un  temps  non  déterminé  fut  accordé  pour 
que  chaque  maison  dressât,  après  mûr  examen,  son  acte 
d'adhésion  à  la  Congrégation  générale.  Toutes  se  hâtèrent 
de  l’envoyer.  Et,  dès  ce  moment,  la  nouvelle  Congrégation 
était  fondée  ;  il  ne  restait  plus  qu’à  l’organiser.  On  com¬ 
mença  par  le  noviciat,  pour  lequel  les  filles  de  Sainte- 
Marthe  de  Périgueux  voulurent  bien  mettre  à  la  disposi¬ 
tion  de  Mgr  l’évêque  non-seulement  le  personnel,  mais 
encore  le  local  et  le  mobilier  nécessaires. 

Le  siège  de  la  nouvelle  Congrégation  fut  donc  fixé  à 
Sainte-Marthe  de  Périgueux,  sous  la  direction  de  la  supé¬ 
rieure,  et,  deux  ans  plus  tard,  Mgr  George,  dans  une 
lettre  que  nous  avons  sous  les  yeux,  crut  devoir  exprimer 
sa  «  reconnaissance  aux  religieuses  de  cette  maison  pour 
les  sacrifices  qu’elles  s’étaient  imposés  comme  pour  la 
bonne  direction  qu’elles  avaient  réussi  à  donner  au  nou¬ 
veau  noviciat  ». 

Mais  cette  maison  de  Sainte-Marthe  se  trouva  bientôt 
insuffisante  pour  le  noviciat  et  la  maison-mère  d’une 
grande  congrégation.  Dès  le  début,  les  mesures  avaient 
été  prises  pour  l’achat  du  vaste  terrain  où  fut  bâti  le  local 
occupé  actuellement  par  la  Congrégation,  à  côté  de  l’église 
de  la  Cité. 

Il  fallut  procéder  ensuite  à  l'élection  de  la  supérieure 
générale  ;  le  choix  ne  pouvait  être  douteux  ;  tous  les  suf¬ 
frages  se  portèrent  sur  la  sœur  Marie-Rose  Pichon,  supé¬ 
rieure  depuis  treize  ans  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux, 
et  supérieure  générale  provisoire  depuis  la  fondation  du 
nouveau  noviciat. 


28  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC, 

Par  leur  acte  d’agrégation  à  la  Congrégation  générale, 
les  sœurs  de  Sainte- Marthe  de  Périgueux  s’étaient  réservé 
le  droit  d’élire  leur  supérieure  comme  elles  l’avaient  fait 
jusqu’alors.  Après  la  mort  de  la  Mère  Rose  Pichon,  au 
mois  d’avril  1857,  elles  nommèrent  la  sœur  Lataille  pour 
la  remplacer  comme  supérieure  de  leur  communauté. 

Cette  maison  ayant  été  reconnue  par  le  gouvernement 
comme  Congrégation  à  supérieure  générale ,  ainsi  que 
nous  l’avons  déjà  dit,  on  profita  de  ce  titre  pour  donner 
une  existence  légale  à  la  nouvelle  Congrégation,  et  c’est 
en  vertu  de  ce  titre  qu’elle  exerce  aujourd’hui  tous  ses 
actes  civils. 

On  le  voit,  l’Esprit  de  Dieu  a  soufflé,  et  la  vie  est  des¬ 
cendue  de  Sainte-Marthe  sur  ces  communautés,  qui  se 
mouraient  dans  leur  isolement,  et  en  a  fait  une  œuvre 
féconde  en  précieux  résultats  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le 
bien  des  âmes. 

A  Domino  factum  est  istud  et  est  mirabile  in  oculis 
nostris  11! 


II 


Hôpital  de  Mussidan. 


L’origine  chrétienne  de  l’hôpital  de  Mussidan  n’est 
pas  douteuse.  Ici,  comme  à  l’origine  de  tous  nos  établis¬ 
sements  de  bienfaisance,  la  charité  chrétienne  se  montra 
par  de  nombreuses  et  fécondés  donations. 

En  l’année  1650,  le  duc  de  Laforce  commença  l’œuvre 
de  cet  hôpital .  Il  lit  rédiger  en  forme  d’acte  public  la 
manière  de  l’administrer.  Il  est  à  regretter  que  ce  premier 
règlement  ne  nous  ait  pas  été  conservé.  Les  recherches 
du  vénérable  doyen  de  Mussidan  pour  en  découvrir  quel¬ 
ques  vestiges  ont  été  sans  résultat. 

Peu  d’années  après,.  M.  Bessine  Delort,  originaire  de 
Mussidan,  chirurgien  ordinaire  de  Louis  XIV,  donna  à 
cet  hospice  par  testament  la  somme  de  62,  262  francs.  Ce 
legs  üt  conférer  à  l’établissement  une  existence  légale  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  27  août  1693. 

Une  autre  libéralité,  à  peu  près  de  la  même  impor¬ 
tance,  futla  cause  que  l’on  confia  la  direction  de  l’hospice 
aux  religieuses  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux.  M.  Delage, 
curé  de  Saint-Médard-de-Mussidan,  fit  don  à  l’hospice  de 


30 


LES  ORIGINES  CHRETIENNES 


cette  ville,  par  testament  en  date  du  18  février  1701, 
d’une  métairie  appelée  Villedieu  qui,  après  plusieurs 
■échanges,  produisit  plus  tard  un  capital  de  50,000  francs. 
Il  en  donnait  l’usufruit  à  sa  nièce,  Gabrielle  Delage, 
religieuse  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  et  mettait  pour 
condition  «  que  deux  religieuses  de  cette  congrégation,  et 
»  un  plus  grand  nombre,  s’il  le  fallait,  seraient  appelées 
»  à  diriger  ledit  hôpital,  l’une  pour  y  soigner  les  pauvres, 
»  et  l’autre  pour  y  diriger  une  école  gratuite  en  faveur 
»  des  filles  de  Saint-Médard-de-Mussidan.» 

Cette  condition  était  trop  à  l’avantage  de  l’hôpital  pour 
ne  pas  être  acceptée  par  ses  administrateurs,  qui  se 
hâtèrent  de  faire  la  demande  de  deux  religieuses  à  la 
communauté  de  l’Hôtel-Dieu  de  Périgueux.  Les  deux 
religieuses,  Gabrielle  Delage,  nièce  du  curé  bienfaiteur, 
et  Catherine  de  Vatiné,  furent  envoyées,  mais  seulement 
à  titre  provisoire  et  sans  autres  conditions  que  de  faire 
un  essai  de  trois  ans  avant  de  contracter  aucun 
engagement.  Il  y  eut  cependant  pour  ce  provisoire  un 
traité  passé  entre  les  administrateurs  de  l’hôpital  et  la 
supérieure  de  l’Hôtel-Dieu,  portant  l’approbation  de  M«r 
l’évêque  de  Périgueux,  premier  supérieur  de  Sainte- 
Marthe.  Ceci  avait  lieu  en  1711. 

L’essai  ne  devait  être  que  pour  trois  ans  ;  il  se  pro¬ 
longea  jusqu’au  22  du  mois  de  juin  1717,  et  ayant  réussi, 
à  la  satisfaction  de  toutes  les  parties  intéressées,  on 
voulut  à  cette  époque  établir  l’œuvre  sur  des  bases  so¬ 
lides,  ce  qui  donna  lieu  au  traité  définitif,  liant  pour 
toujours  les  parties  contractantes.  Il  fut  précédé  d’une 
délibération  de  la  communauté  en  date  du  17  juin  de 
la  même  année,  prise  par  devant  notaire.  Elle  mérite 
d’être  transcrite  ici  en  son  entier,  ne  serait-ce  que  pour 
conserver  et  perpétuer  le  souvenir  des  sages  mesures  que 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETO.,  DU  PÉRIGORD.  31 

prenaient  autrefois  les  congrégations  religieuses  lorsqu’il 
s’agissait  de  quelque  acte  important. 

«  Aujourd’hui  dix-septième  juin  mil  sept  cent  dix- 
»  sept,  avant  midi,  en  la  ville  de  Périgueux  et  dans  la 
»  salle  de  l’hôpital  Sainte-Marthe  de  ladite  ville,  par 
»  devant  le  notaire  royal  soussigné,  présents  les  témoins 
»  ci-après  nommés,  ont  été  présentées  et  capitulairement 
»  assemblées,  demoiselles  Madeleine  Juilhard  (1),  Anne 
»  de  Froidefond,  Jeanne  Debrousse,  Léonarde  Gueydon 
»  de  Dive,  Catherine  de  Soulem,  Luce  Parade,  Anne 
»  Solier,  Catherine  Martel  et  Rose  de  Foidefond,  toutes 
»  sœurs  servant  les  pauvres  du  présent  hôpital  Sainte- 
»  Marthe,  capitulairement  assemblées  au  son  de  la 
»  cloche  au  lieu  et  maison  accoutumés,  faisant  tant  pour 
»  elles  que  pour  demoiselles  Léonne  Clergeaud,  mère 
»  supérieure,  Gabrielle  Delage  et  Catherine  de  Yatiné, 
»  absentes,  étant  actuellement  en  la  ville  de  Mussidan, 
»  toutes  composant  la  présente  communauté  ;  lesquelles 
»  de  leur  gré  ont  donné  plein  pouvoir  et  puissance  à 
»  ladite  mère  Léonne  Clergeaud,  supérieure,  de  pour  et 
»  au  nom  de  la  présente  communauté,  passer  contrat 
»•  avec  messieurs  les  déflniteurs  de  l’hôpital  établi  dans  les 
»  faubourgs  de  la  ville  de  Mussidan,  et  s’obliger  au  nom 
»  de  la  présente  communauté  à  donner  et  fournir  deux 
»  filles  d’entr’elles  ou  plus  grand  nombre  si  la  nécessité 
»  le  requiert,  pour  continuer  à  toujours  et  à  perpétuité 
»  leurs  soins  et  services  aux  pauvres  dudit  hôpital  de 
»  Mussidan,  et  à  faire  tenir  école  pour  l’instruction  des 
»  personnes  de  leur  sexe  des  deux  paroisses  de  Saint- 
»  Georges  et  de  Saint-Méard-de-Mussidan  ;  à  condition 
»  qu’il  leur  sera  donné  un  logement  dans  ledit  hôpital, 


(1)  Elle  étail  nièce  des  deux  fondatrices  Antoinette  et  Jeanne  Juilhard. 


32  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  qui  leur  soit  convenable  et  pour  faire  leurs  écoles  et 
»  pour  loger  les  malades  qui  leur  seront  envoyés,  et  qu’il 
»  sera  fourni  le  linge,  ustensiles,  meubles  et  aliments 
»  nécessaires  auxdits  pauvres.  Et  pour  ce  q\ii  est  du 
»  payement  de  la  rétribution  du  chapelain  requis  par 
»  lesdites  demoiselles,  il  y  sera  pourvu  par  lesdits  sieurs 
»  administrateurs  dudit  hôpital,  de  même  qu’à  l’égard 
»  des  frais  des  médecins  et  chirurgiens,  pour  les  remèdes 
»  qu’ils  exposeront  pour  les  pauvres  dudit  hôpital  ;  et  en 
»  ce  que  lesdites  filles  ne  pourront  être  contraintes  de 
»  recevoir  audit  hôpital  des  femmes  enceintes  pour  y  faire 
»  leurs  couches,  ni  maladie  incurable;  etquepourlanour- 
»  riture  et  entretien  desdites  filles  dans  ledit  hôpital,  lesdits 
»  sieurs  administrateurs  leur  fourniront  et  assigneront 
»  de  pension  annuelle  et  perpétuelle  la  somme  de  trois 
»  cents  livres,  ensemble  de  celle  de  trente  livres  pour  les 
»  ornements  nécessaires  de  la  chapelle  dudit  hôpital,  pour 
»  les  cierges  qu’il  y  conviendra,  et  même  pour  le  blan- 
»  chissage  desdits  pauvres;  lesquelles  deux  sommes  jointes 
»  ensemble  feront  celle  de  trois  cent  trente  livres  ;  en 
»  payement  de  laquelle  somme  lesdits  sieurs  adminis- 
»  trateurs  donneront  auxdites  filles  la  jouissance  de  la 
»  métairie  de  la  Villedieu,,  léguée  audit  hôpital  par  feu 
»  M.  Delage,  curé  de  ladite  paroisse  de  Saint-Méard  ; 

»  dans  laquelle  jouissance  demeurera  comprise  la  somme 
»  de  deux  cent  cinquante  livres  de  pension,  que  ladite 
»  Mère  Delage  a  pendant  sa  vie  sur  ladite  métairie  de 
»  Villedieu,  et  par  elle  faisant  état  audit  hôpital,  et  leur 
»  rendant  compte  du  surplus  de  ladite  métairie  qui  se 
»  trouvera  excéder  la  somme  de  trois  cent  trente  livres  ; 

»  comme  aussi  en  cas  d’insuffisance  dudit  revenu 
»  qui  pourrait  survenir  par  cas  fortuit  ou  accidents 
»  imprévus  pour  faire  ladite  somme  de  trois  cent  trente 


DES  HÔPITAUX ,  HOSPICES,  ETC.,  DÜ  PÉRIGORD.  33 

»  livres,  lesdits  sieurs  définiteurs  seront  obligés  d’y 
»  suppléer  par  d’autres  revenus  dudit  hôpital  ;  et  pour 
»  raison  de  tout  ce  que  dessus  contracter  avec  lesdits 
»  sieurs  définiteurs,  obliger  tous  les  biens  temporels  de 
»  la  présente  communauté  ;  et  généralement  faire  par 
»  ladite  Mère  Glergeaud,  supérieure,  tout  ce  qu’elle 
»  jugera  à  propos,  promettant  d’avoir  pour  agréable, 
»  tenir  et  entretenir  et  même  ratifier,  si  besoin  est,  ce  qui 
»  par  ladite  Mère  Glergeaud  sera,  et  l’en  relever  idem, 
»  le  tout  aux  peines  portées  de  droit  sans  obligation  de 
»  tous  les  biens  temporels  de  la  présente  communauté,  à 
«  quoi  de  leur  consentement  ont  été  condamnées  sous 
»  le  scel  royal.  En  présence  de  Pierre  Loubit  et  Jean  Ri- 
»  bette,  praticiens,  habitants  de  ladite  ville,  qui  ont  signé 
»  avec  lesdites  constituantes.  Ainsi  signé  à  l’original  des 
»  présentes  :  M.  Juilhard,  A.  de  Froidefond,  J.  Debrousse, 
»  sœur  de  Dive,  sœur  de  Loulem,  sœur  de  Parade,  Dusso- 
»  lier,  G.  Martel,  Rose  de  Froidefond,  Loubit  présent, 
»  Ribette  présent  et  Rousseau,  notaire  royal.  Conno  à  Pé- 
»  rigueux,  le  dix-septjuin  mil  sept  cent  dix-sept.  Signé  : 
»  Mauraguier,  pour  onze  sols.  » 

Ce  fut  en  vertu  de  cette  délibération  ou  plutôt  de  cette 
délégation  que  fut  passé,  le  22  juin  1717,  par  devant  no¬ 
taire,  entre  les  administrateurs  et  la  Mère  Glergeaud, 
supérieure  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  l’acte  authen¬ 
tique  qui  établissait  à  toujours  à  l’hôpital  de  Mussidan  les 
religieuses  de  Sainte-Marthe. 

Nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  transcrire  ici  cet 
acte,  qui  reste  déposé  aux  archives  de  Sainte-Marthe,  à  la 
disposition  de  quiconque  voudrait  le  consulter.  Il  n’est 
d’ailleurs  que  la  reproduction  des  clauses  énoncées  dans 
la  délégation  que  nous  venons  de  rapporter.  11  ne  sera 
pas,  néanmoins,  sans  intérêt  de  noter  ici,  pour  souvenir, 


34 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


que  parmi  les  définiteurs  ou  administrateurs  qui  con¬ 
courent  à  cet  acte,  nous  trouvons  deux  prêtres  :  «Messire 
»  Bernard  Spéré,  docteur  en  théologie,  prêtre  et  curé  de  la 
»  paroisse  de  Saint-Georges  de  la  ville  de  Mussidan,  et 
»  messire  Jean  Vatiné,  docteur  en  théologie,  prêtre  et  curé 
»  de  la  paroisse  de  St-Méard  dudit  Mussidan.  »  Les  noms 
des  autres  administrateurs  méritent  aussi  d’être  con¬ 
servés.  N’auraient-ils  d’autre  titre  que  celui  d’avoir  ap¬ 
pelé  des  religieuses  pour  la  direction  de  l'hôpital,  ils 
doivent  en  être  considérés  comme  les  bienfaiteurs. 
C’étaient  :  «  M.  maître  Isaac,  de  Latanet,  avocat  en  la 
»  cour  et  juge  civil  et  criminel  de  la  ville  et  juridiction  du- 
»  dit  Mussidan  ;  maître  Pierre  Guibert,  procureur  d’office 
»  dudit  Mussidan,  habitant  ladite  ville  ;  Pierre  de  Bacha- 
»  retie,  écuyer,  sieur  de  Beaupuy,  habitant  des  faubourgs 
»  dudit  Mussidan,  tous  président  et  définiteurs  del’hôpital 
»  dudit  Mussidan,  et  André  Pinquet,  syndic  dudit  hôpital, 
»  habitant  desdits  faubourgs.  » 

Par  suite  de  ce  traité,  les  deux  sœurs  de  Sainte-Marthe,. 
Gabrielle  Delage  et  Catherine  de  Vatiné,  qui  avaient  déjà 
la  direction  de  l’hôpital  de  Mussidan,  y  continuèrent  leur 
œuvre  et  y  furent  remplacées  successivement  par  d’autres 
aux  mêmes  conditions. 

Mais  à  mesure  que  l’œuvre  marchait,  elle  se  développait. 
De  nouvelles  salles  furent  préparées  pour  recevoir  les  ma¬ 
lades,  et  bientôt  l’augmentation  du  travail  obligea  l’admi¬ 
nistration  à  augmenter  le  nombre  des  religieuses.  Elles 
étaient  au  nombre  de  cinq  lors  de  la  révolution  de  1793. 

A  cette  époque  de  triste  mémoire,  les  religieuses  de 
Mussidan,  comme  celles  de  toutes  les  autres  communautés, 
furent  obligées  de  quitter  leur  établissement  et  de  se  ré¬ 
fugier  dans  leur  famille.  Mais,  dès  que  l’orage  révolution¬ 
naire  fut  apaisé,  celles  qui  avaient  survécu  s’empressèrent 


35 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

de  rentrer  et  de  reprendre  leur  œuvre  de  charité  et  de 
bienfaisance.  De  ce  nombre  était  sœur  Marie-Marthe  de 
Montozon,  dont  la  mémoire  sera  longtemps  en  vénération 
dans  la  ville  de  Mussidan.  «  Elle  appartenait  à  une  fa- 
»  mille  honorable  du  Périgord  et  avait  fait  profession  en 
»  l’année  1784. 

»  Peu  après  sa  profession,  elle  avait  été  envoyé  àMussi- 
»  dan  ;  elle  y  était  encore  lorsque  éclata  la  révolution.  Sa 
»  constance  et  sa  fermeté  lui  valurent  les  honneurs  de  la 
»  réclusion,  où  elle  fut  détenue  pendant  six  mois  et,  néan- 
»  moins, elle  ne  quitta  jamais  entièrememt  le  costume  reli- 
»  gieux.  Rentrée  à  l’hôpital  de  Mussidan,  elle  ne  recula 
»  devant  aucune  peine  pour  réparer  les  dégâts  que  larévo- 
»  lution  y  avait  causés. 

»  Cette  religieuse  était  assez  habile  pharmacienne  :  aussi 
»  venait-on  souvent  de  loin  la  consulter  et  lui  demander 
»  des  remèdes  qu’elle  ne  refusait  jamais.  Qni  pourrait  énu- 
»  mérer  les  plaies,  les  ulcères  qu’elle  a  pansés  et  guéris 
»  pendant  les  soixante-huit  ans  qu’elle  a  habité  Mussidan  ; 

»  les  misères  de  tous  genres  qu’elle  a  adoucies,  les  secours 
»  qu’elle  a  donnés  ?  Aussi  à  sa  mort,  arrivée  en  mars  1853, 

»  la  population  tout  entière  fit-elle  éclater  ses  regrets,  et 
»  témoigna-t-elle  publiquement  la  vénération  qu’elle  avait 
»  pour  cette  religieuse. 

»  Le  jour  où  le  corps  de  cette  chère  Mère  fut  exposé  dans 
»  la  chapelle  de  l’hospice,  on  eût  dit  un  jour  de  fête,  tant 
»  l’affluence  était  grande.  On  venait  entourer  ce  cercueil  et 
»  contempler  ces  restes  vénérés  ;  on  se  trouvait  heureux  de 
»  voir  encore  une  fois  celle  qui  avait  été  si  bonne,  si  cha 
»  ritable  pour  tous. 

»  Pendant  le  convoi  funèbre,  la  foule  était  si  compacte, 

»  que  les  sœurs  ne  pouvaient  se  tenir  à  leurs  places.  De 
»  jeunes  filles  vêtues  de  blanc  se  succédaient  à  chaque 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  instant  pour  avoir  l’honneur  de  porter,  ne  fût-ce  que 
»  l’espace  de  quelques  pas,  ce  précieux  dépôt  à  la  sépul- 
»  ture.  Sœur  Marthe  de  Montozon  était  âgée  de  94  ans.  » 

Nous  devions  inscrire  ici  le  nom  de  cette  vénérable 
religieuse,  dont  l’hôpital  de  Mussidan  conservera  le  sou¬ 
venir. 

Ayant  repris,  après  la  révolution,  la  direction  de  cet 
hôpital,  les  sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux  conti¬ 
nuèrent  à  le  diriger  sans  rien  changer  aux  conditions  qui 
avaient  été  réglées  par  le  traité  de  1717. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu’à  l’année  1850.  A  cette  épo¬ 
que,  l’administration  proposa  aux  sœurs  un  nouveau  traité 
qui  fut  débattu,  adopté  de  part  et  d’autre  et  approuvé  par 
le  préfet  et  le  ministre  de  l’intérieur. 

Ce  traité,  quoique  renfermant  quelques  clauses  oné¬ 
reuses  aux  religieuses,  et  d'autres  susceptibles  d’interpré¬ 
tations  contradictoires,  fut  cependant  rais  à  exécution  et 
observé  jusqu’au  moment  où  l’administration  voulut  an¬ 
nexer  à  l’hôpital  la  fondation  d’une  classe  payante,  c’est- 
à-dire  jusqu’à  la  fin  des  vacances  de  1857.  M“«  Piotay  avait 
donné  pour  cette  fondation  la  somme  de  mille  francs. 

A  cette  époque,  une  nouvelle  sœur  fut  envoyée  à  Mus¬ 
sidan  ;  mais,  comme  le  nombre  des  élèves  fut  bientôt 
assez  considérable  pour  exiger  le  soin  de  deux  religieuses, 
la  congrégation  profita  de  cette  circonstance  pour  deman¬ 
der  à  l’administration  la  modification  du  traité  de  1850 
et  la  rédaction  de  certains  articles  en  des  termes  plus 
clairs  et  plus  précis. 

La  demande  de  la  supérieure,  au  nom  de  la  congréga¬ 
tion,  fut  d’abord  assez  mal  accueillie  par  l’administra¬ 
tion.  Il  s’en  suivit  une  discussion  qui  dura  plus  de  six 
mois.  On  finit  enfin  par  s’accorder  et  un  nouveau  traité 
eut  lieu  le  5  octobre  1858,  qui  portâtes  clauses  suivantes  : 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  37 

1°  Le  nombre  des  sœurs  valides  est  fixé  à  cinq,  dont 
deux  pour  la  classe  payante  ; 

2°  Ce  nombre  pourra  être  porté  à  six  sur  la  demande  de 
la  commission  administrative  et  si  les  besoins  l’exigent  ; 

3°  Les  sœurs  seront  logées,  meublées,  nourries,  etc., 
aux  frais  de  l’établissement  ; 

4°  Chaque  sœur  valide  recevra  une  indemnité  de  cent 
francs  par  an  pour  frais  de  vestiaire,  d’entretien,  etc.; 

5°  La  congrégation  aura  le  droit  de  laisser  dans  l'éta¬ 
blissement,  comme  reposante ,  une  sœur  âgée  ou  infirme 
qui  comptera  dix  années  de  service  dans  la  maison. 

En  1867,  le  conseil  municipal  de  Mussidan,  ayant  voulu 
fonder  une  école  communale  de  filles,  fit  la  demande 
d’une  septième  religieuse  pour  diriger  cette  école.  La 
demande  fut  favorablement  accueillie,  et  une  religieuse 
de  Sainte-Marthe  fut  nommée  institutrice  communale, 
résidant  à  l’hospice  aux  mêmes  conditions  que  les  autres 
religieuses. 

L’œuvre  du  conseil  municipal  de  1867  a  fonctionné  à  la 
grande  satisfaction  des  familles  jusqu’en  1878. 

Le  nouveau  conseil  municipal,  ayant  pour  président  un 
étranger,  n’a  pas  jugé  qu'il  fût  convenable  à  sa  dignité 
républicaine  de  conserver  à  des  religieuses  la  direction 
d’une  école  communale.  Mais  les  bonnes  sœurs,  peu  res¬ 
pectueuses  des  susceptibilités  républicaines,  ont  remplacé 
l’école  communale  par  une  école  libre,  plus  florissante 
aujourd’hui  que  n’était  leur  école  communale. 

Les  religieuses  de  Sainte-Marthe,  au  nombre  de  sept, 
dirigent  encore  l’hôpital  de  Mussidan; mais  la  commission 
administrative  a  été  entièrement  renouvelée.  Là,  comme  ' 
ailleurs,  on  ne  peut  être  bon  administrateur  du  bien  des 
pauvres  si  l’on  n’est  pas  républicain.  Le  vénérable  M.  de 
Vassal,  qui,  depuis  près  de  quarante  ans,  prêtait  son 


38  LES  ORIGINES  CHHÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC. 

concours  dévoué  et  généreux  aux  deux  administrations 
de  l’hôpital  et  du  Bureau  de  bienfaisance,  vient  d’en  être 
indignement  exclu.  Le  prêtre  n’a  pu  obtenir  grâce  devant 
l’étranger  qui  règne  à  Mussidan,  ni  devant  M.  le  préfet  de 
la  Dordogne  (1). 


(1)  Cette  Notice  était  imprimée  dans  la  Semaine  religieuse  du  iO  jan¬ 
vier  1880.  Depuis  cette  époque,  Mussidan  a  eu  à  déplorer  la  perte  de 
M.  de  Vassal,  décédé  le  2  juin  1881.  Son  successeur,  M.  l’abbé  Pou- 
meau,  précédemment  curé-doyen  de  Sainte-Aulaye,  n’a  pu  résister  au 
laïcisme  envahisseur,  et  les  religieuses,  coupables  d’avoir  une  école  libre 
plus  florissante  que  l’école  laïque ,  ont  reçu  ordre  de  ne  plus  faire  la 
classe  dans  les  dépendances  de  l’hôpital,  nonobstant  la  volonté  formelle 
des  donateurs.  C’est  l’équité  de  la  force  brutale. 


III 


Hôpital  de  Ribérac. 

Un  acte  notarié,  en  date  du  23  janvier  1768,  et  dont  une 
copie  est  déposée  dans  les  archives  de  l’hôpital  de  Ribé¬ 
rac,  fait  connaître  d’une  manière  bien  précise  l’origine  et 
la  fondation  de  cet  établissement.  L’origine  chrétienne 
ne  saurait  être  mieux  caractérisée. Cet  acte  est  ainsi  conçu : 

«  Par  devant  les  notaires  royaux  en  la  sénéchaussée  de 
»  Périgueux,  résidant  dans  la  ville  de  Ribérac,  soussi- 
»  gnés,  furent  présentes  demoiselles  Marie  et  autre  Marie 
»  Moulin,  sœurs  germaines,  filles  légitimes  de  défunt 
»  Annet  Moulin,  sieur  de  Lachaume,  et  de  Suzanne  de 
»  Lachèze,  demoiselle  Dirif,  habitantes  de  cette  ville,  dans 
»  leur  maison,  et  occupées  depuis  vingt-un  ans  environ 
»  à  recevoir  et  héberger  les  pauvres  malades,  à  les  soigner, 
»  à  leur  fournir  des  remèdes,  et  à  l’instruction  des  jeunes 
»  filles. 

»  Lesquelles  nous  ont  dit  qu’ayant  toujours  été  touchées 
»  de  voir  que,  dans  la  ville  de  Ribérac,  qui  est  peuplée  et 
»  commerçante,  il  n’y  avait  aucun  établissement  de  cha- 
»  rité  ni  pour  le  soulagement  des  pauvres  malades, ni  pour 
»  l’instruction  et  éducation  des  jeunes  filles,  ce  qui  faisait 
»  que  lespauvres  malades, tant  de  la  ville  que  du  voisinage, 


40  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  étaient  sans  aucun  secours  de  nourriture  et  de  remèdes 
»  dans  leurs  maladies,  mouraient  en  grand  nombre,  lors- 
»  qu’ils  auraient  pu  être  conservés  à  l’Etat ,  et  mouraient 
»  souvent  sans  secours  spirituels  et  sans  sacrements  ;  que 
»  les  soldats  de  Sa  Majesté  étant  en  route  et  arrivant  ma- 
»  lades  à  Ribérac  y  •  ont  reçu  des  soulagements  ;  elles 
»  avaient  conçu  le  dessein  depuis  longtemps  de  se  consa- 
»  crer  elles-mêmes  et  leurs  biens  à  ces  deux  objets  de 
»  charité  ;  qu’en  conséquence,  depuis  le  temps  dit,  elles 
«  avaient  disposé  leur  maison  pour  pouvoir  y  recevoir  et 
»  soigner  les  pauvres  et  les  soldats  malades  et  pouvoir  y 
»  tenir  une  école  chrétienne  et  gratuite  pour  les  jeues  fil- 
»  les  de  Ribérac  et  du  voisinage,  et  avaient, en  effet, rempli 
»  ces  deux  objets  par  elles-mêmes  de  l’agrément  de  Mon- 
»  seigneur  l’évêque  de  Périgueux  et  de  toute  ladite  ville, 
»  qui  avait  vu  avec  une  singulière  satisfaction  les  pauvres 
».  secourus  dans  leurs  maladies, et  les  jeunes  filles  instrui- 
»  tes  dès  leur  bas-âge  à  la  religion,  à  la  modestie,  au  tra- 
»  vail,  à  la  lecture  et  couture,  au  lieu  de  l’oisiveté  et  de  la 
»  dissipation  où  elles  étaient  auparavant  ;  que  lesdites 
»  demoiselles  Moulin  et  Marguerite  Piat,  Marguerite  Dus- 
»  solier  et  Anne  Dalesme  Dutticourby,  avec  une  fille  de 
»  service  nommée  Marthe  Ribéron,  qui  a  bien  voulu,  par 
»  un  même  esprit  de  charité  et  afin  de  procurer  le  bien 
»  public,  s’associer  à  leurs  travaux  et  les  aider  dans  les 
»  deux  fonctions  du  soin  des  pauvres  malades  et  des  éco- 
»  les  chrétiennes  ;  voyant  les  bénédictions  et  les  succès 
»  que  Dieu  avait  bien  voulu  donner  à  leurs  soins,  et  con- 
»  naissant  par  l’expérience  combien  il  est  à  désirer  que 
»-  cet  établissement  soit  perpétuel  et  durable,  si  Sa  Ma- 
»  jesté  veut  bien  l’autoriser,  attendu  surtout  que  la  ville 
»  de  Ribérac  est  éloignée  de  tout  hôpital  pour  les  pauvres 
»  malades,  puisque  celui  de  Périgueux  est  éloigné  de  douze 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  41 

»  lieuês  de  t  rance,  quoiqu’il  en  soit  le  plus  près,  et  que 
»  même  n’étant  fondé  que  pour  les  pauvres  malades  de  la 
»  ville  et  banlieue  de  Périgueux,  ceux  de  Ribérac  ne  s’y 
»  peuvent  faire  transporter  ni  y  être  reçus. 

»  C’est  pour  toutes  ces  considérations  et  causes- que  les- 
»  dites  demoiselles  Marie  et  autre  Marie  Moulin,  sœurs, 
»  sous  le  bon  plaisir  du  Roi,  ont,  par  ces  présentes,  projeté 
»  de  fonder  à  perpétuité  un  hôpital  dans  ladite:  ville1 -de 
»  Ribérac,  pour  y  recevoir,  héberger,  soigner,  traiter  et 
»  médicamenter  les  pauvres  malades,  comme  il  est  prati- 
»  qué  dans  les  autres  hôpitaux,  et  y  faire  les  instructions 
»  et  les  classes  chrétiennes  aux  jeunes  filles,  le  tout  ainsi 
»  et  le  même  que  lesdites  demoiselles  Moulin  en  ont  usé 
»  et  usent  depuis  plus  de  vingt  ans  qu’elles  ont  formé  cet 
»  établissement  de  leurs  biens  et  revenus  patrimoniaux, 
»  et  avec  la  permission  de  Mer  l’évêque  de  Périgueux,  et 
»  de  M.  le  marquis  de  Chapt,  seigneur  comte  de  Ribérac  ; 
»  pour  la  dotation  duquel  hôpital  et  œuvre  de  fondation, 
»  lesdites  demoiselles  Moulin  offrent  de  céder  et  quitter 
»  par  don  et  donation  entre  vifs  et  à  jamais  irrévocable, 
»  et  autrement  de  se  dessaisir  purement  et  simplement  et 
»  dans  la  manière  que  faire  se  doit  suivant  les  lois  et  or- 
»  donnances  du  royaume,  de  la  propriété  des  biens  meu- 
»  blés  et  immeubles, noms, raisons  et  actions  rescindentes, 
»  rescisoires,et  exercices  d’icelles  qui  seront  ci-après  spé¬ 
cifiées  et  dénumérées,  pour  être  à  jamais .  consacrés  à 
»  recevoir,  héberger,  soigner,  traiter  et  médicamenter  les 
»  pauvres  malades  de  la  ville  de  Ribérac  et  du  voisinage, 
»  et  être  pour  les  filles  qui  dans  la  suite  voudront  servir 
»  ledit  hôpital,  pourvoir  à  l’instruction  classique  des  jeu- 
»  n'es  filles,  sans  que  lesdits  biens  puissent  être  détournés 
»  de  ces  objets,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit  et  pour 
»  quelque  cause  que  ce  puisse  être  ;  et  dans  le  cas  où,  par 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  la  suite  des  temps, ledit  hôpital  pourrait  être  détruit,  soit 
»  à  défaut  de  trouver  des  sujets  propres  ou  des  qualités 
»  requises,  soit  pour  soigner  les  pauvres  malades,  ou  faire 
»  la  classe,  ou  instruire  les  jeunes  filles,  ou  pour  quelque 
»  autre  motif  que  ce  puisse  être,  lesdites  demoiselles  Mou- 
»  lin,  esdits  cas,  sous  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté,  veu- 
»  lent  et  entendent  que  les  administrateurs  principaux  du- 
■>  dit  hôpital  demeureront  toujours  nantis  des  biens  et 
»  effets  qui  seront  ci-après  nommés,  pour  en  faire  l’emploi 
»  en  faveur  des  pauvres  de  la  présente  ville,  ou  autrement 
»  ainsi  qu’il  sera  visé  bon  être  par  lesdits  administrateurs, 
»  sur  l’avis  du  Bureau  qui  sera  établi  pour  l’administra- 
»  tion  dudit  hôpital. 

»  Lesquels  biens  ainsi  délaissés,  lesdites  demoiselles 
»  Moulin  ont  déclaré  être  et  consister  en  la  présente  mai- 
»  son  qu’elles  occupent,  située  dans  la  présente  ville,  pa- 
»  roisse  de  Saint-Martin,  où  se  trouve  une  chapelle  à  gau- 
»  che,  en  entrant  au  rez-de-chaussée,  et  une  classe  à  la 
»  main  droite,  les  deux  susdites  pièces,  classe  et  chapelle, 
»  séparées  par  un  vestibule  ;  le  cellier  et  la  cuisine  à  droite 
»  et  un  réfectoire  à  gauche.  Au  premier  étage,  une  galerie 
»  couverte  d’un  toit,  et  cinq  chambres  à  plusieurs  lits. 
»  Une  cour  de  quarante-deux  pieds  de  longueur  sur  trente- 
»  deux  de  largeur  ;  sur  la  droite  de  ladite  cour  une  grange 
»  et.  écurie,  et  sur  la  gauche,  un  mur  mitoyen  séparant 
»  ladite  maison  des  voisines.  Un  enclos  consistant  en  terre 
»  iabourable,  pré  et  jardin,  le  tout  de  la  contenance  de 
»  cinq  journaux.» 

Vient  ensuite  l’énumération  longuement  détaillée  des 
autres  immeubles  donnés  par  ces  demoiselles  et  consis¬ 
tant  en  : 

»  1°  Une  autre  petite  maison  joignant  la  précédente,  et 
»  acquise  par  ces  demoiselles  de  M.  Jouffrey. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  43 

»  2°  Une  métairie  appelée  de  Jolligner,  exploitée  par 
»  une  paire  de  bœufs  et  une  paire  de  vaches,  située  dans 
»  la  paroisse  de  Paye,  près  Ribérac,  et  assortie  de  tout  ce 
»  qui  était  nécessaire  pour  l’exploitation. 

»  3°  Des  terres  labourables,  situées  dans  les  apparte- 
»  nances  du  village  de  Montilloux,  paroisse  de  St-Mar- 
»  tial-de-Ribérac. 

»  4<>  Autre  terre  labourable,  située*dans  les  appartenan- 
»  ces  du  môme  village. 

»  Tous  les  meubles  meublants,  linge,  ustensiles  et  au- 
»  très  effets  se  trouvant  dans  la  maison.  » 

Vient  ensuite  le  don  et  legs  de  plusieurs  sommes  en 
rentes  constituées  sur  divers  particuliers  formant  un  total 
de  2,100  livres. 

A  la  suite  de  cette  énumération,  intervient  dans  l’acte 
Marthe  Riberon,  qui  déclare  faire  donation,  aux  mêmes 
clauses  et  conditions  que  les  demoiselles  Moulin,  d’une 
pièce  de  pré  à  elle  appartenant,  située  sur  la  paroisse  de 
Saint-Martin-de-Ribérac  et  estimée  la  somme  de  600  livres. 

Cet  acte  est  signé  :  Marie  Moulin  aînée,  Marie  Moulin, 
Marthe  Riberon,  Dussolier,  notaire,  et  Pourteyron,  notaire. 
Il  est  suivi  de  l’inventaire  du  mobilier  donné  par  les  de¬ 
moiselles  Moulin  et  constaté  par  les  mêmes  notaires. 

Cette  donation  fut  soumise  à  la  sanction  du  Roi  et  ap¬ 
prouvée  par  ordonnance  royale,  en  date  du  mois  de  no¬ 
vembre  1767.  Par  cette  ordonnance  est  , approuvée  la  fon¬ 
dation  d’une  maison  de  charité  et  d’instruction  dans  la 
ville  de  Ribérac,  et  les  officiers  municipaux  de  cette  ville 
sont  autorisés  à  accepter,  au  nom  des  habitants,  les  libé¬ 
ralités  des  demoiselles  Moulin,  aux  clauses  et  conditions 
stipulées  dans  l’acte. 

En  vertu  des  pouvoirs  qui  leur  étaient  accordés  par  l’or¬ 
donnance  royale,  les  officiers  municipaux  de  la  ville  firent 


44 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


leur  acceptation  par  un  acte  public,  en  date  du  l*-1-  juillet 
1771,  et  dès  lors  l’hospice  de  Ribérac  se  trouva  régulière¬ 
ment  et  légalement  fondé.  Déjà,  les  deux  pieuses  fonda¬ 
trices,  avec  l’autorisation  de  Monseigneur  l’évèqne  de 
Périgueux,  s’étaient  consacrées  à  Dieu  par  les  vœux  de 
religion,  sous  le  vocable  àe  Sœurs  de  Sainte-Marthe,  pre¬ 
nant  pour  modèle  les  religieuses  de  Sainte-Marthe  de 
Périgueux,  dont  elles  .avaient  adopté  la  règle,  tout  en  con¬ 
servant  leur  indépendance. 

L’hospice  de  Ribérac  étant  ainsi  constitué  en  commu¬ 
nauté  religieuse,  les  fondatrices  s’agrégèrent  des  sujets 
pour  pouvoir  continuer  et  perpétuer  leur  œuvre.  Mais  le 
moment  n’était  pas  éloigné  où  il  devait  en  être  de  cette 
communauté  comme  de  toutes  celles  qui  existaient  alors 
en  France.  L’orage  révolutionnaire  éclata  sur  elle,  et  les 
religieuses  furent  obligées  de  se  disperser  et  de  se  réfu¬ 
gier  au  sein  de  leurs  familles. 

Aussitôt  que  le  calme  commença  à  se  rétablir,  la  muni¬ 
cipalité  de  Ribérac,  bien  différente  de  celle  d’aujourd’hui, 
persuadée  qu’elle  n’avait  rien  de  mieux  à  faire,  dans  l’in¬ 
térêt.  des  pauvres  et  des  malades,  que  de  rappeler  les 
religieuses  qui  avaient  fait  tant  de  bien,  prit  une  délibé¬ 
ration  dans  ce  but  et  provoqua  un  arrêté  du  préfet  de  la 
Dordogne,  en  date  du  16  floréal,  an  XI  de  la  République. 
Qn  lit  dans  cet  arrêté  : 

«  Yu  la  délibération  de  la  commission  civile  de  l’hos- 
»  pice  de  Ribérac  du  15  germinal  dernier,  tendant  à 
»  rappeler  les  religieuses  anciennement  chargées  de  l’ad- 
»  ministration  intérieure  de  cet  établissement,  à  la  charge 
»  par  lesdites  religieuses  de  porter  et  dépenser  leurs 
»  revenus  particuliers  dans  l’hospice,  et  sous  la  condition 
»  qu’elles  jouiront  de  l’enclos  attaché  à  la  maison  et  du 
»  produit  des.  rentes  montant  à  237  francs  ; 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  45 

»  Considérant(nous  livrons  ce  considérant  aux  réflexions 
»  de  nos  modernes  réformateurs),  considérant  qu’on  doit 
»  espérer  du  retour  des  religieuses  dans  cet  hospice  tous 
»  les  avantages  qu'il  a  perdus  depuis  leur  absence... 

»  Arrête  :  la  commission  de  l’hospice  de  Ribérac  est 
»  autorisée  à  rappeler  les  religieuses  Desgranges,  Feyfant 
»  et  Ghouri.  » 

Et  cela  était  dit  et  signé  par  un  préfet  de  la  Dordo¬ 
gne  !  (1)  11  nous  fut  donné  un  jour  de  placer  notre  main 
dans  la  sienne  ;  nous  y  trouvions  toute  la  chaleur  du 
vieil  honneur  français. 

Cet  arrêté  donna  lieu  à  une  nouvelle  réunion  de  la  com¬ 
mission,  en  date  du  25  messidor  an  XI.  Dans  cette 
réunion,  il  fut  dit  que  «  Mme  Feyfant  s'était  présentée  et 
»  avait  déclaré  qu’elle  consentait  à  reprendre  la  direction 
»  de  l’hospice  ;  que  Mme  Desgranges  avait  refusé  de  ren- 
»  trer  à  cause  de  son  grand  âge  et  de  ses  infirmités  ;  que 
»  Mme  Ghouri  avait  objecté  que  sa  famille  avait  besoin  de 
»  son  secours,  et  que  la  sœur  Mazière,  postulante,  y  était 
»  rentrée  pour  donner  des  soins  aux  malades  ». 

A  la  suite  de  cette  délibération  vient  l’énumération  de 
tous  les  objets  qui  se  trouvaient  alors  dans  l’hospice. 

Après  qu’elle  eut  repris  la  direction  de  l’établissement 
avec  la  novice  et  une  sœur  converse^  la  Mère  Feyfant 
admit  quelques  jeunes  personnes  qui  se  présentèrent 
pour  se  consacrer  à  Dieu  et  au  service  des  pauvres,  et 
bientôt  le  nombre  des  religieuses  fut  suffisant  pour  les 
besoins  de  la  maison. 

Plus  tard,  l’hospice  ayant  acquis  une  plus  grande 
importance  et  augmenté  ses  revenus,  la  commission  s’oc¬ 
cupa  de  faire  construire  un  nouveau  local  à  peu  de  dis- 


(1)  Le  baron  Rivet. 


46  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC, 

tance  de  l’ancien,  qui  était  devenu  insuffisant  et  tombait 
en  ruine.  Ce  nouveau  local  est  celui  qui  existe  aujour¬ 
d’hui  et  qui  est  parfaitement  approprié  au  service  des 
établissements  de  cette  nature.  Les  soeurs,  au  nombre  de 
six,  y  sont  occupées  aux  soins  des  pauvres  et  des  malades 
et  à  la  direction  d’une  école  gratuite. 

Il  n’y  a  pas  eu  d’autres  conditions  avec  l’administra¬ 
tion  que  celles  qui  avaient  été  réglées  à  l’époque  de  la 
rentrée  des  sœurs.  Les  ressources  dont  elles  disposent 
personnellement  suffisent  à  leurs  besoins. 

A  l’époque  de  la  réunion  de  toutes  les  communautés, 
celle  de  Ribérac  a  adhéré  à  la  mesure  sans  observation  et 
sans  aucune  condition  particulière. 


Hôpital  de  Bergerac. 


Plusieurs  années  avant  la  fin  du  xn°  siècle,  il  existait  à 
Bergerac  un  hôpital  sous  le  vocable  d 'Hôpital  du  Saint- 
Esprit,  relevant  de  l’hôpital  du  même  nom  fondé  à 
Montpellier  par  Guy,  fils  de  Guillaume,  seigneur  de 
Montpellier  et  de  Sibylle. 

Ce  Guy  est  généralement  reconnu  pour  fondateur  de 
l’Ordre  hospitalier  du  Saint-Esprit.  Il  bâtit  à  Montpellier, 
sur  la  Un  du  xn°  siècle,  un  célèbre  hôpital  pour  y  rece¬ 
voir  le§  pauvres  malades.  Son  insigne  charité  le  rendit 
très  recommandable.  Il  procura  de  grands  biens  à  son 
nouvel  établissement,  et  associa  avec  lui  d’autres  per¬ 
sonnes  pour  en  avoir  soin  et  assister  les  pauvres  de  leurs 
biens.  En  peu  de  temps  son  Ordre  s’étendit  en  plusieurs 
villes,  comme  il  paraît  par  la  Bulle  du  Pape  Innocent  III, 
du  23  avril  1198,  portant  approbation  de  cet  Ordre  (1). 

(1)  Voir,  pour  la  fondation  de  l’Ordre  hospitalier  du  Saint-Esprit,  le 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux,  édition  Migne,  t.  h,  p.  202  et  suiv. 

Voir  aussi,  pour  l’hôpital  de  Bergerac,  les  notes  que  notre  savant  col¬ 
lègue  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Périgord,  M.  Elle  de 
Biran,  a  publiées,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  (t.  vu,  p.  313  et  suiv.), 
sur  les  établissements  de  bienfaisance  de  la  ville  de  Bergerac.  Nous  lui 
faisons  de  nombreux  émpruûts. 


48 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Mais  en  quelle  année  précise,  dans  quelles  circonstances, 
dans  quel  but  spécial,  avec  le  concours  de  quelles  per¬ 
sonnes,  Guy  de  Montpellier  fonda-t-il  un  hôpital  à  Ber¬ 
gerac?  Nos  documents  se  taisent  à  cet  égard.  Il  n’en  est 
pas  moins  vrai  qu’il  fut  le  fondateur  d’un  hôpital  du 
Saint-Esprit  dans  cette  ville.  Gela  ressort  de  la  Bulle  déjà 
citée  d’innocent  III.  Le  Pape  y  fait  l'énumération  des 
hôpitaux  que  l’Ordre  possédait  déjà,  et  il  les  soumet  à 
l’autorité  de  Guy  et  de  ses  successeurs  à  perpétuité.  Nous 
y  trouvons  mentionné  l’hôpital  de  Bergerac,  et,  à  son 
sujet,  la  Bulle  s’exprime  ainsi  :  Bomum  quàm  habetis  in 
villa  quæ  dicitur  Brageac,  tibi,  fili,  Guido,  etsuccessoribus 
tuis  perpetuo  subjacere....  (sans  doute)j oolumus. 

En  vertu  de  la  soumission  prononcée  par  cette  Bulle, 
l’hôpital  de  Bergerac  fut  sous  la  dépendance  de  l’hôpital 
de  Montpellier,  et  régi  par  un  délégué  du  Commandeur 
général  de  l’Ordre,  portant  lui-même  le  nom  de  Comman¬ 
deur  du  Saint-Esprit. 

«  Cet  hôpital  était  situé  hors  de  la  ville  et  consistait  en 
»  une  maison  et  terres  environnantes,  en  rentes  foncières 
»  et  directes,  en  douze  pognères  de  blé  que  lui  faisait 
»  annuellement  chacun  des  sept  moulins  de  la  ville,  et  en 
»  charités  que  les  âmes  pieuses  lui  faisaient,  qu’on  nom- 
»  mait  alors  sancta  chantas.  » 

Ainsi  fondé  et  régi,  l’hôpital  du  Saint-Esprit  de  Ber¬ 
gerac  se  développa  et  prospéra  pendant  plusieurs  siècles, 
les  pauvres  et  les  malades  y  recevant  les  soins  intelli¬ 
gents  et  dévoués  des  Frères-Hospitaliers,  dont  le  chef 
prenait  toujours  la  dénomination  de  Commandeur,  rele¬ 
vant  du  Commandeur  de  Montpellier.  Nos  documents  ne 
nous  permettent  pas  de  suivre  ses  développements  et  ses 
diverses  vicissitudes  ;  ils  nous  font  défaut  jusqu’en  1405. 
A  cette  date  il  ne  prospérait  pas,  peut-être  par  le  manque 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  49 

de  ressources,  peut-être  par  la  négligence  du  comman¬ 
deur.  Sous  cette  date,  «  les  consuls  de  la  ville  écrivirent 
»  au  grand  commandeur  de  Montpellier  de  vouloir  pour- 
»  voir  d’un  bon  commandeur  l'hôpital  du  Saint-Esprit 
»  qui  dépérissait.  » 

Cet  hôpital,  dont  la  position  dut  s’améliorer  sous  le 
nouveau  commandeur,  était-  situé,  comme  nous  l’avons 
dit,  hors  de  la  ville.  Il  eut  plus  tard,  à  l’intérieur,  comme 
une  succursale  qui  devint  l’hôpital  principal,  sous  le  nom 
d’Hôtel-Dieu. 

En  effet,  nous  voyons  dans  les  Notes  de  M.Eliede 
Biran  que,  «  le  29  janvier  1416,  Peyre  Donzel  donna  par 
»  contrat  au  commandeur  du  Saint-Esprit  une  maison 
»  sise  dans  la  ville,  près  la  Font-Balquine,  pour  en  faire 
»  un  hôpital  pour  les  pauvres,  moyennant  qu’il  lui  ferait 
»  dire  une  messe  tous  les  vendredis.  »  Elle  ne  tarda  pas  à 
être  mise  à  la  disposition  des  pauvres,  toujours  sous  l’au¬ 
torité  du  commandeur. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  reproduire  ici  la 
suite  des  Notes  de  M.  de  Biran,  qui  ne  sont  que  la  copie 
de  notes  extraites  en  1805  de  l’inventaire  des  titres  et 
papiers  de  l’hôpital,  par  M.  Guillaume  Gontier  de  Biran, 
ancien  député  aux  Etats-Généraux  de  1789.  Elles  nous 
disent  bien  les  diverses  phases  de  prospérité  et  de 
malheur  et  de  l’hôpital  du  Saint-Esprit  et  de  l’Hôtel- 
Dieu. 

«  Lorsque  les  religieux  furent  chassés  de  la  ville  parles 
»  religionnaires,  leurs  meubles  et'  papiers  furent  portés 
»  à  la  maison  de  ville  ;  les  maire  et  consuls  en  firentmeu- 
»  bler  la  maison  qu’avait  donnée  Peyre  Donzel,  qui  fut 
»  desservie  par  des  filles  pieuses  et  administrée  exclusi- 
»  vement  par  les  maire  et  consuls  jusqu’à  la  déclaration 


50 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  du  roi  du  12  décembre  1698,  portant  règlement  pour 
»  l’administration  des  hôpitaux  (1). 

»  Il  paraît  que  les  maire  et  consuls,  pendant  leur  admi- 
»  nistration,  gardèrent  les  rentes  des  religieux  hospitaliers 
»  et  les  firent  tourner  au  profit  de  la  ville,  et  la  rente  des 
»  douze  pognères  de  blé  de  chaque  moulin  fut  pendant 
»  longtemps  distribuée  par  eux  aux  pauvres  le  jour  de  la 
»  Pentecôte,  en  petits  pains  qu’on  portait  sur  le  pont  de 
»  la  Dordogne. 

»  Le  15  mars  1555,  Elie  Eymery,  prêtre,  donna  aux 
»  pauvres,  par  son  testament,  une  vigne  qu’il  avait  dans 
»  la  paroisse  de  Ste-Foy- des-Vignes. 

»  Le  14  mars  1592,  Samuel  de  Clermont,  seigneur  de 
»  Piles,  donna  également,  par  son  testament,  aux  pauvres 
»  de  l’hôpital  de  Bergerac,  une  somme  de  quatre  cents 
»  écus  pour  être  mis  en  rentes. 

»  Le  15  novembre  1673,  Marthe  Bonheure  fait  une  dona- 
»  tion  aux  pauvres  de  l’Hôtel-Dieu  de  Bergerac,  par  acte 
»  devant  Marphaud,  notaire  royal. 

'  »  Le  15  novembre  1673,  par  un  jugement  des  commis- 
»  saires  députés  nommés  par  le  roi,  le  maire  et  consuls 
»  furent  condamnés  à  rembourser  à  l’hôpital  une  somme 
»  de  mille  livres  qu’ils  avaient  ci-devant  prise  des  mains 
»  du  receveur  de  cet  hôpital.  Cette  somme  fut  remboursée 

(1)  Dès  1696,  d’après  une  Note  de  Lespine  (Bibl.  n1»,  Papiers  Lespine , 
t.  48,  p.  192),  Mme  Anne  Lachapelle  (d’autres  disent  demoiselle  Lacoste), 
fille  du  bailli  de  Bergerac,  avait  formé  la  communauté  des  filles  de  l’hô¬ 
pital  et  y  était  entrée  avec  l’approbation  de  l’évêque  de  Périgueux .  Sous 
sa  prudente  direction,  l’établissement,  dont  les  ressources  étaient  presque 
taries,  prit  un  nouveau  développement.  (Nous  verrons  qu’on  lui  attribue 
de  avoir  relevé  de  ses  ruines.)  La  fondatrice  mourut  en  1741.  Mme  de 
Birrn,  qui  lui  succéda,  s’inspira  de  ses  pieux  exemples.  A  sa  mort,  elle 
avai',  reçu  dix-neuf  religieuses  qui  la  secondaient  dignement  dans  sa  mis¬ 
sion  de  charité. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  51 

»  en  une  liasse  de  rentes  que  l’hôpital  a  perçues  jusqu’à 
»  la  Révolution. 

»  Le  24  août  1693,  le  roi,  par  sa  déclaration,  ordonna 
que  les  biens  et  revenus  des  maladreries  et  léproseries 
»  seraient  donnés  aux  hôpitaux  des  lieux.  Dès  lors  l’hô- 
»  pital  jouit  des  biens  ayant  appartenu  aux  Frères  du 
»  Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare. 

»  Le  24  août  1693,  arrêt  du  conseil  d’Etat  du  roi  portant 
»  que  l’aumône  et  distribution  que  les  maire  et  consuls 
»  de  la  ville  faisaient  aux  pauvres  le  jour  de  la  Pentecôte 
»  seraient  réunies  à  l’hôpital  de  Bergerac.  Cette  aumône 
»  et  distribution  étaient  de  douze  pognères  de  blé,  que 
»  chaque  moulin  de  la  ville  faisait  de  rente  annuelle. 
»  L’hôpital  en  a  joui  jusqu’à  la  Révolution. 

»  Le  5  décembre  1690,  brevet  du  roi  par  lequel  Sa  Ma- 
»  jesté  donna  aux  pauvres  de  l’hôpital  la  place  ayant  servi 
»  ci-devant  de  cimetière  à  ceux  de  la  religion  P.  R.  Ce 
»  cimetière  fut  changé  en  jardin,  dont  l’hôpital  a  joui  jus- 
»  qu’à  la  Révolution,  époque  où  ses  biens  furent  vendus. 

»  Enfin  il  fut  fait  à  l’hôpital  beaucoup  d’,autres  legs  qui 
»  firent  monter  ses  revenus,  en  1790,  à  près  de  5,000  livres, 
»  sans  y  comprendre  les  revenus  en  nature  d’une  métairie, 
»  d’un  vignoble  et  de  trois  jardins. 

»  Dans  la  Révolution,  les  biens  ruraux  de  l’hôpital 
»  furent  vendus  62,000  francs.  Les  capitaux  qui  avaient  été 
»  placés  en  rentes  constituées  furent  remboursés  au 
»  Trésor  national  en  assignats.  Les  papiers  et  titres  furent 
»  dispersés,  égarés  ou  perdus.  Les  hospitalières  abandon- 
»  nèrent  les  pauvres  (1)  et  se  retirèrent  auprès  de  leurs 

(1)  Las  religieuses  hospitalières  n 'abandonnèrent  pas  les  pauvres,  mais, 
comme  nous  le  dirons  bientôt,  elles  furent  indignement  chassées  de 
l’hôpital  et  jetées  dans  la  rue.  Il  fallait  bien  qu’elles  cherchassent  un  refuge 
chez  leurs  parents. 


52 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  parents.  Il  n’y  en  resta  qu’une  qui,  sans  secours,  sans 
»  appui,  supporta  tout  le  fardeau  de  cet  établissement. 

»  L’administration  municipale  vint  au  secours  de  cette 
»  charitable  religieuse  ;  elle  la  nomma  directrice,  lui 
»  adjoignit  des  ûlles  pour  soigner  les  malades,  un  phar- 
»  macien  pour  lui  préparer  ses  remèdes,  sous  la  surveil- 
»  lance  d'un  médecin  et  d’un  chirurgien  habiles,  et  elle 
»  administra  le  reste  des  revenus  des  pauvres  (1)...  » 

»  Les  biens  ruraux  vendus  au  préjudice  des  pauvres 
»  furent  remplacés  par  d’autres,  et  les  rentes  remboursées 
»  par  d’autres  rentes,  à  la  vérité  très  mauvaises,  la  plu- 
»  part  féodales  ou  prescrites. 

»  L’hôpital  jouit  présentement  (1805)  d’un  revenu  de 
»  5,500  francs  en  argent  et  d’environ  100  hectolitres  de 
»  froment.  Sur  cela,  il  y  a  à  déduire  des  rentes  constituées 
»  et  autres  charges  qu’il  a  à  payer.  Il  a  cent  lits  montés 
>!  et  peut  recevoir  beaucoup  de  malades.  Le  minimum  de 
»  chaque  jour  est  de  trente.  11  est  desservi  par-  trois  reli- 
»  gieuses  hospitalières  et  trois  servantes  depuis  lepre- 
»  mier  thermidor  an  XII.  Ces  trois  hospitalières  sont  ren- 
»  trées  dans  cet  établissement  en  vertu  d’une  délibération 
»  du  5  prairial  an  XII,  approuvée  par  M.  le  Préfet.  * 

(1)  Il  y  a  ici  une  contradiction  qui  n’échappe  à  personne.  Comment 
cette  charitable  religieuse  supporta-t-elle  seule,  sans  secours,  sans  appui, 
tout  le  fardeau  de  l’établissement,  puisque  l’administration  municipale  se 
montra  pour  elle  si  bienveillante,  lui  adjoignit  trois  fille»  pour  soigner  les 
«alades,  un  pharmacien  pour  préparer  les  remèdes,  sous  la  surveillance 
d’un  médecin  et  d’un  chirurgien  habiles?  Nous  ne  voulons  pas  suspecter 
les  sentiments  de  l’auteur  de  ces  Notes,  mais  nous  ne  pouvons  croire  à  tant 
de  bienveillance  de  la  part  d’une  administration  qui  laisse  chasser  les  reli¬ 
gieuses  de  l’hôpital  et  ravir  aux  pauvres  l’asile  que  la  charité  chrétienne 
leur  avait  créé.  Si  les  pauvres  avaient  conservé  leur  hôpital, «  le  représen- 
»  tant  du  peuple  Lakanal,  en  mission  à  Bergerao,  n’eût  pas  trouvé  le  local 
»  qu'ils  occupaient  malsain,  peu  aéré  et  fort  ineommode,  »  ainsi  que 
l’observe  l’auteur  de  ces  Notes. 


53 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

II.  —  Une  lettre,  conservée  dans  les  archives  de  l’hôpi¬ 
tal,  donne  sur  cet  établissement  les  détails  les  plus  inté¬ 
ressants  ;  ils  font  bien  connaître  son  origine  chrétienne 
et  les  diverses  phases  qu’il  a  subies.- 

Cette  lettre,  aussi  remarquable  par  le  fond  que  par  la 
forme,  fut  adressée  en  1806  à  MSI'  Portalis,  alors  minis¬ 
tre  des  cultes,  par  deux  religieuses,  les  premières  rentrées 
à  l’hôpital  après  la  Révolution  de  93.  En  la  reproduisant, 
nous  compléterons  l’histoire  de  cet  hôpital. 

«  A  Son  Excellence  Monseigneur  Portalis, 
ministre  des  cultes. 

»  Monseigneur, 

»  C’est  à  la  charité  généralement  reconnue  de  Yotre 
»  Excellence  que  nous  prenons  la  liberté  de  recourir  dans 
»  les  circonstances  où  nous  nous  trouvons. 

»  Nous  sommes  deux  sœurs  hospitalières  de  l’hospice  de 
»  Bergerac,  département  de  la  Dordogne,  qui,  seules  d’une 
»  maison  infiniment  plus  nombreuse  avant  la  Révolution, 
»  faisons  dans  ce  moment  le  service  des  pauvres  malades 
»  dans  ledit  hospice.  Mais  comme  nous  pourrions  y  être 
»  troublées,  d’après  le  décret  impérial  du  3  messidor  an 
»  XII,  nous  venons  supp.lier  Yotre  Excellence  de  nous  ob- 
»  tenir  par  sa  puissante  intercession  l’existence  légale  de 
»  notre  congrégation. 

a  Pour  justifier  de  notre  demande,  nous  prions  Votre 
«  Grandeur  de  nous  permettre  d’entrer  ici  dans  quelques 
»  détails  qui  nous  paraissent  nécessaires  dans  l’intérêt  des 
»  pauvres,  et  que  votre  amour  pour  eux  voudra  bien  nous 
»  pardonner. 

»  La  ville  de  Bergerac  avait  de  toute  ancienneté  un  hô- 


54 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  pital  pour  y  recevoir  et  y  soigner  les  pauvres  malades. 
»  Il  paraît  môme  qu’il  avait  été  assez  richement  doté  ; 
»  mais  les  vices  de  son  administration,  peut-être  même  le 
»  malheur  des  temps,  avaient  réduit  presque  à  rien  un  éta- 
»  blissement  si  utile.  Il  n’y  restait  plus  que  quelques  ma- 
»  sures,  où,  faute  de  soins,  les  'malades  trouvaient  plutôt 
»  la  mort  que  les  secours  qui  leur  étaient  nécessaires. 

»  Touchée  du  triste  état  de  cette  maison,  la  demoiselle 
»  Lacoste,  fille  que  sa  piété  et  sa  charité  rendaient  égale- 
»  ment  recommandable,  entreprit,  il  y  a  plus  de  cent  ans, 
»  par  le  moyen  de  sa  fortune  qui  était  considérable,  et 
»  par  le  crédit  de  sa  famille  qui  occupait  les  principales 
»  places  de  la  ville,  de  rétablir  cet  hôpital,  et,  poury  réus- 
»  sir,  elle  s’associa  plusieurs  demoiselles  de  Bergerac  et 
»  des  environs,  que  la  religion  détermina  à  se  consacrer 
»  avec  elle  au  service  des  pauvres  malades,  et  à  se  réunir 
»  en  communauté  sous  sa  direction. 

»  La  déclaration  du  roi  du  12  décembre  1698,  portant 
»  règlement  pour  l’administration  des  hôpitaux,  vint,  par 
»  l’établissement  d’un  bureau  administratif  des  biens  des 
»  pauvres,  consolider  l’ouvrage  de  la  demoiselle  Lacoste, 
»  qui,  avant  sa  mort,  eut  la  satisfaction  de  voir  cet  hôpital 
»  relevé  de  ses  ruines,  ses  biens  grossis  et  mieux  adminis- 
»  très,  et  surtout  sa  communauté  des  sœurs  hospitalières, 
»  dont  elle  était  la  fondatrice,  justifier,  par  son  zèle  à  ser- 
»  vir  les  malades,  la  confiance  qu’elle  avait  mise  en  elle. 

»  En  mourant,  la  demoiselle  Lacoste  laissa  une  partie 
»  de  ses  biens  aux  pauvres,  et  à  sa  communauté  l’autre 
»  partie,  voulant  que  le  revenu  de  celle-ci  servît  à  ses 
»  sœurs  dans  leurs  besoins  et  de  supplément  à  la  dot 
»  qu’elles  apportaient  en  entrant  à  la  maison  ;  car  toutes 
»  devaient  y  venir  avec  un  revenu  suffisant  pour  les  faire 
»  vivre  sans  qu’elles  fussent  dans  le  cas  d’avoir  recours  au 


55 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

»  bien  des  pauvres.  Aussi,  du  moment  de  l’établissement 
»  de  notre  société  jusqu’au  moment  de  la  Révolution,  les 
»  biens  des  pauvres  et  les  nôtres  ont  toujours  été  admi- 
»  nistrés  séparément,  les  premiers  par  le  bureau  établi  en 
»  vertu  de  la  déclaration  de  1698,  et  les  seconds  par  nos 
»  supérieures. 

»  Les  uns  et  les  autres,  grâce  à  une  sage  économie  et  à 
»  quelques  dons  que  la  piété  déterminaient,  avaient  pros- 
»  péré  si  heureusement,  qu’à  l’époque  de  la  Révolution 
»  notre  communauté  comptait  environ  vingt-cinq  reli- 
»  gieuses  ou  sœurs,  toutes  occupées  du  service  de  l’hôpi- 
»  tal  de  Bergerac  ou  de  celui  d’Eymet,  ce  dernier  fondé 
»  par  ladite  demoiselle  Lacoste  qui  l’avait  laissé  aux  soins 
»  des  religieuses  de  Bergerac. 

»  Dans  ce  même  temps,  le  bureau,  qui  voyait  croître 
»  ses  revenus,  était  sur  le  point  d’augmenter  ses  bâti- 
»  ments  et  le  nombre  des  lits,  aün  qu’un  plus  grand  nom- 
»  bre  de  malades,  et  principalement  les  militaires  et  les 
»  marins,  pussent  y  être  admis  avec  plus  de  facilité  et 
»  mieux  soignés. 

»  La  Révolution  détruisit  les  biens  des  pauvres  et  les 
»  nôtres  ;  meubles  et  immeubles,  titres  et  papiers,  tout 
»  fut  envahi  ou  dispersé.  On  nous  chassa  ignominieuse- 
»  ment  de  notre  maison.  A  peine  nous  permit-on  de  nous 
»  retirer  au  sein  de  nos  familles  qui  furent  de  nouveau 
»  chargées  de  fournir  à  nos  besoins,  puisqu’il  en  était 
»  beaucoup  parmi  nous  qui  en  entrant  avaient  donné 
»  leurs  capitaux  au  bureau,  à  la  charge  seulement  par 
»  celui-ci  de  leur  en  payer  les  intérêts,  leur  vie  durant, 
»  le  capital  lui  étant  acquis  après  leur  mort. 

»  Un  hôpital  était  trop  nécessaire  à  Bergerac  pour  qu’on 
«  pût  s’en  passer  longtemps  ;  aussi  ne  tarda-t-on  pas  à 
»  le  rétablir,  non  dans  son  ancienne  maison,  mais  dans 


56 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  une  autre  dont  on  avait  expulsé  les  Dames  de  la  Foi , 
»  où  il  est  même  encore  ;  mais  nos  sœurs  ne  crurent  pas 
»  devoir  ni  pouvoir  aller  y  reprendre  auprès  des  malades 
»  l’exercice  de  leurs  fonctions,  à  l’exception  d’une  seule 
»  qui  y  a  toujours  demeuré  jusqu’à  sa  mort  arrivée  il  y  a 
»plus  d’un  an. 

»  Pour  nous,  nous  n’y  sommes  rentrées  que  depuis 
»  deux  ans,  c’est-à-dire  lorsque  nous  avons  vu  l’ordre  se 
»  rétablir,  l’autorité  se  concentrer  et  se  réunir  dans  des 
»  mains  dignes  de  porterie  sceptre  du  monde,  et  lorsque 
»  un  heureux  concert  de  la  religion  et  des  lois  a  dissipé 
»  toutes  nos  craintes  sur  l’avenir,  et  ranimé  nos  espé- 
»  rances. 

»  Mais  quelque  bien  fondées  qu’elles  soient  par  rap¬ 
port  à  nous,  nous  ne  pouvons  pas  nous  dissimuler  que 
»  notre  état  est  précaire,  et  que,  sans  une  autorisation  ex- 
»  presse  de  Sa  Majesté  Impériale,  nous  ne  pouvons  nous 
»  flatter  d’aucune  stabilité,  ce  qui,  vraisemblablement,  a 
»  empêché  celles  de  nos* sœurs  qui  vivent  encore  de  se 
»  réunir  à  nous  ;  ce  qu’elles  feront,  nous  n’en  doutons 
»  pas,  lorsqu’elles  pourront  rentrer  dans  leur  maison 
»  sans  crainte  d’en  être  expulsées  de  nouveau. 

»  Suivant  le  décret  impérial  du  3  messidor  an  XII,  nous 
»  serions  tenues  de  rapporter  les  statuts  et  règlements  de 
»  notre  maison,  mais  nous  avons  déjà  pris  la  liberté  d’ob- 
»  server  à  Votre  Excellence  que  tout  nous  a  été  enlevé, 
»  que  dans  ce  moment  nous  ne  pouvons  fournir  aucun 
»  renseignement,  si  ce  n'est  que  notre  maison  était  gou- 
»  vernée,  pour  ce  qui  regardait  le  bien  des  pauvres,  par 
»  un  bureau  formé  d’après  la  déclaration  du  Roi  du  12 
»  décembre  1698,  et  composé  des  premiers  officiers  de 
»  justice  et  municipaux,  ainsi  que  du  curé,  lesquels  ap- 
»  pelaient  dans  leurs  réunions  les  personnes  les  plus  re- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  57 

»  commandables  de  la  ville,  pour  s’aider  de  leurs  lumiè- 
»  res  et  de  leurs  conseils.  Nous  pensons  même  que  c’est 
»  à  la  sage  administration  de  ce  bureau  que  le  bien  des 
»  pauvres  était  redevable  de  l’accroissement  considérable 
>>  qu’il  avait  pris. 

»  Pour  ce  qui  concernait  notre  bien  propre,  c’étaient 
»  nos  supérieures  et  nos  anciennes  qui  l’administraient, 
»  et  les  produits  de  leurs  soins  et  de  leurs  économies 
»  tournaient  encore  plus  à  l’avantage  des  pauvres  qu’au 
»  nôtre  ;  toutes  nos  pensées,  toutes  nos  affections  et  nos 
»  désirs  n’allaient  qu’à  les  servir,  à  les  soigner  et  à  leur 
>  procurer  tous  les  secours  possibles.  Nous  ne  vivions  que 
»  pour  eux.  En  entrant  dans  la  maison,  nous  faisions 
»  deux  vœux  qui,  quoique  simples,  ne  nous  liaient  pas 
»  moins  que  s’ils  avaient  été  solennels,  puisque  dans  le 
»  cours  de  plus  d’un  siècle  àpeine  y  avait-il  eu  un  exemple 
»  d’une  de  nos  sœurs  qui  les  eût  rétractés.  Ces  deux  vœux 
»  étaient  ceux  de  chasteté  et  de  stabilité  au  service  des 
»  pauvres.  Nous  vivions  en  communauté  sous  le  nom  de 
»  Sœurs  hospitalières  de  Sainte-Marthe  et  sous  la  dire  c- 
»  tion  de  M.  le  curé  de  la  paroisse,  qui  était  notre  supé- 
»  rieur  dans  tout  ce  qui  concernait  la  religion. 

»  C’est  cette  communauté  ou  cette  agrégation  si  chère  et  à 
»  la  religion  et  à  l’humanité  qui  a  été  détruite  par  le  mal- 
»  heur  des  temps  et  dont  le- rétablissement  paraît  réservé 
»  à  la  charité  de  Votre  Excellence,  car  en  mettant  sous 
»  votre  protection  les  sœurs  de  la  charité  et  les  sœurs  hos- 
»  pitalières,  Sa  Majesté  impériale  a  voulu  favoriser  le  réta- 
»  blissement  de  ces  sociétés  que  laRévolution  avait  détrui- 
»  tes,  assurer  leur  stabilité  et  leur  procurer  enfin  tous  les 
»  avantages  qu’elles  ont  droit  de  réclamer  d’un  gouver- 
»  nement  aussi  éclairé  que  bienfaisant.  C’est  dans  cette 
»  confiance,  et  pour  satisfaire  aux  obligations  que  notre 


58 


»  état  nous  impose,  que  nous  prenons  la  liberté  de  re- 
»  courir  à  Votre  Excellence  afin  d’obtenir  : 

»  1°  L’autorisation  de  nous  réunir  en  communauté  avec 
»  celles  de  nos  sœurs  qui  vivent  encore  et  qui,  nous  n’en 
»  doutons  pas, n’attendent  que  le  moment  de  reprendre  avec 
»  sécurité  des  fonctions  auxquelles  elles  se  sontvouées  ; 

»  2°  Si  elles  ne  rentrent  pas,  lapermissiqn  de  nous  agré- 
»  ger  quelques  filles  pieuses,  que  la  religion  portera  à  se 
»  consacrer  au  service  des  pauvres  malades,  afin  d’assurer 
»  la  perpétuité  de  ce  service  ; 

»  3°  Enfin,  la  jouissance  des  mêmes  facultés  dont  notre 
»  communauté  jouissait  avant  la  Révolution. 

»  Si  nous  sommes  assez  heureuses  pour  obtenir  de  Votre 
»  Excellence  l’objet  de  nos  demandes,  nos  efforts  seront 
»  impuissants  pour  la  remercier  dignement.  Nous  la 
»  prions,  en  attendant,  d’agréer  les  vœux  que  nous  ne  ces- 
»  serons  d’adresser  au  ciel  pour  sa  prospérité,  et  la  béné- 
»  diction  des  pauvres  malades  qui  devront  à  sa  bonté  un 
»  meilleur  traitement.  >u 

Il  résulte  des  indications  données  par  cette  lettre,  qu’il 
existait  de  temps  immémorial  dans  la  ville  de  Bergerac 
un  hôpital,  dirigé  probablement  par  des  personnes  sécu¬ 
lières,  mais  qui  était  réduit  à  la  dernière  misère,  et  dont 
le  local  tombait  en  ruine,  lorsque  mademoiselle  Lacoste 
vint  consacrer  une  partie  de  sa. fortune  à  le  relever. 
C’était  vers  la  fin  du  xvne  siècle  ;  nous  en  jugeons  par 
une  ordonnance  de  Mgr  de  Francheville,  évêque  de  Péri- 
gueux,  en  date  du  12  juillet  1700,  approuvant  le  règle¬ 
ment  qui  fut  adopté  par  mesdames  Anne  de  Chapelle  et 
Jeanne  de  Gontier,  deux  des  premières  religieuses  que 
mademoiselle  Lacoste  avait  associées  à  son  œuvre  et  qui 
formèrent  le  premier  noyau  de  cette  congrégation  nais- 
.  santé. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  59 

On  trouve  encore  dans  les  archives  de  la  communauté 
que  ces  deux  mômes  religieuses  firent  bâtir  la  maison  où 
fut  établi  l’hôpital  et  qui  fut  donnée,  après  la  Révolution, 
pour  l’établissement  du  collège  qui  l’occupe  encore  au¬ 
jourd’hui. 

Nous  ne  connaissons  pas  les  noms  des  deux  premières 
religieusès  qui,  après  la  Révolution,  vinrent  prendre  pos¬ 
session  de  l’ancienne  maison  des  Dames  de  la  Foi,  que 
la  ville  mit  à  leur  disposition  pour  y  rétablir  l’hospice.  Il 
est  Vraisemblable  que  les  autres  religieuses  qui  avaient 
survécu  à  forage  révolutionnaire  ne  tardèrent  pas  à  se 
réunir  à  ces  deux  premières. 

Un  décret  impérial,  en  date  du  25  novembre  1810,  vint 
reconnaître  cette  communauté,  lui  donner  une  existence 
légale  et  approuver  ses  statuts  qui  étaient,  à  peu  de  chose 
près,  les  mêmes  que  ceux  de  toutes  les  autres  sœurs  de 
Sainte-Marthe. 

Divers  traités  furent  passés  successivement  avec  l’admi¬ 
nistration  pour  ce  qui  regarde  le  nombre  des  sœurs,  le 
service  intérieur  de  l’établissement,  l’emploi  des  fonds, 
etc.  Ces  traités  ont  reçu,  toutes  les  fois  qu’ils  ont  été  re¬ 
nouvelés,  des  modifications  selon  le  temps  et  les  circons¬ 
tances.  C’est  encore  aujourd’hui  sous  ce  même  régime 
que  cette  maison  est  gouvernée. 

A  l’époque  de  la  réunion  de  toutes  les  communautés  du 
diocèse  en  une  seule  congrégation,  c'est-à-dire  en  1852, 
les  sœurs  de  cette  communauté  étaient  au  nombre  de  huit 
religieuses  et  une  sœur  converse. 

Quoique  leur  acte  d’agrégation  ne  fasse  aucune  réserve 
en  ce  qui  concerne  la  nomination  de  la  supérieure,  ce¬ 
pendant,  en  1858,  après  la  mort  de  la  mère  Paris,  qui  était 
supérieure  depuis  plusieurs  années,  MSr  George  voulant 
laisser  aux  sœurs  de  cette  communauté  la  liberté  de  se 


60 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


choisir  une  nouvelle  supérieure,  elles  firent  l’élection 
comme  à  l’ordinaire,  et  leurs  suffrages  se  portèrent  sur 
sœur  Sophie  Barjou,  qui  avait  fait  profession  à  l’hospice 
de  Bergerac,  mais  qui  s’étant  agrégée  en  1856  à  la  con¬ 
grégation  générale,  avait  été  envoyée  à  Piégut,  en  qualité 
de  supérieure  pour  fonder  un  petit  établissement. 

Jusqu’à  cette  époque,  les  religieuses  qui  avaient  été  atta¬ 
chées  à  l’hospice  de  Bergerac  n’avaient  eu  droit  qu’au  lo¬ 
gement,  à  la  nourriture,  au  chauffage  et  à  l’éclairage,  et 
elles  étaient  obligées  de  pourvoir  aux  frais  de  leur  entre¬ 
tien.  En  vertu  d’une  promesse  faite  en  1858  par  les  mem¬ 
bres  de  la  commission  administrative,  il  n’y  eut  rien  de 
changé  sur  ce  point  pour  les  anciennes  religieuses  ;  mais, 
depuis  cette  époque,  toutes  celles  qui  y  sont  envoyées  re¬ 
çoivent  une  somme  de  cent  francs  pour  leurs  frais  de 
voyage  et  d’entretien. 

Un  nouveau  traité  dans  ce  sens  fut  fait  au  commence¬ 
ment  de  l’année  1860  entre  la  commission  et  la  Mère 
Dussoulas,  supérieure  générale  de  la  congrégation.  Il 
consacre  les  droits  des  anciennes  religieuses  et  fixe  à  sept 
le  nombre  de  celles  qui  sont  regardées  comme  indis¬ 
pensables  pour  le  service  de  l’établissement,  et  il  accorde 
une  indemnité  de  cent  francs  par  an  à  chacune  des  nou¬ 
velles  sœurs  qui  y  seront  envoyées. 

Notre  lecteur  aura  déjà  prononcé  son  jugement  sur  l’o¬ 
rigine  de  l’hospice  de  Bergerac.  Ici  la  charité  chrétienne 
a  tout  fait  :  elle  a  le  droit  de  tout  revendiquer.  Le  local 
qu’elle  occupe  remplace  celui  qu’elle  a  seule  bâti,  et,  en 
vertu  d’un  échange  forcé,  l’Université  loge  ses  élèves  et 
ses  professeurs  chez  la  chanté  chrétienne. 

Bergerac  possédait  un  autre  hôpital,  situé  dans  le  fau¬ 
bourg  de  la  Madeleine,  et  connu  sous  la  dénomination 
d 'hôpital  Saint- Antoine.  Nous  constatons  son  existence 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  61 

dès  avant  1414  ;  mais  nous  n’avons  aucun  détail  sur  son 
origine,  nous  ne  le  connaissons  que  par  un  fait  bien  mé¬ 
morable  de  la  piété  des  habitants  de  Bergerac.  M.  Elie 
de  Biran  l’a  extrait  du  Registre-manuscrit  de  l'his¬ 
toire  de  Bergerac.  On  sera  bien  aise  de  le  trouver  ici  : 

«  La  communauté  fit  vœu,  cette  année  1501,  à  la  Vierge, 
»  à  saint  Anthoine  et  aux  saints  du  Paradis,  vu  le  grand 
»  danger  de  mortalité  et  de  peste,  qu’on  envoyrait  un 
»  homme  dévot  dans  l’église  de  l’hôpital  de  St-Anthoine, 
»  au  faubourg  de  la  Madeleine,  à  Bergerac,  qui  porterait  la 
»  ville  contrefaite  en  cire,  ce  qui  fut  exécuté.  La  représen- 
»  tation  était  la  ville  de  Bergerac  en  cire,  avec  quatre  tours 
»  et  une  girouette  sur  chacune,  et  en  dedans  se  voyait 
»>la  maison  du  consulat ,  l’église  St-Jacques  ,  l’église 
»  N.-D.-du-Château  et  celle  de  Sainte-Catherine,  au  Merca- 
»  dil.  Le  tout  fut  porté  en  procession  le  17  mai  1501,  par 
»  les  consuls,  accompagnés  des  officiers  et  des  chefs  de 
»  famille.  » 


Hospice  d’Eymet. 


L’établissement  des  sœurs  hospitalières  de  Sainte-Mar¬ 
the  dans  la  ville  d’Eymet  remonte  à  l’année  1730.  La 
fondatrice  fut  Marie  de  Paute,  veuve  de  Chapelle,  fer¬ 
vente  catholique  de  cette  ville.  Son  testament  indique  le 
but  qu’elle  s’était  proposé  et  les  ressources  qu’elle  voulut 
consacrer  à  cette  fondation  ;  il  fallait  remédier  à  un 
grand  mal.  Il  est  dit  dans  ce  testament,  écrit  de  sa  main 
en  date  du  10  août  1730,  et  contresigné  Mouta ,  curé 
d’Eymet  : 

«  Comme  j’ai  vu  depuis  longues  années  une  infinité  de 
»  gens  mourir  faute  de  secours  dans  la  présente  ville,  je 
»  veux  pour  remédier  à  ce  malheur  établir  dans  la  pré- 
»  sente  ville  d’Eymet  deux  filles,  de  Sainte-Marthe,  espé- 
»  rant  que,  par  leurs  exemples,  elles  pourront  en  attirer 
»  d’autres  et  former  dans  la  suite  une  communauté  nom- 
»  breuse  qui  pourra  contribuer  à  l’instruction  des  jeunes 
»  filles  de  cette  ville  et  de  la  paroisse,  sorties  la  plupart 
»  de  parents  qui  ne  connaissent  pas  la  religion. 

»  Je  donne  pour  cet  établissement  et  fondation  des 
»  deux  sœurs  de  Sainte-Marthe  et  pour  celles  qui  leur 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC.  63' 

»  succéderont  à  l’avenir  :  premièrement,  une  petite  mai- 
»  son  et  jardin  joignant  icelle,  situés  ladite  maison  et 
»  jardin  dans  la  présente  ville,  confrontant  du  levant...  » 

(A  la  suite  des  confrontations,  se  trouve  le  détail  du 
mobilier  légué  aussi  aux  deux  sœurs  et  à  celles  qui  leur 
succéderont.)' 

«  Je  lègue  et  donne  pour  le  même  établissement  et 
»  fondation  des  deux  sœurs  de  Sainte-Marthe  et  à  celles 
»  qui  leur  succéderont  ma  métairie  de  Pouquette,  située 
»  dans  la  présente  paroisse  d’Eymet,  avec  toutes  ses  ap- 
»  partenances  et  dépendances,  ■  sans  qu’il  puisse  en  être 
»  rien  ôté,  et  mon  vignoble  de  Peyrouillé,  aussi  situé 
»  dans  ladite  paroisse  d’Eymet,  tel  qu’il  est.  » 

Ce  fut  en  exécution  de  ’ces  dispositions  testamentaires 
que  deux  religieuses  de  Sainte-Marthe  de  l’hospice  de 
Bergerac  furent  envoyées  à  Eymet,  où  elles  s’établirent 
dans  la  maison  qui  leur  avait  été  léguée  et  y  commencè¬ 
rent  leur  œuvre. 

Nous  avons  trouvé  à  la  fondation  de  l’hospice  de  Ber¬ 
gerac  une  religieuse  du  nom  d’Anne  de  Chapelle ,  l’une 
des  deux  premières  religieuses  que  s’adjoignit  la  fonda¬ 
trice  Marie  Lacoste.  On  a  supposé  qu’elle  pouvait  être  la 
même  que  la  veuve  Marie  de  Chapelle  dont  il  est  ici 
question.  La  supposition  n’est  pas  admissible.  La  bien¬ 
faitrice  d’Eymet  ne  fut  point  religieuse,  puisqu’elle  mou¬ 
rut  peu  de  jours  après  avoir  fait  son  testament.  En  effet, 
ce  testament,  daté  d’Eymet,  en  la  maison  de  la  testatrice, 
du  10  août  1730,  et  remis  entre  les  mains  de  Me  Durand, 
notaire  à  Lauzun,  fut  ouvert  à  la  requête  des  héritiers, 
le  26  du  même  mois  d’août.  L’ouverture  du  testament,  à 
là  requête  des  héritiers,  suppose  le  décès  de  la  testatrice. 

Ce  qui  a  pu  donner  lieu  à  la  supposition  que  nous  ne 
pouvons  admettre,  c’est,  en  outre  de  la  similitude  du  nom 


64 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


propre,  que  les  deux  religieuses  qui  allèrent  fonder  la 
communauté  d’Eymet,  y  furent  envoyées  par  la  supé¬ 
rieure  de  l’hospice  de  Bergerac,  Marie  Lacoste,  qu’elles  y 
apportèrent  le  même  règlement  et  que  les  religieuses 
d’Eymet  semblent  être  restées  sous  la  dépendance  de  la 
maison  de  Bergerac,  jusqu’à  la  Révolution  de  1793. 

Quoi  qu’il  en  soit  de  cette  question  peu  importante, 
dont  cependant  nous  avons  cru  devoir  dire  un  mot,  les 
désirs  et  les  prévisions  de  Mme  veuve  de  Chapelle  furent 
accomplis.  Elle  avait  voulu  deux  religieuses  de  Sainte- 
Marthe,  pour  donner  l’instruction  morale  et  chrétienne 
aux  jeunes  filles  de  la  ville  et  de  la  paroisse  d’Eymet, 
«  espérant  que  ces  deux  sœurs,,  par  leurs  bons  exemples, 
»  en  attireraient  d’autres  et  formeraient  dans  la  suite  une 
»  communauté  nombreuse.  »  Ces  exemples  furent  effi¬ 
caces.  Les  religieuses  hospitalières  d’Eymet  se  multi¬ 
plièrent,  la  communauté  fut  nombreuse,  et  nous  la  ver¬ 
rons  avoir  un  pensionnat  nombreux,  devenir  maison- 
mère  et  donner  naissance  à  plusieurs  communautés  qui 
seront  sous  sa  dépendance. 

Quoique  la  fondatrice  n’eût  eu  en  vue,  aux  termes  de 
son  testament,  que  l’instruction  chrétienne  des  jeunes 
filles  de  la  paroisse,  les  religieuses  néanmoins  allaient, 
dans  leurs  moments  de  loisirs,  visiter  les  pauvres  ma¬ 
lades  et  leur  donnaient  tous  les  secours  que  permettait 
leur  position.  Mais  là  n’était  pas  encore  l’hospice  d’Ey¬ 
met.  Nous  arrivons  à  son  origine  ;  elle  est  plus  que 
chrétienne ,  elle  est  sacerdotale. 

En  1779,  le  28janvier,  M.  François  Roux,  docteur  en 
théologie  et  curé  d’Eymet,  voulant  donner  de  l’extension 
à  l’œuvre  des  religieuses  et  les  rendre  véritablement  hos¬ 
pitalières,  dota  leur  établissement  d’un  capital  de  16,000 
francs,  «  pour  le  revenu,  porte  l’acte  de  donation  passé 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,. DU  piRIGORD.  65 

»  devant  notaire,  être  employé  à  fournir  aux  bouillons  des 
»  pauvres  malades  de  la  ville  et  de  la  paroisse  d’Eymet  et 
»  étrangers  qui  y  tomberont  malades,  et  de  tous  les  pau- 
»  vres,  tant  catholiques  que  protestants ,  qui  seront  retirés 
»  et  reçus  dans  la  maison  occupée  par  les  filles  de  Sainte- 
»  Marthe  dans  la  ville  d’Eymet,  lesquelles  s’emploient  à 
»  soigner  et  secourir  les  pauvres  malades  par  état  et  cha- 
»  rité.  » 

Cette  donation,  faite  par  devant  M°  Lafon,  notaire,  en 
présence  de  messire  Barthélemy  de  Laborie,  docteur  de 
Sorbonne,  vicaire-général  des  diocèses  d’Agen  etdeSar- 
lat,  messire  Jean-Bertrand  de  Bechon  de  Caussade,  doc¬ 
teur  en  théologie  et  curé  de  Bougas,  en  Agenais,  fut  ac¬ 
ceptée  par  le  sieur  Pierre  Lambert,  bourgeois  et  consul  de 
la  ville  d’Eymet.  Elle  fut  faite  aux  conditions  suivantes 
que  nous  ne  devons  pas  passer  sous  silence  : 

«  1°  Il  sera  célébré  à  perpétuité,  le  premier  lundi  de 
»  chaque  mois,  une  messe  dans  l’église  d’Eymet,  pour  le 
»  repos  de  son  âme  et  de  celles  des  pauvres  secourus  ; 

»  laquelle  messe  sera  annoncée  la  veille  par  le  son  de  la 
»  cloche,  et  l’honoraire  en  sera  pris  sur  les  revenus  de 
»  l'objet  donné. 

»  2°  Ledit  donateur  veut  et  entend  que  les  curés  de  la- 
»  dite  ville,  qui  viendront  après  lui,  soient  les  premiers  et 
»  principaux  administrateurs  de  la  susdite  somme  capi- 
»  taie  de  seize  mille  francs  et  du  revenu  d’icelle. 

»  3°  Que  messieurs  les  curés  successeurs  dudit  sieur 
»  donateur  soient  les  seuls,  à  l’exclusion  de  tout  autre, 

»  qui  donneront  des  billets  pour  rendre  les  pauvres  par- 
»  ticipants  du  bienfait  donné.  » 

Ne  dirait-on  pas  que  M.  Roux  prévoyait  qu’un  jour  une 
loi  excluerait  les  curés  de  l’administration  du  bien  des 
pauvres  et  qu’il  voulut  mettre  à  couvert  des  atteintes  de 

5 


66  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

cette  loi  les  curés  ses  successeurs  ?  C’est  sans  doute  à  la 
publicité  qu’il  a  eu  soin  de  donner  autour  de  lui  à  l’acte 
conditionnel  de  M.  Roux,  que  M.  l’abbé  Pramil,  curé  ac¬ 
tuel  d’Eymet,  doit  d’avoir  été  nommé  membre  des  com¬ 
missions  administratives  de  l’hospice  et  du  bureau  de 
bienfaisance  de  cette  ville.  On  a  compris  qu’on  ne  pou¬ 
vait  pas  le  priver  d’un  droit  incontestable  et  si  légitime¬ 
ment  acquis,  droit  que,  d’ailleurs,  M.  le  curé  n’eût  pas 
manqué  de  faire  valoir  (1). 

Une  quatrième  condition,  stipulée  par  M.  Roux,  dit  que 
les  pauvres  malades  seront  confiés  aux  soins  des  filles  de 
Sainte-Marthe  de  la  ville  d’Eymet. 

M.  Roux,  qui  s’était  réservé,  sa  vie  durant,  le  revenu  de 
la  somme,  objet  de  sa  générosité,  mourut  le  7  jan¬ 
vier  1782,  et  c’est  du  jour  de  sa  mort  que  date  l’origine 
de  l’hospice  d’Eymet,  dont  il  fut  le  vrai  fondateur.  Alors 
les  sœurs  entrèrent  en  possession  de  la  rente  qu’il  avait 
fondée,  et  elles  se  trouvèrent  par  conséquent  chargées 
de  la  double  mission  de  donner  aux  jeunes  filles  une 
instruction  morale  et  religieuse,  et  de  porter  à  domicile 
des  secours  aux  pauvres  malades.  Elles  purent  même  re¬ 
cevoir  quelques  pauvres  dans  leur  maison  en  attendant 
qu’un  local  plus  vaste  leur  fût  bâti  à  côté  et  sur  un  ter¬ 
rain  du  couvent. 

La  Révolution  de  1793  vint  suspendre  l’exercice  de  ces 
œuvres  de  charité.  A  cette  époque,  les  deux  religieuses 
d’Eymet,  sœur  Saint-Mayme  et  sœur  Lambert,  durent, 

(1)  Un  nom  est  honorablement  prononcé  par  M.  le  curé  Roux  dans  cet 
acte  de  donation  ;  c’est  celui  de  M.  Simon-Pierre  Faute  Delord,  écuyer, 
dans  la  maison  duquel,  à  la  Gravette,  paroisse  de  Rouquette,  l’acte  est 
passé,  un  descendant  sans  doute  de  Marie  Paute.  M.  Roux  le  nomme  lui 
et  ses  descendants  en  ligne  directe,  du  conseil  d’administration  des  seize 
mille  francs,  «  lui  accordant  ce  privilège  en  considération  des  bienfaits 
»  que  ses  auteurs  ont  faits  à  la  maison  desdites  tilles  de  Sainte-Marthe.  » 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  67 

comme  toutes  les  autres,  se  retirer  dans  leurs  familles. 
Mais,  l’orage  révolutionnaire  passé,  elles  se  hâtèrent  de 
revenir  à  leur  poste  et  d’y  reprendre  l’exercice  de  leurs 
fonctions  dans  leur  môme  maison  qui  n’avait  pas  été  dé¬ 
truite,  ni  aliénée.  Toutefois,  pour  des  motifs  qui  ne  nous 
sont  pas  connus,  sœur  Saint-Mayme  n’y  resta  pas  long¬ 
temps,  et  la  sœur  Lambert  s’y  trouva  seule  ;  mais  bientôt 
la  sœur  Besserve,  venue  d’ailleurs  et  victime  de  la  Révo¬ 
lution,  se  joignit  à  elle,  on  ne  dit  pas  en  quelle  qualité. 

Acetteépoque,àEymet,  comme  ailleurs,  une  commission 
avait  été  nommée  pour  administrer  les  biens  des  pauvres, 
Cette  commission  vendit  la  métairie  et  le  vignoble  qui 
avaient  été  donnés  aux  sœurs  par  leur  fondatrice  ;  elle  plaça 
en  rentes  sur  l’Etat  le  produit  de  cette  vente  qui  s’éleva  à 
la  somme  de  cinquante-deux  mille  francs,  et  s’engagea  à 
donner  une  somme  annuelle  de  six  cents  francs  pour  l’en¬ 
tretien  et  la  nourriture  des  deux  religieuses.  L’engagement 
en  fut  pris  par  une  délibération  du  4  février  1807. 

Il  est  dit  dans  cette  même  délibération  que  «  la  commis- 
»  sion  administrative  de  l’hospice  voulant  mettre  à  exécu- 
»  tion  les  dispositions  testamentaires  de  madame  de  Cha- 
«  pelle,  fondatrice,  et  celles  deM.  Roux,  ancien  curéd’Ey- 
»  met,  et  regardant  comme  urgent  de  nommer  une  direc- 
»  trice  pour  régir,  de  concert  avec  madame  Lambert,  reli- 
»  gieuse  de  Sainte-Marthe,  cet  hospice  qui  depuis  plus  de 
»  trois  ans  ne  se  trouve  desservi  que  par  ladite  dame  Lam- 
»  bert,  à  cause  de  l’absence  de  madame  Saint-Mayme,  di- 
»  rectrice  démissionnaire,  arrête  : 

«  1°  La  commission  nomme, en  remplacement  de  madame 
»  Saint-Mayme,  la  personne  de  madame  Marobert  Bessou, 

»  religieuse  de  Notre-Dame  de  Sarlat,  pour  être  à  la  tête 
»  de  cet  établissement,  dont  la  capacité,  les  talents,  la 
»  douceur  et  la  moralité  sont  reconnus. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  2®  La  maison  donnée  par  madame  Chapelle  et  celle  ser- 
»  vant  à  recevoir  les  pauvres  malades,  seront  jouies  et  ad- 
»,  ministrées  par  lesdites  dames  avec  tous  les  meubles  et 
»  effets  qui  en  dépendent  sans  reconnaissance  d’inventaire. 

»  3°  Les  religieuses,  instruisant  les  pauvres  filles  dont  il 
»  a  été  parlé,  ou  ayant  soin  des  malades,  recevront  à  titre 
»  d’indemnité  six  cents  francs. 

4°  La  directrice  recevra  sans  inventaire  les  drogues  ou 
»  médicaments  qui  appartiennent  à  l’hospice,  et  les  vendra 
»  en  même  qualité  et  nature.  Les  remèdes  jugés  nécessaires 
»  pour  les  malades  de  l’hospice  seront  donnés  gratis,  de 
»  même  qu’à  ceux  du  canton  qui  seront  porteurs  d’un  cer- 
»  tificat  de  pauvreté  délivré  par  la  mairie  ou  par  l’officier 
»  de  santé  attaché  audit  hospice. 

»  5°  Lesdites  religieuses  sont  autorisées  à  recevoir  des 
»  pensionnaires  dans  leur  maison,  attendu  la  modicité  des 
»  revenus  de  la  pension  qui  leur  est  accordée. 

»  6®  Ladite  dame  Marobert  est  nommée  à  vie.  Elle  pourra 
»  s’adjoindre  d’autres  religieuses  qu’elle  payera,  attendu 
»  la  modicité  des  revenus  de  l’hospice. 

»  7®  La  maison  sera  remise  à  ladite  dame  en  bon  état  ; 
»  elle  demeure  chargée  des  menues  réparations,  comme 
»  vitres,  crépis  et  blanchissage.  » 

Malgré  tout  ce  qu’avait  d’insolite  cette  déclaration,  sur¬ 
tout  en  ce  qui  concerne  la  nomination  de  madame  Maro¬ 
bert,  et  quoique  ce  fût  un  acte  qui  se  ressentait  beaucoup 
de  l’esprit  révolutionnaire  de  l’époque,  cependant  madame 
Marobert,  religieuse  de  Notre-Dame  à  Sarlat,  vint  prendre 
la  direction  de  la  communauté  d’Eymet  et  embrassa  les 
règles  et  statuts  des  sœurs  de  Sainte-Marthe.  C’était  une 
femme  d’un  grand  mérite  par  son  instruction,  sa  piété  et 
l’énergie  de  son  caractère.  Elle  avait  été  arrachée  par  l’orage 
révolutionnaire  à  la  maison  des  sœurs  de  Notre-Dame  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  69 

Sarlat  et  eut  à  souffrir  une  douloureuse  réclusion  dans  la 
maison  des  religieuses  de  Sainte-Claire  de  cette  ville, 
transformée  en  prison.  Ayant  recouvré  sa  liberté,  elle  se 
retira  à  Castillonnès,  où  elle  dirigeait,  lorsqu’elle  fut  ap¬ 
pelée  à  Eymet,  un  pensionnat  déjà  en  honneur.  Arrivée  à 
Eymet,  elle  se  joignit  aux  sœurs  Lambert  et  Besserve,  or¬ 
ganisa  la  maison,  établit  un  pensionnat  qui  compta  bien¬ 
tôt  une  quarantaine  d’enfants  des  meilleures  familles  du 
pays. 

Elle  comprit  qu’il  fallait  à  l’œuvre,  dont  elle  devenait 
comme  la  seconde  fondatrice,  une  existence  légale.  Elle  la 
demanda  et  l’obtint.  Par  un  décret  du  6  janvier  1811,  les 
religieuses  d’Eymet  furent  reconnues  et  approuvées  sous 
le  nom  de  Sœurs  ou  Dames  hospitalières  de  la  congréga¬ 
tion  de  Sainte-Marthe  établie  dans  l'hospice  d' Eymet. 

Dès  ce  jour,  la  communauté  de  Sainte-Marthe  et  l’hos¬ 
pice  eurent  une  existence  légale  et  furent  attachés,  par  des 
liens  indissolubles,  l’hospice  à  la  communauté  et  la  com¬ 
munauté  à  l’hospice.  L’hospice  fut  bâti  en  1842,  tel  qu’il 
est  aujourd’hui,  sur  le  terrain  appartenant  à  la  commu¬ 
nauté,  et  les  deux  maisons,  quoique  distinctes,  ne  forment 
qu’un  même  corps  de  bâtiments. 

Sous  l’habile  direction  de  madame  Marobert,  la  commu¬ 
nauté  se  développa  promptement.  Bientôt  plusieurs  jeunes 
religieuses  vinrent  en  augmenter  le  personnel,  et  la  plu¬ 
part,  en  y  apportant  leurs  dots,  en  augmentèrent  aussi  les 
revenus. 

En  se  multipliant,  les  sœurs  hospitalières  d’Eymet  ne 
pouvaient  plus  borner  leur  zèle  au  soin  de  quelques  ma¬ 
lades  et  à  l’instruction  de  quelques  jeunes  filles  delà  classe 
indigente  ;  elles  donnèrent  de  l’extension  à  leurs  œuvres. 
Leur  pensionnat,  devenu  bien  vite  florissant,  fut  pour  elles 
comme  une  pépinière  de  vocations  à  la  vie  religieuse.  Elles 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


70 

eurent  de  40  à  50  pensionnaires  et  leur  noviciat  comprenait 
en  moyenne  une  douzaine  de  postulantes  ou  novices. 

Elles  furent  appelées  successivement  dans  plusieurs  lo¬ 
calités  pour  y  fonder  des  établissements,  ou  prendre 
la  direction  de  ceux  qui  y  existaient  déjà.  C’est  ainsi  qu’en 
1852,  époque  de  la  réunion  de  toutes  les  communautés  du 
diocèse  en  une  seule  et  même  congrégation,  la  commu¬ 
nauté  d’Eymet,  depuis  longtemps  maison-mère,  où  étaient 
douze  religieuses  et  huit  sœurs  converses,  avait  sous  sa 
dépendance,  pour  les  avoir  fondés,  les  couvents  hospita¬ 
liers  de  Villefranche-de-Belvès,  de  Domme,  de  St-Cyprien 
et  de  Castillonnès  dans  le  diocèse  d’Agen,  et  les  maisons 
d’éducation  de  Lévignac  et  de  Cahuzac,  dans  le  canton  de 
Seyches,  aussi  diocèse  d’Agen. 

Elle  apporta  à  la  formation  de  la  congrégation  générale 
un  personnel  de  quarante  religieuses  ou  sœurs  converses. 
Elle  avait  alors  pour  supérieure  la  sœur  Elisabeth  Du- 
plantier  qui  avait  succédé,  le  27  juillet  1833,  à  madame  Ma- 
robert,  décédée  au  milieu  de  ses  filles  en  odeur  de  sain¬ 
teté  et  dont  les  funérailles,  Eymet  s’en  souvient  encore, 
furent  un  vrai  triomphe. 

Mais  si  la  communauté  avait  prospéré,  grâce  à  la  direc¬ 
tion  que  lui  avait  donnée  madame  Marobert,  l'hospice, 
grâce  à  la  confiance  qu’inspiraient  les  sœurs  qui  le  diri¬ 
geaient,  avait  eu  sa  bonne  part  de  prospérité  ;  la  charité 
chrétienne  avait  considérablement  augmenté  ses  reve¬ 
nus.  11  avait  reçu  des  legs  importants;  nous  en  citerons 
quatre: 

1°  Par  testament  mystique  du  8  janvier  1834,  M.  Jean- 
Antoine  Rochery,  curé  de  Saint-Julien-d’Eymet,  donnait 
à  l’hospice  d’Eymet  une  métairie  située  dans  le  bourg  de 
sa  paroisse,  avec  dépendances  considérables,  en  sus  plu¬ 
sieurs  objets  mobiliers,  le  tout,  dit  le  testateur,  «  pour  ob- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  71 

tenir  sur  moi  un  regard  favorable  du  Dieu  de  miséricorde.  » 
Ces  propriétés  diverses  furent  vendues  36,000  francs. 

2°  Le  2  novembre  1839,  l’hospice  recevait  un  legs  de  trois 
mille  francs  de  madame  de  Boisneuf,  née  Marie'  Cadot, 
fervente  catholique. 

3°  M.  Martin,  curé  de  Cogulot,  laissa  en  mourant  â 
l’hospice  d’Eymet  une  somme  de  deux  mille  francs. 

4°  Enfin,  le  29  mars  1859,  un  legs  de  seize  mille  francs 
fut  fait  au  même  hospice  par  M.  Julien-Louis  Hoarau  de 
la  Source  pour  la  fondation  de  trois  lits,  deux  pour  les 
infirmes  pauvres  d’Eymet ,  et  un  pour  ceux  de  Rou¬ 
quette  (1). 

De  son  côté,  le  Bureau  de  bienfaisance  n’a  pas  été  ou¬ 
blié  :  Le  10  août  1876,  il  percevait  une  somme  de  15,164 
francs  provenant  des  dispositions  testamentaires  d’une 
pieuse  catholique  de  cette  ville,  Anne  Rousseau.  Son  tes¬ 
tament  est  du  20  avril  1867. 

On  le  voit,  la  communauté  et  l’hospice  ont  marché  de 
pair  dans  la  voie  de  la  prospérité.  Si,  par  suite  de  son  agré¬ 
gation  à  la  congrégation  diocésaine  des  sœurs  de  Sainte- 
Marthe,  la  communauté  a  perdu  son  titre  de  maison-mère, 
elle  n’en  est  pas  moins  florissante.  Fidèles  à  leurs  tradi¬ 
tions,  les  sœurs  qui  la  composent  pratiquent  toujours  les 
mêmes  œuvres  :  elles  soignent  les  pauvres  malades, 
portent  des  secours  à  domicile  aux  indigents  malades  qui 
ne  peuvent  être  reçus  à  l’hospice,  dirigent  une  école  gra- 

(1)  Ce  noble  et  généreux  chrétien  que  Dieu  a  récompensé,  fut  bien 
secondé  dans  ses  charitables  largesses  par  sa  digne  épouse,  cette  servante 
et  amie  dévouée  des  pauvres  qui  eut  le  mérite  de  laisser  ignorer  à  sa  main 
gauche  ce  que  faisait  sa  main  droite.  Elle  donna  six  mille  francs  pour  la 
reconstruction  de  l’église  d’Eymet.  Le  digne  fils  de  ce  père  et  de  cette 
mère,  M.  Charles  Hoarau  de  la  Source,  conseiller  général  pour  le  canton 
d’Eymet,  continue  les  traditions  chrétiennes  et  bienfaisantes  de  sa  famille. 

{ Note  donnée  par  M.  Pramil,  doyen  d’Eymet.) 


72 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


tuite  très  fréquentée,  et  un  pensionnat  nombreux  et  tou¬ 
jours  bien  aimé  des  familles  chrétiennes. 

La  sœur  Elisabeth  Duplantier ,  décédée  le  17  février 
1870,  avait  marché  sur  les  traces  de  la  sœur  Marobert  dont 
elle  avait  été  l’assistante,  se  faisant  remarquer  par  l’amé¬ 
nité  de  son  caractère,  l’amour  des  pauvres  et  des  enfants 
et  une  piété  angélique,  et  la  supérieure  actuelle,  sœur 
Mélanie,  continue  ces  précieuses  traditions  de  piété  et  de 
bonne  administration. 

Et  maintenant,  si,  en  finissant  cette  notice,  nous  rap¬ 
pelons  les  dons  faits  par  madame  de  Chapelle,  M.  le  curé 
Roux,  d’Eymet,  M.  le  curé  Rochery,  de  Saint-Julien, 
M.  le  curé  Martin,  de  Gogulot,  par  M.  Hoarau  de  la  Source 
et  les  ferventes  catholiques  Anne  Rousseau  et  Marie  de 
Boisneuf,  ne  serons-nous  pas  autorisé  à  dire  que  la  ville 
d’Eymet  est  redevable  de  l’origine  d’une  importante  com¬ 
munauté  religieuse,  de  l’origine  et  de  la  prospérité  de  son 
hospice,  ainsi  que  des  principaux  revenus  de  son  Bureau 
de  bienfaisance,  à  la  pieuse  générosité  de  ses  curés,  de 
ceux  du  canton  et  des  fidèles  qu’ils  dirigeaient  ? 

Nous  aimons  à  savoir  que  la  ville  d’Eymet  se  montre 
reconnaissante,  et  que  la  mémoire  de  ses  bienfaiteurs  lui 
sera  toujours  chère.  On  voit  s’élever  sur  la  place  de 
l’ancien  château  une  colonne  commémorative.  Elle  porte 
ces  mots  :  «  Aux  bienfaiteurs  des  pauvres.  Puis,  viennent 
les  noms  des  curés  Roux,  Rochery  et  Martin,  et  les  noms 
des  dames  Paulte  et  Boisneuf.  »  —  C’est  bien  !  Mais  là 
n’est  pas  toute  la  liste  des  bienfaiteurs  des  pauvres  d’Ey¬ 
met.  Pourquoi  ne  pas  la  compléter  V 
Post-Scriptum. 

Des  renseignements,  arrivés  après  l’envoi  à  l’imprimeur 
de  notre  étude  sur  l’hospice  et  le  couvent  d’Eymet,  exigent 
quelques  modifications. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  73 

Nous  n’avons  pas  dit  tout  le  mal  que  l’orage  révolution¬ 
naire  fit  aux  religieuses  de  cette  ville.  Non-seulement  elles 
furent  chassées  de  leur  maison  et  obligées  de  se  retirer 
dans  leurs  familles,  mais  la  propriété  de  Rouquette,  qu’elles 
devaient  à  la  générosité  de  madame  de  Chapelle,  leur  fut 
confisquée  au  profit  de  la  nation  qui  la  vendit  31,000  fr. 
Il  est  vrai  que,  plus  tard,  une  indemnité  en  rentes  na¬ 
tionales  fut  accordée  à  l’hôpital  ;  mais  les  religieuses,  les 
vraies  spoliées,  ne  reçurent  rien.  L’Etat  donna  en  outre  à 
l’hôpital,  à  titre  de  compensation,  quelques  immeubles. 

Une  délibération  de  la  commission  administrative  du  12 
nivôse  an  XI  porte  que  6,590  fr.  de  rentes  nationales  sur 
particuliers  furent  données  à  l’hospice  en  remplacement 
de  biens  aliénés. 

Une  délibération  du  9  messidor  an  XII  parle  de  biens 
remis  à  l’hospice  à  titre  de  compensation.  Enfin,  une  déli¬ 
bération  du  lerjuin  1828  énumère  ces  biens  :  «  Le  domaine 
»  de  Perfaure,  commune  de  Ladosse,  canton  de  Mareuil  ; 
»  le  domaine  de  Cabane ,  commune  de  Beauregard,  canton 
»  de  Yillamblard  ;  les  domaines  de  Cours  et  de  la  Mouline, 
»  commune  de  Saint-Georges-de-Monclard  ;  les  quatre 
»  estimés  38,000  fr.  » 

Tous  ces  biens  furent  vendus  très-avantageusement  en 
1833.  Il  est  résulté  de  ces  restitutions  et  dons,  quelques- 
uns  au  préjudice  des  religieuses,  que  l’hospice  d’Eymet  a 
aujourd’hui  un  revenu  fixe  de  4,800  francs. 

Aux  noms  des  prêtres  bienfaiteurs  de  l’hospice  d’Eymet, 
nous  devons  ajouter  celui  de  M.  Henri  Lassalle-Gauthier, 
curé  de  Saint-Capraise-d’Eymet,  qui  donna  audit  hospice 
une  rente  de  50  fr. ,  comme  le  constate  une  délibération 
de  la  commission  administrative  du  24  avril  1806. 

Nous  devons  rectifier  le  don  fait  par  M.  Philippe  Martin, 
curé  de  Gogulot:  i]  ne  donna  point  2,000  fr.,  comme  nous 


74 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


l’avons  dit  d’après  des  renseignements  inexacts,  mais  bien 
la  propriété  d’une  rente  annuelle  de  cent  francs,  constituée 
au  capital  de  deux  mille  francs ,  créée  par  acte  passé 
devant  M®  Gagnère,  notaire  à  Bergerac,  et  due  par 
M.  Joseph  Bontems,  de  Cogulot.  Le  testament  olographe 
qui  lègue  cette  rente  est  du  17  janvier  1826,  et  la  délibé¬ 
ration  de  la  commission  de  l’hospice  qui  l’accepte  est  du  7 
janvier  1827. 

M.  Martin  avait  été  transféré  en  1809  de  Cogulot  à  Naus- 
sanes,  où  il  mourut  dans  le  courant  de  l’année  1826.  Il 
était  déjà  euré  de  Cogulot  et  Saint-Sulpice  lorsque  l’orage 
révolutionnaire  éclata.  Il  partit  en  exil  pour  l’Espagne  vers 
la  fin  de  1792,  d’où  il  ne  revint  qu’en  1802. 

Le  registre  de  l’église  de  Cogulot,  à  l’ouverture  de  l’année 
1803,  porte  quelques  lignes  bien  touchantes,  bien  édi¬ 
fiantes,  écrites  de  la  main  de  ce  digne  confesseur  de  la  foi. 
Nous  croyons  faire  une  agréable  digression  en  les  repro¬ 
duisant  ici. 

Il  donne  d’abord  une  copie  textuelle  du  passeport  qui 
lui  fut  délivré,  en  date  du  29  septembre  1792,  par  les  au¬ 
torités  municipales  d’Eymet.Nous  remarquons  avec  plaisir 
que  la  prmière  des  signatures  est  celle  de  M.  Barbe  Du- 
plantier,  maire  d’Eymet,  le  père  de  la  vénérable  supé¬ 
rieure,  sœur  Elisabeth  Duplantier,  dont  il  a  été  parlé. 

M.  Martin  n’avait  alors  que  35  ans. 

«  Le  gouvernement  révolutionnaire,  dit-il,  fulmina  un 
»  décret  d’exil  contre  tous  les  ecclésiastiques  employés, 
»  fidèles  au  serment  qu’ils  avaient  prêté  à  Dieu  et  à  l’Eglise 
»  de  Jésus-Christ.  Ces  prêtres  inconstitutionnels  refusèrent, 
»  aux  dépens  de  leurs  biens  tant  patrimoniaux  qu’ecclé- 
»  siastiques,  de  leur  liberté,  et  au  péril  même  imminent 
»  et  très-imminent  de  leur  vie,  de  profaner  et  prostituer 
»  leur  bouche  sacrée  aux  intentions  perfides  des  agents  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOBD.  75 

»  la  Révolution,  par  la  prestation  d’un  serment  sacrilège, 
»  Ce  serment,  destitué  de  vérité,  de  jugement  et  de  jus- 
»  tice,  présageait  ce  qui  ne  s’est  malheureusement  que  trop 
»  vérifié,  le  bouleversement  entier  de  la  société  tant  civile 
»  que  chrétienne. 

»  Je  végétai  dans  un  exil  d’environ  dix  ans  en  Espagne. 
»  Je  rentrai  à  Saint-Sulpice,  à  la  Saint-Jean  1802,  et  le  Ie'' 
»  janvier  1803,  je  repris  possession  de  la  maison  curiale 
»  de  Pauvert  (gros  village  entre  Gogulot  et  Saint-Sulpice). 
»  Je  donnais  alternativement  les  offices  à  Gogulot  et  à 
»  Saint-Sulpice. 

»  J’étais  livré  aux  travaux  les  plus  pénibles  du  saint 
»  ministère,  n’ayant  d’autres  ressources  que  celles  de  la 
»  charité  des  fidèles.  Telle  est,  au  moment  où  j’écris  ceci, 
»  ma  position  (premier  jour  de  janvier  1803).  Je  vis  content, 
»  parce  que  je  n’ambitionne  que  la  gloire  de  Dieu  et  le 
»  salut  des  âmes. 

»  Je  crois  en  Dieu,  j’espère  en  lui  ;  j’aime  Dieu,  j'aime 
»  mon  prochain,  comme  moi-même  :  telle  est  sincèrement 
»  ma  devise.  » 

Nous  avons  pensé  que  le  regard  de  notre  lecteur  se  repo¬ 
serait  agréablement  sur  ces  lignes,  témoignage  de  la  foi 
vive  et  de  la  tendre  piété  d’un  excellent  prêtre. 


Hospice  de  Saint-Cyprien. 


Nous  n'avons  que  peu  de  documents  sur  la  fondation  et 
les  développements  de  l’hospice  de  Saint-Cyprien.  Il  peut 
remonter  à  une  époque  fort  ancienne  et  avoir  une  origine 
toute  monacale.  N’aurait-il  pas  été,  aux  premiers  jours  de 
son  existence,  le  Xenodochium  ou  hôtellerie  que  l’on 
voyait  à  côté  de  chaque  monastère,  où  l’on  recevait  les 
voyageurs,  les  pèlerins,  où  les  pauvres  pouvaient  se  retirer, 
assurés  d’y  être  l’objet  de  la  charité  la  plus  hospitalière  ? 
C’est  une  supposition  qui  n’est  peut-être  pas  sans  fonde¬ 
ment.  Ce  qui  lui  donne  un  caractère  de  grande  probabilité, 
c’est  l’action  ou  patronage  que  le  prieur  de  l’abbaye  de 
Saint-Cyprien  exerçait  sur  cet  hospice. 

Nous  voyons,  en  effet,  qu’en  1680  (date  la  plus  ancienne 
que  nous  trouvons  de  l’existence  de  cet  hospice),  «  le  sei- 
»  gneur  du  Vis,  conseiller  du  roi  en  la  cour  du  parle- 
»  ment,  commandeur  des  ordres  de  Notre-Dame  du  Mont- 
»  Carmel  et  de  Saint-Lazare ,  ayant  voulu  s’attribuer  les 
>,  revenus  de  l'hôpital  de  Saint-Cyprien,  le  prieur  de  l’ab- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC.  77 

w  baye,  en  sa  qualité  àe  patron  dudit  hôpital,  le  fit  déchoir 
»  par  l’opposition  qu’il  forma  à  ses  prétentions  (1).  » 

Un  autre  document  nous  dit  qu’aucurf  pauvre  n’était 
admis  dans  l’hôpital  «  sans  l’agrément  de  monsieur  le 
»  prieur.  » 

A  cette  date,  l’hospice  n’était  cependant  pas  la  propriété 
de  l’abbaye  ;  il  avait  son  existence  civile.  Nous  pouvons 
Juger  de  son  importance  par  le  nombre  des  pauvres  qu’il 
logeait  et  nourrissait  ;  il  y  en  avait  vingt-deux  en  1786. 
Ses  revenus  provenaient  de  diverses  pièces  de  terre,  chène- 
vières,  prés  et  vignes,  et  de  quelques  rentes  en  argent. 

Rien  ne  nous  dit  à  quelle  époque  des  religieuses  hospi¬ 
talières  prirent  la  direction  de  cet  hospice,  ni  à  quelle 
congrégation  elles  appartenaient.  Il  est  souvent  question 
de  ces  religieuses  de  l’hospice  de  Saint-Gyprien,  mais  une 
seule  est  nommément  désignée  :  La  sœur  Sarlat,  en  1788. 
Le  nombre  des  pauvres  de  cet  hospice,  vingt-deux  en 
1786,  nous  fait  assez  comprendre  que  plusieurs  sœurs 
devaient  être  employées  à  les  servir. 

Elles  ne  furent  pas  à  l’abri  de  l’orage  révolutionnaire 
de  1793  ;  chassées  de  leur  hospice,  elles  furent  obligées  de 
se  retirer  dans  leurs  familles.  L’hospice  lui-même  fut 
alors  supprimé  et  remplacé  par  un  simple  bureau  de  cha¬ 
rité  ou  de  bienfaisance,  qui  seul  prit  soin  des  pauvres  jus¬ 
qu’en  1822. 

A  cette  dernière  date,  Mme  de  Marobert,  supérieure  des 
sœurs  de  Sainte-Marthe  d’Eymet,  parente  de  la  famille  de 
Beaumont,  de  Saint-Gyprien,  offrit  aux  administrateurs 
du  bureau  de  bienfaisance  le  service  de  deux  religieuses, 
pour  le  soin  des  pauvres  et  la  direction  d’une  école  gratuite 

(1)  Patron,  en  termes  de  jurisprudence  canonique,  est  celui  qui  a  fondé 
ou  doté  une  église  ou  un  bénéfice,  et  qui  s’est  réservé  pour  lui  et  ses  suc¬ 
cesseurs  ou  héritiers  le  droit  de  patronage.  [Dictionnaire  de  Trévoux). 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


78 

dejeunes  filles.  L’offre  fut  acceptée,  et  les  conditions  ar¬ 
rêtées  et  consignées  dans  la  délibération  suivante  du  bu¬ 
reau  de  bienfaisance,  en  date  du  19  mai  1822  : 

«  Mmo  de  Marobert,  supérieure  de  la  congrégation  reli- 
»  gieuse  hospitalière  de  Sainte-Marthe-d’Eymet,  offre  le 
»  service  gratuit  d’une  religieuse  et  d’une  sœur  de  sa 
»  congrégation,  pour  donner  leurs  soins  aux  pauvres  de 
»  Saint-Cyprien,  et,  dans  le  cas  où  sa  proposition  serait 
»  acceptée,  elle  a  envoyé  une[dame religieuse  de  sa  congré- 
»  gation,  pour  exposer  les  conditions  suivantes  : 

»  1°  Un  mobilier  suffisant  sera  fourni  pour  une  religieuse 
»  et  une  sœur  hospitalière,  ainsi  que  les  ustensiles  néces- 
»  saires  pour  le  service  des  pauvres  ; 

»  2°  Les  bâtiments  concédés  par  le  bureau  seront  remis 
»  à  la  dame  religieuse,  et,  en  conséquence,  le  susdit  bureau 
»  la  mettra  en  possession  de  la  salle  occupée  en  ce  moment 
»  par  l’école  de  Mn°  Beynat  ; 

»  3°  La  partie  du  jardin  jouie  jusqu’à  ce  jour  par  le  bu- 
»  reau  passera  à  la  jouissance  de  ladite  dame  religieuse . 

»  4°  Le  bureau  de  charité  de  Saint-Cyprien  remettra  la 
»  direction  de  cet  établissement  à  ladite  dame,  tant  pour 
»  ce  qui  regarde  la  distribution  des  secours  à  domicile 
»  que  pour  les  soins  des  malades  ; 

»  5°  Les  recettes  seront  effectuées  par  le  trésorier  du 
»  bureau,  et  les  dépenses  seront  régularisées  de  la  manière 
»  prescrite  par  les  instructions  ; 

»  6»  Il  sera  remis  à  ladite  dame  un  état  détaillé  des  débi- 
»  teurs  des  rentes  et  de  la  consistance  des  immeubles  qui 
»  appartiennent  au  bureau  ; 

»  7°  Elle  établira  une  pharmacie  à  ses  frais  et  fournira 
»  gratuitement  les  remèdes  aux  pauvres  du  bureau  ; 

»  8°  Elle  prendra  dans  l’établissement  deux  pauvres  au 
»  moins,  à  cinquante  centimes  par  jour  et  par  tête,  les- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  79 

»  quels  seront  désignés  par  quatre  membres  du  bureau, 
»  et  munis  d’un  certificat  de  l’officier  de  santé  ; 

»  9°  Lorsque  les  malades  seront  guéris  ou  que  leur 
«maladie  aura  «été  reconnue  incurable,  la  dame  reli- 
»  gieuse  pourra  les  renvoyer  de  son  autorité  ; 

»  10°  Elle  portera  à  domicile  aux  pauvres  malades  ou 
»  nécessiteux,  désignés  par  le  bureau,  les  secours  néces- 
»  saires  ; 

»  11°  Elle  élèvera  gratuitement  20  filles  pauvres  dans  la 
»  religion  catholique,  apostolique  et  romaine,  leur  appre- 
»  nant  à  lire,  à  écrire  et  à  travailler  à  l’aiguille.  Le  nom- 
»  bre  s’augmentera  dans  la  proportion  des  ressources  ; 

»  12°  Un  compte  détaillé  par  chapitre  de  recettes  et  de 
»  dépenses  sera  régulièrement  rendu  au  bureau  par  ladite 
»  dame,  tous  les  trois  mois. 

»  Les  membres  du  bureau,  considérant  que  Mme  de 
«  Marobert  n’a  d'autre  but,  dans  cet  établissement,  que 
»  de  satisfaire  son  amour  ardent  et  éclairé  pour  l’huma- 
»  nité,  qu’il  ne  peut  en  résulter  que  de  très  grands  avan- 
»  tages  pour  l’éducation  des  enfants  et  pour  les  soins  et 
»  le  soulagement  des  pauvres  malades,  dont  les  revenus 
»  sont  sensiblement  augmentés  par  cet  ordre  de  choses, 
»  ont  unanimement  approuvé  toutes  les  conditions  sus- 
»  énoncées  de  la  proposition  de  Mme  de  Marobert,  et  ont 
»  signé  au  registre.  » 

C’est  ainsi  que  les  sœurs  de  'Sainte-Marthe-d’Eymet 
prirent  la  direction  du  bureau  de  bienfaisance  de  Saint- 
Cyprien,  qui  redevint  bientôt  hospice.  A  l’époque  de  la 
fusion  et  de  la  formation  de  la  congrégation  générale  de 
Sainte- Marthe,  la  maison  de  Saint-Gyprien  dirigeait  dans 
cette  ville  un  hospice,  des  écoles  gratuites  et  payantes  et 
un  pensionnat  assez  nombreux.  Elle  avait  eu  successive- 


80  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC. 

ment  pour  supérieures  les  sœurs  Delpech,  Antoinette 
Poujol  et  Haubert. 

Les  sœurs  de  Sainte-Marthe,  pour  des  motifs  peu  con¬ 
nus,  et  que  nous  n’avons  pas  à  examiner,  durent  quitter 
Saint-Cyprien  en  1864.  Elles  furent  remplacées  par  les 
Filles  de  Saint-Vincent-de-Paul. 

Aujourd’hui,  Saint-Cyprien  n’a  plus  d’hospice,  mais  un 
simple  bureau  de  bienfaisance,  qui  a  recueilli  le  prix  de 
la  vente  de  l’ancienne  maison  des  pauvres  avec  quelques 
terres  qui  en  dépendaient.  Les  trois  quarts  de  ses  reve¬ 
nus,  il  les  doit  à  la  générosité  de  deux  curés  de  Saint- 
Cyprien  :  l’un,  M.  l’abbé  Dupourtel,  mort  au  commence¬ 
ment  du  siècle,  l’autre,  M.  l’abbé  Vergnolles,  que  nous 
avons  connu,  aimé  et  estimé,  décédé  en  1860,  «  frappé,  — 
»  écrivions-nous  alors,  —  frappé  avant  son  heure,  si  nous 
»  ne  consultons  que  son  âge  (48  ans)  et  le  bien  qu’il  fai- 
»  sait,  mais  frappé  à  l’heure  de  Dieu  qui,  trouvant  pleine 
»  la  mesure  de  ses  mérites,  a  voulu  le  récompenser.  » 

Répétons-le  en  finissant,  pour  qu’on  le  sache  bien  :  la 
ville  de  Saint-Cyprien  doit  les  trois  quarts  des  revenus  de 
son  bureau  de  bienfaisance  à  deux  de  ses  anciens  curés, 
ce  qui  n’a  pas  empêché  d’exclure  de  la  commission  admi¬ 
nistrative  de  ce  bureau  le  curé  actuel  de  Saint-Cyprien, 
M.  l’abbé  du  Plantier. 


Hospice  de  Beaumont. 


Avant  la  grande  Révolution  de  1793,  la  petite  ville  de 
Beaumont  possédait  un  très  bel  établissement  d’instruc¬ 
tion  pour  les  jeunes  filles,  dirigé  par  les  Dames  de  la  Foi , 
et  un  hospice  desservi  probablement  par  les  mêmes  reli¬ 
gieuses,  quoique  leur  institut  ne  fût  pas  essentiellement 
hospitalier.  Les  deux  maisons,  occupées  l’une  par  le 
pensionnat,  et  l’autre  par  les  pauvres,  très  vastes  et  très 
bien  bâties  l’une  et  l’autre,  paraissent  dater  de  la  même 
époque. 

L'hospice  fut  fondé  en  1750  par  M&r  Henri-Jacques  de 
Montesquiou,  évêque  de  Sarlat,  aidé  des  dons  généreux 
des  dames  de  Lapradelle,  disent  quelques-uns,  tandis  que 
d’autres  prétendent  que  la  générosité  de  ces  dames  se 
porta  uniquement  sur  la  fondation  de  là  maison  d’instruc¬ 
tion.  Peut-être  concoururent-elles  à  la  fondation  des  deux 
établissements,  puisque  leur  architecture  indique  une 
construction  de  la  même  époque. 

Le  local  bâti  alors  pour  l'hospice  sert  aujourd’hui  de  pres¬ 
bytère,  de  prétoire  de  paix  et  de  mairie.  A  l’époque  de  la 
grande  Révolution,  il  ne  fut  point  vendu,  et  quoique  non 


82  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

occupé  par  les  pauvres,  il  a  toujours  été  considéré  comme 
propriété  de  l’hospice  :  la  commune  en  a  payé  300  francs 
de  location  à  la  commission  administrative  jusqu’en  1875. 
A  cette  époque,  elle  l’acheta  16,000  francs  qui  furent  placés 
en  rentes  sur  l’Etat  au  profit  des  pauvres  de  l’hospice. 

Quant  au  local  occupé  par  les  Dames  de  la  Foi  et  leur 
nombreux  pensionnat,  il  ne  fut  pas  non  plus  vendu,  mais 
les  religieuses  en  ayant  été  chassées  par  le  flot  révolution¬ 
naire,  quelques  familles  pauvres  s’y  établirent  et  s’en  dis¬ 
putèrent  les  divers  appartements. 

Les  pauvres,  qui  avaient  été  aussi  chassés  de  leur 
demeure  pendant  l’orage,  y  rentrèrent  après,  dans  la  partie 
laissée  libre  par  le  prétoire  de  paix  et  la  mairie,  et  y  furent 
soignés  par  une  religieuse,  probablement  une  de  celles 
qui  en  avaient  été  chassées,  peut-être  la  sœur  Marie  Paty, 
ancienne  religieuse  des  Dames  de  la  Foi,  et  dont  nous 
aurons  à  parler. 

Tel  fut  l’hospice  de  Beaumont  jusqu'en  1818.  A  cette 
époque, le  beau  couvent  des  Dames  de  la  Foi  fut  évacué  par 
les  familles  pauvres  qui  s'y  étaient  installées.  Les  autorités 
de  Beaumont  comprirent  qu’il  y  avait  place  dans  ce  local 
et  pour  les  pauvres  et  pour  les  écoles  dont  la  ville  était 
dépourvue.  Elles  comprirent  aussi  que,  pour  le  bien-être 
des  pauvres  et  la  bonne  instruction  des  jeunes  filles,  elles 
devaient  y  appeler  des  religieuses  ;  elles  s’adressèrent  à  la 
congrégation  de  Sainte-Marthe-d’Eymet. 

La  supérieure, alors  Mme  de  Marobert, s’empressa  d’adhé¬ 
rer  à  la  demande  qui  lui  était  faite,  et  ce  fut  au  mois  de 
septembre  de  cette  même  année  1818  que  les  religieuses 
d’Eymet  s’établirent  à  Beaumont,  pour  y  continuer  ou 
reprendre  l’œuvre  des  Dames  de  la  Foi  en  faveur  des 
jeunes  filles,  et  l’œuvre  des.  sœurs  hospitalières  en  faveur 
des  pauvres  et  des  malades.  Un  traité,  réglant  les  condi- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  83 

tions  de  ce  double  établissement,  fut  passé  devant  notaire 
le  29  décembre  suivant  entre  Mme  de  Marobert  et  la  com¬ 
mission  administrative  de  l’hospice. 

Par  ce  traité,  tous  les  bâtiments  de  l’ancien  couvent  des 
.  Dames  de  la  Foi  furent  mis  à  la  disposition  des  nouvelles 
religieuses  ;  une  aile  fut  spécialement  affectée  à  l’hospice, 
et  dès  ce  moment,  les  pauvres  y  furent  transportés.  Des 
réparations  urgentes  furent  faites  à  tout  le  bâtiment  ;  les 
religieuses  eurent  à  supporter  une  bonne  part  des  frais. 

Il  y  avait  là,  comme  on  le  voit,  deux  établissements  bien 
distincts,  indépendants  l’un  de  l’autre,  le  couvent  avec  ses 
diverses  classes  et  l’hospice  avec  ses  pauvres.  Les  sœurs 
devaient  diriger  leurs  écoles  pour  leur  compte  personnel, 
sans  aucun  contrôle  des  autorités  locales  ;  quant  à  la  direc¬ 
tion  de  l’hospice,  elles  devaient  se  conformer  au  règle¬ 
ment  arrêté  par  ce  traité  du  29  décembre  1818,  et  rendre 
compte  à  la  commission  administrative. 

La  première  supérieure  du  couvent  et  de  l’hospice  fut 
Mme  Elisabeth  Duplantier,que  nous  avons  vue,  au  chapitre 
sur  l’hospice  d’Eymet,  assistante  de  Mme  de  Marobert,  et 
plus  tard  supérieure  elle-même  de  la  Maison-mère. 

Dès  l’arrivée  des  sœurs  de  Sainte-Marthe  à  Beaumont, 
nous  voyons  parmi  elles  l’ancienne  religieuse  des  Dames 
de  la  Foi,  la  sœur  Marie  Paty,  que  nous  avons  déjà  nom¬ 
mée.  Elle  vécut  en  communauté  avec  les  sœurs  de  Sainte- 
Marthe,  probablement  sans  se  lier  par  aucun  vœu.  Nous 
la  verrons  plus  tard  jouer  un  beau  rôle  de  conciliation. 

La  maison  religieuse  de  Beaumont  prit  une  rapide  exten¬ 
sion  et  devint  bientôt,  par  la  prospérité  de  son  pensionnat 
et  des  autres  classes,  un  établissement  d’instruction  d’une 
assez  grande  importance.  Pendant  plusieurs  années  elle 
marcha  parfaitement  d’accord  avec  la  communauté  d’Ey¬ 
met,  qu’elle  regardait  avec  raison  comme  sa  Maison-mère. 


84 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Mais,  peu  à  peu,  l’esprit  d’indépendance  s’y  introduisit  et, 
comme  on  n’eut  pas  le  soin  de  couper  le  mal  dans  sa  ra¬ 
cine  et  de  l’arrêter  dès  le  principe,  il  se  trouva  trop  tard 
lorsqu’on  voulut  y  remédier. 

En  même  temps, l’hospice  avait  aussi  ses  progrès  ;  il  s’en¬ 
richissait  des  dons  de  plusieurs  bienfaiteurs.  Nous  devons 
citer  en  première  ligne  M.  Pouzargue,  curé  de  Beaumont, 
qui,  par  l’importance  des  biens  qu’il  donna  à  l’hospice, 
doit  en  être  regardé  comme  le  second  fondateur. 

M.  Jean  Pouzargue,  originaire  de  Belvès,  était  curé  de 
Beaumont  quand  la  Révolution  éclata.  Fidèle  à  l’honneur 
de  son  sacerdoce,  il  refusa  le  serment  exigé  des  prêtres  et 
passa  dix  années  en  exil.  Il  fut,  après  le  Concordat,  réin¬ 
tégré  dans  la  cure  de  Beaumont,  où  il  mourut  plein  de 
jours  et  de  vertus  en  1822.  Par  son  testament  du  20  mars, 
de  cette  année,  reçu  par  M0  Duclaud,  notaire  à  Beaumont, 
il  légua  aux  pauvres  présents  et  futurs  de  l’hospice  tous  ses 
biens  immeubles,  chargeant  les  dames  Antoinette  de 
Marobert  et  Elisabeth  Duplantier  de  leur  en  distribuer  les 
revenus.  Il  légua  aussi  ses  valeurs  mobilières,  meubles,  or, 
argent,  argenterie  et  créances  aux  mêmes  religieuses  pour 
en  disposer  à  leur  volonté. 

Les  biens  immeubles  légués  par  M.  Pouzargue  étaient  : 
1°  une  métairie  au  village  de  Nérac  ;  —  2°  une  métairie 
dite  Métairie-Neuve ,  dans  la  commune  de  Nojals  ;  —  3°  un 
enclos  avec  maison,  près  du  village  des  Fargues  ;  —  4<>  un 
pré  dans  la  commune  de  Blanquefort,  canton  de  Fumel 
(Lot-et-Garonne)  ;  —  5°  une  terre  dite  de  Pech-Grand  ; 
—  6°  un  bois  taillis  à  Yiou-de-Pot  ;  —  7°  une  châtaigne¬ 
raie  au  Maine. 

Ces  divers  immeubles  furent  vendus  en  plusieurs  lots 
en  1837,  et  le  produit  en  fut  placé  en  rentes  sur  l’Etat  au 
profit  de  l’hospice. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  85 

A  la  suite  de  M.  le  curé  Pouzargue,  nous  devons  citer 
comme  bienfaitrice  de  l’hospice  de  Beaumont  Mlle  Aude- 
bert,,  qui,  par  son  testament  du  12  décembre  1825,  légua 
à  l’hospice  plusieurs  rentes  qui  furent  converties  en  un 
-capital  de  1,040  fr. 

Revenons  aux  religieuses  directrices  des  écoles  et  de 
l’hospice.  Nous  avons  dit  que  l’esprit  d’indépendance  s’était 
introduit  parmi  elles.  Les  choses  en  étaient  arrivées  au 
point  que  la  maison  de  Beaumont  se  considérait  moins 
comme  la  fille  que  la  rivale  de  celle  d’Eymet.  Elle  voulait 
avoir  son  noviciat  particulier  et  former  elle-même  les  reli¬ 
gieuses  qui  lui  seraient  nécessaires.  Malheureusement, 
cette  prétention  se  trouva  favorisée  par  l’autorité  civile  et 
religieuse  du  lieu. 

La  supérieure  de  la  communauté  d’Eymet,  persuadée 
que  ce  projet  n’avait  pour  but  que  de  rendre  la  maison  de 
Beaumont  indépendante,  eut  recours  à  un  moyen  extrême, 
celui  d’abandonner  cette  maison  et  de  rappeler  à  la  Maison- 
mère  les  religieuses  qui  y  étaient  employées.  On  dit  aussi 
que  des  difficultés  administratives,  élevées  entre  les  reli¬ 
gieuses  et  la  commission  de  l’hospice,  pesèrent  beaucoup 
dans  la  détermination  prise  par  la  supérieure  générale. 

Quoi  qu’il  en  soit,  dociles  à  la  voix  de  leur  supérieure, 
toutes  les  religieuses  de  Beaumont,  toutes,  à  l’exception 
de  deux,  la  supérieure  et  une  sœur  converse,  s’empres¬ 
sèrent  d’obéir.  C’était  en  1834. 

Les  religieuses,  en  se  retirant,  durent  régler  avec  la  com¬ 
mission  administrative  jet  l’autorité  municipale  leurs  comp 
tes  de  gestion.  Le  règlement  définitif  ne  put  avoir  lieu 
que  le  22  août  1835,  par  acte  devant  M°  Gérard,  notaire  à 
Beaumont;  les  deux  parties  n’ayant  pu  arriver  à  un 
accord  parfait  qu’après  de  longues  et  vives  contestations 
et  avec  l’intervention  de  l’autorité  préfectorale. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Par  acte  du  11  juillet  1820,  retenu  par  Me  Ducros, 
notaire,  Mme  de  Marobert  et  Mme  Duplantier,  acceptant 
pour  la  communauté  de  Beaumont,  avaient  acquis  des 
mariés  Mizermont  une  pièce  de  terre,  pour  le  prix  de 
618  fr.  30  c.,  payés  comptant,  et  provenant  des  deniers  de 
la  communauté.  Elle  avait  été  convertie  en  j  ardin,  ce  qui 
avait  occasionné  de  fortes  dépenses,  supportées  par  la 
même  communauté. 

Par  un  autre  aete  du  20  novembre  1822,  retenu  par 
M°  Baysselance,  notaire,  Mme  Elisabeth  Duplantier,  alors 
supérieure  de  la  communauté  de  Beaumont,  avait  acquis 
des  frères  Antoine  Beaudoumier  un  pré  placé  au  lieu  de 
Raugea,  au  prix  de  220  fr.,  dont  l’acte  portait  quittance. 

En  se  retirant,  les  religieuses  et  leur  supérieure  géné¬ 
rale,  Mme  Elisabeth  Duplantier,  qui  avait  succédé  depuis 
deux  ans  à  Mme  de  Marobert,  réclamaient  la  propriété  de 
ces  deux  objets  et  entendaient  en  disposer  à  leur  volonté. 
Elles  réclamaient  aussi- le  mobilier  de  la  communauté 
qu’elles  avaient  acquis  de  leurs  propres  deniers.  Mais  une 
opposition  formelle  leur  fut  signifiée  de  la  part  de  M.  le 
maire  de  Beaumont. 

Nous  ignorons  quelle  fut  la  décision  du  conseil  de  pré¬ 
fecture,  mais  toutes  les  difficultés  furent  aplanies  par 
l’intervention  de  la  sœur  Marie  Paty.  Par  l’acte  du  règle¬ 
ment  de  compte  du  22  août  1835,  elle  donna  à  l’hospice 
de  Beaumont  quelques  immeubles  qui  lui  appartenaient, 
à  la  condition  que  les  religieuses  d’Eymet  ne  seraient  nul¬ 
lement  inquiétées  par  aucune  demande  ni  réclamation  de 
la  part  de  l’administration  de  la  ville,  et  le  différend  prit 
fin. 

Pour  remplacer  les  religieuses  d’Eymet,  les  autorités  de 
Beaumont  eurent  recours  aux  religieuses  de  Sainte- Mar¬ 
the  de  Périgueux,  qui,  alors,  ayant  quitté  depuis  peu 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  87 

l’hôpital  de  Périgueux,  s’étaient  retirées  à  Saint-Léon-sur- 
l’Isle.  Elles  s’empressèrent  d’accepter  l’offre  qui  leur  était 
faite.  Ce  fut  le  28  octobre  1835  qu’elles  prirent  possession 
de  la  communauté  et  de  l’hospice  de  Beaumont.  L’an¬ 
cienne  supérieure,  qui  y  était  restée  dans  l’espoir  que  les 
sœurs  d’Eymet  y  reviendraient,  voyant  que  l’hospice  et 
tout  l’établissement  passaient  sous  la  direction  d’une 
autre  congrégation,  prit  enfin  le  parti  de  se  retirer  ;  mais, 
au  lieu  de  rentrer  dans  sa  communauté  d’Eymet,  elle  se 
rendit  auprès  de  sa  famille,  à  Dagland,  et  se  fixa  dans  une 
maison  qu’elle  y  possédait.  Et  c’est  là  qu’elle  mourut 
quelques  années  plus  tard,  après  avoir  légué  par  testa¬ 
ment  sa  maison  aux  religieuses  d’Eymet  pour  y  faire  urfe 
fondation. 

Les  sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux  continuèrent 
à  Beaumont  les  œuvres  des  sœurs  de  Sainte-Marthe- 
d’Eymet  :  le  soin  des  pauvres  et  des  malades,  l’école  gra¬ 
tuite,  les  classes  payantes  et  le  pensionnat. 

Par  les  conditions  arrêtées  entre  l’administration  et  la 
supérieure,  la  commission  laissait  aux  religieuses  la 
jouissance  d'une  métairie,  d’un  jardin  et  le  produit  des 
classes,  sans  qu’elles  fussent  obligées  d'en  rendre  compte. 
De  plus,  la  commission  prenait  à  sa  charge  l'entretien  des 
bâtiments,  du  linge  et  du  mobilier  des  pauvres  et  elle 
donnait,  en  outre,  aux  sœurs,  cinquante  centimes  par 
jour  pour  la  nourriture  de  chaque  pauvre  ou  malade. 

Ces  conditions  n’ont  pas  été  changées  et  sont  toujours 
en  vigueur. 

Tel  fut  et  tel  est  aujourd’hui  l’hospice  de  Beaumont. 
Disons  en  finissant,  et  sans  réflexion  aucune,  qu’ayant 
été  fondé  par  un  évêque  et  enrichi  par  un  curé,  il  n’a  pu 
conserver  le  curé  de  la  paroisse  dans  la  commission  qui 
l’administre  III 


VIII 


Hôpital  de  Villefranche-de-Belvès. 


L’hôpital  de  Villefranche-de-Belvès  fut  fondé  sous  le 
vocable  d 'Hôtel-Dieu  de  Villefranche-du-Périgord  par  ma¬ 
dame  la  marquise  de  Giversac,  née  de  Beaupoil  de  Saint- 
Aulaire.  L’acte  de  fondation  fut  passé  à  Paris  le  25  juin 
1736,  en  l’étude  du  notaire  Judde. 

Par  cet  acte,  «  la  dame  Marie-Anne  de  Beaupoil,  veuve 
»  de  messire  Louis-Christophe  de  Cugnac,  chevalier,  mar- 
»  quis  de  Giversac,  seigneur  de  Sermet,  Lahastide,  Saint- 
»  Plainpont,  vicomte  de  Puicalvel,  demeurant  en  la  ville'de 
»  Cahors  en  Quercy,  donne,  pour  fondation  d’un  Hôtel- 
»  Dieu,  sa  maison,  sise  à  Villefranche,  avec  toutes  ses 
»  appartenances  et  dépendances,  ensemble  tous  les  lits, 
»  linge,  ustensiles  et  autres  effets  qui  sont  dans  ladite 
»  maison.  Elle  donne  en  plus,  au  profit  dudit  hôpital,  un 
»  titre  de  400  livres  de  rente  annuelle  et  perpétuelle,  rache- 
»  table  à  la  volonté  de  ladite  dame  donatrice  ou  de  ses 
»  héritiers,  moyennant  la  somme  de  huit  mille  francs  qui 
»  sera  alors  employée  en  acquisition  de  biens  fonds  ou  en 
»  rente  constituée  sur  des  fonds  solides.  » 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC.  89 

L’acte  porte  ces  paroles  :  «  Ladite  dame  marquise  de 
»  Giversac, touchée  de  lamisère  extrême  où  sontréduits  les 
»  habitants  pauvres  des  terres  dudit  feu  seigneur  son  mari, 
»  tant  par  la  stérilité  du  pays  que  par  le  dommage  qu’ils 
»  souffrent  â  raison  du  passage  et  logement  des  gens  de 
»  guerre,  a  formé  depuis  longtemps  le  dessein  de  fonder  un 
»  Hôtel-Dieu  ou  hôpital  de  charité  en  la  ville  de  Ville- 
»  franche-du  Périgord,  diocèse  de  Sarlat,  où  les  pauvres 
»  malades  et  infirmes  desdites  terres  et  paroisses,  par  pré- 
»  férence  à  tous  autres,  même  les  soldats  malades  qui  pas- 
»  seront  ou  logeront  audit  Villefranche ,  puissent  être 
»  admis  et  y  recevoir  le  soulagement  nécessaire  à  leurs 
»  maladies  et  infirmités.  » 

Ladite  dame  donatrice  se  réserve  de  mettre  et  recevoir 
dans  le  susdit  hôpital  les  filles  de  charité  qu’elle  choisira 
pour  servir  les  malades  tant  pour  le  présent  que  pour 
l’avenir. 

Il  est  dit  à  l’article  8  :  «  Monseigneur  l’évêque  de  Sarlat 
»  aura,  ainsi  que  de  droit,  toute  supériorité  sur  les  filles 
»  de  charité  qui  seront  préposées  pour  le  service  des 
»  pauvres  audit  hôpital,  lesquelles  n’y  seront  même  admi- 
»  ses  et  reçues  que  de  son  agrément,  et  pourra  au  surplus 
»  faire  tels  règlements  qu’il  jugera  à  propos  pour  le  gou- 
»  vernement  spirituel  de  cette  maison.  » 

La  fondatrice  règle  ensuite  l’organisation  du  bureau 
qui  devra  fonctionner  après  sa  mort;  elle  garde  seule 
l’administration  sa  vie  durant.  «  Ce  bureau  se  composera 
»  du  patron  de  l’hôpital,  qui  sera  toujours  le  seigneur, 
»  propriétaire  de  la  terre  de  Sermet,  de  messieurs  les 
»  curés  de  Villefranche  et  de  Sermet,  et  du  syndic  ou  tré- 
»  sorier  dudit  hôpital,  nommé  par  le  seigneur  patron. 
»  Monseigneur  l’évêque  de  Sarlat  en  sera  toujours  le  chef 
»  et  y  présidera  toutes  les  fois  que  bon  lui  semblera,  ou 


90 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  l’un  de  înessieurs  ses  grands  vicaires  en  son  absence, 
»  avec  voix  délibérative.  » 

Vient  ensuite  sur  le  parchemin  de  cet  acte  l’approbation 
de  Mgr  Denis-Alexandre  Le  Blanc,  évéque  de  Sarlat,  avec 
sa  signature  propre  et  son  cachet  épiscopal  en  cire. 

La  marquise  de  Giversac  mourut  en  1759  en  son  château 
de  Sermet,  paroisse  de  Loubejac.  Son  corps,  suivant  ses 
dernières  volontés,  fut  inhumé  dans  la  chapelle  de  l’hos¬ 
pice  qu’elle  avait  fondé.  On  y  conserve  encore  son  por¬ 
trait  qu’elle-même  y  avait  placé  avec  celui  de  sa  fille. 
Mais  ce  dernier  a  été,  il  y  a  quelques  années,  donné  à  sa 
famille  qui  l’avait  demandé. 

La  marquise  de  Giversac  fonda  l’hôpital  de  Villefranche 
pour  expier  la  faute  grave  qu’elle  avait  commise  en  for¬ 
çant  sa  fille  à  consentir  à  un  mariage  contraire  à  ses  goûts 
et  à  ses  inclinations.  Une  tradition,  passée  à  l’état  de 
légende,  bien  connue  dans  le  pays  et  toujours  écoutée 
avec  émotion,  fait  le  récit  suivant  quand  il  s’agit  de  faire 
connaître  le  motif  principal  de  l’importante  fondation  : 

La  noble  dame  avait  fiancé  sa  jeune  fille  avec  son  oncle 
paternel  ;  mais  ce  mariage  répugnait  au  cœur  de  la  timide 
enfant  par  la  disparité  de  l’âge  et  autres  considérations. 
La  mère,  inflexible  devant  les  larmes  de  sa  fille,  avait 
imposé  sa  volonté. 

Au  jour  fixé  pour  la  célébration  du  mariage,  on  se  ren¬ 
dit  à  l’église.  Au  moment  solennel,  interpellée  par  le  prê¬ 
tre  si  elle  consent  au  mariage,  la  jeune  de  Giversac,  se 
tournant  vers  sa  mère,  lui  dit  d’une  voix  étouffée  par  la 
crainte  révérentielle  :  Vous  le  voulez  ?  ma  mère.  —  Oui, 
ma  fille,  répond  celle-ci.  La  jeune  fille  prononce  alors 
son  oui  sacramentel ,  mais  en  même  temps  elle  s'affaisse 
sur  elle-même  comme  foudroyée.  On  s’empresse  de  la 
relever  ;  elle  était  morte  1! 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  91 

Et  la  marquise  comprit  sa  faute,  et  pour  s’en  punir  et 
l’expier,  elle  fit  l’importante  fondation  dont  nous  venons 
de  parler.  Et  elle  voulut  que  son  beau-frère,  le  marquis 
de  Giversac,  devenu  son  gendre  et  son  héritier  par  ce 
fatal  mariage,  lui  qui  avait  aussi  beaucoup  à  expier,  don¬ 
nât  son  consentement  à  la  fondation  expiatoire.  Nous 
lisons  dans  l’acte  précité  :  «  Haut  et  puissant  seigneur 
»  messire  Emmanuel  de  Cugnac,  chevalier,  seigneur, 
»  marquis  de  Giversac,  Sermet  et  autres  places,  vicomte 
»  de  Puicalvel,  tant  pour  lui,  en  qualité  de  successeur 
»  audit  droit  de  patronage,  que  pour  ses  successeurs,  pro- 
»  priétaires  de  ladite  terre  de  Sermet,  ensemble  pour  les 
»  pauvres  dudit  Hôtel-Dieu,  a  déclaré  qu’il  accepte  ladite 
»  fondation  et  les  donations  faites  par  ladite  dame  mar- 
»  quise  de  Giversac,  sa  belle-mère ,  pour  la  fondation 
»  dudit  hôpital,  avec  toutes  les  clauses  et  conditions  qu’il 
»  promet  de  sa  part  exécuter  et  faire  exécuter  en  tout  leur 
»  contenu.  » 

Dès  le  début  de  la  fondation,  la  marquise  de  Giversac 
confia  la  'direction  de  l’hôpital  aux  sœurs  de  la  charité  de 
Nevers  qui  la  conservèrent  jusqu’à  la  Révolution.  A 
l’explosion  de  l’orage  révolutionnaire ,  elles  en  furent 
chassées. 

L’une  d’entre  elles,  la  sœur  Vialence,  originaire  de 
Yillefranche,  se  retira  dans  sa  famille,  ne  perdant  pas  de 
vue  la  maison  des  pauvres.  Dès  que  les  circonstances  le 
permirent,  elle  reprit  seule  le  service  de  l’hôpital  et  le 
dirigea  jusqu’à  l’année  1823. 

A  cette  époque,  les  administrateurs  s’adressèrent  aux 
sœurs  de  Sainte-Marthe  d’Eymet  pour  avoir  des  religieu¬ 
ses  qui  pussent  faire  en  même  temps  le  service  des  pau¬ 
vres  de  l’hôpital  et  diriger  des  classes  pour  l’instruction 
des  jeunes  filles.  Un  premier  traité  eut  lieu  le  5  juillet  1823 


92 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


entre  les  administrateurs  et  la  supérieure  générale,  Mme  de 
Marobert,  dont  plusieurs  fois  nous  avons  eu  à  admirer 
l’intelligence  et  le  zèle  pour  les  œuvres  de  charité. 

En  vertu  de  ce  traité,  Mme  de  Marobert,  supérieure 
générale,  s’engageait  à  envoyer  à  Villefranche  deux  sœurs, 
chargées  de  soigner  les  pauvres  et  les  malades  de  l’hôpi¬ 
tal  et  de  diriger  une  école  gratuite  pour  les  filles  pauvres 
de  la  ville,  à  la  condition  que  les  administrateurs  fourni¬ 
raient  aux  sœurs  le  mobilier  nécessaire  et  leur  accorde¬ 
raient  une  pension  annuelle  de  400  fr.  pour  leur  nourri¬ 
ture  et  leur  entretien. 

Ce  traité  ajoutait  que  si  les  administrateurs  désiraient 
annexer  à  l’hôpital  une  classe  payante  et  externe,  Mme  de 
Marobert  enverrait  un  sujet  capable  pour  la  diriger,  et  il 
fixait  le  taux  de  la  rétribution  scolaire. 

En  1840,  le  gouvernement  ayant  voulu  régulariser  la 
position  de  tous  les  établissements  de  bienfaisance,  un 
second  traité  fut  passé  entre  la  commission  et  Mme  Elisa¬ 
beth  Duplantier,  supérieure  générale  de  la  communauté 
d’Eymet.  Ce  nouveau  traité,  eh  date  du  8  avril  1840,' 
rédigé  d’après  la  formule  envoyée  par  le  ministre  de  l’in¬ 
térieur,  paraît  avoir  été  fait  plutôt  pour  la  forme  que  pour 
la  mise  à  exécution.  Les  conditions  qui  y  sont  établies  ne 
sont  pas  plus  observées  par  la  commission  que  par  les 
sœurs,  et  cependant  l’établissement  est  administré  d’une 
manière  satisfaisante  pour  les  uns  et  pour  les  autres. 

Parmi  les  membres  delà  commission  qui  signèrent  alors 
le  traité,  figurent  M.  Vialence,  médecin,  neveu  de  la  sœur 
de  Nevers  dont  nous  avons  parlé,  et  M.  Goldefy,  curé.  On 
n’excluait  pas  encore  le  curé  de  l’administration  des  inté¬ 
rêts  des  pauvres. 

Ce  traité  fut  approuvé  le  23  juin  1840  par  M.  de  Rému- 
sat,  ministre  de  l’intérieur. 


93 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

Les  religieuses  de  Sainte-Marthe  d’Eymet  dirigèrent 
l’hôpital  de  Villefranche  jusqu’à  l’époque  de  la  formation 
de  la  Congrégation  de  Sainte-Marthe-du-Périgord  ;  elles 
adhérèrent  alors  aux  nouveaux  statuts  sans  aucune 
réserve. 

Aujourd’hui,  les  besoins  de  cet  hôpital  exigent  la  pré¬ 
sence  de  quatre  sœurs  qui  y  sont  employées  aux  soins  des 
malades,  à  l’école  gratuite  et  à  la  classe  payante.  Elles 
trouvent  dans  l’établissement  tout  ce  qui  leur  est  néces¬ 
saire  tant  en  santé  qu’en  maladie,  et  une  somme  de  cent 
francs  est  accordée  annuellement  à  chacune  pour  frais 
d’entretien. 

Reprenons,  pour  en  dire  encore  un  mot,  les  dispositions 
généreuses  de  la  fondatrice. 

La  maison  léguée  pour  y  établir  l’Hôtel-Dieu  de  Ville- 
franche  résista  à  l’orage  révolutionnaire  de  1793  ;  elle 
abrite  encore  les  religieuses  et  les  pauvres,  et  la  mémoire 
de  la  marquise  de  Giversac  y  est  toujours  bénie. 

La  marquise  avait  légué  aussi  pour  l’entretien  des  pau¬ 
vres  diverses  propriétés,  et,  en  outre  de  la  rente  de  400  fr. 
dont  nous  avons  parlé,  autres  rentes  en  argent  placées 
sur  le  clergé,  et  spécialement  affectées  à  l’entretien  des 
religieuses,  directrices  de  l’hôpital. 

Les  propriétés  furent  successivement  aliénées  et  le  capi¬ 
tal  placé  en  rentes  sur  l’Etat  ou  sur  particuliers.  Plusieurs 
de  ces  dernières. ont  été  perdues,  parce  qu’on  a  négligé  de 
faire  renouveler  les  inscriptions  hypothécaires  avant  la 
prescription  des  titres. 

Quant  aux  fonds  placés  sur  les  biens  du  clergé, ils  subi¬ 
rent,  à  l’époque  de  la  Révolution,  le  sort  des  autres  biens 
de  l’Eglise  ;  il  n’en  reste  aucune  trace. 

Aujourd’hui,  les  revenus  de  cet  hôpital,  si  riche  à  son 
origine,  grâce  à  la  charité  chrétienne,  ne  s’élèvent  qu’à 


94  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC. 

la  modique  somme  de  1,750  fr.,  affaiblie  encore  par  les 
droits  du  receveur  municipal. 

A  Villefranche,  comme  à  Eymet,  on  a  respecté  les 
volontés  de  la  fondatrice  de  l’hôpital.  Nous  avons  vu  que 
la  marquise  de  Giversac  avait  compris  le  curé  de  Ville- 
franche  dans  la  composition  du  bureau  qui  devait  admi¬ 
nistrer  après  elle  les  biens  de  l’hôpital. 

A  notre  avis,  elle  constituait  pour  le  curé  un  droit  ina¬ 
liénable  de  la  part  des  autorités  de  Villefranche  qui  accep¬ 
taient  la  fondation,  comme  inaliénable  était  la  fondation 
de  la  part  de  la  marquise.  —  L’acte  de  fondation  devait  à 
tout  jamais  et  dans  toutes  ses  clauses  sortir  son  effet. 

M.  le  curé  actuel  de  Villefranche  a  été  compris  dans  la 
nouvelle  commission  administrative.  Il  fait  aussi  partie 
de  la  commission  du  Bureau  de  bienfaisance,  dont  les 
revenus  ne  dépassent  pas  400  fr.  M.  le  curé  doit  sa  double 
nomination,  ou  plutôt  la  reconnaissance  de  son  droit,  au 
bon  sens  du  conseil  municipal. 


Hôpital  de  Monpazier. 


Nous  savions  que  M.  l’abbé  Monmont,  curé  de  Capdrot, 
bien  connu  des  lecteurs  de  notre  Semaine  religieuse , 
avait  fait  des  études  sur  les  anciennes  collégiales  de  Cap¬ 
drot  et  de  Monpazier,  et  nous  lui  avions  demandé  quel¬ 
ques  notes  sur  l’hospice  de  cette  ville.  Notre  cher  confrère 
est  allé  au-delà  de  nos  désirs  ;  il  nous  a  envoyé  un  tra¬ 
vail  tout  fait  et  des  plus  intéressants.  Nous  n’avons  qu’à 
nous  en  faire  l’éditeur  ;  nos  lecteurs  y  trouveront  leur 
avantage. 

«  Monpazier,  l’une  des  villes  les  plus  curieuses  du 
département,  bâtie  par  les  Anglais  en  1284,  possédait  déjà 
en  1318,  c’est-à-dire  trente-quatre  ans  après  sa  fondation, 
une  maison  de  charité.  Certains  documents  que  nous 
avons  sous  les  yeux  constatent,  en  effet,  que  les  quatre 
consuls  de  la  ville  en  furent  nommés  administrateurs  à 
cette  date  reculée.  Cet  établissement  devait  être,  toutefois, 
de  très  médiocre  importance,  dans  une  petite  ville  dépour¬ 
vue  de  commerce  et  d’industrie,  telle  que  Monpazier, 
éloignée  des  grandes  voies  de  communication,  et  comme 
perdue  au  milieu  de  campagnes  boisées.  Les  archives  de 


96  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Uhôtel-de-ville  ne  font  aucune  mention  de  cette  maison 
hospitalière,  durant  les  longues  années  qui  s’écoulent  du 
xiv®  au  xtii0  siècle.  Un  acte  public  de  1717  nous  fait  con¬ 
naître,  incidemment,  l’état  de  ses  ressources,  qui  s’éle¬ 
vaient  seulement  à  la  modique  somme  de  cinquante-deux 
livres  de  revenus. 

»  L’abbé  de  Laborie  de  Campagne,  originaire  de  Saint- 
Cyprien,  nommé  archiprêtre  de  la  collégiale  de  Monpa- 
zier  en  1757,  fut  le  véritable  fondateur  de  l’hôpital  actuel. 
La  baronne  de  Lavaur,  Anne- Virginie  de  Gironde,  avait 
laissé  par  testament  une  maison  et  un  champ  aux  orphe¬ 
lines  de  la  ville.  Une  ordonnance  royale  approuva  la 
réunion  de  ce  legs  à  la  maison  de  charité.  Cette  donation 
n’augmentait  pas  notablement  les  revenus  de  l’établisse¬ 
ment,  dont  les  murs,  peu  spacieux  d’ailleurs,  tombaient 
en  ruines.  L’abbé  de  Laborie,  qui  venait  d’en  être  nommé 
syndic,'  ou  directeur,  par  les  officiers  municipaux,  songea 
dès  lors  à  lui  procurer,  par  tous  les  moyens  en  son  pou¬ 
voir,  des  ressources  plus  abondantes,  d’autant  plus  né¬ 
cessaires  que  le  nombre  des  pauvres  était  considérable  à 
Monpazier. 

»  Issu  d’une  des  principales  familles  du  Périgord,  sa 
naissance  le  mettait  tout  naturellement  en  rapport  avec 
la  haute  société.  Il  était  doué,  du  reste,  de  beaucoup 
d’intelligence  —  ses  actes  le  prouvent  —  et  d’une  grande 
énergie  pour  le  bien.  Il  se  rendit  donc  à  Paris,  quêta  pour 
son  hôpital  auprès  des  familles  opulentes,  et  obtint  même 
de  l’Etat  des  sommes  importantes  pour  la  restauration  et 
l’agrandissement  de  la  maison  de  charité  et  l’établisse¬ 
ment  d’une  filature. 

»  De  retour  à  Monpazier,  le  digne  archiprêtre  voulut 
aussitôt  mettre  la  main  à  l’œuvre.  Il  n’épargna  ni  son 
temps,  ni  sa  bourse,  ni  sa  santé  pour  conduire  à  bien 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  97 

l’œuvre  qu’il  avait  entreprise.  Mais  il  avait  compté  sans 
l’opposition  jalouse  de  certains  hommes  qui  eurent  le 
triste  courage  de  traverser  ses  projets,  quand  par  état  ils 
auraient  dû  les  servir. 

.  »  Il  avait  acheté  de  ses  propres  deniers  plusieurs  mai¬ 
sons  délabrées  dont  il  destinait  les  matériaux  à  la  restau¬ 
ration  projetée.  Il  avait,  de  plus,  demandé  aux  échevins 
de  la  ville  l’autorisation  d’employer,  pour  la  même  fin, 
quelques  restes  de  vieux  remparts  dont  la  municipalité 
n’avait  nul  souci,  et  laissait  même  à  la  libre  disposition 
de  quiconque  voulait  les  utiliser.  La  réponse  se  fit  long¬ 
temps  attendre,  et  on  finit  par  lui  refuser  l’autorisation 
qu’il  avait  sollicitée.  L’abbé  de  Laborie  dut  recourir  alors 
à  l’intervention  de  l’autorité  supérieure.  Voici  la  lettre  du 
maréchal  de  Richelieu,  gouverneur  de  la  Guienne,  à 
MM.  les  maire  et  échevins  de  Monpazier  : 

«Messieurs,  je  joins  ici  un  mémoire  de  M.  l’abbé  de 
»  Laborie  par  lequel  il  me  demande,  ainsi  que  vous  le 
»  verrez,  la  permission  de  se  servir  des  pierres  de  quelques 
»  vieux  restes  de  murailles  de  votre  ville  pour  faire  des 
»  réparations  à  l’hôpital  et  à  la  maison  de  charité.  S’il  est 
»  vrai,  comme  il  le  dit,  que  ce  ne  soient  plus  que  quel- 
»  ques  vestiges  de  murs  épars  çà  et  là  qui  ne  puissent 
»  désormais  être  d’aucune  utilité,  je  pense  qu’au  lieu  d’en 
»  laisser  enlever  les  matériaux  par  le  premier  à  qui  il 
»  plaît  de  s’en  emparer,  ainsi  que  vous  avez  le  grand  tort 
»  de  le  souffrir,  il  vaut  beaucoup  mieux  les  employer  à 
»  l’usage  pour  lequel  M.  de  Laborie  les  demande,  et  qui 
»  présente  un  avantage  réel  pour  votre  ville,  puisqu’il 
»  s’agit  d’objets  à  la  conservation  desquels  toute  la  com- 
»  munauté  est  intéressée.  Ainsi,  messieurs,  à  moins  qu’il 
»  ne  s’y  trouvât  quelque  inconvénient  que  je  ne  connais 
»  pas,  ce  dont  vous  auriez  soin  de  m’avertir,  je  consens 


98  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  volontiers  à  ce  que  les  pierres  de  ces  vieux  restes  de 
»  murailles  soient  employées  aux  réparations  de  l’hôpital 
»  et  de  la  maison  de  charité  de  votre  ville  ;  et  pour  qu’el- 
»  les  soient  véritablement  réservées  pourc  et  usage,  exclu- 
»  sivement  à  tout  autre,  je  vous  charge  expressément  de 
»  veiller  à  ce  que  personne  n’en  détourne  la  moindre 
»  partie  à  ses  usages  particuliers,  et  de  me  donner  avis 
»  sur-le-champ  de  tout  ce  qui  pourrait  se  passer  sur  cela 
»  de  contraire  à  mes  ordres.  Je  vous  charge  aussi  de  faire 
»  transcrire  sur  vos  registres  cette  lettre,  dont  vous  ne 
»  manquerez  pas  de  m’accuser  réception. 

»  Signé  :  Maréchal  de  Richelieu.  » 

»  Cette  lettre,  datée  du  23  juillet  1774,  resta  sans  effet  : 
la  municipalité  continua  d’entraver  les  projets  de  l’abbé 
de  Laborie  par  mille  tracasseries.  Un  jour  que  le  digne 
archiprêtre  présidait  à  l’enlèvement  des  matériaux  qui  lui 
avaient  été  cédés  par  l’autorité  supérieure,  le  maire  de  la 
ville,  accompagné  de  plusieurs  hommes  armés,  parut  tout 
à  coup  sur  les  lieux  et  menaça  les  ouvriers  de  la  prison, 
s’ils  ne  cessaient  aussitôt  tout  travail.  L’abbé  de  Laborie, 
ne  voulant  pas  compromettre  ces  pauvres  gens,  les  invita 
à  se  retirer  ;  puis,  il  protesta  contre  la  violence  dont  il 
était  l’objet,  malgré  les  ordres  formels  de  l’intendant  de 
la  province,  et  se  déclara  prêt  à  revendiquer,  par  les  voies 
juridiques,  le  plein  exercice  de  ses  droits. 

»  Ces  dispositions  si  injustes,  si  despotiques  de  la  mu¬ 
nicipalité,  si  contraires  à  l’intérêt  des  pauvres  et  à  la  paix 
publique,  ne  pouvaient  être  tolérées  plus  longtemps.  Un 
arrêt  du  Parlement  de  Bordeaux  vint  exclure  le  maire  et 
les  échevins  réfractaires  de  l’administration  de  l’hôpital. 

»  Cette  mesure  sévère,  mais  juste  et  méritée,  irrita  pro¬ 
fondément  les  officiers  municipaux,  qui  adressèrent  au  roi 
plusieurs  requêtes  et  mémoires  pour  protester  contre  leur 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  99 
exclusion.  Ils  se  réunirent  plusieurs  fois  à  l’hôtel-de-ville 
pour  délibérer  à  ce  sujet,  et  nommèrent,  de  leur  propre 
autorité,  deux  nouveaux  syndics  chargés  de  poursuivre, 
devant  le  Parlement  de  Bordeaux,  l'annulation  de  l'arrêt 
qui  les  frappait.  Ces  diverses  réclamations  restèrent  sans 
réponse,  et  l’abbé  de  Laborie  put  reprendre  l’œuvre  à 
laquelle  il  devait  consacrer  sa  vie  (1). 

»  Le  pieux  fondateur,  qui  venait  d’être  nommé  vicaire- 
général  de  Sarlat,  peut-être  en  récompense  de  son  zèle  et 
de  sa  persévérance,  avait  en  vue  tout  à  la  fois,  dans  l’œuvre 
qu'il  projetait,  le  soin  des  pauvres,  Finstruction  de  la  jeu¬ 
nesse  et  le  travail  manuel.  Pour  le  seconder  dans  cette 
triple  tâche,  il  appela  à  Monpazier  une  jeune  personne  de 
Gourdon  (diocèse  de  Gahors),  recommandable  par  son 
amour  des  pauvres  et  sa  grandepiété, nommée  Marie  Falret, 
qui  prit  l’habit  des  sœurs  hospitalières  et  fit  sa  profession 
l’année  d’après.  Ces  religieuses  ne  faisaient  que  le  double 
vœu  de  chasteté  et  de  stabilité. 

»  Cette  sainte  fille  répondit  admirablement  à  l’attente 
du  digne  archiprêtre.  Elle  ne  pouvait,  toutefois,  réduite  à 
ses  seules  forces,  remplir  la  lourde  tâche  à  laquelle  elle 
s’était  dévouée.  Marie  Falret  appela  donc  auprès  d’elle, 
pour  lui  aider  dans  ses  laborieuses  fonctions,  une  de  ses 
sœurs  Jeanne  Falret,  qui  revêtit  elle-même  l’habit  reli¬ 
gieux. 

»  Nous  l’avons  déjà  dit,  l’abbé  de  Laborie  voulait  établir 
à  l’hôpital  une  filature  pour  procurer  du  travail  aux  bras 
inoccupés,  et  faire  pénétrer  un  peu  d’aisance  au  sein  des 
familles  pauvres,  si  nombreuses  à  Monpazier.  11  engagea, 
dans  ce  but,  Marie  Falret  à  se  rendre  à  Périgueux,  au  cou- 

(1)  La  plupart  des  renseignements  qui  précèdent  sont  extraits  des  papiers 
de  feu  M.  Larguerie,  ancien  notaire  à  Monpazier,  que  sa  veuve  a  bien 
voulu  mettre  à  notre  disposition. 


100 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


vent  des  Ursulines,  pour  y  apprendre  à  travailler  le  coton. 
La  bonne  sœur  partit  à  regret.  Avait-elle  quelque  vague 
pressentiment  de  sa  ün  prochaine?  Ses  élèves,  qui  l’entou¬ 
raient  du  plus  tendre  respect,  l’accompagnèrent,  én  ver¬ 
sant  des  larmes,  bien  au-delà  des  murs  de  la  ville.  «Adieu, 
mes  enfants,  leur  dit-elle  en  les  quittant,  je  ne  vous  rever¬ 
rai  plus  qu’au  ciel.  Aimez  et  servez  bien  le  bon  Dieu,  et 
priez-le  pour  moi.  » 

.  >;  Elle  ne  devait,  en  effet,  ni  revoir  ses  chères  élèves,  ni 
ses  pauvres,  ni  cette  maison  de  Monpazier  où  elle  avait 
dépensé  sans  mesure  tout  ce  qu’elle  avait  de  jeunesse  et 
d’intelligence,  où  elle  avait  jeté  les  premières  ardeurs  de 
son  zèle  et  de  son  dévouement.  Elle  tomba  malade  peu 
après  son  arrivée  à  Périgueux,  et  mourut  dans  les  senti¬ 
ments  d’une  angélique  piété,  laissant  à  sa  sœur,  Jeanne 
Falret,  le  précieux  héritage  de  ses  vertus,  sa  discipline  et 
sa  ceinture  de  fer. 

»  Marie  Falret  avait  eu  pour  élève  une  jeune  fille  appar¬ 
tenant  à  une  très-honorable  famille  de  Monpazier,  Marie 
Bousquet,  qui  avait  pris  l’habit  religieux  et  prononcé  ses. 
vœux  entre  les  mains  de  M.  de  Laborie,  à  l’âge  de  seize 
ans.  C’était,  paraît-il,  malgré  sa  jeunesse,  une  sœur  extrê¬ 
mement  recommandable  par  ses  qualités  personnelles, 
très-aimée  des  pauvres  et  des  enfants.  Ce  fut  elle  qui  suc¬ 
céda  à  sa  maîtresse  dans  la  charge  de  supérieure.  Pendant 
son  administration,  l’hôpital  devint  un  des  plus  florissants 
du  Périgord.  Nous  avons  sous  la  main  le  procès-verbal 
authentique  d’une  visite  faite  en  1780  à  cet  établissement 
par  les  membres  du  chapitre  et  les  notabilités  de  Monpa¬ 
zier,  et  qui  en  constate  la  prospérité  vraiment  surprenante. 

»  Dans  les  deux  corps  de  logis  très-vastes,  et  entière¬ 
ment  neufs,  construits  par  l’abbé  de  Laborie,  se  trou¬ 
vaient,  outre  les  cinq  religieuses  et  les  pauvres  malades 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  101 

ou  infirmes,  une  école  gratuite,  fréquentée  par  un  grand 
nombre  d’enfants,  un  pensionnat  et  une  filature  de  coton. 
Les  jeunes  filles  internes  payaient  la  moitié  deleur  pension 
avec  le  produit  des  travaux  à  l’aiguille  qu’elles  exécutaient 
à  leurs  moments  de  loisir.  Quant  aux  ouvrières  employées 
à  la  filature,  au  nombre  de  quarante,  dont  vingt  orphelines, 
logées  et  nourries  dans  la  maison,  elles  se  réunissaient 
tous  les  jours  pour  filer  le  coton  au  rouet,  sous  la  direc¬ 
tion  de  deux  sœurs  qui  leur  enseignaient  en  même  temps 
les  éléments  de  l’instruction  primaire. 

»  Quand  l’éducation  des  jeunes  ouvrières  était  terminée, 
on  les  plaçait  en  condition  dans  des  maisons  honnêtes,  ou 
bien  on  les  remettait  à  leurs  parents  avec  u  n  petit  fonds  pour 
continuer  leur  industrie  ;  assez  souvent  même  on  les  dotait 
quand  il  se  présentait  pour  elles  quelque  placement  con¬ 
venable.  Les  rouets  à  filer  le  coton  étaient  répandus  par¬ 
tout,  à  la  ville  et  à  la  campagne,  et  des  centaines  de  familles 
devaient  leur  subsistance  à  cette  industrie,  introduite  dans 
le  pays  par  le  charitable  archiprêtre. 

»  Sur  les  fossés  de  la  ville,  au  milieu  de  magnifiques 
jardins,  on  apercevait  l’établissement  appelé  la  manufac¬ 
ture  des  garçons.  Là  se  trouvaient  un  maître-fabricant  de 
laine,  des  ouvriers  qui  travaillaient  à  leurs  métiers,  et 
enfin,  dans  une  salle  spéciale,  tous  les  jeunes  garçons, 
pauvres  et  mendiants  de  la  ville,  occupés  à  la  filature  de 
la  laine  ou  du  coton,  sous  la  surveillance  d’une  sœur  de 
l’hôpital,  qui  leur  apprenait,  en  outre,  à  lire  et  à  écrire. 
Quand  ces  enfants,  arrivés  à  l’âge  adulte,  étaient  capables 
de  travailler,  on  donnait  à  chacun  d’eux  le  métier  qui  lui 
convenait,  et  l’abbé  de  Laborie  payait  ordinairement  leur 
apprentissage.  Les  jeunes  ouvriers  qui  sortaient  de  là  se 
distinguaient  toujours  par  leur  amour  du  travail  et  leur 
conduite  régulière. 


102 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Le  procès-verbal  que  nous  venons  d’analyser  porte 
cinquante-deux  signatures  et  se  termine  par  les  lignes 
suivantes  :  «  Puisse  la  vérité  des  faits  constatés  par  nous, 
»  attirer  les  libéralités  des  âmes  chrétiennes  et  amies  de 
»  l’humanité  sur  cette  maison  qui  a  besoin  d’être  secourue, 
»  n’ayant  au  plus  que  cinq  cents  livres  de  revenus,  les- 
»  quelles  sont  consomméespar  le  bouillon  seul  des  pauvres 
»  malades.  Les  autres  œuvres,  comme  la  subsistance  des 
»  sœurs,  celle  des  orphelines,  l’entretien  des  ateliers,  etc., 
»  étant  à  la  charge  du  sieur  abbé  de  Laborie,  qui  les  sou- 
»  tient,  bien  moins  par  ses  revenus,  qui  sont  trop  modi- 
»  ques,  que  par  les  ressources  d’un  zèle  industrieux. 

»  Puisse  l’acte  authentique  que  nous  en  avons  dressé 
»  être  un  monument  qui  éternise  le  souvenir  des  obliga- 
»  tions  qu’a  la  ville  de  Monpazier  au  sieur  de  Laborie,  et 
»  la  reconnaissance  qu’elle  lui  doit  (1).  » 

»  Une  réflexion  se  présentait  à  notre  esprit,  à  la  lecture 
de  ce  curieux  document.  Qui  se  douterait,  nous  disions- 
nous,  en  nos  jours  de  préjugés  invétérés,  tant  l’esprit  de 
l’histoire  a  été  faussé,  que,  dès  les  premières  années  du 
règne  de  Louis  XYI,  il  existait,  dans  une  des  petites  villes 
les  plus  pauvres  de  notre  Périgord  et  les  plus  éloignées 
des  grandes  communications,  non-seulement  un  hospice 
considérable  pour  les  malades,  mais  une  école  gratuite  et 
une  filature  de  coton  et  de  laine,  pour  fournir  du  travail 
aux  bras  inoccupés.  Pour  tout  esprit  impartial  et  sensé,  ce 
fait  est  un  enseignement.  N’est- il  pas,  en  effet,  une  preuve 
évidente,  ajoutée  à  tant  d’autres,  que  tous  les  progrès  ne 
datent  pas,  quoiqu’on  dise,  de  la  grande  Révolution,  et 
que  dans  l’ancienne  France  on  travaillait  avec  ardeur, 
même  au  fond  de  nos  provinces,  à  améliorer  le  sort  des 

(1)  Le  Chroniqueur  du  Périgord,  livraison  de  juin  1853. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  LU  PÉRIGORD.  103 

classes  populaires,  à  les  instruire,  à  les  moraliser?  —  Re¬ 
prenons  notre  récit. 

»  La  prospérité  de  l’hôpital  de  Monpazier  continue  de 
progresser  jusqu’aux  mauvais  jours  de  la  grande  Révo¬ 
lution.  En  1792,  l’abhé  de  Laborie,  ayant  refusé  le  serment 
prescrit  par  la  Constitution,  fut  déchu  de  ses  fonctions  de 
directeur  et  remplacé  par  trois  administrateurs  choisis  par 
la  municipalité.  L’école  et  la  filature  furent  fermées,  et  les 
sœurs  elles-mêmes  ne  tardèrent  pas  à  être  expulsées,  sous 
le  prétexte  odieux  et  ridicule  que  l’hôpital  «  était  plutôt 
une  maison  de  commerce  qu’un  asile  pour  les  malheu¬ 
reux.  »  On  leur  refusa  jusqu’à  l’autorisation  de  reprendre 
les  objets  mobiliers  qu’elles  avaient  apportés  dans  la  mai¬ 
son.  L’abbé  de  Laborie,  retiré  à  Saint- Cyprien,  protesta, 
mais  en  vain,  contre  cette  inique  mesure.  Il  était  lui- 
même,  quelque  temps  après,  emprisonné  àPérigueux. 

»  Durant  les  jours  sinistres  de  93,  les  pauvres  et  les  ma¬ 
lades  seraient  morts  de  faim  et  de  misère,  dans  le  plus 
complet  abandon,  sans  le  dévouement  courageux  deJeanne 
Falret,  dont  la  charité  était  supérieure  à  toutes  les  craintes 
et  à  tous  les  périls.  Cette  sainte  fille  quêtait  tous  les  jours 
et  s’ingéniait  de  mille  manières  pour  leur  ^procurer  des 
secours. 

»  Quand  la  tourmente  révolutionnaire  fut  passée,  les 
bonnes  sœurs  reprirent  possession  de  l’hôpital;  c’était  sous 
le  Consulat.  La  maison  se  trouvait  dans  le  plus  triste  état; 
les  ressources  étaient  taries,  les  bâtiments  mutilés.  L’abbé 
de  Laborie,  échappé,  comme  par  miracle,  au  couteau  delà 
guillotine,  brisé  par  les  épreuves  de  l’exil  et  arrivé  à  une 
extrême  vieillesse,  n’avait  plus  l’énergie  nécessaire  pour 
reprendre  son  œuvre.  Il  mourut,  du  reste,  peu  après  lais¬ 
sant  à  Monpazier  le  souvenir  impérissable  de  ses  vertus, 
surtout  de  son  inépuisable  charité.  Mère  Bousquet  releva 


104 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


comme  elle  put  les  ruines  accumulées  par  la  sape  révo¬ 
lutionnaire,  rouvrit  l’école  gratuite  et  le  pensionnat.  Il 
ne  pouvait  plus  être  question  de  la  filature,  dont  les 
métiers  avaient  été  brisés  et  les  ressources  anéanties. 
Elle  garda  le  titre  de  supérieure  sans  réélection  jus¬ 
qu’en  1823.  A  cette  date,  M.  l’abbé  Lasserre,  vicaire- 
général  de  Mgr  de  Lostanges,  fut  envoyé  pour  présider 
à  l’élection  d’une  supérieure  et  d’une  assistante.  Mère 
Bousquet  fut  réélue  tous  les  trois  ans  jusqu’à  l’époque 
de  sa  mort. 

»  Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  elle  se  déchargea 
peu  à  peu  de  ses  fonctions  sur  une  jeune  religieuse  nom- 
mée'sœur  Verdier,  nièce  de  Marie  Falret,  la  première  supé¬ 
rieure,  et  dont  elle  avait  deviné  les  remarquables  aptitudes 
pour  la  direction  d’une  communauté.  Mère  Bousquet  en 
arriva  bientôt  à  ne  plus  s’occuper  que  des  grandes  pensées 
de  l’éternité  ;  elle  passait  des  journées  entières  en  oraison 
devant  le  T.-S.  Sacrement.  Elle  mourut  enfin  en  1842, 
entourée  de  la  vénération  universelle  et  dans  un  âge  très- 
avancé.  La  population  se  porta  en  foule  à  ses  funérailles, 
qui  furent  magnifiques  ;  mais  les  larmes  des  pauvres  et 
des  orphelins  en  furent  le  plus  bel  ornement.  Elle  était 
restée  supérieure  67  ans. 

»  Nous  arrivons  maintenant  à  la  période  des  faits  contem¬ 
porains.  On  nous  permettra  d’être  bref  et  de  ne  pas  louer 
les  vivants.  Sœur  Verdier  succéda  à  Mère  Bousquet.  Le 
nombre  des  élèves  s’accrut  notablement  au  pensionnat.  De 
nombreuses  vocations  surgirent  parmi  ces  jeunes  filles.  La 
communauté  eut  bientôt  son  noviciat  et  devint  même  une 
Maison-mère.  D’autre  part,  la  nouvelle  supérieure  fit  des 
acquisitions  importantes  pour  l’extension  des  bâtiments 
jugés  indispensables.  La  maison  de  Monpazier  devint  une 
des  plus  considérables  du  diocèse,  et,  en  1853,  époque  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  105 

la  réunion  de  toutes  les  communautés,  elle  comptait  -vingt- 
deux  religieuses  et  six  aspirantes.  » 

»  La  communauté  compte  aujourd’hui  quinze  religieuses 
employées  à  la  direction  de  l’hôpital,  de  l’école  communale 
ou  du  pensionnat,  qui  est  très-florissant.  Mère  Verdier, 
parvenue  à  un  âge  avancé,  et  remplie  de  mérites,  vient  de 
se  démettre  de  ses  fonctions  ;  elle  est  remplacée  par  sœur 
Emilie  Gapmas,  dont  les  heureuses  qualités  sont  appréciées 
de  tous. 

»  Une  simple  réflexion  en  terminant.  Nous  avons  sura¬ 
bondamment  prouvé,  croyons-nous,  dans  le  cours  de  ce 
récit,  que  l’abbé  de  Laborie  avait  été  le  vrai  fondateur  de 
l’hôpital  de  Monpazier,  puisqu’il  en  avait  relevé  et  nota¬ 
blement  agrandi  les  bâtiments  et  créé  les  ressources,  par 
ses  sacrifices  personnels  et  les  saintes  industries  de  son 
zèle  infatigable.  Gomment  expliquer,  après  cela,  que  les 
administrateurs  actuels  d’une  œuvre  exclusivement  cléri¬ 
cale  soient  exclusivement  laïques,  et  que  le  digne  succes¬ 
seur  du  vénérable  archiprêtre,  M.  l'abbé  Rey,  ait  été  bru¬ 
talement  exclu  de  la  commission  hospitalière  ?  Que  signi¬ 
fient  ce  mépris  des  plus  vulgaires  convenances,  cet  oubli 
calculé  des  bienfaits  de  la  charité  catholique  H  Pour  cer¬ 
tains  hommes  de  notre  temps,  ce  vice  odieux  qui  se  nomme 
l’ingratitude  serait-il  une  vertu  ?  » 

A  ces  belles  pages,  dont  nous  remercions  l’auteur,  nous 
ajouterons  les  noms  des  bienfaiteurs  de  l’hôpital,  pour  en 
consacrer  et  perpétuer  le  pieux  souvenir. 

1°  En  1750,  M.  l’abbé  de  Laborie,  curé  de  Monpazier.  — 
Il  fonda  l’hôpital  et  lui  légua  en  mourant  une  rente  annuelle 
et  perpétuelle  de  200  francs. 

2°  En  1770,  M.  l’abbé  Saint-Ours,  curé  de  Monpazier.  — 
Il  légua  à  l’hôpital  un  capital  de  1,000  francs. 

3°  En  1770,  M,  Moulinier-Lacou,  maire  de  Monpazier.  — 


106  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC. 

Il  légua  à  l’hôpital  une  rente  annuelle  et  perpétuelle  de 
120  francs. 

4°  En  1785,  M.  Joseph  Milhe  de  Saint-Amant,  de  Ville- 
réal  (Lot-et-Garonne).  —  Il  légua  à  l’hôpital  un  capital  de 
1,600  francs,  qui  fut  accepté  et  reçu  par  J.  Lafaye,  admi¬ 
nistrateur  de  l’hôpital. 

5°  En  1807,  M.  le  vicomte  Géraud-Louis  de  Prud’homme, 
originaire  de  Fonds,  dans  le  canton  de  Figeac  (Lot).  —  Il 
légua  la  somme  de  4,500  francs,  avec  obligation  pour 
l’hôpital  de  faire  célébrer  un  service  tous  les  ans,  et  une 
messe  basse  tous  les  mois,  pour  lui  et  les  siens  décédés. 

6»  En  1818,  M.  Luc-Pierre  Lafaye,  du  château  de  Laval, 
paroisse  de  Trentel ,  dans  le  canton  de  Penne  (Lot-et- 
Garonne).  —  Il  assura  à  l’hospice  la  possession  d’un  legs 
de  1,200  francs,  fait  par  son  grand-oncle,  M.  Lafage. 

7°  En  1835,  M.  Béthogé-Lagarde,  de  Bordeaux.  —  Il  lé¬ 
gua  à  l’hôpital  la  somme  de  600  francs. 

8°  En  1875,  le  17  janvier,  M.  Pons,  prêtre,  desservant  de 
Yilleréal.  —  Il  assura  à  l’hôpital  le  paiement  d’un  legs  de 
400  francs,  fait  par  un  de  ses  ascendants,  le  12  mai  1778. 

9°  En  1856,  M.  Onésime,  huissier  à  Monpazier.  —  Il 
légua  à  l’hôpital  la  somme  de  200  francs. 

10°  En  1870,  le  19  juin.  —  Jeanne  Marie  Mathaty,  épouse 
Barthoumieux.  —  Elle  légua  à  l’hôpital  la  somme  de 
500  francs. 

Tels  sont  les  bienfaiteurs  dont  nous  avons  pu  recueillir 
les  noms.  Nous  souhaitons  qu’ils  aient  de  nombreux  imi¬ 
tateurs. 


X 


Hôpital  de  la  Providence,  à  Montpon  (1). 


La  fondation  d’un  hôpital  dans  la  petite  ville  de  Mont¬ 
pon,  sous  le  vocable  d 'Hôpital  de  la  Providence,  remonte 
à  l’année  1687.  Elle  fut  l’œuvre  de  la  charité  chrétienne  de 
très-haute  et  très-puissante  demoiselle  Suzanne-Henriette 
de  Foix  de  Candalle,  princesse  de  Busch,  dame  de  la  sei¬ 
gneurie  de  Montpon  et  autres  lieux.  Elle  en  confia  la  direc¬ 
tion  aux  sœurs  de  la  Charité  (2).  Un  traité  posant  les  bases 
de  cet  établissement  et  réglant  les  conditions  de  son  exis¬ 
tence  fut  passé  à  Paris  le  5  mai  1687,  entre  :  «  honnêtes 
et  charitables  filles  sœurs  Mathurine  Guérin,  supérieure 
de  la  communauté  des  Filles  de  la  Charité,  servante  des 
pauvres  malades ,  Marie  Pellegrin,  assistante ,  Marie 

(1)  Nous  conservons  l’ancienne  orthographe,  plus  conforme  à  l’étymo¬ 
logie.  On  trouve  dans  les  anciens  actes  :  Capella  de  Montpao,  Domus  de 
Monte  Pavonis,  Castellania  Monfis  Pavonis,  Castellum  de  Montpao,  Mont- 
Pouns,  Montepao.  (Voir  Noms  anciens  de  lieux  du  département  de  la  Dor¬ 
dogne,  par  M.  le  vicomte  A.  de  Gourgues.) 

(2)  11  existe  une  intéressante  Vie  de  Mlle  Suzanne-Henriette  de  Foix  de 
Candalle,  par  son  neveu,  M.  l’abbé  de  Belsunce,  alors  abbé  de  Notre- 
Dame  de  Chambons  et  grand-vicaire  d’Agen,  et  plus  tard  l’illustre  et  saint 
évêque  de  Marseille  ;  imprimée  à  Agen,  en  1707.  Une  nouvelle  édition 
serait  accueillie  avec  faveur. 


108 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Moreau,  économe,  et  Madeleine  Paumier  de  Pemier,  leurs 
officières,  présentement  en  charge ,  et  faisant ,  suivant 
l’usage  de  leur  Compagnie,  au  nom  et  pour  toute  la  com¬ 
munauté,  demeurant  en  leur  maison  du  faubourg  Saint- 
Lazare,  et  du  consentement  de  M.  Edm.  Jolly,  leur  supé¬ 
rieur  général,  d’une  part,  et  la  noble  dame  fondatrice, 
représentée  par  son  neveu  Henri  François  deFoix  deCan- 
dalle,  pair  de  France  et  duc  de  Randan,  d’autre  part.  » 

Il  est  dit  dans  ce  traité  que  «  mademoiselle  de  Foix, 
désirant  pourvoir,  à  perpétuité,  à  l’assistance  des  pauvres 
malades  de  la  ville  de  Montpon,  elle  aurait,  à  cet  effet, 
suivant  le  désir  de  Mgr  l’évêque  de  Périgueux,  choisi  l’Ins¬ 
titut  desdites  Filles  de  la  Charité  pour  le  service  desdits 
pauvres  malades.  La  supérieure,  son  assistante  et  ses  offi- 
cières,  voulant  faire  droit  à  la  demande  qui  leur  est  faite, 
s’engagent  pour  elles  et  pour  celles  qui  leur  succéderont 
à  perpétuité,  à  envoyer  et  conserver  à  Montpon  deux  filles 
de  leur  Compagnie. 

La  fondatrice  devait  «  donner  un  logement  meublé  et 
accommodé  convenablement  aux  deux  religieuses,  l’entre¬ 
tenir  de  toutes  grosses  et  menues  réparations  pendant  sa 
vie,  et  devait  laisser,  à  son  décès,  à  perpétuité,  un  fonds 
suffisant  pour  ces  réparations  et  l’entretien  des  meubles 
et  autres  choses.  »  De  plus,  «  elle  devait  payer  annuelle¬ 
ment  en  deux  pactes  égaux  de  six  mois  en  six  mois  et 
d’avance,  à  chaque  religieuse,  à  commencer  du  jour  de 
leur  arrivée  à  Montpon,  la  somme  de  trois  cents  livres, pour 
leur  entretien  d’habits  et  menus  linges  à.  leur  usage  ;  et 
annuellement  deux  cents  livres  au  moins  pour  l’assistance 
des  pauvres  malades,  et  pour  fournir  des  remèdes,  tisanes, 
bois,  charbon,  lumière,  gros  linges,  blanchissage  et  autres 
ustensiles  nécessaires  pour  les  religieuses  et  leurs  pauvres 
malades,  » 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  109 
«  Et  seront  les  deux  soeurs  assistées  pendant  leurs  ma¬ 
ladies  comme  les  autres  pauvres.  Elles  devront  suivre  l’or¬ 
dre  du  médecin  ou  chirurgien  autant  qu’elles  pourront 
pour  les  saignées  et  la  composition  des  médecines,  juleps 
et  autres  petits  remèdes,  et  feront  elles-mêmes  les  sirops, 
décoctions  et  autres  choses  nécessaires  aux  malades. 

»  M1Ie  de  Foix  pourvoira  aux  frais  du  premier  voyage  des 
deux  sœurs  qui  seront  envoyées  pour  commencer  l’établis¬ 
sement,  et  devra  dès  ce  moment  faire  un  fonds  suffisant 
pour  les  frais  de  voyage  des  sœurs  qui  pourront  être  rap¬ 
pelées  pour  cause  de  maladie  ou  infirmité  dans  le  cours 
des  six  premières  années  de  leur  résidence  à  Montpon,  et 
des  sœurs  qui  seront  envoyées  tant  à  leur  place  qu’à  la 
place  des  défuntes,  comme  aussi  pour  les  frais  des  voyages 
des  sœurs  qui  seront  rappelées  par  le  supérieur  général  et 
par  les  autres  officières  et  leurs  successeurs,  après  avoir 
servi  six  ans  dans  ladite  ville  de  Montpon  les  pauvres  ma¬ 
lades,  et  des  sœurs  qui  seront  envoyées  à  leur  place.  » 
Quant  au  spirituel,  les  sœurs  seront  soumises  à  Msr  l’évê¬ 
que  de  Périgueux  et  au  curé  de  la  paroisse  de  Ménestérol, 
devant  avoir  leur  demeure  dans  cette  paroisse  (1).  Toute¬ 
fois,  le  supérieur  général  se  réserve  pour  lui  et  ses  succes¬ 
seurs  le  droit  de  les  visiter  ou  faire  visiter,  et  de  leur  faire 
assigner  dans  les  lieux  un  confesseur  approuvé  par  l’ordi¬ 
naire,  de  les  changer  ou  rappeler  quand  il  le  jugera  néces¬ 
saire,  en  les  remplaçant  immédiatement  par  d’autres,  et 
dans  ce  cas,  après  la  première  fois,  les  frais  de  voyage 
seront  supportés  par  les  sœurs.  » 

Dans  la  suite  du  traité,  il  est  stipulé  que  les  sœurs 
auront  toute  liberté  de  vivre  sous  l’obéissance  de  leur 
supérieur  général,  des  sœurs  officières  de  leur  commu- 

(1)  Ce  ne  fut  qu’en  1823  que  Montpon  fut  érigé  en  commune  et  en 
paroisse. 


110 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


nauté  et  de  la  sœur  nommée  supérieure  de  cet  établisse¬ 
ment,  non  comme  religieuse  séparée,  mais  comme  fille 
d’une  communauté  régulièrement  établie.  «  Elles  devront 
observer  tous  les  règlements  et  exercices  spirituels  de  leur 
Institut,  sans  néanmoins  préjudicier  au  soin  et  service 
des  pauvres  malades  qu’elles  préféreront  à  toute  autre 
chose.  » 

Enfin,  il  est  réglé  que  les  funérailles  des  sœurs  seront 
faites  sans  aucune  pompe  par  le  curé  de  la  paroisse,  et 
qu’il  sera  célébré  un  service  et  deux  messes  basses  pour 
le  repos  de  l’âme  de  la  défunte,  le  tout  sans  aucune  rétri¬ 
bution  à  payer  de  la  part  des  sœurs. 

Ce  traité,  qui  prévoyait  si  bien  toutes  choses,  fut  ratifié 
par  MUo  de  Foix,  le  5  novembre  1688,  par  un  acte  passé 
devant  Bergaze,  notaire  royal  à  Montpon  ;  et,  ce  jour-là, 
les  deux  sœurs  de  la  Charité  furent  installées  dans  la  mai¬ 
son  qui  leur  avait  été  préparée,  et  y  commencèrent  leur 
mission  de  soigner  les  pauvres  malades  et  d’instruire  les 
jeunes  filles,  en  ouvrant  une  classe  gratuite. 

Nous  trouvons  dans  le  testament  de  MUo  de  Foix,  en 
date  du  20  février  1694,  le  détail  des  biens  meubles  et 
îtnmeubles,  dont  elle  enrichit  son  cher  hôpital  de  la  Pro¬ 
vidence. 

A  tous  les  points  de  vue,  ce  testament  est  admirable,  et, 
du  premier  mot  au  dernier,  il  exhale  le  parfum  de  la  cha- 
iité  la  plus  pure,  la  plus  chrétienne.  Nous  regrettons  de 
ne  pas  l’insérer  ici  dans  son  entier  ;  nous  devons  nous 
borner  à  reproduire  le  préambule  et  les  articles  qui  regar¬ 
dent  l’hôpital  (1). 

(1)  On  devrait  faire  imprimer  ce  testament  et  en  placer  un  exemplaire 
dans  toutes  les  familles  qui  habitent  l’ancienne  seigneurie  de  Montpon.  On 
ne  saurait  trop  faire  pour  conserver  le  souvenir  d’une  telle  bienfaitrice. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  111 

«  Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 

»  Je,  Suzanne-Henriette  de  Fpix  de  Gandalle,  princesse 
de  Busch,  dame  de  la  seigneurie  de  Montpon,  considérant 
l’incertitude  du  moment  auquel  il  plaira  à  Dieu  de  me 
retirer  de  cette  vie,  et  l’état  auquel  on  se  trouve  réduit 
dans  l’extrémité  des  maladies,  j’ai  cru  devoir  réduire  par 
écrit  ma  dernière  volonté,  et  en  un  temps  où,  par  la  grâce 
de  Dieu,  je  possède  une  parfaite  santé ,  et  encore  saine  de 
mon  esprit,  crainte  que  quelque  accident  imprévu  ne  me 
mette  hors  d’état  de  pourvoir  aux  choses  que  je  désire  être 
accomplies  après  mon  décès  ;  et  enfin  particulièrement 
de  n’avoir  mon  esprit  occupé  que  de  l’affaire  de  mon 
salut,  lorsqu’il  faudra  partir  de  ce  monde.  Ce  que  j’ai 
délibéré  de  faire  en  la  manière  qui  suit  :  » . 


«  Après  avoir  pourvu  à  toutes  les  choses  ci-devant 
déclarées  qui  regardent  les  plus  communes  et  ordinaires 
obligations,  il  est  juste  que  je  satisfasse  au  devoir  le  plus 
important,  qui  regarde  l’hommage  que  je  dois  à  Dieu  de 
tous  les  biens  que  je  possède  ,  comme  à  mon  souverain 
Seigneur,  que  je  reconnais  tenir  de  son  infinie  bonté,  en 
consacrant  une  partie  de  mon  dit  bien  à  son  honneur  et 
gloire,  et  à  l’utilité  et  secours  des  pauvres.  Et  comme  je 
me  suis  proposée  de  lui  faire  cette  offrande  sans  démem¬ 
brer  quoi  que  ce  soit  de  ma  dite  terre  de  Montpon  ;  dans 
cette  vue,  je  déclare  que  feue  madame  ma  mère  et  moi 
avons  fait  établir  une  maison  dans  cette  ville  de  Montpon 
où  je  fais  encore  ma  demeure,  et  que  nous  en  avons  acquis 
quelquesautres,entr’autrespour  augmenter  l’emplacement, 
la  cour,  galerie,  le  jardin,  sis  au-delà  du  pont  et  près  de  la 
ville,  dans  la  paroisse  de  Saint-Martial,  lesquelles  terrasses 
et  jardin  mon  héritier  basnommé  en  jouira  sa  vie  durant. 

»  Et  pour  revenir  à  l’offrande  que  je  fais  à  mon  Dieu, 


112 


LES  0RI6INES  CHRÉTIENNES 


pour  la  rémission  de  mes  péchés  et  l’augmentation  de  sa 
gloire,  de  toutes  les  acquisitions  que  feue  ma  mère  et  moi 
avons  faites,  je  déclare  que  j’ai  déjà  fondé  depuis  l’année 
mil  six  cent  huitante-huit  deux  sœurs  de  la  Charité  pour 
servir  les  pauvres  malades  et  l’instruction  des  filles! 
qu’étant  satisfaite  de  leur  zèle  et  de  leur  charité  pour  les 
pauvres  et  de  leur  instruction  des  filles  ,  et  que  désirant 
continuer  à  perpétuité  et  à  jamais  un  si  utile  et  saint 
secours  aux  habitants  de  cette  ville  et  de  cette  terre,  afin 
qu’ils  prient  Dieu  pour  monsieur  le  duc  de  Foix,  mon 
très-honoré  et  cher  neveu  et  pour  moi,  j’ai  fait  bâtir  dans 
cette  ville  une  maison  à  mes  chères  sœurs  de  la  Charité, 
à  la  porte  qu’on  appelle  de  Sainte-Foy,  avec  la  salle  garnie 
de  lits  pour  les  pauvres  ;  au  bout  de  ladite  salle,  on  a  fait 
un  retranchement  par  des  barreaux  pour  y  mettre  un  autel 
pour  y  dire  la  sainte  messe  ;  et  que,  pour  cet  effet,  j’ai 
donné  tous  les  vases  sacrés  :  custode,  calice,  soleil  pour 
exposer  le  Saint-Sacrement,  le  tout  d’argent  fin,  et  plusieurs 
beaux  ornements  d’autel,  chasubles,  qui  ont  été  donnés 
par  feue  ma  chère  demoiselle  de  Lavagnac  ou  par  moi.  Le 
reste  de  la  maison  est  achevé  de  bâtir,  soit  pour  le  loge¬ 
ment  de  mes  chères  sœurs  ou  pour  les  pauvres,  avec  tous 
les  meubles  nécessaires,  soit  linge,  vaisselle,  batterie  de 
cuisine,  rien  n’y  manque,  grâce  à  Dieu.  Outre  cela,  je  leur 
ai  fait  bâtir  de  petites  chambres  pour  panser  les  pauvres  ; 
outre  cela,  je  leur  ai  fait  bâtir  une  belle  grange,  où  il  y  a 
un  pigeonnier  au-dessus  de  la  grange.  Il  y  a  une  petite 
maison  où  il  y  a  un  jardin,  sans  compter  celui  qu'elles 
ont  dans  leur  maison.  Outre  de  cela,  il  y  a  un  cimetière 
pour  enterrer  les  pauvres  qui  mourront  dans  l'hôpital  que 
j’ai  nommé  de  la  Providence ,  espérant  qu’il  se  soutiendra 
toujours. 

»  Et  pour  empêcher  que  ma  fondation  vienne  à  périr  à 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  113 

faute  d’être  régulièrement  payée  de  l’entretien  de  mes 
chères  sœurs  et  de  ce  qui  leur  faut  pour  la  nourriture  et 
entretien  des  pauvres  malades,  je  déclare  que  j’ai  donné  à 
perpétuité  et  à  jamais  au  susdit  hôpital  que  j’ai  fait  et  que 
j’ai  déjà  nommé  de  la  Providence ,  toutes  les  acquisitions 
que  feue  madame  ma  mère  et  moi  avons  faites  en  fonds 
qui  consistent  en  la  métairie  du  Four,  du  dédier,  et  les 
Serr  ailler  s. 

»  Plus,  je  donne  aussi  au  susdit  hôpital  mes  métairies 
et  bois  de  la  grande  maison  de  Bournac,  et  généralement 
tous  mes  fonds  de  quelle  manière  qu’ils  soient  dépendants 
de  mes  métairies  de  Bournac.  J’en  fais  de  même  du  Four, 
du  dédier,  et  Serraillers,  en  y  comprenant  tous  les  bestiaux 
gros  et  menus,  qui  se  trouveront  lors  de  mon  décès,  et  de 
toutes  les  métairies  nommées  ci-dessus,  et  même  toutes 
les  semences  sans  faire  tort  aux  métayers  ;  déplus,  je  donne 
les  prés  dont  je  jouis  aux  Barthes,  comme  ayant  été  déta¬ 
chés  de  la  métairie  du  Four. 

»  Plus,  je  donne  et  lègue  à  mon  dit  hôpital  toutes  les 
vignes  en  quelle  part  qu’elles  soient  situées,  à  la  réserve 
des  vignes  de  la  Tour  du  Puy  de  Ghalup  et  dans  les  fonds 
et  circuit  de  ladite  Tour  de  Ghalup  que  feue  madame  ma 
très-chère  mère  et  moi  avons  fait  planter,  que  je  ne  veux 
ni  ne  prétends  détacher  de  la  seigneurie  de  cette  terre  de 
Montpon.  Et  quant  aux  rentes  dont  tous  les  susdits  biens 
que  je  donne  au  susdit  hôpital  sont  chargés  envers  le  sei¬ 
gneur  de  cette  terre  de  Montpon,  je  les  en  décharge  et  les 
donne  francs  de  rentes ,  c’est-à-dire  tant  que  les  susdits  biens 
demeureront  joints  à  l’hôpital  ;  et  s’il  arrive  que  Ton  les 
\ende  ou  échange,  je  veux  et  entends  que  les  susdits  biens 
vendus  ou  échangés  reviennent  chargés  des  mêmes  rentes 
qu’ils  devaient  payer  au  seigneur  de  Montpon  avant  que  je 
les  eusse  donnés  à  l’hôpital,  n’étant  pas  ma  volonté  de  les 


114 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


rendre  francs  des  droits  et  rentes  dus  au  seigneur  de  Montpon 
que  tant  que  l’hôpital  en  jouira. 

»  Plus,  je  donne  et  lègue  à  mon  dit  hôpital  à  perpétuité 
et  à  jamais  la  rente  constituée  que  j’ai  acquise  de  M.  Gars- 
sellon,  curé  de  Ménestérol,  qui  me  coûte  mille  livres  et 
rapporte  de  revenu  cinquante  livres. 

»  Plus,  je  déclare  que  je  suis  en  marché  avec  M.  Durand, 
juge  de  Montpon,  d’une  métairie  appelée  des  Yignaux,  pour 
le  prix  et  la  somme  de  mille  cinq  cents  livres  et  que  je  le 
paierai  d’argent  compté  ;  laquelle  métairie  des  Vignaux  je 
donne  dès  à  présent  à  mon  hôpital  avec  les  mêmes  réserves 
et  conditions  que  je  leur  ai  donné  les  autres  métairies  du 
Four  et  du  Clédier,  pour  tous  les  droits  seigneuriaux  sans 
rien  changer. 

»  Mais,  prévoyant  que  mes  chères  sœurs  ne  sauraient 
vaquer  au  service  des  pauvres  malades  et  prendre  soin  des 
revenus  de  leurs  dits  domaines,  et  les  recevoir  et  faire 
porter  dans  leur  maison,  pour  ces  raisons  je  leur  établis 
un  aumônier  qui  sera  obligé  de  veiller  à  la  conservation 
et  maintien  de  leurs  domaines  et  de  leur  en  faire  porter 
les  revenus  chez  elles  par  leurs  propres  métayers,  et  leur 
dire  chaque  jour  la  messe  dans  la  chapelle  de  l’hôpital, afin 
que  les  pauvres  reçoivent  les  secours  spirituels  en  même 
temps  que  les  temporels.  Les  intentions  des  messes,  ma 
vie  durant,  seront  pour  demander  à  Dieu  la  prolongation 
et  satisfaction  des  jours  de  monsieur  le  duc,  mon  très- 
honoré  et  cher  neveu,  et  pour  moi  la  grâce  de  me  bien 
préparer  à  la  mort  et  à  la  miséricorde  de  Dieu  après  mon 
décès. 

»  Je  veux  et  entends  que  l’aumônier  dise  sept  ' messes 
pour  chaque  pauvre  qui  mourra  à  l’hôpital  ;  et  si  quelques- 
unes  de  mes  chères  sœurs  arrivent  à  y  mourir,  que  l’aumô¬ 
nier  dudit  hôpital  leur  dise  une  trentaine  de  messes,  et 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  115 

que  de  plus  ledit  aumônier  dise  et  communique  à  mes 
chères  sœurs  les  desseins  qu'il  aura  pour  la  conservation 
et  augmentation  des  biens  de  l’hôpital. 

»  Plus,  je  défends  audit  sieur  aumônier  de  se  charger  du 
service  de  la  chapelle  de  la  ville,  ayant  assez  d’affaires  à 
conduire  celles  des  pauvres  ;  que  si  l’envie  d’augmenter 
son  revenu  lui  fait  entreprendre  cet  emploi,  j’ordonne  à 
mes  sœurs  de  le  quitter,  et  d’en  prendre  un  autre  de  la 
main  de  MM.  les  missionnaires  de  Saint-Lazare  de  Paris 
ou  des  supérieures  de  la  Providence  d’Acquitaine,  de  la 
même  Congrégation.  Présentement,  j'établisM.  deLamothe, 
mon  aumônier,  étant  bien"  convaincue  de  sa  bonne  vie  et 
mœurs  et  charité  pour  les  pauvres,  et  pour  cet  effet,  je  lui 
donne  et  lègue  la  somme  de  trois  cents  livres.  Outre  ces 
trois  cents  livres,  je  donne  à  mon  dit  aumônier  son  loge¬ 
ment  et  la  j  ouissance  de  la  maison  et  j  ardin  que  j  ’ai  achetés 
à  maître  Joyeux,  notaire  royal,  francs  de  toutes  rentes  et 
droits  seigneuriaux,  c’est-à-dire  tant  que  la  maison  sera 
dépendante  de  l’hôpital.  Car  si  l’on  vend  ou  échange,  je 
veux  et  entends  qu’elle  revienne  chargée  de  tous  les  droits 
et  rentes  dus  au  seigneur  de  Montpon.  De  plus,  M.  de 
Lamothe  venant  à  quitter  cet  emploi,  il  ne  pourra  préten¬ 
dre  à  la  pension  de  trois  cents  livres  ni  au  logement. 

»  De  plus,  je  donne  à  celui  qui  sera  aumônier  de  l’hôpital, 
à  perpétuité  et  à  jamais,  mon  pré,  appelé  de  l’Ilote  de 
Ménesplet,  en  payant  aux  révérends  pères  Minimes  de  Pla- 
gnat  ce  que  je  leur  ai  toujours  payé,  dix  livres  de  poisson 
et  cinq  sols  en  argent. 

»  De  plus,  je  veux  et  entends  que  lorsque  le  susdit  aumô¬ 
nier  sera  malade,  qu’il  soit  traité  par  mes  chères  sœurs  de 
médecines,  saignées,  emplâtres,  et  toutes  sortes  de  médi¬ 
caments  qui  lui  seront  nécessaires,  le  devant  regarder 
comme  le  premier  pauvre,  ayant  pris  son  mal  en  les  ser- 


116 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


vant,  ayant  pris  soin  de  leurs  Liens  et  servant  les  pauvres 
de  l’hôpital.  Qu’il  ait  soin  de  tenir  sa  maison  et  tons  les 
biens  de  l’hôpital  en  vrai  père  de  famille,  en  prenant  tous 
les  soins  possibles.  » 

On  le  voit,  la  pieuse  fondatrice  de  l’hôpital  de  Mo'ntpon 
faisait  les  choses  en  grand.  Agissant  avec  autant  d’intel¬ 
ligence  que  de  charité,  elle  ne  négligeait  rien  de  ce  qui 
pouvait  assurer  le  bien-être  matériel  et  spirituel  de  ses 
chères  sœurs  et  des  pauvres  malades. 

MUo  de  Foix  de  Candalle  mourut  à  Montpon  le  1er  juin 
1706,  et,  dès  ce  jour,  son  hôpital  de  la  Providence  se  trouva 
en  possession  du  riche  héritage  qu’elle  lui  avait  légué  et 
dont  nous  venons  de  donner  les  détails.  Sous  la  direction 
intelligente  et  zélée  des  Filles  de  Saint-Vincent-de-Paul, 
Fœuvre  prospéra  pendant  un  siècle,  à  la  satisfaction  de  tous 
et  pour  le  plus  grand  bien  des  pauvres,  auxquels  on  avait 
appris  à  bénir  le  nom  de  la  noble  et  charitable  fondatrice. 
Les  pauvres  malades  y  étaient  heureux  des  soins  qu’on 
leur  donnait,  et  les  jeunes  filles  de  la  classe  indigente  y 
recevaient  une  instruction  chrétienne. 

Il  était  réservé  à  la  grande  Révolution  de  détruire  cette 
belle  œuvre  comme  tant  d’autres.  L’ouragan  révolution¬ 
naire  emporta  ici  le  patrimoine  des  pauvres  comme  il 
emporta  dans  toute  la  France  les  biens  du  clergé  et  de 
l’Eglise.  La  maison  elle-même  qui  leur  donnait  asile  dans 
leurs  maladies  et  leurs  infirmités  ne  iut  point  respectée 
par  les  nouveaux  Vandales  démolisseurs  ;  il  n’en  resta  pas 
une  pierre.  Les  belles  métairies,  les  vastes  prairies,  les 
riches  vignobles,  tout  fut  vendu,  dissipé  et  perdu  pour  les 
pauvres,  alors  qu’on  aurait  pu  tout  sauver.  Mais  il  ne  se 
trouva  pas  à  Montpon  un  homme  d’énergie  qui  osât  s’op¬ 
poser  au  vandalisme  et  invoquer  en  faveur  des  pauvres  le 
bénéfice  des  lois.  De  tout  temps,  la  timidité  a  été,  dans  les 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOBD.  il7 

circonstances  critiques,  le  grand  défaut  des  honnêtes 
gens  (1). 

De  cette  époque  désastreuse  jusqu’en  1838,  il  n’y  eut 
plus  à  Montpon  qu’un  simulacre  d’hôpital  qui  ne  pouvait 
recevoir  aucun  malade,  ayant  conservé,  néanmoins,  on 
ne  sait  pourquoi,  sa  commission  administrative. 

A  cette  dernière  date,  1838,  on  comprit  la  nécessité 
d'appeler  à  Montpon  des  religieuses  pour  l’instruction  des 
jeunes  filles  de  la  classe  indigente,  visiter  les  pauvres 
malades  et  leur  distribuer  les  minimes  ressources  dont  on 
pouvait  disposer  et  qui  provenaient  des  dons  de  quelques 
âmes  charitables,  et  l’on  s’adressa  à  la  supérieure  de  la 
Miséricorde  de  Bergerac  qui  promit  d'envoyer  quatre  reli¬ 
gieuses  de  sa  communauté.  Une  délibération  de  la  com¬ 
mission  administrative  de  l'hospice  du  23  octobre  1838, 
approuvée  par  la  Mère  Du  Pavillon  et  par  M.  Romieu,  pré¬ 
fet  de  la  Dordogne,  leur  assurait,  à  perpétuité,  une  somme 
de  600  francs  «  pour  leur  tenir  lieu  de  traitement  et  d’in¬ 
demnité  de  logement.  » 

Il  fallait  aux  religieuses,  à  leur  arrivée  à  Montpon,  un 
logement  convenable  et  suffisant  pour  elles ,  pour  une 

(1)  Par  son  article  S,  la  loi  du  19  mars  1793  ordonna  la  vente  des  biens 
des  hôpitaux,  fondations  et  dotations  en  faveur  des  pauvres.  —  Cette  vente 
fut,  il  est  vrai,  suspendue  par  l’article  1er  de  la  loi  du  Ier  mai  suivant.  — 
Il  fut  encore  sursis  par  une  loi  du  9  fructidor,  an  III,  à  la  vente  des  biens 
des  hospices.  —  Une  loi  du  28  germinal  suivant  excepta  aussi  provisoire¬ 
ment  les  biens  des  hôpitaux  de  ceux  dont  la  vente  avait  été  ordonnée  le 
28  ventôse  de  la  même  année.  —  Enfin,  la  loi  du  16  vendémiaire,  an  V, 
conserva  les  hospices  civils  dans  la  jouissance  de  leurs  biens.  —  Mais  ces 
lois  tutélaires  furent  pour  l’hôpital  de  Montpon  comme  non  avenues.  — 
Dans  le  court  intervalle  qui' s’était  écoulé  du  19  mars  au  1er  mai  1793,  ses 
quatre  métairies,  ses  prés  et  ses  vignobles  avaient  été  vendus.  Par  une 
incurie  inqualifiable,  personne  n’invoqua  en  sa  faveur  le  bénéfice  des  lois 
qui  viennent  d’être  rapportées,  et,  à  partir  de  cette  époque,  cet  hôpital,  à 
peu  près  ruiné,  cessa  de  recevoir  des  malades. 

( Note  due  à  l’obligeance  de  M.  le  docteur  Léonardon ,  de  Montpon .) 


118 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


classe  payante,  une  classe  gratuite,  et,  au  besoin,  pour  y  re¬ 
cevoir  quelques  pensionnaires.  Elles  s’installèrent  de  leur 
mieux  et  commencèrent  leur  œuvre  auprès  des  jeunes  filles 
et  des  malades  indigents.  Mais  bientôt  le  local  étant  devenu 
insuffisant,  elles  durent  s’en  procurer  un  autre  plus  vaste, 
toujours  à  titre  de  locataires. 

Ce  premier  changement  et  d’autres  qu’on  pouvait  pré¬ 
voir  n’étaient  pas  faits  pour  assurer  la  stabilité  de  l’œu¬ 
vre  ;  le  bien  pouvait  en  souffrir.  On  le  comprit,  et  l’on 
songea  à  y  remédier. 

Ce  fut  alors  que  M.  le  docteur  Léonardon,  maire  de 
Montpon  et  membre  du  conseil  général  de  la  Dordogne, 
homme  de  zèle  et  de  dévouement,  entreprit  de  faire  revi¬ 
vre  l’œuvre  de  Mlle  de  Foix  de  Candalle.  Que  de  belles  cho¬ 
ses  ne  peut  point  un  maire,  lorsqu’il  a  l’amour  du  bien  et 
qu’il  prend  généreusement  à  cœur  les  intérêts  de  sa  com¬ 
mune  !  M.  le  docteur  Léonardon  nous  en  offre  la  preuve. 
Par  son  exemple,  il  intéressa  à  son  œuvre  quelques  per¬ 
sonnes  charitables  ;  par  son  influence,  il  obtint  quelques 
secours  de  la  commune,  du  département  et  de  l’Etat,  et  un 
décret  du  1er  juillet  1854  l’autorisa  à  reconstruire  un 
hôpital  dont  la  ville  avait  besoin.  Il  mit  immédiatement 
la  main  à  l’œuvre,  et,  en  moins  de  deux  ans,  il  eut  bâti  le 
simple  mais  élégant  édifice  que  l’on  voit  aujourd’hui  hors 
de  la  ville,  entre  l’église  et  la  gare  du  chemin  de  fer.  Les 
religieuses  en  prirent  possession  au  mois  de  septembre 
1856,  et  c’est  là  que,  depuis  cette  époque,  elles  continuent 
leur  œuvre  qui  offre  aujourd’hui  toutes  les  garanties  de 
stabilité  pour  l’avenir.  Depuis  l’année  1858  elles  y  reçoi¬ 
vent  des  malades. 

Pour  mieux  relier  le  passé  au  présent  et  reprendre  de 
glorieuses  traditions,  a-t-on  conservé  au  nouvel  hôpital  le 
nom  qu’avait  donné  au  sien  Mlle  de  Foix  de  Candalle  : 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  BU  PÉRI  BORD.  119 

hôpital  be  la  providence  ?  Nous  l’ignorons.  Mais  on  voit 
au-dessus  de  la  porte  d’entrée  cette  belle  inscription  gra¬ 
vée  sur  une  plaque  de  marbre  :  Christo  inpauperibus  (1), 
au  Christ  dans  les  pauvres  ;  ce  qui  nous  prouve  qu’une 
pensée  éminemment  chrétienne  etqui  honore  son  auteur 
a  présidé  à  la  construction  de  ce  nouvel  hôpital.  Elle  rat¬ 
tache  admirablement  l’œuvre  de  M.  Léonardon  à  l'œuvre 
de  Mlle  de  Foix,  et  l’on  peut  dire  que  les  glorieuses  tra¬ 
ditions  du  passé  revivent  à  Montpon. 

N’oublions  pas  de  noter,  en  finissant,  que  le  3  avril  1876 
une  salle  d’asile  fut  ouverte  à  l'hôpital  aux  petits  enfants 
au-dessous  de  sept  ans.  Les  frais  d’appropriation  et  plus 
tard  d’agrandissement  du  local  furent  payés  en  majeure 
partie  au  moyen  de  souscriptions  recueillies  par  M.  l'abbé 
Parrot,  curé-doyen  de  Montpon. 

Enfin,  en  1877,  l’œuvre  s’est  complétée  par  un  magnifi¬ 
que  ouvroir,  bien  aimé  des  jeunes  filles.  Les  frais  de  sa 
construction  et  de  son  mobilier  ont  été  couverts  en  tota¬ 
lité  par  une  généreuse  offrande  faîte,  à  la  sollicitation  de 
M.  le  doyen,  par  les  Révérends  Pères  de  la  Grande-Char¬ 
treuse. 

Les  bienfaiteurs  n’ont  pas  manqué  à  l’hôpital  de  Mont¬ 
pon  ;  on  nous  en  a  envoyé  la  liste  ;  elle  ne  contient  pas 
moins  de  65  noms  (2).  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  les 
citer  tous  ;  nous  devons  nous  borner  à  dire  que  notre  cher  , 
confrère  et  ami,  autrefois  notre  bien-aimé  vicaire,  M.  l’abbé 
Parrot,  occupe  sur  cette  liste  une  place  distinguée,  ce  qui, 
néanmoins,  ne  lui  a  pas  mérité  de  faire  partie  de  la  nou¬ 
velle  commission  administrative. 

(1)  Je  remercie  l’inconnu  qui,  par  une  lettre  des  plus  bienveillantes, 
mais  non  signée,  a  bien  voulu  me  faire  connaître  cette  inscription. 

(2)  Nous  proposons  l’érection,  comme  à  Eymet,  d’une  colonne  sur  une 
des  places  publiques  de  Montpon  j  elle  porterait  les  noms  de  tous  les  bien¬ 
faiteurs  des  pauvres  ou  de  l’hôpital,  commençant  par  celui  de  Mlle  de  Poix. 


XI 


Hôpital  d’Issigeac. 

La  fondation  d’un  hôpital  dans  la  petite  ville  d’Issigeac 
remonte  à  plusieurs  siècles.  Les  documents  nous  man¬ 
quent  pour  en  préciser  exactement  l’époque  et  en  dire  le 
fondateur.  Des  Lettres  patentes  de  Louis  XY  en  date  du 
mois  de  décembre  1774,  portant  confirmation  d’un  hôpi¬ 
tal  à  Issigeac,  nous  disent  qu’à  cette  époque  on  considé¬ 
rait  déjà  comme  très  ancienne  «  la  fondation  de  cette 
maison  de  charité.  >>  Il  nous  est  permis  de  soupçonner  ici 
une  origine  toute  monastique.  En  effet,  Issigeac  pos¬ 
sédait  un  monastère  de  l’Ordre  de  Saint-Benoît,  lequel, 
en  1348,  fut  réuni  à  la  mense  épiscopale  de  Sarlat  par  le 
.  pape  Jean  XXII,  et  dont  les  religieux  furent  sécularisés, 
en  1488,  par  le  légat  du  Saint-Siège.  Il  est  probable  que 
l’hôpital  ancien  dont  il  est  ici  question  avait  été  fondé 
pour  les  pauvres  et  les  voyageurs  par  les  disciples  de 
saint  Benoît. 

Nous  voyons  par  ces  mêmes  Lettres  patentes  que  cet 
hôpital  fut  entièrement  détruit  pendant  les  guerres  de 
religion,  «  que  les  bâtiments  furent  brûlés  et  les  papiers 
enlevés,  et  que,  de  toutes  les  possessions  qu’il  avait  alors, 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC.  121 
il  ne  lui  restait  plus  en  1774  qu’un  revenu  de.  75  livres. 
Nous  apprenons  par  d’autres  documents,  que  les  Protes¬ 
tants  s’emparèrent  d’Issigeac,  en  1566,  après  avoir  saccagé 
et  pris  d’assaut  le  château  des  évêques  de  Sarlat,  qui,  à 
cette  époque,  n’était  autre  probablement  que  le  monas¬ 
tère  dont  nous  venons  de  parler,  car  on  voit  encore  à 
Issigeac  le  petit  château  des  évêques,  bâti  en  1669  et  qui 
porte  encore  le  nom  d’évêché.  Les  Protestants,  détruisant 
le  monastère,  détruisirent  aussi  la  maison  des  pauvres. 

Après  leur  départ,  les  habitants  d’Issigeac  durent  s’oc¬ 
cuper  de  réparer  les  ruines  qu’ils  avaient  faites.  Les 
mêmes  Lettres  patentes  nous  disent  «  qu’ils  se  procurèrent 
un  autre  logement  pour  les  pauvres  et  que  le  Parlement 
de  Bordeaux  reconnut  cet  hôpital  assez  utile  et  assez  im¬ 
portant  pour  y  établir,  par  un  arrêt  du  27  juillet  1740,  le 
bureau  administratif  prescrit  par  la  Déclaration  de  1698.  » 
Il  se  composait  des  officiers  de  justice,  des  officiers  muni¬ 
cipaux,  du  curé  et  de  deux  notables  habitants. 

Mais  les  revenus  de  cet  hôpital  n’étant,  comme  nous 
l’avons  dit,  que  de  75  livres,  ne  permettaient  pas  de  rece¬ 
voir  tous  ceux  qui  avaient  besoin  de  secours.  Pour  aug¬ 
menter  les  ressources,  il  fallait  que  rétablissement,  par 
toutes  les  conditions  de  stabilité,  inspirât  toute  confiance 
aux  personnes  charitables  qui  étaient  disposées  à  lui  faire 
du  bien,  et  c’est  dans  ce  but  que  les  Lettres  patentes  furent 
demandées  et  accordées.  Elles  portent  : 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France  et  de 
»  Navarre,  à  tous  présents  et  à  venir,  salut. 

»  Nos  chers  et  bien-aimés  administrateurs  de  l’hôpital 
»  d’Issigeac,  diocèse  de  Sarlat,  nous  ont  fait  connaître 
»  que  l’établissement  de  cette  maison  de  charité  est  très- 
»  ancien,  mais  qu’elle  fut  presque  entièrement  détruite 


122 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  pendant  les  guerres  de  religion  ;  que  les  bâtiments 
»  furent  brûlés,  les  titres  et  les  papiers  enlevés,  en  sorte 
»  qu’il  ne  lui  reste  plus,  des  possessions  qu’il  avait  alors, 
»  que  soixante-quinze  livres  de  revenus  ;  que  depuis  ce 
»  temps  les  habitants  de  cette  ville  se  sont  procuré  un 
»  logement  pour  les  pauvres,  et  que  le  Parlement  de 
»  Bordeaux,  reconnaissant  l’utilité  de  cet  hôpital,  a  cru 
»  devoir  y  établir  une  administration  régulière,  en  or- 
»  donnant,  par  arrêt  du  27  juillet  1740,  l’exécution  de  la 
»  Déclaration  de  1698,  suivant  laquelle  il  a  été  établi  de- 
»  puis  ce  temps  un  bureau  composé  des  officiers  de  jus- 
»  tice,  des  officiers  municipaux,  du  curé  et  de  deux  nota- 
»  blés  habitants,  mais  que  la  modicité  du  revenu  et  l’in- 
»  certitude  de  ce  revenu  ne  permettant  pas  de  recevoir 
»  dans  cet  hôpital  tous  ceux  qui  ont  besoin  de  secours, 
»  les  exposants  croient  devoir  nous  Représenter  que  plu- 
»  sieurs  personnes  charitables  lui  feraient  des  donations, 
»  qu’elles  craignent  de  faire  tant  que  cet  établissement 
»  n’aura  pas  une  existence  solide  par  nos  Lettres  patentes , 
»  que  les  exposants  nous  ont  très-humblement  fait  sup- 
»  plier  de  leur  accorder. 

»  A.  ces  causes,  voulant  concourir  aux  pieuses  inten- 
»  tions  des  exposants,  de  l’avis  de  notre  conseil,  et  de 
»  notre  grâce  spéciale,  pleine  puissance  et  autorité  royale, 

»  nous  avons  approuvé ,  loué,  confirmé  et  autorisé, 
»  et  par  ces  présentes  signées  de  notre  main,  approuvons, 
.»  louons  et  confirmons  et  autorisons  l’établissement  dudit 
»  hôpital  en  la  ville  d’Issigeac,  diocèse  de  Sarlat,  pour 
»  être  régi  et  administré  conformément  à  notre  Déclara- 
»  tion  du  12  décembre  1698.  Permettons  aux  administra- 
»  teurs  dudit  hôpital  de  recevoir  tous  les  dons,  legs  et 
»  et  aumônes  jusqu’à  concurrence  de  quatre  mille  livres 
»  de  rente.  Voulons  que  ledit  hôpital  jouisse  de  tous  les 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  123 

»  avantages,  franchises,  exemptions  et  immunités,  dont 
»  jouissent  les  autres  hôpitaux  de  notre  royaume.  » 

Ces  Lettres  patentes  durent  produire  un  bon  effet,  et 
l’hôpital,  nous  n’en  doutons  pas  ,  vit  augmenter  ses  res¬ 
sources,  à  la  grande  satisfaction  des  pauvres.  Il  eut  quel¬ 
ques  années  de  prospérité,  sous  l’intelligente  direction  de 
trois  religieuses  de  Saint-Benoît  auxquelles  il  avait  été 
confié,  probablement  après  le  départ  des  Protestants.  Mais 
arriva  l’orage  révolutionnaire  de  1793,  et  ici,  comme  ail¬ 
leurs,  les  pauvres  furent  chassés  de  l’asile-que  la  charité 
monastique  leur  avait  créé ,  et  qui  fut  cédé  en  partie, 
comme  habitation ,  au  prêtre  assermenté  ,  pasteur  merce¬ 
naire  que  les  brebis  ne  connaissaient  pas,  dont  elle  mépri¬ 
saient  la  voix  et  l’apostasie.  Cependant,  ici,  l’appétit  révo¬ 
lutionnaire  fut  moins  insatiable  qu'ailleurs  ;  il  laissa  du 
poitrimoine  des  pauvres  quelques  revenus  de  divers 
immeubles  et  de  rentes,  dus  par  des  propriétaires,  et  dont 
la  gestion ,  les  religieuses  ayant  été  renvoyées  dans  leurs 
familles,  fut  confiée  provisoirement  à  un  syndic. 

L’orage  passé,  on  ne  songea  point  à  rétablir  l’hôpital, 
et  les  faibles  revenus  qui  lui  restaient  servirent  à  alimen¬ 
ter  le  Bureau  de  bienfaisance. 

Aucune  modification  ne  fut  apportée  à  cet  état  de  choses 
jusqu’à  l’année  1844.  A  cette  date,  Rf.  Feytou,  curé  de  la 
paroisse,  appela  à  Issigeac  cinq  religieuses  de  la  congré¬ 
gation  de  Sainte-Marthe-d’Eymet.  Un  traité  passé  le  29 
mai  1844,  entre  M.  le  curé  et  la  supérieure  générale,  et 
approuvé,  le  6  juin  suivant,  par  Msr  George,  évêque  de 
Périgueux,  réglait  les  conditions. 

M.  le  curé  offrit  pour  l’établissement  des  religieuses 
une  maison,  à  titre  de  jouissance,  et  une  somme  annuelle 
de  trois  cents  francs,  payable  par  moitié  tous  les  six  mois. 


124  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Les  grosses  réparations  du  local  restaient  à  la  charge  de 
M.  le  curé. 

Moyennant  ces  conditions,  les  religieuses  devaient  diri¬ 
ger  une  classe  gratuite  pour  les  filles  pauvres,  et  avaient 
droit  à  la  rétribution  de  la  classe  payante  et  au  produit 
du  pensionnat,  si  elles  en  montaient  un. 

Les  religieuses,  au  nombre  de  cinq ,  s’installèrent  dans 
les  bâtiments  de  l’ancien  hôpital,  qu’elles  durent  pourvoir, 
à  leurs  frais,  de  tout  le  mobilier  nécessaire  pour  elles  et 
les  classes  dont  nous  venons  de  parler.  Outre  le  soin  de 
ces  classes,  elles  étaient  chargées  de  porter  aux  pauvres  à 
domicile  les  secours  fournis  par  le  Bureau  de  bienfai¬ 
sance. 

Les  sœurs  de  Sainte-Marthe-d’Eymet  ne  conservèrent 
que  six  ans  leur  établissement  d’Issigeac.  Elles  durent 
l'abandonner,  en  1850,  par  suite  da  la  modicité  des  res¬ 
sources  qui  ne  donnaient  pas  aux  cinq  religieuses  le  strict 
nécessaire  pour  la  nourriture  et  le  vêtement. 

Issigeac  se  vit  encore  une  fois  privé  d’établissement 
religieux.  Il  était  réservé  à  un  enfant  de  cette  ville,  à 
M.  l’abbé  Junière,  le  vénéré  et  bien-aimé  vicaire-général, 
de  la  doter  d’un  établissement  fondé  sur  des  bases  solides 
et  réunissant  toutes  les  conditions  désirables  de  stabilité. 

Dans  ce  but,  M.  l’abbé  Junière  “fit  l’acquisition  d’un 
immeuble  qui  se  composait  d’une  partie  de  l’ancienne 
maison  des  évêques  de  Sarlat  et  d'un  jardin  contigu,  d’une 
étendue  suffisante  pour  les  besoins  de  l’établissement,  et, 
par  acte  du  27  septembre  1862,  il  en  fit  donation  à  la 
Congrégation  des  sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  à 
la  condition  que  cette  Congrégation  fonderait  à  Issigeac 
une  maison  de  son  Ordre. 

Bientôt  après ,  et  avant  que  les  formalités  voulues  fus¬ 
sent  remplies  auprès  du  gouvernement,  la  ville  d’Issigeac, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  125 

par  l’organe  de  son  maire,  proposa  un  échange  de  cette 
maison  contre  l’ancien  hôpital  qu’elle  venait  d’acquérir 
pour  en  faire  le  presbytère.  Cet  échange  avait  le  double 
avantage  de  procurer  à  la  ville  un  presbytère  très-conve¬ 
nable  et  placé  à  proximité  de  l’église,  et  de  faire  revenir 
en  quelque  sorte  l’ancienne  maison  des  pauvres  à  sa  des¬ 
tination  première  ;  il  fut  accepté  sans  difficulté  par 
M.  l’abbé  Junière  et  par  la  révérende  Mère  supérieure 
générale  des  sœurs  de  Sainte-Marthe,  et  fut  ratifié  par  une 
délibération  du  conseil  municipal  en  date  du  5  octo¬ 
bre  1863. 

La  maison  prise  en  échange,  c’est-à-dire  l’ancien  hôpi¬ 
tal,  ayant  besoin  de  grandes  réparations,  et  l’accomplisse¬ 
ment  des  formalités  auprès  du  gouvernement  devant  pren¬ 
dre  un  temps  considérable,  M.  l’abbé  Junière,  pressé  par 
les  besoins  et  les  désirs  de  la  population,  loua  provisoire¬ 
ment  une  maison  pour  pouvoir  commencer  immédiate¬ 
ment  son  œuvre  ;  et  dans  ce  but  deux  religieuses  furent 
envoyées  à  Issigeac ,  au  commencement  du  mois  de 
novembre  1863.  Elles  ouvrirent  dans  le  local  provisoire 
une  classe  payante  et  une  classe  gratuite.  Le  succès  des 
débuts  donna  la  plus  grande  espérance  pour  l’avenir.  En 
attendant,  on  travailla  aux  réparations  de  la  maison  prise 
en  échange  et  l’on  fit  les  démarches  nécessaires  auprès  du 
gouvernement  pour  hâter  la  décision  qui  devait  donner 
au  nouvel  établissement  son  existence  légale. 

Enfin,  un  décret  impérial,  en  date  du  19  mars  1864, 
approuva  la  donation  faite  par  M.  l’abbé  Junière,  et,  par 
suite,  autorisa  la  Congrégation  de  Sainte-Marthe  à  fonder 
à  Issigeac  une  maison  de  son  Ordre. 

Pendant  les  vacances  de  1864,  les  principales  réparations 
de  la  maison  reçue  en  échange  étant  terminées,  les  Sœurs 
en  prirent  possession  et  purent  y  établir  commodément 


126 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


leurs  classes.  Elle  offre,  d’ailleurs,  tous  les  avantages  dési¬ 
rables,  soit  pour  les  religieuses,  soit  pour  les  enfants. 

Un  autre  décret  impérial,  en  date  du  25  mars  1865,  vint 
autoriser  l'échange  qui  fut  définitivement  conclu,,  par  acte 
du  12  mai  1865,  moyennant  une  soulte  de  six  mille  francs 
au  profit  de  la  Communauté. 

Il  manquait  à  l’établissement  une  chapelle  ;  il  fut  né¬ 
cessaire  pour  son  emplacement  de  faire  l’acquisition  d’un 
immeuble  contigu,  et  peu  de  temps  après  on  y  bâtissait 
l’élégant  petit  édifice  qu’on  y  voit  aujourd’hui. 

Mais,  quoique  la  nouvelle  Communauté  fût  établie  sur 
des  bases  solides  et  offrît  toutes  les  garanties  désirables 
de  stabilité,  l’œuvre  de  restauration  n’était  pas  complète  à 
Issigeac.  Si  les  jeunes  filles  de  toutes  les  classes  avaient 
dans  les  religieuses  de  Sainte-Marthe  des  institutrices  in¬ 
telligentes  et  dévouées,  les  pauvres  n’avaient  pas  encore 
recouvré  leur  asile,  leur  maison  hospitalière,  et  le  besoin 
en  devenait  de  jour  en  jour  plus  urgent.  Cette  restaura¬ 
tion  eut  lieu. 

L’initiative  et  le  mérite  de  l’exécution  en  étaient  réservés 
au  zèle  actif  et  intelligent  de  M.  l’abbé  Carbonnier,  curé 
actuel  d’Issigeac.  Déjà  il  avait  étudié  sérieusement  cette 
question ,  et  fait  des  recherches  au  point  de  vue  historique  de 
l’ancien  hôpital  et  des  ressources  qui  avaient  échappé  aux 
ravisseurs  de  1793.  Faisant  deux  parts  des  revenus  qu’admi¬ 
nistrait  le  Bureau  de  bienfaisance,  il  avait  vu  dans  la  part 
qui  revenait  à  l’hôpital,  la  possibilité  de  le  rétablir.  Dans  ce 
but,  il  présenta  un  rapport  à  la  Commission  administra¬ 
tive  qui  en  adopta  les  conclusions,  et  la  délibération  prise 
à  ce  sujet  reçut  en  avril  1872  l’approbation  du  conseil 
municipal.  L’affaire  ne  pouvait  être  plus  heureusement 
engagée,  elle  devait  réussir.  Et  cependant,  dès  le  début, 
une  difficulté  sembla  vouloir  paralyser  les  élans  les  plus 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  127 

généreux,  la  difficulté  de  trouver  un  local  convenable. 
Elle  fut  bientôt  levée.  Il  ne  fallait  pas  retarder  indéfini¬ 
ment  le  commencement  d’une  œuvre  que  tout  le  monde 
avait  à  cœur.  On  s’entendit  avec  les  religieuses  de  la 
Communauté  et  avec  M.  l’abbé  Junière,  leur  supérieur 
pour  établir  provisoirement  sur  les  dépendances  de  la 
Communauté  deux  salles  de  malades,  l’une  pour  les  hom¬ 
mes  et  l’autre  pour  les  femmes.  Après  avoir  examiné  en¬ 
semble  les  bases  sur  lesquelles  on  pourrait  prendre  des 
arrangements,  la  supérieure  en  référa  à  la  Mère  générale 
qui,  disposée  à  se  prêter  au  désir  qui  lui  était  manifesté, 
consentit,  après  avoir  pris  l’avis  de  son  conseil  et  vu 
l’urgence  d’un  hôpital,  à  laisser  approprier  sur  ses  dépen¬ 
dances  les  deux  salles  projetées. 

La  délibération  du  conseil  de  la  Congrégation  donna 
lieu  à  une  délibération  du  Bureau  de  bienfaisance,  con¬ 
cluant  aux  mêmes  effets.  Ces  deux  délibératious  furent 
favorablement  accueillies  par  M.  le  préfet  qui  leur  donna 
son  assentiment.  Mais  il  en  fut  autrement  de  la  part  de 
l’administration  centrale  de  Paris.  Un  décret  du  chef  de 
l’Etat  étant  nécessaire  pour  rétablir  l’ancien  hôpital,  le 
dossier  des  pièces  pour  l’obtenir  fut  envoyé  àM.  le  minis¬ 
tre  de  l’intérieur  qui  ne  voulut  donner  suite  à  la  demaüde 
que  moyennant  certaines  modifications  qu’il  indiqua  en 
renvoyant  toutes  les  pièces.  Elles  regardaient,  les  unes  les 
ressources  qui  devaient  être  affectées  à  l’hôpital ,  et  les 
autres,  les  constructions  provisoires  qui  devaient  être  éle¬ 
vées  sur  le  terrain  de  la  Communauté. 

Pour  se  conformer  aux  exigences  du  ministre,  le 
Bureau  de  bienfaisance  se  mit  en  mesure  d’aplanir  les 
difficultés  relatives  aux  ressources  de  l’hôpital  dont  on 
demandait  le  rétablissement  ;  et,  pour  lever  celles  qui  re¬ 
gardaient  les  constructions  provisoires,  M.  le  maire,  pré- 


128 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


sident  de  la  commission  administrative,  passa  avec  la 
supérieure  générale  un  traité  dont  voici  quelques  articles  : 

Art.  1er.  —  Mme  Marie  Gonthier  du  Soûlas,  supérieure 
générale  des  Sœurs  de  Sainte-Marthe  du  Périgord,  cède,  à 
titre  gratuit ,  à  la  commune  d’Issigeac  l’emplacement  de 
la  cour  de  la  Communauté  située  dans  cette  ville  et  dé¬ 
pendant  de  la  Congrégation  des  Sœurs  de  Sainte-Marthe. 

Art.  2.  —  Cette  cession  est  faite  dans  le  but  de  favoriser 
la  création  d’un  hôpital  dont  le  besoin  se  fait  sentir  cha¬ 
que  jour. 

Art.  3.  —  Sur  cet  emplacement  seront  construites  deux 
salles  de  malades,  l’une  pour  les  hommes  et  l’autre  pour 
les  femmes,  aussitôt  que  le  décret  d’autorisation  sera 
rendu. 

Art.  4.  —  La  direction  de  cet  hôpital  sera  confiée  aux 
Sœurs  de  Sainte-Marthe,  à  des  conditions  qui  seront 
réglées  ultérieurement  et  sur  lesquelles  les  parties  inté¬ 
ressées  se  seront  déjà  entendues. 

Mme  du  Soûlas  s’interdit  le  droit  de  changer  la  destina¬ 
tion  des  constructions  qui  auront  été  faites  pour  l’hôpital. 

M.  le  maire  s’interdit  le  droit  de  confier  la  direction  de 
cet  hôpital  à  une  autre  congrégation  pendant  tout  le  temps 
qu’il  restera  sur  cet  emplacement. 

Mme  du  Soûlas  et  les  constructeurs  des  deux  salles 
cèdent  terrain  et  bâtiments,  à  perpétuité,  à  la  commune 
pour  un  hôpital  et  tant  que  l’hôpital  sera  là  ;  ils  se  réser¬ 
vent,  si  la  commune  transfère  l’hôpital  ailleurs,  les  Sœurs 
fie  reprendre  leur  terrain,  et  les  constructeurs  des  deux 
salles  de  reprendre  les  bâtiments ,  qu’ils  abandonnent 
d’ores  et  déjà  aux  Sœurs. 

Pour  ne  pas  agir  en  dehors  de  son  conseil,  la  supérieure 
générale  voulut  bien  lui  soumettre  ce  traité  qui  fut 
approuvé  par  une  délibération  du  15  juin  1873. 


DES  HOPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  129 

Le  dossier  modifié  dans  le  sens  des  instructions  minis¬ 
térielles,  et  complété  par  les  deux  pièces  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  fut  envoyé  de  nouveau  à  M.  le  ministre  de 
l’intérieur  qui,  cette  fois,  voulut  bien  s’en  contenter,  le 
soumettre  au  conseil  d’Etat  et  faire  rendre  par  le  maréchal 
de  Mac-Mahon  un  décret  d’autorisation, daté  de  Versailles, 
le  24  décembre  1873. 

Les  deux  salles  furent  immédiatement  construites  dans 
les  conditions  indiquées,  et  à  l’aide  des  sacrifices  person¬ 
nels  de  M.  le  curé  et  des  ressources  qu’il  reçut  de  M.  l’abbé 
Junière  et  de  la  supérieure  de  la  communauté.  Il  fallut 
les  pourvoir  du  mobilier  nécessaire  ;  ce  fut  encore  l’œuvre 
de  M.  le  curé  qui  trouva  de  généreux  concours  dans  quel¬ 
ques  personnes  de  sa  paroisse,  notamment  dans  la  famille 
Vélery  qui  lui  donna  500  francs. 

Dès  ce  moment,  grâce  à  la  générosité  des  Sœurs  de 
Sainte-Marthe  et  au  zèle  da  M.  le  curé,  grâce  aussi  à  la 
générosité,  au  savoir-faire,  à  la  sagesse  en  administration 
de  M.  l’abbé  Junière,  un  nouvel  hôpital  était  créé  àlssi- 
geac.  La  maison  des  pauvres  dans  cette  ville  doit  deux 
fois  son  existence  à  la  charité  monastique  et  sacerdotale. 

A  regret  nous  signalons,  en  finissant,  l’ingratitude  des 
nouveaux  administrateurs  envers  les  Sœurs  de  Sainte- 
Marthe.  Ils  les  ont  chassées  de  l’école  communale,  pour 
laïciser  l’instruction  des  jeunes  filles  ;  mais  les  familles 
ont  suivi  les  chères  Sœurs  dans  l’école  privée.  Voudra-t-on 
aussi  laïciser  la  direction  de  l’hôpital  ?  Le  traité  que  nous 
avons  cité  ne  rend  pas  cette  tâche  facile. 

Ajoutons,  en  laissant  à  nos  lecteurs  le  soin  d’apprécier, 
que  M.  l’abbé  Carbonnier,  le  digne  doyen  d’Issigeac,  ne 
fait  point  partie  de  la  nouvelle  commission  administra¬ 
tive. 


XII. 


Maladrerie,  hôpitaux  et  hospices  de  Sarlat  (1). 


De  tout  temps  la  ville  de  Sarlat  fut  richement  pourvue 
d’établissements  de  bienfaisance.  Dès  le  xm«  siècle ,  sous 
le  règne  de  saint  Louis,  nous  y  trouvons  une  Maladrerie 
pour  les  lépreux  et  tous  ceux  qui,  atteints  de  maladies 
pestilentielles,  devaient  être  séquestrés.  Jugée  inutile,  un 
siècle  plus  tard,  elle  fut  abandonnée  ,  mais  son  nom  est 
resté  au  lieu  qu’elle  occupait,  hors  de  la  ville  et  des  fau¬ 
bourgs.  On  ne  peut  douter  de  son  origine  toute  chré¬ 
tienne  ;  nous  n’avons  pas  à  nous  en  préoccuper. 

En-même  temps  que  l’hospice  des  lépreux  ,  et  peut-être 
à  une  époque  antérieure ,  il  existait  dans  l’intérieur  de  la 
ville  pour  tous  les  pauvres  malades  un  asile  connu  sous 
le  nom  d 'hôpital  du  Peyrou  ,  dont  la  fondation  est  attri- 

(1)  Nous  avons  pour  cette  étude  les  meilleurs  documents.  Nous  les  de¬ 
vons  en  partie  à  l’obligeance  de  Mlle  Geneviève  de  Saint-Ours  qui  a  bien 
voulu  les  extraire  d’une  collection  du  Sarladais  (de  1830  à  1860),  où  se 
trouvent  Lettres  à  Julie,  par  M.  de  Larouverade,  président  du  tribunal  de 
Sarlat,  et  Etudes  sur  le  pays  Sarladais ,  avec  Fragments  historiques  et 
statistiques  sur  la  ville  de  Sarlat,  attribués  à  M.  Vaussanges.  Il  nous  est 
très-agréable  d’avoir  ici  pour  collaboratrice  une  ancienne  élève,  et  des  plus 
distinguées,  du  pensionnat  de.Terrasson. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  DES  HÔPITAUX,  ETC.  131 

buée  à  l’abbé  du  monastère.  11  recueillit  au  xiv®  siècle  la 
dotation  de  la  Maladrerie  supprimée. 

Depuis  cette  époque  jusqu’à  l’année  1632,  nous  ne 
voyons  à  Sarlat  d’autre  hôpital  que  celui  du  Peyrou.  Son 
insuffisance  provoqua,  à  cette  dernière  date ,  la  fondation 
d’un  Hôtel-Dieu  ;  elle  fut  l’œuvre  de  la  charité  sacerdo¬ 
tale.  Nous  avons  tous  les  documents  pour  l’établir. 

Par  son  testament  du  9  avril  1631,  Jean  de  Bars,  grand- 
archidiacre  de  la  cathédrale ,  légua,  «  pour  être  convertie 
»  en  hospice,  sa  grande  maison  patrimoniale,  située  au 
»  quartier  de  la  Mellougane.  Il  ajouta  à  ce  legs  celui  de 
»  ses  métairies  des  Rodes  et  du  Singleirac ,  de  tout  son 
»  mobilier  et  des  rentes  en  argent  qu’il  possédait.  Il  voulut 
»  qu’il  y  fût  fondé ,  aux  frais  d’Antoine  de  Bars  de  la 
»  Gazaille,  son  neveu  et  héritier  du  surplus  de  ses  biens, 
»  une  chapelle  où  Ton  célébrerait  deux  messes  chaque 
»  année  pour  le  repos  de  son  âme  et  des  membres  défunts 
»  de  sa  famille.  »  Il  priait,  enfin,  MM.  les  consuls, 
»  attendu  que  l’hôpital  du  Peyrou  u’était  ni  assez  vaste  ni 
«  assez  commode ,  de  l’unir  à  l’Hôtel-Dieu  qu’il  plaçait 
»  sous  l’administration  de  l’évêque ,  de  trois  députés  du 
»  chapitre  et  de  trois  délégués  de  l’Hôtel-de -Ville.  Et,  au 
»  cas  où  les  consuls  refuseraient  cette  union  ,  il  laissait 
»  l’administration  à  l’évêque,  à  trois  députés  du  corps  des 
»  chanoines ,  et  aux  trois  plus  anciens  prêtres  obituels  de 
»  la  paroisse  de  Sainte-Marie.  » 

Les  dons  du  grand-archidiacre  de  Bars  reçurent  leur 
application.  La  maison  fut  agrandie  par  l’achat  des  mai¬ 
sons  contiguës,  et  le  tout  fut  approprié  à  l’établissement 
de  l’Hôtel-Dieu ,  où  devait  être  reçus  ,  autant  que  le  local 
le  permettrait,  tous  les  pauvres  malades,  de  l’un  et  l’autre 
sexe,  de  la  ville,  des  faubourgs  et  de  la  banlieue.  Mention¬ 
nons  une  belle  fontaine  qui  se  trouvait  au  milieu  de  la 


132  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

cour,  plus  que  suffisante  pour  les  besoins  de  l’établisse¬ 
ment. 

On  pourvût  à  ces  dépenses  au  moyen  de  l’argent  comp¬ 
tant  qu’avait  laissé  le  généreux  fondateur,  et  d’un  legs  de 
10,000  francs  qu’avait  fait  le  chanoine  Jean  Garbonnières, 
décédé  quelques  années  auparavant. 

Il  fallut  quelques  années  pour  l’exécution  de  tous  ces 
travaux  de  construction  et  d’appropriation.  Enfin ,  le  25 
mars  1659 ,  il  fut  passé  devant  Mortemousque ,  notaire 
royal,  un  acte  par  lequel  MM.  Armand  de  Gérard,  Antoine 
Leygues  et  Antoine  Daymerique,  chanoines  et  députés  du 
chapitre ,  et  MM.  Jérôme  Ravilhon ,  David  Bouffanges  , 
Léonard  Martinis,  consuls,  Jean  Laville,  procureur  syndic, 
Descotes  de  Maurival,  Jean  Daussel,  Bertrand  Daymerique 
et  Jean  de  Ville,  membres  de  la  Jurade  et  tous  députés  de 
l’Hôtel-de-Yille ,  arrêtèrent ,  selon  les  désirs  du  grand- 
archidiacre  de  Bars ,  l’union  de  l’hôpital  du  Peyrou  et  de 
l’Hôtel-Dieu.  Ils  en  confièrent  la  direction  et  le  service, 
sous  la  surveillance  d’un  bureau,  à  DUo  Jeanne  Descostes 
de  Lacalprenède,  veuve  de  Magran,  avocat,  et  à  ses  com¬ 
pagnes,  Marguerite  Andrieux ,  Catherine  Varenne,  Antoi¬ 
nette  de  Gros,  Marie  Reynal ,  Jeanne  Monzie  et  Pétronille 
Saint-Clar,  sœurs  hospitalières  agréées  par  l’évêque,  qui 
leur  donna  un  gouvernement  intérieur. 

Par  un  second  traité  du  16  avril  suivant,  il  fut  expliqué 
et  convenu  que  cette  communauté  de  sœurs  hospitalières 
aurait  seule  le  droit ,  sous  l’approbation  de  l’évêque ,  de 
recevoir  et  d’exclure  les  compagnes  qui  devaient  perpétuer 
l’institut  et  le  maintenir  dans  son  état  de  sanctification  ; 
que  leur  entretien  et  nourriture  seraient  à  leur  propre 
charge  ou  à  celle  de  leurs  familles  ;  qu’elles  pourraient 
avoir  des  domestiques  salariées  par  l’hôpital  qui  payerait 
également  les  médecins  et  chirurgiens,  mais  que  les  sœurs 


BES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  BU  PÉRÏGORB.  133 

fourniraient  les  drogues  et  médicaments  au  moyen  d’une 
pharmacie  avec  autorisation  de  vendre  aux  externes  au 
profit  de  l’établissement  ;  qu’enfin  elles  ne  seraient  pas 
obligées  de  soigner  les  personnes  atteintes  de  maladies 
produites  par  le  vice  et  les  outrages  à  la  pudeur. 

L’administration  de  l’Hôtel-Dieu  fut  remise  à  un  bureau 
sous  le  nom  de  Bureau  des  'pauvres ,  dont  la  présidence 
d’honneur  fut  dévolue  à  l’évêque  et  qui  devait  se  compo¬ 
ser  de  trois  députés  de  l’Hôtel-de- Ville ,  de  trois  du  cha¬ 
pitre  et  de  deux  magistrats  du  présidial.  Ils  devaient  se 
renouveler  par  moitié  tous  les  trois  ans,  et  avoir  un  tréso¬ 
rier  comptable  et  des  secrétaires. 

On  voit  encore,  à  une  légère  distance  de  la  Miséricorde, 
dans  la  partie  basse  de  la  ville,  les  bâtiments  de  cet  Hôtel- 
Dieu.  Il  avait  une  forme  très-irrégulière ,  principalement 
dans  la  partie  Nord-Est.  Mais  le  plan  intérieur  avait  de  la 
grâce  et  quelque  chose  de  monumental.  L’édifice  est  à 
deux  étages  au  Sud;  il  a  pour  accessoire  une  construction 
moins  ancienne  que  distingue  une  galerie  soutenue  par 
des  colonnes.  L’Hôtel-Dieu  est  habité  aujourd’hui  par  des 
locataires  industriels.  Là  sont  les  bains  publics  ,  là  une 
école  primaire,  là  aussi  deux  cafés. 

L’Hôtel-Dieu  qui,  à  sa  fondation,  avait  absorbé  l’hôpital 
dit  du  Peyrou ,  s’il  ne  fut  pas  absorbé  lui-même ,  vers  la 
fin  du  xviie  siècle,  par  la  fondation  d’un  hôpital  général , 
il  perdit  beaucoup  de  son  importance.  —  Celui-ci  fut 
fondé  en  1692  par  Mgr  Pierre-François  de  Beauvau , 
évêque  de  Sarlat. 

De  concert  avec  les  consuls ,  le  prélat  avait  employé  le 
montant  d’un  legs  de  M.  de  Fénelon  et  le  produit  de 
diverses  libéralités  à  l’achat  d’un  terrain  assez  vaste,  hors 
des  murs  de  la  ville,  et  c’est  là  que  fut  bâti  l’hôpital  géné¬ 
ral,  dont  les  bâtiments  forment  aujourd’hui  le  collège.  Et 


134 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


voilà  (horresco  referais  ! )  voilà  le  collège  de  Sarlat  avec 
une  origine  des  plus  cléricales  I 

Mgr  de  Beauvau,  pour  bien  asseoir  son  œuvre,  se  hâta 
de  la  faire  approuver ,  et  le  roi  Louis  XIV  lui  accorda  à 
cette  fin  des  Lettres  patentes ,  en  date  du  mois  d’avril  1693. 
On  sera  bien  aise  d’en  trouver  ici  quelques  extraits  qui 
feront  connaître  la  destination  et  l’organisation  de  cet 
hôpital  général. 

«  Notre  aimé  et  féal  Pierre-François  de  Beauvau,  évê- 
»  que  de  Sarlat,  et  nos  si  chers  et  aimés  les  consuls  et 
»  principaux  habitants  de  notre  ville  et  cité  de  Sarlat, 
»  nous  ayant  très-humblement  remontré  que  ,  conformé- 
»  ment  à  notre  édit  de  1662,  ils  avaient  fait  établissement 
»  d’un  hôpital  général  en  ladite  ville,  pour  régler,  nourrir 
»  et  élever  à  la  crainte  de  Dieu  tous  les  pauvres,  tant  sains 
»  que  malades,  de  la  ville  et  de  ses  dépendances  ,  cela 
»  avait  heureusement  réussi  selon  nos  ordres  et  leurs 
»  intentions  ;  mais  que  ,  pour  rendre  cet  établissement 
»  stable  à  toujours,  il  était  nécessaire  qu’il  fût  approuvé 
»  par  nos  Lettres  patentes  que  les  exposants  nous  ont 
»  très-humblement  supplié  de  leur  accorder.  » 

Vient  ensuite  l’approbation  en  la  formule  ordinaire  ;  et 
immédiatement  le  roi  ajoute  : 

ci  Voulons  que  dans  ledit  hôpital  soient  enfermés  les 
»  mendiants  valides  et  invalides,  de  l’un  et  de  l’autre  sexe, 
»  qu’ils  y  soient  élevés  dans  la  crainte  de  Dieu  et  au  tra- 
»  vail,  nourris  en  santé  et  en  maladie.  Lequel  hôpital 
»  prenons  sous  notre  protection  spéciale ,  sans  qu’il  soit 
»  assujetti  ni  dépende  de  notre  grande  aumônerie. 

»  Voulons  que  ledit  hôpital  soit  gouverné  par  le  sieur 
»  évêque  de  Sarlat,  et  en  son  absence  par  son  grand- 
»  vicaire  et  par  des  directeurs.  Nommons  quant  à  présent 
»  pour  directeurs ,  savoir  :  pris  dans  le  clergé ,  les  sieurs 


DBS  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  135 

»  de  Chantérac  et  Maraval,  chanoines  de  la  cathédrale,  et 
»  Saint-Glar,  curé  de  la  ville  ;  et  pris  parmi  les  laïques, 
»  les  sieurs  Gisson  et  Yernet ,  conseillers  au  présidial; 
»  Boufïanges  et  Duloing ,  avocats  ;  Delage ,  médecin  , 
»  et  Montmeja,  procureur;  lesquels  exerceront  durant 
»  deux  années  et  seront  remplacés  par  moitié  par  ceux 
»  restant,  d’après  le  sort. 

»  Dispensonsles  directeurs,  durant  leur  gestion,  de  tutelle 
»  et  curatelle,  si  ce  n’est  de  leurs  propres  enfants. 

»  Leur  donnons  pouvoir  de  faire  tous  règlements  néces- 
»  saires  pour  le  bon  ordre  de  la  maison,  d’ordonner  des 
»  peines  et  d’avoir  prisons  et  carcans,  à  condition  que,  pour 
»  les  crimes,  les  coupables  seront  renvoyés  devant  nos  juges 
»  royaux.  Leur  permettons  d’avoir  pour  leur  service  des 
»  archers  qni  auront  des  casaques  avec  une  marque  parti- 
»  culière  et  porteront  épées  et  hallebardes. 

»  Donnons  pouvoir  aux  directeurs  de  contracter  pour  le 
»  bien  des  pauvres,  de  recevoir  par  dons  et  legs,  d’acquérir 
»  et  transiger  aux  formes  de  droit. 

»  Défendons  à  toute  sorte  de  pauvres,  sains  ou  malades, 
»  de  mendier  secrètement  ou  en  public  dans  ladite  ville, 
»  faubourgs  et  terroir  de  Sarlat,  sous  peine  de  prison  et 
»  punition  exemplaire,  comme  aussi  aux  habitants  de  leur 
»  faire  l’aumône,  à  peine  de  trois  livres  d’amende  applica- 
»  ble  à  l’hôpital. 

»  Approuvons  et  confirmons  le  legs  de  8,000  livres  fait 
»  audit  hôpital  par  le  sieur  Gaurenne,  chanoine  de  la 
»  cathédrale,  ensemble  tous  autres  dons  faits  ou  à  faire 
»  à  l’avenir  pour  ledit  hôpital. 

»  Et  comme  il  nous  a  été  représenté  qu’il  serait  avanta- 
»>  geux  que  l’Hôtel-Dieu  de  la  ville  de  Sarlat  fût  uni  à 
»  l’hôpital  général,  nous  avons  uni,  annexé  et  incorporé 
»  l’Hôtel-Dieu  à  l’hôpital  général  sous  une  seule  et  même 


136 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  direction  et  administration,  mais  sans  qu’il  soit  fait 
»  confusion  de  leurs  revenus  propres  à  chacun,  et  quoique 
»  les  Sœurs  donnant  le  secours  de  leurs  soins  dans  l’un  et 
»  l’autre  soient  du  même  corps  et  sous  la  même  règle  et 
»  même  supérieure,  sous  la  direction  de  l’évêque.  » 

On  le  voit  par  ces  Lettres  patentes,  dans  la  pensée  du  roi, 
l’hôpital  dont  il  consacrait  l’existence  légale  devait  être  à 
la  fois  hôpital,  hospice,  bureau  de  bienfaisance  et  même 
dépôt  de  mendicité. 

Trois  ans  plus  tard,  le  même  monarque  lui  donnait  une 
preuve  éclatante  d’un  intérêt  tout  particulier.  Par  déclara¬ 
tion  du  10  décembre  1696,  il  attribuait  à  cet  hôpital  tous 
les  biens  et  rentes  des  consistoires  protestants  d’Eymet, 
Monbazillac,  Gardonne,  Razac,  Lamonzie,  Couses,  Sigoulès , 
Boisse,  Issigeac,  Lanquais,  Villefranche,  Badefol,  Monpa- 
zier,  Castelnaud,  Bergbière,  Peyrat,  Campagnat,  Doissat, 
Saussignac,  Saint-Cyprien,  Salignac,  Monplaisant,  Marnac, 
Prats,  Siorac,  Pomport,  et  autres  lieux  situés  dans  le  diocèse 
et  la  sénéchaussée  de  Sarlat. 

Msr  de  Beauvau  ne  put  jouir  que  quelques  années  de 
son  œuvre.  Il  mourut  le  23  octobre  1701,  emportant  les 
regrets  de  tous  les  habitants  de  Sarlat  et  de  tous  les  fidèles 
du  diocèse.  Les  pauvres  de  l’hôpital  général  furent  ses 
héritiers.  Sentant  sa  fin  approcher  et  voulant  éviter  à  ses 
légataires  universels  des  débats  et  des  délais,  il  fit  porter 
à  l’hôpital,  la  veille  de  sa  mort,  tous  ses  meubles,  toutes 
provisions  personnelles,  à  l’exception  du  lit  où  il  se  trou¬ 
vait  et  de  la  somme  de  douze  cents  livres  qu’il  remit,  pour 
les  frais  de  ses  funérailles,  à  Gabriel  de  Bars,  grand-archi¬ 
diacre  de  sa  cathédrale,  un  neveu  probablement  de  Jean 
de  Bars,  que  nous  avons  vu  en  1632  fondateur  de  l’Hôtel- 
Dieu. 

Unis  l’un  à  l’autre  sous  la  même  administration  par  les 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  137 

Lettres  'patentes  dont  nous  venons  de  parler,  l’Hôtel-Dieu 
et  l’hôpital  général  suffirent  pendant  longues  années  à 
tous  les  besoins  des  malades,  des  infirmes  et  des  nécessi¬ 
teux  de  Sarlat.  L’hôpital  général  devint  exclusivement  la 
retraite  d’un  grand  nombre  d’infirmes  et  de  vieillards  des 
deux  sexes,  dont  les  familles  ne  pouvaient  soulager  la 
misère,  et  l’Hôtel-Dieu  continua  à  recevoir  les  malades 
ordinaires,  tant  civils  que  militaires,  l’un  et  l’autre  sous 
la  direction  des  mômes  sœurs  hospitalières  du  Tiers-Ordre 
de  Saint-François. 

C’est  dans  l’Hôtel-Dieu  que  Mme  la  marquise  de  Gaubert, 
née  Chapt-de-Rastignac,  veuve  à  l’âge  de  21  ans,  entra,  en 
l’année  1708,  pour  embrasser  la  vie  religieuse  et  se  consa¬ 
crer  au  service  des  pauvres  et  des  malades.  Ce  fut  une 
bonne  fortune  pour  les  pauvres  de  Sarlat  ;  elle  devint  leur 
bienfaitrice,  et,  comme  elle  possédait  des  revenus  consi¬ 
dérables,  elle  put  faire  en  leur  faveur  des  œuvres  qui  font 
encore  bénir  son  nom  et  vénérer  sa  mémoire.  On  lui  doit 
la  fondation  de  l’hôpital  actuel  qui,  par  «  ses  vastes  cons¬ 
tructions,  la  régularité  de  son  plan  et  sa  position  des  plus 
avantageuses,  n’a  rien  à  envier  aux  plus  magnifiques 
hôpitaux  de  France.  » 

Peu  de  temps  après  son  entrée  à  l’Hôtel-Dieu,  elle  s’oc¬ 
cupa  d  ’y  faire  exécuter  des  travaux  derestauration  et  d’agran¬ 
dissement. 

Nous  l’avons  dit,  l’Hôtel-Dieu  était  pour  les  pauvres 
atteints  de  maladies  ordinaires  qu’on  pouvait  espérer  de 
guérir  ;  les  autres  malades  non  indigents,  civils  ou  mili¬ 
taires,  avaient  aussi  le  droit  de  s’y  faire  soigner,  moyen¬ 
nant  une  légère  rétribution.  L’hôpital  général  était  pour 
les  vieillards  et  les  infirmes  des  deux  sexes  ;  il  n’était  à 
proprement  parler  qu’un  hospice  auquel  on  avait  joint 


138  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

un  asile  pour  les  jeunes  orphelins  et  une  filature  de  coton 
pour  les  occuper. 

Mme  la  marquise  de  Gaubert  conçut  la  généreuse  pensée 
de  ne  faire  de  ces  deux  asiles  de  la  souffrance  et  de  la 
misère  qu’un  seul  établissement  qui  serait  à  la  fois  hôpital 
et  hospice.  Dans  ce  but,  elle  fit  acquisition  d’un  vaste  ter¬ 
rain  joignant  le  jardin  du  collège,  au  lieu  du  Colombier, 
et  au-dessus  du  faubourg  de  YEndrevie.  Ce  fut  sur  ce  ter¬ 
rain,  augmenté  plus  tard  du  jardin  du  collège,  que  fut  bâti, 
aux  frais  de  la  noble  bienfaitrice,  l’hôpital  tel  que  nous  l’y 
voyons  aujourd’hui.  Il  était  pris  dans  telles  proportions 
qu’il  y  eut  place  et  pour  les  malades  de  l’Hôtel-Dieu  et 
pour  les  vieillards  et  les  infirmes  de  l’hôpital  général.  On 
y  joignit  un  orphelinat  et  une  manufacture  de  coton  pour 
occuper  les  pauvres  valides  et  les  orphelins  :  et  l’œuvre 
de  la  marquise  de  Gaubert  fut  complète. 

L’occupation  du  nouveau  local  appela  une  reforme  inté¬ 
rieure  Aux  sœurs  du  Tiers- Ordre  de  Saint-François  suc¬ 
cédèrent,  •  pour  la  direction  de  l’hôpital,  des  sœurs  de 
Sainte-Marthe,  sous  le  vocable  et  le  patronage  de  saint 
Alexis.  Ce  changement  du  personnel  religieux,  dont  les 
chroniqueurs  ne  nous  ont  pas  dit  les  motifs,  se  fit  du  vivant 
de  Mme  de  Gaubert.  La  généreuse  marquise  mourut  dans 
l’hôpital  qu’elle  avait  fondé,  le  27  février  1747.  Son  âme 
put  se  présenter  avec  confiance  devant  son  juge,  elle  ap¬ 
portait  avec  elle  «  la  bonne  mesure  »  de  mérites  que  Dieu 
veut  recevoir  de  ses  élus.  Son  corps  fut  déposé  dans  un 
tombeau  préparé  sous  le  pavé  de  la  chapelle.  On  voit  encore 
sur  la  pierre  qui  le  couvre  l’épitaphe  que  la  reconnaissance 
et  la  vénération  y  firent  graver.  On  sera  bien  aise  de  la 
retrouver  ici  : 

«  Eic  jacet  Joanna  de  Chapt-de-Raslignac,  Marchio- 
»  nisa  de  Gaubert  de  Beauvoir ,  omnium  virtutum  exem- 


DES  HÔPITAUX ,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  139 

»  plar,  pauperum  mater  amantissima.  Hoc  hospitium  et 
»  hanc  ecclesiam  sumptibus  suis  œdificari  voluit.  Obiit 
»  die  27  februarii  anno  1747.  Resquiescat  in  pace  1  »  Oui, 
le  corps  peut  reposer  en  paix,  lorsque  l’âme  a  emporté  au 
ciel  le  titre  de  Mère  des  pauvres. 

Six  ans  après  le  décès  de  Mmo  de  Gaubert,  en  1753,  les 
consuls  Gisson,  Meyrignac,  Loys  et  Duloing,  et  le  procu¬ 
reur  syndic  Barry,  autorisés  par  une  délibération  de  la 
Jurade,  firent  avec  le  Bureau  des  pauvres  échange  du  jardin 
du  collège  avec  les  bâtiments  et  accessoires  de  l’hôpital 
général.  Les  consuls  ajoutèrent,  au  profit  des  pauvres, 
une  soulte  de  5,500  livres,  et  le  collège  fut  transporté  dans 
le  local  qui  lui  était  cédé  et  qu’il  n’a  pas  cessé  d’occuper 
depuis  cette  époque. 

Les  nouvelles  religieuses  admises  à  l’hôpital,  du  vivant 
de  la  noble  fondatrice,  le  dirigèrent  jusqu’à  la  grande  Révo¬ 
lution  de  1793.  A  cette  époque  si  funeste  à  tous  les  établis¬ 
sements  religieux,  pour  se  soustraire  à  la  rage  de  leurs 
persécuteurs,  elles  furent  obligées  d’abandonner  leur 
œuvre  et  de  se  retirer  dans  leurs  familles. 

Lorsque  le  calme  commença  à  se  rétablir,  l’évêché  de 
Sarlat  ayant  été  supprimé  et  réuni,  comme  celui  de  Péri- 
gueux,  à  l’évêché  d’Angoulême,  pour  ne  former  qu’un  seul 
diocèse,  Mgr  Dominique  Lacombe,  évêque  des  trois  dio¬ 
cèses  réunis,  envoya  à  Sarlat  pour  la  direction  de  l’hôpital, 
des  religieuses  de  la  Charité  de  Chartres.  Mais  ces  reli¬ 
gieuses,  on  ne  sait  pour  quels  motifs,  se  retirèrent  après 
quatorze  mois  seulement  de  résidence,  et  les  vœux  de  la 
population  comme  ceux  de  l’autorité  administrative  rap¬ 
pelèrent  les  anciennes  religieuses  de  Sainte-Marthe,  qui 
avaient  été  expulsées  par  l’ouragan  révolutionnaire.  Toutes 
s’empressèrent  de  répondre  à  l’appel  qui  leur  était  fait  et 
rentrèrent  à  l’hôpital,  au  nombre  de  dix,  pour  y  reprendre 


140 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


leurs  fonctions,  que  depuis  cette  époque  elles  ont  toujours 
remplies  avec  le  même  zèle  et  le  même  dévouement.  Elles 
eurent  pour  première  supérieure,  la  sœur  Angélique  Gou- 
zot  qui  fut  bientôt  remplacée  par  sa  sœur  Marie-Anne  Gou- 
zot,  de  vénérable  mémoire,  type  de  la  vraie  religieuse  hospi¬ 
talière,  dont  le  zèle,  la  bonté,  le  dévouement  pour  les 
pauvres,  les  malades,  les  infirmes,  pour  les  misères  de 
tous  genres,  ne  furent  égalés  que  par  celle  qui  lui  succéda 
dans  le  gouvernement  de  l’hôpital,  et  qu’elle  avait  formée 
elle-même,  autant  par  son  exemple  que  par  ses  leçons,  à 
l’amour  des  pauvres  et  au  soulagement  des  malades. 

Décédée  en  1837,  laissant  après  elle  une  bonne  odeur  de 
sainteté,  sœur  Marie-Anne  fut  remplacée  par  sœur  Julie  de 
Selves',  d’une  des  familles  les  plus  honorables  de  Sarlat, 
décédée  elle-même  il  n’y  a  que  trois  ans,  après  avoir  dirigé 
l’hôpital  pendant  quarante  ans  (1). 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  raconter  ici  les  vertus  et 
les  mérites  de  ces  deux  admirables  supérieures  ;  nous 
devons  nous  renfermer  dans  notre  sujet.  Un  volume  com¬ 
posé  des  Vies  de  sœur  Marie- Anne  et  de  sœur  Julie  serait 
des  plus  intéressants.  Il  se  trouvera  peut-être  à  Sarlat 
même  une  plume  pour  les  écrire  ;  nous  en  exprimons  le 
vif  désir. 

Lorsque  sœur  Julie  en  prit  la  direction,  l’hôpital  n’avait 
pas  encore  d’existence  légale  par  l’approbation  du  gou¬ 
vernement.  Gomme  cette  formalité  était  indispensable 
pour  que  l’établissement  pût  fonctionner  régulièrement  et 
être  autorisé  à  recevoir  les  dons  et  legs  qui  pourraient  lui 
être  faits,  la  supérieure ,  après  les  démarches  nécessaires, 

(!)  Pour  bien  connaître  et  apprécier  les  vertus  et  les  œuvres  de  sœur 
Julie,  voir  le  résumé  succinct  qu’en  fit  M.  l’archiprêtre  de  Sarlat  dans  la 
magnifique  allocution  qu’il  prononça  en  célébrant  ses  funérailles;  elle  se 
trouve  dans  la  Semaine  religieuse,  n°  du  27  janvier  1877. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  141 

obtint  une  ordonnance  royale,  en  date  du  10  mars  1844, 
qui  autorisait  l’existence  de  l’hôpital  et  approuvait  les 
statuts  des  religieuses  chargées  de  sa  direction.  Ces  reli¬ 
gieuses  appartiennent  aujourd’hui  à  la  Congrégation  de 
Sainte-Marthe-du-Périgord. 

Entre  toutes  les  œuvres  faites  par  sœur  Julie  pendant 
sa  longue  administration,  on  lui  doit  la  fondation  d’un 
orphelinat  dont  l’hôpital  était  privé.  Un  décret  du  18  mars 
1851  l’autorisa  à  le  fonder  et  à  l'annexer  à  l’hôpital.  Tl  y  a 
place  pour  trente-trois  jeunes  orphelines  qu’on  retire  de 
la  misère  et  qu’on  forme  à  une  éducation  chrétienne  et  au 
travail  des  mains,  pour  en  faire  de  bonnes  domestiques 
et  de  bonnes  ouvrières. 

Avant  de  clore  cette  notice, inscrivons  les  noms  des  bien¬ 
faiteurs  qui  sont  venus  s’ajouter  à  ceux  dont  nous  avons 
eu  occasion  de  parler.  Nous  les  trouvons  dans  trente-six 
tableaux,  vrais  tableaux  d’honneur,  qui  ornent  le  grand 
corridor  de  l'hôpital  et  prêchent  la  reconnaissance  aux 
pauvres,  et  aux  riches  l’imitation. 

1°  M.  Pierre-Joseph  Loudîeu  de  Lacalprade,  chanoine 
de  Notre-Dame  de  Paris,  décédé  à  Sarlatle  5  mai  1841.  — 
Il  légua  à  l’hôpital  1°  une  rente  constituée  au  capital  de 
500  francs,  à  charge  de  faire  dire  à  perpétuité  quatre 
messes  pour  le  repos  de  son  âme,  les  lor,  21  et  29  mai,  et 
le  jour  anniversaire  de  son  décès  ;  2°  une  autre  rente 
annuelle  et  perpétuelle  de  400  francs  pour  la  fondation 
de  deux  places  à  l'hôpital,  l’une  pour  homme  et  l’autre 
pour  femme. 

2°  M.  Gouzot,  juge  de  paix  à  Gadouin.  —  Par  acte  du 
27  juin  1808,  devant  Me  Michelot,  notaire  à  Sarlat,  il  fit 
don  à  l’hôpital  de  la  maison  appelée  Pascal  de  Sergeac, 
qu’il  avait  acquise  de  ce  dernier. 


142 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


3 »  Jeanne  Daudrix,  marchande  épicière  à  Sarlat.  —  Par 
acte  du  23  février  1845,  devant  Me  Fonsales,  notaire,  elle 
fit  don  à  l’hôpital,  d’un  petit  corps  de  bien  appelé  Meyssès- 
Bas,  à  la  charge  d’être  logée,  nourrie  et  soignée  à  l’hôpital 
sa  vie  durant.  Elle  y  mourut  le  28  février  1847,  après  avoir 
ajouté  à  son  premier  d'on  1,900  francs  qui  lui  étaient  dus 
pour  vente  d’une  maison  aux  époux  Gaminade,  et  300  fr. 
qu’elle  possédait  au  moment  de  son  décès. 

4°  Mmo  du  Chaylard.  —  Par  son  testament  du  13  fruc¬ 
tidor  an  XII,  elle  légua  à  l’hôpital  un  domaine  situé  à 
Yalojouls,  à  la  charge  de  cent  messes  par  an  à  perpétuité. 
Ce  domaine  fut  vendu  et  le  produit  employé  à  l’acquisi¬ 
tion  d’une  rente  sur  l’Etat. 

5°  Le  sieur  Pechmajou,  de  Sarlat.  —  Par  acte  du  4  mai 
1825,  devant  M°  Michelot,  notaire,  il  fit  don  à  l’hôpital 
d’un  petit  jardin,  à  la  charge  de  faire  dire  douze  messes 
par  an  pour  le  repos  de  son  âme. 

6"  M.  Jean  de  Laclergerie,  prêtre  à  Fleurac.  —  Par  son 
testament  du  10  novembre  1828,  reçu  par  M°  Gonthier, 
notaire  à  Mauzens-Miremont,  il  légua  à  l’hôpital  de  Sarlat  : 
1°  une  somme  de  1,500  francs  ;  2°  une  vigne  et  des  prés 
situés  à  Fleurac,  qui  furent  vendus  aux  enchères  publiques 
devant  Me  Michelot,  notaire,  moyennant  la  somme  de 
2,260  francs,  tous  frais  payés. 

7°  M.  Jean-Baptiste  Yaussange,  ancien  notaire  à  Sarlat 
et  ancien  maire,  décédé  le  18  décembre  1845.  —  Il  légua 
à  l’hôpital  la  somme  de  500  francs,  à  titre  gratuit. 

8“  Antoine  Seignabou,  cultivateur  et  maçon  à  Vezac.  — 
Par  son  testament  du  3  avril  1826,  reçu  par  Me  Michelot, 
notaire  à  Sarlat,  il  fit  don  de  tous  ses  biens  à  l’hôpital 
pour  le  prix  en  être  employé  en  achat  de  linge. 

9°  Mlle  Marie  Lagrange,  de  Sarlat.  —  Par  son  testament 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  143 

olographe  du  1er  mai  1829,  elle  légua  300  francs  à  l’hôpi¬ 
tal,  sans  condition. 

10°  M.  Peyronenc-Gassagne,  prêtre  ,  décédé  à  Tours  le 
14  septembre  1835.  —  Il  fonda  la  place  d’un  homme  à 
l’hôpital  de  Sarlat  au  moyen  d’une  rente  annuelle  et  per¬ 
pétuelle  de  175  francs.  Déjà,  de  son  -vivant,  en  1830,  il 
avait  fondé  une  place  pour  un  vieillard ,  moyennant  une 
rente  annuelle  et  perpétuelle  de  275  francs,  au  capital  de 
5,500  francs,  à  lui  due  par  M°  Geyraud,  avocat  à  Sarlat. 

Il®  M110  Marie-Louise-Pauline  David ,  de  Sarlat.  — 
Par  acte  du  29  janvier  1851,  devant  M0  Baudet,  notaire, 
elle  üt  don  à  l’hôpital  de  Sarlat  de  la  somme  8,500  francs, 
pour  la  fondation  audit  hôpital  de  deux  places  à  perpé¬ 
tuité,  en  faveur  de  deux  femmes  de  Marcillac  et  de 
Sarlat. 

12°  Mu°  Marie-Anne-Pétronille  Ghapt-de-Rastignac.  — 
Elle  fit  don  d’une  métairie,  appelée  de  Rousseseille,  et 
d’une  maison  à  l’hôpital,  autorisé  à  les  accepter  par  décret 
impérial  en  date  de  Gênes,  du  16  messidor  an  XIII. 

13°  M.  le  baron  Maurice,  ancien  préfet  de  la  Dordogne, 
décédé  à  Genève,  le  17  avril  1851.  —  Il  üt  un  legs  de  500  fr. 
à  titre  gratuit  à  l’hôpital  de  Sarlat. 

14°  M.  Michel  Yernet,  prêtre,  mort  à  Sarlat  le  25  juin 
1820.  —  Il  légua  à  l’hôpital  une  maison ,  des  meubles  et 
une  somme  d’argent,  le  tout  représentant  une  valeur  de 
2,716  francs. 

15°  Mmo  veuve  de  Paluel,  née  Anne  Rodorel  de  Seillac.  — 
Par  son  testament  mystique  de  1844 ,  déposé  chez  M®  Mi- 
chelot,  notaire  à  Sarlat,  elle  fit  don  à  l’hôpital  de  la 
somme  de  4,000  francs,  pour  la  fondation  d’un  lit  d’in¬ 
firme,  à  la  nomination  des  habitants  de  Paluel. 

16°  Mme  veuve  Blancher,  née  Jeanne-Françoise-Leclerc 


144 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Lavierville,  demeurant  à  Sarlat.  —  Par  son  testament  du 
30  prairial  an  X,  elle  légua  3,000  fr.  à  l’hospice,  3,000  fr. 
à  la  Miséricorde,  et  3,000  francs  à  la  Manufacture  ou  hos¬ 
pice  général,  pour  les  bouillons  des  pauvres  qui  sont 
reçus  ou  soignés  dans  ces  établissements. 

17°  Mlle  Marie-Antoinette  de  Bars,  de  Saint-Vincent- 
les-Paluels.  —  Il  résulte  d’une  délibération  de  la  com¬ 
mission  administrative  de  l’hospice,  en  date  du  15  juil¬ 
let  1806,  qu’elle  légua  à  l’hospice  une  rente  annuelle  de 
48  fr.,  au  capital  de  1,600  francs. 

18°  M110  Marie  Soulignac  Saint-Rome,  décédée  à  Yézac 
le  22  février  1847.  —  Elle  fit  don  à  l’hôpital  de  Sarlat  de 
la  somme  de  8,000  francs  pour  la  fondation  à  perpétuité  de 
deux  lits,  en  faveur  des  deux  pauvres  les  plus  nécessi¬ 
teux  des  communes  de  Vézac  et  de  Carves. 

19°  Mlles  Moudisse,  de  Sarlat.  —  Par  acte  du  14  juin  1815, 
retenu  par  Me  Michelot,  notaire,  elles  firent  donation  à 
l’hôpital  d’une  pièce  de  terre  de  la  valeur  de  6,000  francs, 
sous  la  condition  qu’il  serait  fondé  à  perpétuité  deux 
places  pour  deux  infirmes,  hommes  ou  femmes,  à  la  nomi¬ 
nation  des  donataires,  de  leurs  héritiers  ou  ayant-causes. 

20»  M1Is  Marguerite  Chauzé-Labesse-Reniac,  religieuse, 
décédée  à  Sarlat  le  13  août  1833.  —  Elle  légua  par  testa¬ 
ment  2,000  fr.  à  l’hôpital,  sans  condition. 

21°  Jean  Autesserre.  —  Il  résulte  d’une  délibération  de 
de  la  commission  administrative  du  23  août  1835,  qu’il 
légua  par  testament  à  l’hôpital  la  somme  de  800  francs, 
dont  700  fr.  pour  du  linge  et  100  francs  pour  des  messes. 

22°  M.  Antoine  Maraval,  chanoine  régulier  de  la  con¬ 
grégation  de  Notre  -  Dame-de-Chancelade ,  habitant  à 
Saint-André.  —  Il  résulte  d'une  délibération  de  la  com¬ 
mission  administrative  du  25  avril  1831,  qu’il  légua  à 


145 


DES  HÔPITAUX,  HOSPTCES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

l’hôpital  une  maison  sise  à  l’Endrevie,  des  meubles  et  un 
jardin,  sous  la  condition  d’une  messe  par  mois  pour  le 
repos  de  son  âme. 

23°  M.  Joseph  de  Gisson,  de  Sarlat,  y  décédé  le  5  décem¬ 
bre  1841.  —  De  son  vivant,  le  1er  mars  1825,  il  fit  don 
d’un  petit  corps  de  bien  confrontant  à  l’enclos  de  l’hôpital, 
à  la  charge  de  créer  une  place  dans  la  salle  des  vieillards  ; 
et  par  son  testament  il  légua  au  même  hôpital,  à  titre 
gratuit,  une  rente  constituée  au  capital  de  1,000  francs, 
qui  lui  était  due  par  M.  Soulignac- Saint-Rome. 

24°  Mme  veuve  de  Philopal,  née  Anne  de  Giversac, 
demeurant  à  Sarlat.  —  Par  acte  du  1er  juin  1847,  elle  fit 
donation  à  l’hospice  de  la  somme  de  14,000  francs,  sous 
la  condition  qu’il  serait  fondé  dans  ledit  hospice,  et  à 
perpétuité,  quatre  lits  pour  quatre  hommes  réunissant 
toutes  les  conditions  d’âge,  de  misère  ou  d'infirmités  qui 
pourront  les  rendre  admissibles. 

25°  M.  Bertrand  de  Grézel,  décédé  à  Sarlat  le  20  novem¬ 
bre  1844.  —  Il  légua  à  l’hospice  la  somme  de  1,000  francs, 
à  titre  gratuit. 

26»  Jean  Miramond,  de  Sainte-Nathalène.  —  Par  acte 
devant  M°  Fonsales,  notaire  à  Sarlat,  approuvé  par  décret 
du  26  février  1852,  il  fit  donation  à  l'hôpital  de  Sarlat  d’un 
petit  corps  de  bien  situé  à  Autesserre,  commune  de  Ste- 
Nathalène,  d’une  valeur  approximative  de  4,000  francs, 
à  condition  d’être  logé,  nourri  et  entretenu  dans  cet  éta¬ 
blissement,  sa  vie  durant  ;  de  recevoir  50  francs  par  an, 
et  qu’après  sa  mort  il  serait  dit  pour  100  francs  de  messes 
pour  le  repos  de  son  âme. 

27°  M.  Jean-François-Xavier  de  Grézel,  prêtre,  décédé 
à  Sarlat  le  9  avril  1834.  —  Il  légua  la  somme  de  1,000  fr. 
à  l’hôpital,  sans  condition. 


10 


146 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


82°  Joseph  Baillard,  domestique  à  l’hôpital.  —  Il  légua 
par  testament  du  l°r  février  1845,  à  titre  gratuit,  à  l’hô¬ 
pital,  la  somme  de  600  francs. 

29®  M.  Alfred-Marie-Guillaume-Antoine  Marmier,  avo¬ 
cat  à  la  Cour  de  Cassation.  —  D’après  un  acte  du  25  avril 
1845,  passé  par  M°  Michelot,  notaire,  il  fit  don  de  600  fr.  à 
l’hôpital,  à  la  charge  de  faire  dire  quatre  messes  par  an 
pour  le  repos  de  l’âme  de  sa  mère,  de  ses  enfants  et  des 
autres  parents. 

30®  M.  Henri  Sanfourche,  colonel  en  retraite.  —  Suivant 
donation  faite  par  lui  devant  Me  Michelot,  notaire,  de  son 
enclos  de  Vigneras,  commune  de  Sarlat,  à  l’hôpital  dudit 
lieu,  il  a  été  fondé  une  place  de  femme  infirme  et  à  per¬ 
pétuité  . 

31®  Mlle  Formigier  de  Beaupuy.  —  Par  son  testament 
mystique  du  28  janvier  1806,  elle  légua  à  l’hôpital  de 
Sarlat  une  rente  annuelle  de  400  francs,  laquelle  rente 
son  héritier  ne  pourra  éteindre  que  par  le  paiement  d’un 
capital  de  6,000  francs. 

32®  Les  époux  Grangier  de  Tamniers.  —  Il  résulte  d’une 
délibération  de  la  commission  administrative,  approuvée 
le  22  juillet  1849,  qu’ils  firent  don  à  l’hôpital,  l’un  de 
400  francs,  et  l’autre  de  600  francs,  à  titre  gratuit. 

Tels  sont  les  bienfaiteurs  que  nous  rappellent  les 
tableaux  du  grand  corridor  de  l’hôpital  ;  il  se  fait  en  ce 
moment  un  travail  pour  en  augmenter  le  nombre,  afin 
d’avoir  la  liste  complète  des  bienfaiteurs  depuis  l’origine 
de  l’hôpital  jusqu’à  nos  jours. 

En  rappelant,  à  la  fin  de  cette  étude,  les  origines  chré¬ 
tiennes  et  sacerdotales  des  hôpitaux  et  hospices  de  Sarlat, 
on  est  attristé  d’apprendre  que  M.  l’abbé  Mirai ,  chanoine 
et  archiprêtre,  digne  successeur  des  fondateurs  de  ces  éta- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  147 

blissements,  ne  fait  plus  partie  des  administrations  de 
l’hôpital  et  du  Bureau  de  bienfaisance.  On  est  également 
attristé  d’apprendre  que  trois  hommes  des  plus  honora¬ 
bles,  qui  en  faisaient  partie  :  M.  de  Lavelle,  parent  et 
neveu  de  M.  l’abbé  de  Lacalprâde  qui  dota  le  Bureau  de 
bienfaisance,  M.  Henri  de  Lachapoulie ,  autre  neveu  de 
M.  de  Lacalprade,  et  M.  de  Cerval,  qui  sert  une  rente 
annuelle,  au  nom  de  sa  famille  ,  au  Bureau  de  bienfai¬ 
sance  ,  ont  été  exclus  avec  M.  l’arcbiprôtre  des  deux  com¬ 
missions  administratives.  —  Il  est  des  faits  que  le  silence 
qualifie  mieux  que  la  parole  :  nous  nous  taisons. 


XIII 


Hôpital  de  Domme. 


Cet  hôpital,  comme  plusieurs  autres  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  a  une  origine  toute  sacerdotale.  Sa  fondation 
est  due  à  Guillaume  de  Maleville,  curé  de  Domme,  où  il 
était  né  en  1699  et  où  il  mourut  le  8  septembre  1771  (1). 
Vers  les  dernières  années  de  sa  vie,  il  forma  le  projet  de 
la  création  d’un  hôpital  dont  la  ville  était  privée,  et  dont 
l’exercice  de  son  ministère  lui  avait  fait  souvent  apprécier 
la  nécessité.  A  cette  fin,  il  fit  bâtir  sur  un  terrain  commu¬ 
nal  une  vaste  maison  à  laquelle  il  ajouta  un  jardin,  objet 
de  première  nécessité  pour  un  semblable  établissement. 
Il  n’eut  pas  avant  sa  mort  la  consolation  d’y  voir  les  pau¬ 
vres  installés.  Son  successeur,  Jean  Gleyrac,  animé  lui 
aussi  d’un  grand  amour  pour  les  pauvres,  prit  à  cœur 
l’œuvre  de  son  prédécesseur  et  fit  tous  ses  efforts  pour  la 
mettre  en  mesure  de  fonctionner  ;  mais  la  mort  vint  l’arrê¬ 
ter  et  le  priver  lui  aussi  d’une  consolation  bien  désirée. 

(1)  Aux  vertus  du  prêtre  et  au  zèle  du  pasteur,  l’abbé  Guillaume  de 
Maleville  joignait  l’amour  des  lettres  qu’il  cultivait  avec  succès,  et. l’étude 
des  sciences  philosophiques  et  théologiques.  II  était  docteur  en  Sorbonne 
et  a  laissé  plusieurs  ouvrages  dont  la  collection,  qui  se  trouve  au  château 
de  Fénelon,  oomprend  15  volumes. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  Dü  PÉRIGORD.  149 

Jean  Gleyrac  ne  survécut  que  deux  ans  à  Guillaume  de 
Maleville.  Il  mourut  le  30  décembre  1773,  laissant  pour 
l’œuvre  de  Thôpital  la  somme  de  6,200  livres,  constituée 
en  rentes. 

Enfin,  des  Lettres  'patentes  du  roi,  en  date  du  27  novem¬ 
bre  1776,  enregistrées  au  Parlement  de  Bordeaux,  le 
19  mars  1777,  vinrent  approuver  la  fondation  de  l’hôpital 
et  lui  donner  une  existence  légale,  avec  autorisation 
d’accepter  les  dons  et  legs  qui  pourraient  lui  être  faits, 
jusqu’à  concurrence  de  4,000  livres  de  revenu. 

De  son  côté,  Mgr  l’évêque  de  Sarlat,  Joseph-Marie-Luc 
de  Ponte  d’Albaret,  voulant  contribuer  à  la  fondation  de 
l’hôpital  de  Domme,  et  favoriser  ses  développements,  avait 
formé  le  projet  de  lui  réunir  diverses  chapellenies  et  de 
lui  en  transmettre  les  revenus.  Il  y  fut  autorisé  par  Let¬ 
tres  patentes  du  mois  de  mai  1786,  enregistrées  au  Parle¬ 
ment  de  Bordeaux  le  17  janvier  1787. 

Ces  chapellenies,  au  nombre  de  six,  étaient  :  les  trois 
appelées  de  Rouügnat,  celle  de  l’hôpital  ou  Delpon,  celle 
de  Bernadou  et  celle  appelée  de  Réveillon.  L’union  de 
cette  dernière  offrit  de  grandes  difficultés  qui,  d’après  un 
document  que  nous  avons  sous  les  yeux ,  retardèrent 
même  l’ouverture  de  l’hôpital.  Elles  furent  enfin  surmon¬ 
tées,  et  le  décret  de  l’évêque,  prononçant  la  réunion,  put 
avoir  son  effet. 

Nous  avons  dit  que  l’abbé  Guillaume  de  Maleville  avait 
bâti  la  maison  destinée  à  la  fondation  de  l’hôpital.  A  sa 
mort,  l’hôpital  n’ayant  pas  d’existence  légale,  il  n’avait  pu 
lui  léguer  directement  cet  immeuble.  Son  héritier  le  tenait 
en  réserve  jusqu’au  jour  où  l’hôpital  pourrait  légalement 
le  recevoir.  L’héritière  aussi  de  l’abbé  Jean  Cleyrac,  la 
demoiselle  Marie  de  Taillefer,  tenait  en  réserve  les 
6,200  livres  léguées  par  son  oncle.  Les  Lettres  patentes 


150 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


du  roi  approuvant  la  fondation  de  l’hôpital  mentionnaient 
ces  deux  legs  et  en  autorisaient  l’acceptation  ;  elles  auto¬ 
risaient  aussi  la  cession  à  l’hôpital,  par  la  commune,  du 
terrain  sur  lequel  l’abbé  de  Maleville  avait  bâti  sa  maison. 
Le  tout  fut  régularisé  conformément  aux  prescriptions  des 
Lettres  patentes ,  ainsi  que  le  constate  une  «  délibération 
de  la  communauté,  assemblée,  aux  formes  ordinaires,  en 
l’Hôtel-de-Ville,  le  1er  septembre  1787.  »  Nous  y  voyons 
1°  que,  le  bureau  d’administration  de  l’hôpital  ayant  été 
composé  suivant  la  déclaration  du  12  décembre  1698,  la 
commune  lui  fait  cession  du  terrain  pris  par  l’abbé  Guil¬ 
laume  de  Maleville  ; 

2°  Que  le  marquis  Jacques  de  Maleville,  agissant  comme 
neveu  et  héritier  de  l’abbé  Guillaume  de  Maleville,  trans¬ 
met  à  l’hôpital  la  maison  et  le  jardin  légués  par  son  oncle. 

3°  Que  la  demoiselle  Marie  de  Taillefer,  en  sa  qualité  de 
nièce  et  d’héritière  de  l’abbé  Jean  Gleyrac,  donne  à  l’hô¬ 
pital  la  somme  de  6,200  livres,  que  son  bienfaiteur  l’avait 
chargée  de  lui  transmettre,  «  à  la  condition,  néanmoins, 
»  que  ledit  hôpital  fera  célébrer  annuellement  et  à  perpé- 
»  tuité  une  messe  haute  pour  le  repos  de  l’âme  de  feu  sieur 
»  Jean  Gleyrac,  et  que  les  descendants  du  sieur  feu  Tail- 
»  lefer,  son  frère,  de  son  nom  en  ligne  directe,  seront 
»  administrateurs-nés  dudit  hôpital.  » 

Le  même  jour,  sans  doute,  le  Bureau  d’administration 
accepta  un  legs  de  3,000  livres  fait  par  un  autre  prêtre,  M. 
Etienne  Lacombe.  Il  était  lui  aussi  originaire  de  Domme, 
y  résidait  et  y  mourut  le  2  janvier  1782.  Rien  n’indique 
qu’il  y  ait  rempli  les  fonctions  de  curé.  A  sa  mort,  ses 
nièces  restèrent  dépositaires  de  la  somme  léguée,  qui  fut 
convertie,  à  leur  charge,  en  rente  constituée,  au  revenu 
de  120  livres,  que,  par  acte  du  2  novembre  1789,  elles  s’en¬ 
gagèrent  à  payer  annuellement  à  l’hôpital.  —  La  famille 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉKISOHD.  151 

Tourey,  héritière  des  demoiselles  Lacombe ,  sert  encore 
cette  rente. 

Parmi  les  signatures  de  cette  délibération  du  l°r  septem¬ 
bre  1787,  nous  remarquons  celles  de  :  Maleville,  prêtre,  et 
de  Pignol,  curé.  Celui-ci  avait  dû  succéder  à  Jean  Cleyrac. 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit,  le  Bureau  administratif  de 
l’hôpital  fut  composé  dans  cette  même  assemblée  de  la 
Commune.  Les  Lettres  ■patentes  du  roi  désignaient  com¬ 
me  membres  de  droit  de  ce  Bureau  :  <■  le  maire,  le  pro- 
»  cureur-syndic,  le  curé  et  le  sieur  Taillefer,  docteur  mé- 
»  decin,  l’aîné  des  neveux  de  la  demoiselle  Marie  Taille- 
»  fer,  donatrice.»  On  y  ajouta  quatre  membres  :  MM.  Jean 
Grèzes  de  Talazac  et  Guillaume  Reynal,  consuls  en  fonc¬ 
tion  cette  année,  et  MM.  Jacques  de  Maleville  et  Antoine 
Grézis  de  Caumon,  avec  réserve  d’en  augmenter  ou  dimi¬ 
nuer  le  nombre  après  trois  ans,  suivant  que  les  intérêts 
de  l’hôpital  pourraient  l’exiger.  Il  est  dit  dans  cette  déli¬ 
bération  que  «  le  bureau  devra  recevoir  les  donations  ci- 
»  dessus  énoncées,  et  faire  la  recherche  et  le  recouvre- 
»  ment  des  biens  réunis  à  l’hôpital,  »  entr’autres,  proba¬ 
blement,  des  revenus  des  chapellenies  réunies  à  Phôpital 
par  Monseigneur  l’évêque  de  Sarlat. 

Par  cette  mémorable  délibération  prise  par  la  commu¬ 
nauté  en  l’Hôtel-de- Ville,  l’hôpital  de  Domme  se  trouvait 
donc,  enfin,  définitivement  fondé  et  institué,  et,  dès  le 
lendemain,  il  put  être  ouvert  aux  pauvres  malades.  Des 
personnes  pieuses  et  charitables  en  prirent  la  direction 
intérieure  et  donnèrent  leurs  soins  aux  pauvres  malades 
jusqu’en  1793.  A  cetteipoque  malheureuse  arriva  à  Domme 
dans  sa  famille  une  Sœur  Chassaing  que  l'orage  révolution¬ 
naire  avait  jetée  hors  du  couvent  des  Dames  deMirepoix  de 
Sarlat,  où  elle  était  en  qualité  de  sœur  converse.  Le  bureau 
d’administration  s’empressa  de  lui  confier  la  direction 


152 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


de  l’hôpital.  Elle  est  la  première  et  unique  directrice  que 
nos  documents  nous  fassent  connaître  jusqu’en  1834. 

A  cette  date,  les  religieuses  hospitalières  de  Sainte- 
Marthe-  d'Eymet  furent  priées  par  la  commission  admi¬ 
nistrative  de  l’hôpital  d'en  prendre  la  direction.  Un  traité 
qui  en  réglait  les  conditions  fut  passé,  le  9  avril  1834,  en¬ 
tre  la  sœur  Saint-Louis,  supérieure  générale,  assistée  de 
la  sœur  Delpech,  de  la  communauté  de  Saint-Cyprien, 
annexe  d’Eymet,  et  les  membres  de  la  commission  admi¬ 
nistrative.  Nous  y  trouvons  les  signatures  de  :  Yergne, 
curé-administrateur  ;  P.  Pontou,  Cluzel,  Compris,  Sépière, 
vicaire  général  ;  sœur  Saint-Louis,  supérieure  générale  ; 
sœur  Delpech,  assistante. 

Ce  traité  fut  approuvé  le  6  octobre  suivant  par  Msr  de 
Lostanges,  évêque  de  Périgueux,  et  le  28  du  même  mois 
par  M.  Romieu,  préfet  de  la  Dordogne. 

Ce  ne  fut,  néanmoins,  que  le  1er  mars  1835  que  les  reli¬ 
gieuses  d’Eymet  prirent  possession  de  l’hôpital  de  Dom¬ 
ine.  C’est  ce  que  constate  le  procès-verbal  de  leur  installa¬ 
tion  rédigé  dans  la  forme  ordinaire. 

Il  n’y  eut  d’abord  que  deux  religieuses  et  une  sœur 
converse,  l’une  des  religieuses  pour  le  service  des  pauvres 
et  des  malades  de  l’hôpital,  et  l’autre  pour  la  direction 
d’une  classe  gratuite,  en  faveur  des  jeunes  filles.  Mais 
plus  tard  les  besoins  de  cet  établissement  étant  devenus 
plus  grands  par  l’augmentation  des  pauvres  et  des  mala¬ 
des  et  par  la  création  d’une  classe  payante,  annexée  à  la 
classe  gratuite,  il  fallut  successivement  augmenter  le 
nombre  des  religieuses.  Elles  sont  aujourd’hui  quatre 
religieuses  et  une  sœur  converse.  Elles  ont  quelques  pen¬ 
sionnaires,  une  classe  payante  nombreuse  et  une  classe 
gratuite  plus  nombreuse  encore.  Elles  ont  la  charge  de 
l’hospice,  qui  a  toujours  un  petit  contingent  d’infirmes  et 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  153 

de  malades,  et,  de  plus,  elles  portent  à  domicile,  aux  in¬ 
firmes  et  aux  malades,  les  ressources  qui  sont  mises  à 
leur  disposition  par  le  bureau  d'administration.  Ici  les 
ressources  du  Bureau  de  bienfaisance  viennent  s’ajouter 
aux  ressources  de  l’hôpital  pour  le  plus  grand  avantage 
de  la  classe  souffrante  et  indigente. 

Jetons  maintenant  un  coup-d’œil  sur  le  tableau  des 
bienfaiteurs,  placé  dans  une  des  salles  de  l’hôpital.  En 
tête  du  tableau,  figurent  comme  fondateurs,  les  deux  cu¬ 
rés  de  Domme  dont  nous  avons  parlé,  Guillaume  de  Ma- 
leville  et  Jean  Gleyrac.  Viennent  ensuite,  dans  l’ordre  des 
prêtres  :  Etienne  Lacombe,  dont  nous  avons  dit  le  bien¬ 
fait  ;  Vergne,  curé  de  Domme,  décédé  le  14  avril  1838, 
et  Sépière,  vicaire  général.  Ges  deux  derniers  sont  consi¬ 
dérés  comme  restaurateurs  de  l’hôpital  ;  ils  en  firent 
agrandir  les  bâtiments  et  appelèrent  à  le  diriger  les  sœurs 
hospitalières  de  Sainte-Marthe,  qui  le  dirigent  encore. 
Nous  y  trouvons  enfin  le  nom  d’un  prêtre  trop  tôt  ravi  à 
l’affection  de  ses  paroissiens  et  de  ses  confrères,  M.  Antoine 
Lhonneur,  curé  de  Domme,  décédé  le  13  août  1866. 

Parmi  les  bienfaiteurs  laïques  de  l’hôpital  et  des  pau¬ 
vres  de  Domme,  nous  trouvons,  nul  n’en  sera  étonné, 
quatre  générations  de  la  même  famille,  la  famille  de 
Maleville.  Elle  a  compris  l’honneur  que  lui  a  transmis, 
comme  un  glorieux  héritage,  l’abbé  de  Maleville  en  gra¬ 
vant  son  nom  sur  la  pierre  fondamentale  de  l’édifice , 
et  chaque  génération  qui  est  venue  a  voulu,  en  recueil¬ 
lant  l’héritage,  le  payer  par  un  bienfait.  Il  nous  est 
agréable  de  redire  ici  les  noms  de  ces  bienfaiteurs  ;  les 
pauvres  de  Domme  nous  en  seront  reconnaissants. 

Première  génération.  —  Quelques  années  avant  1771, 
Guillaume  de  Maleville,  curé  de  Domme,  bâtit  la  maison 
qui  sert  d’hôpital. 


154  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.',  DU  PÉRIGORD. 

Deuxième  génération.  —  Le  lor  septembre  1787,  Jacques 
de  Maleville,  neveu'du  précédent,  confirme  les  volontés 
de  son  oncle  et  transmet  à  l’administration  de  l’hôpital  la 
maison  et  le  jardin  qui  lui  étaient  destinés. 

Troisième  génération.  —  1°  Le  15  mai  183.0,  Pierre- 
Joseph,  marquis  de  Maleville,  fils  du  précédent,  fait  ces¬ 
sion  à  l’hôpital  d’une  rente  perpétuelle  de  80  francs  au 
capital  de  2,000  francs,  due  par  les  héritiers  Delille,  et  de 
sa  maison  de  Domme  où  ses  père  et  mère  sont  décédés, 
ladite  maison  évaluée  2,400  fr.  —  2°  Le  11  février  1855, 
Marguerite  de  Maleville,  veuve  Bertrand  de  Limoges, 
sœur  du  précédent,  lègue  par  testament  aux  pauvres  de 
Domme,  1,300  fr.  —  3°  Le  30  novembre  1864,  Pauline  de 
Maleville,  veuve  Sarlat  de  la  Malartrie,  sœur  de  la  précé¬ 
dente,  donne  par  testament  la  somme  de  1,000  francs  à 
l’hôpital  de  Domme. 

Quatrième  génération.  —  Le  15  septembre  1879,  M.  le 
marquis  Guillaume- Jacques-Lucien  de  Maleville,  ancien 
pair  de  France,  ancien  député,  aujourd’hui  maire  de 
Domme  et  sénateur,  offre  à  la  commission  administra¬ 
tive  de  l’hospice,  qui  accepte,  la  somme  de  4,000  francs 
en  transmission  de  rentes  et  dons  particuliers. 

A  mesure  que  viendront  les  autres  générations  de  cette 
famille  si  bienfaisante,  l’héritage  d’honneur,  on  peut  s’y 
attendre,  sera  généreusement  payé. 

Ajoutons,  en  terminant  cette  notice,  que  M.  le  marquis 
de  Maleville  étant  maire  de  Domme,  M.  l’abbé  Delguel,  le 
si  digne  successeur  des  fondateurs  de  l’hôpital,  ne  pou¬ 
vait  ne  pas  faire  partie  des  deux  commissions  adminis¬ 
tratives  de  l’hospice  et  du  Bureau  de  bienfaisance.  Le 
conseil  municipal  de  Domme  a  le  sentiment  de  la  justice 
et  des  convenances. 


XIV 


Hospice  de  Brantôme. 

Il  nous  est  bien  agréable  de  trouver  ici,  comme  pour 
l’hôpital  général  de  Sarlat,  une  origine  épiscopale.  Elle 
nous  est  signalée  par  un  acte  du  3  février  1722,  reçu  par 
Devillard,  notaire  à  Brantôme. 

D’après  cet  acte,  Mme  Marie  de  Saint-Aulaire,  veuve  du 
vicomte  d’Aydie,  seigneur  de  Vaugoubert,  fait  donation 
d’une  métairie  et  d’une  maison  en  faveur  des  pauvres  de 
la  Miséricorde  de  Brantôme,  «  désirant,  dit-elle,  secon- 
»  der  les  pieux  desseins  de  Mgr  Pierre  Clément,  en  son 
»  vivant  évêque  de  Périgueux,  dans  l'établissement  qu'il 
»  a  fait  d’une  Miséricorde  en  la  ville  de  Brantôme.  » 

Le  même  acte  porte  que  la  généreuse  dame  fait  son  don 
«  voulant  contribuer  perpétuellement  à  la  nourriture  et 
subsistance  des  pauvres  qu’on  a  coûtume  d'y  recevoir  ou 
qu’on  y  recevra  dans  la  suite  des  temps,  ou  qui  sont  et 
seront  nourris  aux  dépens  de  cette  même  Miséricorde.  » 
Ces  termes  supposent  un  passé  qui  doit  remonter  jusqu’au 
fondateur. 

Mais,  si  nous  trouvons  dans  cet  acte  le  nom  du  fonda¬ 
teur,  nous  n’y  voyons  pas  la  date  de  la  fondation,  et  nous 


156 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


n’avons  aucun  document  qui  nous  permette  d’en  préciser 
le  jour  ni  l’année.  Nous  savons  seulement  que  l’évêque 
fondateur,  Pierre  Clément,  occupa  le  siège  de  Périgueux, 
du  24  février  1703  au  8  janvier  1719.  Il  confia  la  direction 
de  cette  Miséricorde  ou  hospice,  dans  lequel  on  recevait 
les  pauvres,  aux  Dames-de-la-Foi,  déjà  depuis  longtemps 
établies  dans  la  ville  de  Brantôme.  Elles  en  prirent  la 
direction  et  firent  soigner  les  pauvres  par  une  pieuse  fille 
à  laquelle  elles  allouaient  une  somme  de  soixante  livres. 

Il  est  probable  que  Mgr  Pierre  Clément  employa  à  la 
fondation  de  son  œuvre  un  don  considérable  qu’avait  fait 
«  pour  l’éducation  des  pauvres,  »  le  sieur  Etienne  Jous- 
sens,  habitant  de  Brantôme.  Son  testament,  du  26  janvier 
1693,  porte  qu’il  légua,  à  cette  fin  ,  une  métairie  située  à 
Puybartro.  L’emploi  de  ce  legs  appelait  une  fondation. 

Quoi  qu’il  en  soit,  la  fondation  de  cette  Miséricorde  ou 
hospice,  eut  les  sympathies  des  habitants  de  Brantôme,  à 
son  origine  et  dans  ses  développements,  à  toutes  les  épo¬ 
ques  de  son  existence.  Pour  le  prouver ,  nous  n’aurions 
qu’à  dérouler  la  longue  liste  des  bienfaiteurs  dont  la 
reconnaissance  a  religieusement  conservé  les  noms.  Nous 
en  citerons  quelques-uns  pour  le  besoin  de  cette  notice. 

Nous  avons  déjà  nommé  la  comtesse  d’Aydie,  Marie  de 
Sainte-Aulaire.  Par  l’acte  du  3  février  1722,  «  de  son  bon 
»  gré,  franche  et  libérale  volonté,  elle  donnait  et  délaissait 
»  à  titre  d’acensement  perpétuel  et  sous  le  devoir  annuel 
»  de  100  livres  de  rente  seconde ,  une  métairie  dans  son 
»  entier,  sise  et  située  au  village  et  appartenance  de  Tout- 
»  Blanc,  et  une  maison  sise  et  située  dans  la  ville  de  Bran- 
»  tôme,  »  et  annexée  à  celle  qu’avait  achetée  le  fondateur. 

Plus  bas,  l’acte  s’exprime  ainsi  au  sujet  de  cette  maison  : 
«  Et  d’autant  que  dans  ladite  ville  de  Brantôme,  il  n’y  a 
»  point  de  maison  affectée  [pour  le  logement  de  la  Sœur 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  157 

»  qui  doit  prendre  soin  des  pauvres ,  c’est  dans  l’objet  d’y 
»  pourvoir  que  ladite  dame  a  donné  comme  elle  donne 
»  par  ces  présentes,  à  titre  de  donation  entre  vifs  et  à 
»  jamais  irrévocable,  à  ceux  ou  à  celles  qu’il  plaira  au 
»  seigneur  évêque  de  Périgueux  de  nommer,  tant  pour  eux 
»  et  elles  que  pour  leurs  successeurs,  administrateurs  des 
»  biens  et  revenus  de  ladite  Miséricorde,  quepour  servir  de 
»  logement  aux  autres  économes  qui  leur  succéderont.  » 

A  la  date  du  l°r  juillet  1732 ,  nous  avons  en  faveur  de 
cet  hospice  un  testament  mystique  de  M.  de  Lacouture, 
médecin,  demeurant  à  Chassenat,  paroisse  de  Monsec. 
Nous  y  lisons  : 

«  Je  donne  et  lègue  à  MM.  Arnaud  et  Souffron,  prêtres 
»  et  missionnaires,  et  au  sieur  Mathurin  Laulanie,  avocat, 

»  habitant  de  la  ville  de  Brantôme,  toutes  les  rentes  cons- 
»  tituées  qui  me  sont  dues,  obligations  en  argent,  blé  et 
»  vin,  qui  pourront  se  trouver  m’appartenir  au  jour  de 
»  mon  décès,  pour  de  tout  en  disposer  pour  le  salut  de 
»  mon  âme  et  le  bien  des  pauvres  ,  en  leur  conscience, 
»  m’en  remettant  à  eux,  leur  ayant  déclaré  mes  intentions 
»  et  volonté  là-dessus  ;  et,  pour  qu’elle  soit  mieux  suivie, 
»  je  les  nomme  tous  trois  mes  exécuteurs  testamentaires 
»  et  les  prie  d’en  accepter  les  fonctions  et  les  droits.  » 

Le  testateur  institue  ensuite  pour  son  héritier  sa  sœur, 
Pétronille  de  Lacouture, ^veuve  de  M.  Jean  Baudin,  sieur 
de  Pauzet. 

Des  difficultés  ayant  surgi  entre  l’héritière  et  les  trois 
exécuteurs  testamentaires,  relativement  à  la  délivrance  du 
legs  fait  à  ces  derniers,  le  parlement  de  Bordeaux  rendit 
un  arrêt,  à  la  date  du  27  juin  1746,  par  lequel  il  fut  ordonné 
que  «  lesdits  sieurs  Arnaud,  Souffron  et  Laulanie,  déclare- 
»  raient,  dans  le  délai  de  quinzaine,  par  devant  le  sieur 
»  Desmanot,  conseiller  du  Roi,  délégué  à  cet  effet,  parties 


158  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  présentes  ou  dûment  appelées,  les  intentions  que  feu 
v  Jean  de  Lacouture,  docteur  en  médecine,  leur  a  confes- 
»  sées,  pour  que,  conformément  à  icelles,  ils  ayent  à  faire 
»  l’emploi  des  sommes  et  effets  à  eux  légués  par  son  tes- 
»  tament  du  1er  juillet  1732.» 

Conformément  aux  prescriptions  de  cet  arrêt,  et  les  17 
juillet,  29  novembre  1746  et  3  janvier  1747,  lesdits  sieurs 
Arnaud,  Laulanie  et  Souffron  firent  leurs  déclarations. 
Elles  portaient  : 

«  Les  intentions  que  feu  de  Lacouture  leur  a  confiées 
»  sont  que  les  effets  légués  par  son  testament  du  1er  juil- 
»  let  1732  leur  soient  remis  par  les  héritiers  ;  lesquels 
»  effets  doivent  être  employés,  pour  la  majeure  partie,  à 
»  l’établissement  et  au  soutien  d'une  maison  qui  fournira 
»  par  charité  des  bouillons  aux  pauvres  dans  la  ville  de 
»  Brantôme  ;  qu'ils  doivent  aussi  être  employés  à  établir 
»  et  soutenir  deux  écoles  chrétiennes  et  gratuites  pour  les 
»  pauvres  garçons  et  les  petites  filles  pauvres,  séparémënt 
»  l’une  de  l’autre,  dans  la  même  ville  de  Brantôme  ;  qu’il 
»  doit  être  distribué  manuellement  une  partie  du  restant 
»  desdits  effets  aux  pauvres  .des  paroisses  de  Monsec  et  de 
»  Léguillac-de-Cercles,  en  une  ou  plusieurs  distributions, 
»  au  choix  desdits  Arnaud.,  Souffron  et  Laulanie,  et  que 
»  le  restant  doit  être  employé  à  faire  dire  un  grand  nom- 
»  bre  de  messes,  pour  le  repos  de  l’âme  dudit  sieur  de 
»  Lacouture  et  des  siens.  » 

Ce  ne  fut  donc  qu 'après  le  3  janvier  1747,  c’est-à-dire 
quinze  ans  après  la  date  du  testament,  que  les  pauvres  de 
Brantôme  purent  jouir  des  générosités  de  M.  de  Lacou¬ 
ture,  et  qu’une  école  gratuite  pour  les  petites  filles  pauvres 
put  être  annexée  à  l’hospice.  La  part  qui  revint  à  l’hospice 
de  ces  générosités  fut  sans  doute  la  plus  belle,  car  le  nom 
du  charitable  médecin  figure  sur  la  liste  des  bienfaiteurs 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  159 

pour  un  don  de  29,081  francs.  Nous  verrons  bientôt  l’em¬ 
ploi  qui  en  fut  fait. 

Un  troisième  testament,  en  date  du  15  juin  1735,  nous 
signale  un  autre  don  considérable  fait  aux  pauvres  de  ce 
même  hospice.  C’est  le  testament  de  M.  Jean  Flament, 
bourgeois  de  la  ville  de  Brantôme.  Nous  y  lisons  la  clause 
suivante  : 

«  Je  donne  et  lègue  à  l’hôpital  de  la  Miséricorde  de  la 
»  Aille  de  Brantôme,  en  augmentation  de  fondation,  savoir: 
»  toutes  les  rentes  et  arrérages  d’icelles  que  je  possède  en 
»  pleine  propriété  en  quoi  qu’elles  puissent  consister, 
»  situées  dans  les  paroisses  de  Condat,  Eyvirat  et  ailleurs 
»  d’autres  paroisses  s’il  s'en  trouve,  ensemble  ma  maison 
»  que  j’habite  avec!  jardin  et  aisines;  et  aussi  leur  donne 
»  et  lègue  généralement  tous  mes  meubles  qui  sont  dans 
»  ma  dite  maison  ;  le  tout  franc  de  toutes  charges  généra- 
»  lement  quelconques,  pour,  par  le  directeur  dudit  hôpi- 
»  tal,  en  jouir  immédiatement  après  mon  décès,  et  leur 
»  revenu  être  employé  à  la  nourriture  et  entretien  des 
»  pauvres  qui  sont  placés  dans  ledit  hôpital.  »  Le  tout  fut 
évalué  à  la  somme  de  10,000  francs,  qui  figure  à  côté  de 
son  nom  sur  la  liste  des  bienfaiteurs. 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit ,  la  direction  de  la  Miséri¬ 
corde  ou  hospice  fut  confiée,  dès  le  principe,  par  Mgr  Pierre 
Clément,  aux  Dames  de  la  Foi.  Ces  religieuses  conservè¬ 
rent  cette  direction  jusqu’en  l'année  1730.  A  cette  époque, 
l’une  d’elles,  la  Sœur  Marie  Rambeau  ,  conseillée  par  un 
des  Pères  Bénédictins  de  l’abbaye  ,  et  autorisée  par 
Mgr  l’évêque  de  Périgueux,  renonça  à  sa  congrégation 
pour  se  faire  l’humble  servante  des  pauvres  de  la  Miséri¬ 
corde  et  fonder  une  communauté  indépendante  dont  les 
religieuses  prendraientle  nom  de  Sœurs  de  Charité.  Tou¬ 
tefois,  elle  resta  unie  jusqu’à  sa  mort  aux  Dames  de  la  Foi. 


160  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Les  commencements  de  son  administration  furent  des 
plus  laborieux.  La  maison,  qui  jusqu’à  ce  jour  avait  servi 
aux  pauvres  de  la  Miséricorde  et  devait  recevoir  les  nou¬ 
velles  religieuses,  était  insuffisante  et,  d’ailleurs,  elle  tom¬ 
bait  en  ruine.  Il  fallait  la  reconstruire  sur  de  nouvelles 
bases  et  sur  un  plan  qui  permît  d’y  loger  les  pauvres  et 
les  sœurs  de  la  nouvelle  communauté.  C’était  une  œuvre 
importante,  bien  digne  du  zèle  de  la  première  supérieure, 
Marie  Rambeau.  Elle  l’entreprit  et  mena  à  bonne  fin, 
autorisée  par  Mgr  l’évôque  de  Périgueux,  et  aidée  du  con¬ 
cours  efficace  de  l’administration  civile  de  l’hospice.  Les 
frais  furent  couverts,  partie  avec  les  fonds  que  M.  de  La- 
couture  avait  donnés  par  son  testament,  partie  avec  le 
produit  d’une  souscription  et  un  don  de  quatre  mille 
francs  fait  par  l’abbé  de  Brantôme.  Mme  de  Montozon, 
supérieure  des  Dames  de  la  Foi,  avait  donné  une  partie 
de  l’emplacement. 

L’œuvre  achevée,  la  sœurMarie  Rambeau  se  trouva  épui¬ 
sée  par  tant  de  travaux  et  comprit  qu’elle  ne  pouvait  plus 
suffire  seule  aux  besoins  des  malades,  considérablement 
augmentés  par  le  passage  des  troupes  du  Roi.  Elle  eut  re¬ 
cours  à  ses  anciennes  compagnes,  les  Dames  de  la  Foi,  qui 
lui  donnèrent  pour  coadjutrice  Jeanne  Rambeau  sa  sœur. 

De  ces  deux  sœurs, Marie  étant  morte  peu  de  temps  après, 
Jeanne  lui  succéda,  élue  supérieure  par  la  commission 
administrative  de  l’hospice. Alors  les  Damés  de  la  Foi,  vou¬ 
lant  continuer  leur  bienveillance  envers  la  nouvelle  com¬ 
munauté,  encore  à  son  berceau,  envoyèrent,  pour  rem¬ 
placer  Marie  Rambeau,  la  sœur  Géfard,  qui  ne  tarda  pas 
à  être  supérieure  et  de  l’hospice  et  de  la  communauté.  Elle 
fut  le  dernier  sujet  que  le  couvent  des  Dames  de  la  Foi 
donna  au  couvent  des  Sœurs  de  Charité. 

La  nouvelle  supérieure,  la  mère  Géfard,  se  préoccupa 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  161 

avant  tout  de  procurer  à  sa  communauté  le  moyen  de  se 
suffire  à  elle-même  ;  elle  ouvrit  un  noviciat  pour  les  jeunes 
personnes  désireuses  de  consacrer  leur  vie  à  Dieu  et  au 
service  des  pauvres.  Les  sœurs  Projet  et  de  Croisant  y 
furent  les  premières  reçues,  et  les  premières  y  prononcè¬ 
rent  les  vœux  de  chasteté  et  de  stabilité  au  service  des 
pauvres. 

Quoique  constituées  en  communauté  et  formant  une 
maison-mère,  les  Sœurs  de  Charité  de  Brantôme  restèrent 
sans  règle  spéciale  jusqu’en  1784.  Par  une  ordonnance  du 
1er juillet  de  cette  année,  Mgr  de  Flamarens,  alors  évêque 
de  Périgueux,  approuva  les  statuts  et  règlements  qu'elles 
lui  présentèrent,  et  qui,  dès  ce  moment, devinrent  obliga¬ 
toires.  Ce  fut  aussi  ce  prélat  qui  les  autorisa  à  avoir  une 
chapelle  et  leur  donna  les  fonds  nécessaires  pour  la  bâtir. 

A  l’époque  de  la  grande  Révolution,  nos  chères  Sœurs 
furent  soumises  à  de  bien  rudes  épreuves  ;  elles  les  sup¬ 
portèrent  avec  le  courage  que  donnent  toujours  la  foi  et 
l’amour  du  devoir,  porté  jusqu’au  sacrifice  de  soi-même. 
La  mère  Géfard  fut  mise  en  réclusion  et  les  vexations 
de  tous  genres  ne  lui  furent  pas  épargnées.  Les 
deux  sœurs  Projet  et  de  Croisant,  qui  furent  successi¬ 
vement  supérieures,  voulurent  rester  à  leur  poste  pendant 
tout  le  temps  de  la  tourmente  révolutionnaire,  alors 
qu’elles  ne  le  pouvaient  qu’au  péril  même  de  leur  vie.  On 
ne  saurait  dire  les  mille  vexations,  les  cruelles  épreuves, 
les  humiliations  les  plus  pénibles  qu’elles  eurent  à  subir 
de  la  part  des  révolutionnaires.  Tout  fut  mis  en  œuvre 
pour  les  forcer  à  abandonner  le  pieux  asile  de  la  charité. 
Elles  résistèrent  courageusement  à  tout.  Souvent  elles 
furent  obligées  d’aller  tendre  la  main  pour  pourvoir  à 
leurs  besoins  et  à  ceux  de  leurs  pauvres  malades  ;  mais, 
malgré  les  privations  imposées  par  la  plus  extrême  misère, 

11 


162 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


elles  restèrent  fidèles  à  leur  poste  ;  il  leur  était  doux  de 
souffrir,  pourvu  que  les  membres  souffrants  de  Jésus- 
Christ  fussent  soulagés. 

Il  leur  restait  à  subir  la  plus  cruelle  des  épreuves  ;  elles 
en  seraient  mortes  de  douleur,  si  Dieu  n’avait  voulu  con¬ 
server  ces  deux  fidèles  servantes  pour  d’autres  œuvres. 
Il  leur  fallut  voir  le  Saint-Ciboire  arraché  du  tabernacle 
par  des  mains  sacrilèges,  et  les  saintes  espèces  jetées  sur 
le  pavé  du  lieu  saint  et  foulées  aux  pieds  de  ces  impies 
scélérats.  L’immensité  de  leur  douleur  égala  l'énormité 
du  sacrilège...  Mais  tirons  le  rideau  sur  cette  scène 
odieuse  ;  un  tableau  des  plus  touchants  appelle  nos 
regards. 

Cette  petite  communauté,  si  intéressante  par  les  vertus 
héroïques  de  ses  membres,  avait  une  servante,  modèle  de 
fidélité  et  des  plus  vertueuses  ;  son  nom  était  Anna  Vi- 
roulaud.  Elle  ne  voulut  jamais  se  séparer  de  ses  chères 
maîtresses,  malgré  les  précieux  avantages  qu’elle  aurait 
pu  trouver  ailleurs.  Un  jour  qu’une  personne  haut  placée 
lui  disait  :  «  Mais,  enfin,  Anna,  vous  n’êtes  pas  liée  à 
»  l’hôpital  par  des  liens  indissolubles  ;  vos  privations,  vos 
»  souffrances,  me  navrent  le  cœur.  Quittez  vos  sœurs  ; 
»  venez  chez  moi,  je  vous  traiterai  non  pas  comme  ser- 
»  vante,  mais  comme  ma  fille.  —  Moi  !  dit-elle,  quitter 
»  nos  Sœurs  I  jamais,  non,  jamais  1  Avec  la  Grâce  de 
»  Dieu,  je  vivrai  de  leur  vie,  je  mourrai  de  leur  mort.  » 

Dieu  daigna  réaliser  ses  désirs  et  récompenser  sa  fidélité 
en  l’appelant  à  la  vie  religieuse.  Elle  mourut  sœur  con¬ 
verse  le  12  mars  1850,  regrettée  de  ses  compagnes 
qu’elle  avait  édifiées  par  ses  vertus  et  éclairées  de  ses  sa¬ 
ges  conseils,  douée  qu’elle  était  de  la  science  des  saints. 

Dès  que  l’orage  révolutionnaire  fut  dissipé  et  le  calme 
rétabli,  les  Sœurs  de  charité  commencèrent  à  se  recruter 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD,  163 

de  nouveau,  et  la  première  qui  fit  ses  vœux  fut  la  sœur 
Jourdes,  dont  le  souvenir  est  encore  précieux  aux  habi¬ 
tants  de  Brantôme.  Elle  fut  supérieure  de  la  communauté 
et  la  dirigea  avec  l’hospice  jusqu’en  1859. 

Nous  arrivons  à  l'époque  de  la  réunion  des  communautés 
diocésaines  en  une  seule  Congrégation.  Celle  de  Bran¬ 
tôme  se  composait  alors  de  cinq  religieuses  qui,  déjà 
depuis  longtemps,  avaient  manifesté  le  désir  de  s’agréger 
aux  Sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux  ;  aussi  virent- 
elles  avec  grande  satisfaction  qu’elles  allaient  faire  par¬ 
tie  de  la  Congrégation  générale.  La  sœur  Jourdes  resta 
supérieure  ;  mais,  ayant  donné  sa  démission  en  1859,  elle 
fut  remplacée  par  la  sœur  Latour,  qui  s’était  élevée  et 
formée  sous  sa  direction. 

Peu  de  jours  après,  une  des  Sœurs  étant  morte,  elles  se 
trouvèrent  réduites  à  quatre,  nombre  insuffisant  pour  les 
œuvres  qui  leur  incombaient  :  soigner  les  pauvres 
malades  de  l’hospice,  diriger  une  nombreuse  classe  gra¬ 
tuite,  distribuer  à  domicile  aux  pauvres  qui  ne  pouvaient 
être  reçus  à  l’hospice,  les  ressources  mises  à  leur  dispo¬ 
sition  par  le  Bureau  de  bienfaisance.  Une  cinquième 
Sœur  était  nécessaire.  Le  conseil  municipal  le  comprit, 
et  dans  sa  séance  du  4  août  1860,  il  exprima  le  vœu  qu’une 
Sœur  supplémentaire  fut  envoyée  ;  et,  considérant  que  les 
ressources  de  l’hospice  ne  lui  permettaient  pas  de  faire,  à 
ce  sujet,  les  dépenses  obligées,  il  vota  à  l’unanimité  une 
somme  de  cent  cinquante  francs  pour  les  frais  de  ves¬ 
tiaire  et  d’entretien  de  la  cinquième  Sœur. 

D'autre  part,  après  la  mort  de  Sœur  Jourdes,  ancienne 
supérieure,  la  commission  de  l’hospice,  par  délibération 
du  28  septembre  1862,  demanda  une  nouvelle  Sœur,  et 
lui  alloua  une  somme  de  cent  cinquante  francs.  La  Sœur 
fut  envoyée  le  17  octobre  suivant. 


164  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

Nous  avons  parlé  de  la  liste  des  bienfaiteurs  ;  nous  vou¬ 
drions  pouvoir  la  reproduire  ;  elle  couronnerait  digne¬ 
ment  cette  notice.  Sa  longueur  ne  nous  le  permet  pas  ; 
elle  contient  quarante-trois  noms.  Toutes  les  classes  y 
sont  honorablement  représentées.  On  voit  qu’à  Brantôme 
la  bienfaisance  est  en  honneur,  et  que  l’on  comprend  la 
valeur  du  verre  d’eau  donné  au  pauvre.  Cette  liste  forme 
sans  doute,  comme  à  Domme,  un  tableau  d’honneur, 
placé  à  l’endroit  le  plus  apparent  et  le  plus  visité  de  l’hos¬ 
pice.  Il  est  bon,  dans  l’intérêt  des  pauvres,  de  montrer  aux 
générations  à  venir  ce  qu’ont  fait  les  générations  passées. 

Nous  ne  pouvons,  néanmoins,  ne  pas  citer  le  dernier 
nom  que  nous  trouvons  sur  cette  liste  des  bienfaiteurs, 
celui  de  Mma  Catherine  Rigaudie,  née  Rougiéras.  Ce  n’a 
pas  été  assez  pour  cette  généreuse  bienfaitrice  de  léguer 
à  l’hospice  une  somme  de  2,000  francs,  elle  a  donné  de 
plus  la  majeure  partie  de  son  avoir,  c’est-à-dire  32,000  fr., 
pour  bâtir  une  salle  d’asile  avec  un  local  pour  une  école 
payante  qui  seront  annexées  à  l’hospice  et  dirigées  par 
les  mêmes  religieuses.  Elles  en  prendront  possession  à  la 
rentrée  prochaine  des  classes.  On  croit  pouvoir  avec  la 
même  somme  et  quelques  dons  particuliers,  relever  de 
ses  ruines  la  chapelle  de  Mgr  de  Flamarens,  qui  sépare  la 
salle  d’asile  de  l’hospice,  et  qui  reliera  les  deux  édifices 
bâtis  sur  le  même  plan. 

Et  de  tout  cela  nous  devons  tirer  la  conclusion,  un  peu 
étrange  sans  doute,  mais  qui  n’étonnera  personne,  que 
M.  Labrande,  le  digne  doyen  de  Brantôme,  ne  fait  point 
partie  de  la  nouvelle  commission  administrative  de  l’hos¬ 
pice.  Hâtons-nous  de  dire  que  le  zélé  doyen  a  pris  noble¬ 
ment  sa  revanche  en  créant  un  Bureau  de  charité,  admi¬ 
nistré  par  les  dames  de  la  ville  et  fonctionnant  sous  sa 
direction. 


XV 


Hospice  de  Thiviers. 


On  ne  peut  préciser  l’époque  de  la  fondation  de  l’hos¬ 
pice  de  Thiviers  ;  mais  un  document  authentique,  con¬ 
servé  dans  les  archives  de  la  mairie  de  cette  ville,  prouve 
qu’il  est  d’une  date  assez  ancienne. 

Il  est  dit  dans  ce  document  qu’en  1676  le  sieur  Pierre 
Noël,  juge,  rendit  compte  à  Mgr  l’évêque  de  Périgueux  de 
l’administration  de  l’hospice,  «  sous  la  réserve  des  droits 
dont  les  consuls  étaient  en  possession  de  se  faire  rendre 
ce  compte.  »  On  peut  conclure  de  cette  réserve  que  les 
consuls  avaient  droit  de  patronage  sur  cet  hospice  et  que, 
par  suite,  la  communauté  de  la  ville  l’aurait  elle-même 
fondé. 

Il  résulte  de  ce  même  document  que  cet  hospice  n’avait 
pas,  à  cette  époque,  de  biens  fonds,  et  ne  possédait  pour 
toute  ressource  que  le  produit  de  deux  rentes  ;  l’une,  dont 
le  chiffre  est  inconnu  ,  avait  été  fondée  par  le  sieur  Rey¬ 
nier,  archiprêtre  de  Chantérac,  l’autre,  de  quatre  cent 
cinquante-deux  livres  et  seize  sols,  faite  par  le  sieur  de 
Lamothe  de  Chassain.  A  ces  deux  rentes  venait  s’ajouter 
le  produit  des  quêtes  qui  se  faisaient,  les  dimanches 


16(3  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

à  la  messe,  à  la  suite  de  la  quête  pour  les  âmes  du  pur¬ 
gatoire. 

Il  paraît  que  plus  tard  des  dons  ou  des  legs  furent  faits 
à  cet  hospice,  et  que  la  Révolution  de  1793,  qui  détruisit 
probablement  tous  les  titres  et  documents  relatifs  à  ces 
dons  ou  legs,  respecta  sinon  la  totalité,  du  moins  une 
partie  des  immeubles  qui  lui  appartenaient. 

En  effet,  en  1822,  l’administration  de  l’hospice  vendit 
deux  domaines  qui  avaient  été  conservés,  l’un  situé  à 
Gurmont,  paroisse  de  Saint-Paul-Laroche ,  et  l’autre  à 
Bazat,  paroisse  de  Thiviers.  On  ne  peut  dire  par  qui  ces 
immeubles  avaient  été  donnés,  les  noms  des  bienfaiteurs 
n’ayant  pas  été  conservés  dans  les  archives,  et  la  tradition 
orale  étant  muette  à  ce  sujet. 

La  vente  de  ces  deux  domaines  et  de  quelques  lopins 
de  terre  détachés  produisit  un  capital  de  20,934  francs, 
.qui  fut  converti  en  rentes  sur  l’Etat  avec  quelques  réser- 
.  ves  que  ,1a  commission  possédait  ;  ce  qui  assura  à  l’hospice 
un  revenu  annuel  de  2,300  francs. 

L’hospice  de  Thiviers  était  dans  ces  conditions  admi¬ 
nistré  par  une  commission  dont  les  membres  étaient  nom¬ 
més  par  le  gouvernement,  lorsqu’en  1835,  les  Sœurs  de 
Sainte-Marthe  de  Périgueux  furent  appelées  à  le  diriger. 
Il  comptait  alors  un  petit  nombre  de  pauvres  et  de  mala¬ 
des,  assez  mal  soignés  par  des  personnes  peu  aptes  à  ce 
genre  de  travail,  et  l’emploi  des  ressources  dont  on  pou¬ 
vait  disposer  laissait  souvent  beaucoup  à  désirer. 

La  commission,  justement  persuadée  qu’avec  des  reli¬ 
gieuses  les  secours  seraient  mieux  employés  et  les  mala¬ 
des  mieux  soignés,  s’adressa  à  la  congrégation  des  Sœurs 
de  Sainte-Marthe  de  Périgueux, qui  s’empressa  de  se  rendre 
aux  désirs  qui  lui  étaient  manifestés.  Trois  Sœurs  furent 
envoyées,  dont  deux  pour  le  service  des  pauvres  et  des 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  167 

malades,  et  la  troisième  pour  diriger  une  classe  gratuite 
en  faveur  des  petites  filles  indigentes.  Quelques  années 
après,  le  nombre  des  pauvres  et  des  malades,  considéra¬ 
blement  augmenté ,  nécessita  l’envoi  d’une  quatrième 
Sœur. 

Les  Sœurs  de  Sainte-Marthe  prirent  la  direction  de 
l’hospice  de  Thiviers  sans  passer  aucun  traité  avec  l’admi¬ 
nistration,  et  sans  autre  condition  que  de  trouver  dans 
1  établissement  la  nourriture,  le  chauffage,  le  blanchissage 
et  l’éclairage,  étant  d’usage,  à  cette  époque,  que  chaque 
Sœur  fît  les  frais  de  son  entretien  et  de  son  vestiaire. 
Aujourd’hui,  ces  dépenses  personnelles,  sont  à  la  charge 
de  l’hospice. 

La  maison  occupée  en  premier  lieu  par  les  religieuses 
ne  pouvait  plus  suffire  à  leur  logement  et  à  celui  des 
pauvres  ;  elle  était  loin,  d’ailleurs,  d’offrir  les  conditions 
désirables  de  salubrité.  Il  y  fut  remédié  en  1862  par  l’ac¬ 
quisition  d’un  local  plus  spacieux,  mieux  aéré ,  et  assorti 
d’un  vaste  jardin.  Il  y  a  place  pour  les  religieuses,  pour 
les  malades  et  pour  une  classe  gratuite  ;  on  pourrait 
même  y  avoir  un  pensionnat. 

La  commission  administrative  et  l’administration  muni¬ 
cipale  ont  tenu  à  perfectionner  l’œuvre  de  bienfaisance  ; 
depuis  1860,  une  salle  d’asile  est  annexée  à  l’hôpital,  sous 
la  direction  des  mêmes  religieuses. 

Tel  est  l’hospice  de  Thiviers.  Si,  comme  nous  l’avons 
dit  au  commencement  de  cette  notice,  nous  ne  pouvons 
préciser  l’époque  de  sa  fondation  ni  citer  le  nom  du  fon¬ 
dateur,  nous-  pouvons  affirmer,  et  cela  suffit  pour  notre 
thèse,  que  cette  fondation  fut  l’œuvre  de  la  charité  chré¬ 
tienne. 


XVI 


Hospice  du  Bugue. 


Cet  hospice  doit  sa  fondation  àla  générosité  d’un  habi¬ 
tant  du  Bugue,  M.  Mathieu  Souffron-Lameyrolie,  qui 
mourut  vers  l’an  1825.  Par  son  testament,  il  légua  aux 
pauvres  de  la  ville  du  Bugue  la  maison  qu’il  habitait  avec 
l’enclos  et  le  jardin  attenants,  plus  une  métairie  qui  était 
affermée  350  francs.  Mais  ce  legs  ne  put  avoir  son  effet 
qu’après  la  mort  d^un  frère  auquel  le  testateur  avait  légué 
l’usufruit. 

Ce  frère  étant  mort  dans  les  premiers  jours  de  l’année 
1836,  le  bureau  de  bienfaisance,  qui  administrait  le  bien 
des  pauvres,  entra  immédiatement  en  jouissance  des 
immeubles  légués,  et  se  hâta  de  disposer  la  maison  pour 
en  faire  le  petit  hospice  qui  existe  aujourd’hui.  Il  voulut 
en  confier  la  direction  aux  sœurs  de  Sainte-Marthe  de 
Périgueux,  et,  sur  sa  demande ,  trois  religieuses  de  cette 
congrégation  y  furent  envoyées.  Leur  installation  eut  lieu 
le  1er  octobre  de  cette  même  année. 

Il  n’y  eut  d’abord  entre  la  commission  administrative  et 
la  congrégation  que  des  garanties  verbales  pour  les  con- 
-ditions  établies  et  les  engagements  contractés  de  part  et 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  169 

d’autre.  Mais,  en  1839,  M.  le  ministre  de  l’intérieur,  vou¬ 
lant  régulariser  la  position  de  tous  les  établissements  de 
bienfaisance  ,  envoya  à  chaque  administration  un  modèle 
de  traité  à  passer  avec  les  congrégations  religieuses.  Alors, 
les  conditions  qui  n’avaient  été  que  verbales  furent  rédi¬ 
gées  en  forme  de  traité,  à  la  date  du  24  septembre  1839  ; 
ce  traité,  approuvé  par  le  ministre  au  mois  de  juillet  1840, 
entr’autres  dispositions,  contient  les  suivantes  : 

«  Les  Sœurs  de  Sainte-Marthe  continueront,  au  nombre 
»  de  trois,  le  service  intérieur  de  l’hospice.  Une  des  trois 
»  sera  spécialement  chargée  de  l’éducation  morale  et 
»  religieuse  des  petites  filles  des  familles  pauvres  de  la 
»  commune. 

»  Les  Sœurs  recevront  pour  frais  d’entretien,  de  ves- 
»  tiaire,  de  nourriture  et  de  logement,  une  somme  de 
»  225  francs  par  année  pour  chacune  d’elles.  Elles  seront, 
»  en  outre,  meublées,  blanchies,  chauffées,  éclairées  et 
»  pourvues  de  gros  linge  aux  frais  de  l'établissement. 

»  Lorsque  l’âge  ou  les  infirmités  mettront  une  sœur  hors 
»  d’état  de  continuer  son  service,  elle  pourra  être  conser- 
»  vée  dans  l’hospice  et  y  être  nourrie,  éclairée,  chauffée 
»  blanchie  et  fournie  de  gros  linge,  pourvu  qu’elle  compte 
»  au  moins  dix  années  de  service  dans  l’établissement,  ou 
»  dans  d’autres  établissements  charitables  ;  mais  elle  ne 
»  pourra  recevoir  le  traitement  des  sœurs  en  activité.  Les 
»  Sœurs  infirmes  seront  remplacées  par  d’autres  hospita- 
»  lières,  aux  mêmes  conditions  que  les  premières.  » 

Gomme  on  le  voit,  le  but  de  la  fondation  de  l’hospice 
du  Bugue  était  de  recueillir  quelques  pauvres  malades,  de 
leur  faire  donner  temporairement  les  secours  nécessaires 
et  de  procurer  aux  jeunes  filles  de  la  classe  indigente  une 
instruction  morale  et  religieuse. 

Les  membres  du  bureau  de  bienfaisance,  persuadés  avec 


170  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

raison  qu’en  réunissant  ensemble  les  ressources  des  deux 
établissements,  le  bien  se  ferait  avec  plus  de  facilité  et 
d’efflcacité,  aussitôt  que  les  sœurs  eurent  pris  possession, 
confondirent  tous  les  revenus  et  leur  en  confièrent  l’admi¬ 
nistration,  sous  la  direction  de  la  commission  civile. 

Dans  le  principe,  les  revenus  réunis  de  l’hospice  et  du 
bureau  de  bienfaisance  ne  s’élevaient  qu’à  la  somme  de 
1,500  francs.  Il  est  vrai  que  la  métairie  léguée  par  M.  Souf- 
fron-Lameyrolie  n’était  affermée  que  350  francs.  Elle  fut 
vendue  un  peu  plus  tard  moyennant  la  somme  de  18,000 
francs,  et  le  produit  de  cette  vente  avec  quelques  dons 
généreux  faits  par  d’autres  personnes  élevèrent  le  chiffre 
des  ressources  dont  l’établissement  dispose  encore  à  la 
somme  de  3,000  francs. 

C’est  avec  ces  ressources  ,  sagement  distribuées  que  les 
Sœurs,  d’accord  avec  la  commission  administrative,  pour¬ 
voient  aux  besons  de  leurs  malades  et  infirmes,  et  donnent 
des  secours  à  un  grand  nombre  d’indigents  qui  ne  peu¬ 
vent  être  reçus  à  l’hospice. 

En  1865,  M.  le  curé  du  Bugue,  désirant  propager  le  bien 
que  faisaientles  religieuses  et  y  faire  participer  les  jeunes 
filles,  à  mesure  qu’elles  cessaient  de  fréquenter  la  classe 
gratuite,  fit  annexer  à  l’hospice  un  ouvroirpour  les  y 
recueillir  et  les  initier  aux  divers  travaux  de  leur  position. 
Dès  ce  moment,  une  quatrième  Sœur  devenait  nécessaire  ; 
elle  fut  envoyée  par  la  congrégation,  et  ieçue  aux  mêmes 
conditions  que  les  trois  premières. 

Nous  constatons  avec  plaisir  que  M.  Berger,  curé  actuel 
du  Bugue,  mieux  favorisé  que  beaucoup  de  ses  confrères, 
a  échappé  à  l’ostracisme  radical  ;  il  fait  partie  de  la  nou¬ 
velle  commission  administrative. 


XVII 


Hospice  Saint-Henri-de-Mareuil. 

La  ville  de  Mareuil  doit  la  fondation  de  son  hospice  à 
la  pieuse  libéralité  de  MmoZoé  Sybille  de  Goisson,  veuve 
de  M.  Jean -Henri  Gauthier,  demeurant  au  château  de 
Beauregard. 

En  1848,  par  acte  devant  notaire,  cette  généreuse  bien¬ 
faitrice,.  «  désirant  perpétuer  dans  le  souvenir  des  habi- 
»  tants  de  Mareuil  la  mémoire  de  l’homme  de  bien  dont 
»  elle  avait  tout  à  la  fois  et  la  douleur  et  l’honneur  d’être 
»  la  veuve,  et  jalouse  avant  tout  d’honorer  cette  mémoire 
»  si  chère  à  la  manière  dont  il  s’y  prenait  lui-même  pour 
»  honorer  chaque  jour  de  sa  vie,  »  fit  donation  entre  vifs 
et  irrévocable  à  la  commune  de  Mareuil,  d’une  maison 
située  dans  cette  ville,  avec  grange,  jardin,  cour  et  aisines, 
aux  charges  et  aux  conditions  suivantes  : 

1°  La  maison  formant  l’objet  de  cette  donation  sera 
affectée  à  l’établissement  d’un  hospice  pour  les  pauvres 
malades  de  la  commune  de  Mareuil,  et  d’une  salle  d'asile 
gratuite  pour  les  petits  enfants  pauvres  de  la  même  com¬ 
mune,  dont  les  mères  ont  besoin  d’aller,  hors  de  leur 
demeure,  chercher  la  nourriture  de  la  journée. 


172  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

2°  Deux  Sœurs  au  moins  de  la  communauté  de  Sainte  - 
Marthe,  établie  à  Périgueux,  seront  logées  dans  la  maison 
et  chargées  des  services  hospitaliers  qui  viennent  d’être 
indiqués.  Elles  porteront  également,  hors  de  l’hospice, 
aux  pauvres  et  particulièrement  aux  pauvres  malades,  les 
secours  dont  elles  auront  la  disposition  et  les  consolations 
qui  adoucissent  toujours  la  misère. 

3°  Ces  deux  Sœurs  seront  nommées  par  M8r  l’évêque  de 
Périgueux,  et  la  supérieure  prendra  le  nom  de  Sœur 
Saint-Henri. 

(Comme  on  le  verra,  ce  ne  fut  point  la  supérieure,  mais 
l’hospice  lui-même  qui  prit  le  nom  de  Saint-Henri.) 

La  donatrice  se  réservait,  sa  vie  durant,  la  jouissance 
de  la  partie  gauche  de  la  maison  et  la  moitié  du  jardin 
correspondant  à  cette  partie,  avec  le  droit  de  se  servir  des 
étables,  poulaillers,  grange  et  cave,  selon  ses  besoins,  le 
tout  aux  charges  imposées  aux  usufruitiers.  Le  surplus  de 
l’immeuble  devait  être  mis  à  la  disposition  de  la  com¬ 
mune  le  24  juin  1849. 

Une  autre  clause  portait  que  la  commune  de  Mareuil 
s’engagerait  à  fournir  les  fonds  nécessaires  pour  le  traite¬ 
ment  annuel  de  deux  Sœurs,  fixé  à  40Ç)  francs,  et  qu’elle 
ne  pourrait  entrer  en  possession  qu’autant  que  la  somme 
suffisante  au  paiement  de  la  première  annuité  aurait  été 
portée  au  budget  municipal,  et  que  l’hospice  aurait  reçu 
l’ameublement  nécessaire  au  logement  des  Sœurs  et  de 
la  salle  d’asile.  Il  était  cependant  stipulé  que  l’intérêt 
des  dons  qui  seraient  faits  à  l’hospice  viendraient  en 
déduction  de  la  somme  annuelle  à  la  charge  de  la  com¬ 
mune  jusqu’à  concurrence  de  200  francs  ;  de  manière  que 
la  commune  devait  toujours  payer  au  moins  200  francs. 

L’acte  de  donation  porte  encore  quelques  autres  clauses 
et  conditions  de  détails  qu’il  est  inutile  de  mentionner  ici. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  173 

Cettq,  donation  fut  acceptée  avec  toutes'  ses  conditions 
par  le  conseil  municipal,  ainsi  que  le  constate  une  déli¬ 
bération  du  27  septembre  1848.  Elle  mentionne  aussi  les 
services  que  les  bonnes  Sœurs  pourront  rendre  aux  pau¬ 
vres  et  infirmes  de  la  commune,  et  combien  la  salle  d’asile 
tranquillisera  les  mères  de  familles,  qui  pourront  sans 
crainte  aller  gagner  le  salaire  de  la  journée,  bien  certaines 
que  leurs  petits  [enfants  seront  bien  gardés  et  recevront 
des  principes  de  morale  et  de  religion,  au  lieu  de  vaga¬ 
bonder  et  sucer  les  principes  d’enfants  plus  âgés. 

Cette  délibération  se  termine  ainsi  :  «  Le  conseil  muni- 
»  cipal  est  heureux  de  s’associer  de  tout  cœur  à  la 
»  cause  principale  de  la  donation.  Il  y  reconnaît  l’âme 
»  bonne  et  charitable  de  la  donatrice,  et  il  remercie  avec 
»  une  profonde  reconnaissance  Mmo  Gauthier,  bienfaitrice 
»  de  Mareuil.  » 

Il  fallut  ensuite  l’autorisation  du  gouvernement  ;  elle 
ne  fut  accordée  que  deux  ans  plus  tard,  par  un  décret  du 
1er  mai  1851.  Survint  une  nouvelle  délibération  du  conseil 
municipal  qui  vota  les  fonds  promis  pour  le  traitement 
des  deux  Sœurs.  Il  était  dit  que  «  le  conseil  saluait  l’arri¬ 
vée  des  deux  bonnes  Sœurs,  qu’il  savait  tout  ce  qu’on 
pouvait  attendre  de  leurs  soins  intelligents,  et  qu’il  s’ef¬ 
forcerait  de  leur  prouver  par  tous  les  moyens  en  son 
pouvoir  sa  vive  gratitude.  » 

Cette  délibération  était  du  18  mai  1851,  et,  au  mois 
d’octobre  suivant,  deux  Sœurs  de  Sainte-Marthe,  prises 
de  la  maison  du  Touin,  à  Périgueux,  furent  envoyées  à 
Mareuil,  et  l’œuvre  fondée  par  Mm°  Gauthier  commença 
dans  la  maison  qu’elle  avait  donnée. 

En  mémoire  de  celui  que  la  fondatrice  avait  voulu  hono¬ 
rer,  l’hôpital  prit  le  nom  de  Saint-Henri. 

Cinq  ans  plus  tard,  au  mois  de  mars  1856,  la  commis 


174  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

sion  de  l’hospice,  reconnaissant  l’insuffisance  de  cette 
maison,  prit  une  délibération  ayant  pour  objet  d’inviter 
le  conseil  de  la  commune  à  faire  l’acquisition  d’une  vaste 
maison,  hôtel  magnifique,  situé  au  centre  de  la  ville, 
appartenant  à  M.  le  marquis  Marc  de  Pindray-d’Ambelle. 
Le  conseil  accepta  la  proposition,  et  l’hôtel  fut  acheté 
moyennant  la  somme  de  25,000  francs. 

En  faisant  à  ce  prix  cession  de  son  hôtel,  M.  le  marquis 
d’Ambelle  se  montra  aussi  charitable  pour  les  pauvres 
que  bienveillant  à  l’égard  de  la  ville,  et  continua  ainsi  la 
noble  et  bien  chrétienne  tradition  de  son  honorable 
famille,  qui  s’était  toujours  montrée  la  bienfaitrice  des 
malheureux  de  la  paroisse  et  des  environs. 

A  la  même  époque,  Mlla  Aglaé  Dereix  céda  une  maison, 
un  jardin  et  un  vaste  enclos  pour  être  annexés  à  l’hospice 
en  échange  de  l’ancienne  maison  donnée  par  Mm0  Gau¬ 
thier.  Les  immeubles  cédés  étaient  d’une  valeur  bien 
supérieure  à  ce  qu’elle  recevait  en  échange  :  mais  ici, 
comme  dans  toutes  ses  œuvres,  toujours  bonne,  géné¬ 
reuse  et  charitable,  M110  Dereix  n’exigea  aucune  soulte  de 
la  commune. 

Depuis  dix  ans,  cet  établissement,  dirigé  par  des  reli¬ 
gieuses  de  Sainte-Marthe,  a  pris  de  grandes  proportions. 
Et,  grâce  à  la  sage  et  bienveillante  administration  de  la 
commission,  à  la  générosité  d’un  anonyme,  aux  secours 
accordés  par  l’Etat  sur  la  demande  d’un  membre  de  la 
famille  Dereix,  grâce  aussi  à  l’activité  intelligente,  pleine 
de  zèle  et  de  dévouement  de  la  Mère  Supérieure,  et  aux 
encouragements  du  vénérable  curé  de  la  paroisse, 
M.  i’abbé  Delage,  l’hospice  se  trouve  aujourd’hui  doté 
d’une  belle  maison  d’école.  (L’ancienne  maison  de 
MUo  Dereix,  séparée  de  l’hospice  par  une  petite  cour.)  Là 
se  trouvent  une  classe  payante,  une  classe  gratuite  et  la 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  175 

salle  d'asile,  dirigée  par  les  mêmes  religieuses,  aidées 
d’une  sous-maîtresse  externe,  l’ancienne  maîtresse  d’école 
de  Mareuil. 

Par  un  décret  impérial  du  20  juin  1860,  l’hospice  de 
Mareuil  fut  érigé  en  hospice  cantonal,  ce  qui  nous  permet 
d’apprécier  son  importance.  Il  la  doit  à  la  générosité  de 
ses  bienfaiteurs.  Nous  trouvons  en  tête  de  la  liste  qui 
nous  en  a  été  donnée,  le  nom  de  Mme  Gauthier,  décédée 
le  7  décembre  1860.  Non  contente  d’avoir  fondé  l’hospice 
par  le  don  d’une  maison  bien  assortie  de  tout  et  d’un 
vaste  jardin,  elle  voulut  encore  en  mourant  lui  faire  un 
legs  de  20,000  francs  dont,  il  est  vrai,  l’hospice  ne  pourra 
jouir  qu’après  la  mort  de  la  personne  qui  en  a  l’usufruit. 
Viennent  ensuite  des  noms  bien  honorables  et  bien  chers 
aux  pauvres  de  Mareuil  :  —  M.  et  Ma“  Dureclus,  Mm0  et 
M110  Dereix,  M.  le  duc  du  Périgord,  Mm0  Grellière,  Mme  La- 
combe,  Mm0  et  M110  Boissat  de  la  Grave,  M.  le  comte  Phi¬ 
lippe  de  Pindray-d’Ambelle,  M.  et  Mme  Pichon,  et,  enfin, 
M.  l’abbé  Delage,  le  vénérable  curé-doyen  de  Mareuil,  qui 
figure  sur  cette  liste  pour  une  somme  de  8,824  francs.  — 
Il  devrait  y  avoir  dans  chaque  localité,  comme  à  Eymet, 
un  monument  d’honneur  sur  lequel  on  graverait  les  noms 
des  bienfaiteurs  des  pauvres,  à  mesure  qu'ils  se  révéle¬ 
raient. 

Mareuil  possède  aussi  un  bureau  de  bienfaisance,  doté 
de  beaux  revenus,  fonctionnant  à  la  satisfaction  de  tous, 
une  administration  intelligente  et  dévouée.  M.  le  doyen 
en  fait  partie,  et  c’est  par  un  malentendu  regretté  de  tous 
qu’il  ne  fait  point  partie  de  la  commission  de  l’hospice. 


XVIII 


Hospice  de  Saint- Aulaye. 

La  fondation  d’un  hospice  dans  la  petite  ville  de  Saint- 
Aulaye  ne  remonte  pas  à  une  époque  bien  ancienne.  Elle 
est  attribuée,  avec  raison,  à  Mme  veuve  Dubreuilh,  née 
Marguerite-Hortense  Chenard.  Par  son  testament  du 
15  avril  181^,  elle  léguait  à  sa  ville  natale  toute  sa  for¬ 
tune  consistant  en  immeubles  d’une  valeur  d’environ 
cinquante  mille  francs.  Gomme  condition  absolue  de  sa 
générosité,  elle  imposait  l’obligation  d’employèr  ce  legs  à 
la  fondation  d’un  hospice. 

Il  y  avait  bien  alors,  àSt-Aulaye,  un  bureau  de  bienfai¬ 
sance  qui  prenait  le  nom  d’hospice,  mais  il  n’en  avait  que 
le  nom  ;  aucun  local  n’existait  destiné  à  recevoir  les  pau¬ 
vres  malades.  Mme  Dubreuilh,  étant  morte  peu  de  temps 
après  la  date  de  son  testament,  ce  bureau  de  bienfaisance 
recueillit  son  héritage. 

Le  moment  parut  favorable  à  M.  l’abbé  Mirai,  alors  curé 
de  Saint- Aulaye,  aujourd’hui  archiprêtre  de  Sarlat,  de 
réaliser  le  projet  qu’il  avait  conçu,  d’avoir  des  religieuses 
pour  l’éducation  chrétienne  des  jeunes  filles  de  la  paroisse 
et  le  service  des  pauvres  malades.  Le  zélé  pasteur  üt  au- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  177 

près  de  la  commission  administrative  des  démarches  qui 
eurent  pour  résultat  de  provoquer  une  première  délibéra¬ 
tion  à  la  date  du  10  juin  1843.  Elle  fut  favorable  au  projet 
de  fondation  d’un  hospice  dirigé  par  des  religieuses,  et 
M.  le  maire  fut  chargé  de  se  procurer  un  local  et  de  l’ap¬ 
proprier  à  cette  destination.  On  pouvait  compter  sur  le  zèle 
intelligent  de  M.  Jouffrey,  alors  maire  de  Saint- Aulaye. 

Des  difficultés  surgirent  sur  le  choix  de  ce  premier  local  : 
elles  furent  levées ,  et  enfin  les  travaux  d’appropria¬ 
tion  purent  commencer  en  1847  ;  ils  furent  achevés 
en  1851.  Déjà,  M.  l’abbé  Mirai  avait  quitté  Saint- 
Aulaye  depuis  le  mois  de  juin  de  l’année  précédente, 
pour  aller  occuper  l’archiprêtré  de  Sarlat.  Il  ne  put 
voir  achevée  l’œuvre  objet  de  ses  constants  désirs  et  que 
son  zèle  avait  si  bien  préparée.  Il  avait  planté  ;  un  autre, 
bien  digne  de  lui  succéder,  vint  arroser  et  recueillir  les 
fruits  mûris  sous  le  regard  de  Dieu.  Et  toutefois,  nous 
n’appliquerons  pas  ici  à  notre  cher  archiprêtre  les  vers  si 
connus  :  Sic  vos  non  vobis,  etc.  ;  le  pasteur  qui  jette  dans 
sa  paroisse  la  semence  d’une  bonne  œuvre  en  recueille 
en  même  temps  les  mérites  devant  Dieu.  Pour  lui,  semer 
c’est  récolter. 

Les  travaux  d’appropriation  étant  achevés,  la  commis¬ 
sion  de  l’hospice  se  réunit  le  30  septembre  1851,  sous  la 
présidence  de  M.  Jouffrey.  On  sera  bien  aise  de  trouver 
ici  le  procès-verbal  de  la  délibération  qui  fut  prise  : 

•«  La  séance  ouverte,  M.  le  président  expose  que,  con- 
»  formément  à  la  délibération  du  10  juin  1843,  il  a  fait 
»  exécuter  dans  la  maison  destinée  à  l’hospice,  avec  les 
»  ressources  mises  à  sa  ^disposition,  les  travaux  d’appro- 
»  priation  indispensables  pour  recevoir  les  Sœurs  qui 
»  seront  chargées  de  diriger  ledit  hospice. 


12 


178 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Le  logement  étant  prêt  à  les  recevoir,  il  importe  de 
»  faire  choix  de  l’Ordre  religieux  auquel  on  s’adressera  et 
»  de  les  installer,  après  avoir  préalablement  traité  avec  cet 
»  Ordre  ; 

»  En  conséquence,  il  informe  la  commission  qu’il  s’est 
»  adressé  à  l’Ordre  de  la  Miséricorde  de  la  ville  de  Berge- 
»  rac  ;  que  cette  communauté  fournira  trois  Sœurs  dont 
»  deux  capables  de  donner  l’instruction  aux  jeunes  filles. 

»  Ces  trois  Sœurs  donneront  également  des  soins  aux 
«malades;  la  commission  leur  livrera  gratuitement  le 
»  logement  et  le  jardin  qui  en  dépend. 

»  La  propriété  appartenant  à  Fhospice  sera  administrée 
»  par  les  Sœurs  ;  elles  rendront  compte  des  produits  de 
»  cet  immeuble  au  receveur  de  Fhospice. 

»  Le  revenu  de  l’établissement  étant  peu  important,  et 
»  pour  ménager  aux  pauvres  les  secours  les  plus  consi- 
»  dérables  possibles,  les  Sœurs,  pour  faire  face  à  leur  en- 
»  tretien  et  aux  besoins  delà  vie,  épuiseront  d’abord  le 
»  produit  de  leur  école  ;  le  surplus  sera  prélevé  sur  le 
»  revenu  de  Fhospice. 

»  Elles  devront  toujours  tenir  compte  de  l’emploi  des 
»  ressources  de  l’établissement,  de  manière  que,  pour 
»  régulariser  la  comptabilité,  le  receveur  de  Fhospice 
»  puisse  l’établir  en  recettes  et  en  dépenses. 

>>  La  commission  ,  après  avoir  mûrement  discuté  le 
»  rapport  de  M.  le  président,  arrête  : 

»  M.  le  maire  est  autorisé  à  livrer  gratuitement  aux 
»  trois  Sœurs  de  la  Miséricorde  de  la  ville  de  Bergerac, 
»  qui  seront  désignées  par  la  supérieure  de  cet  Ordre,  la 
»  maison  et  ses  dépendances,  devant  servir  d’hospice  à 
»  Saint- Aulaye. 

»  Il  mettra  également  à  leur  disposition  le  mobilier  qui 
»  garnit  ladite  maison. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  179 

»  La  propriété  appartenant  audit  hospice  sera  gérée  et 
»  administrée  par  les  Sœurs. 

»  De  leur  côté,  les  Sœurs  tiendront  une  école  de  jeunes 
»  filles  dont  les  produits  viendront  en  aide  à  l’entretien  et 
»  aux  besoins  de  la  vie  des  Sœurs,  afin  de  ménager  aux 
»  pauvres  les  ressources  les  plus  considérables  possibles, 
»  sur  les  faibles  revenus  dont  l’établissement  peut  dis- 
»  poser. 

.  »  Elles  donneront  sur  les  revenus  disponibles  les  soins 
»  aux  malades  qui  seront  admis  à  l'hospice. 

»  Pour  la  régularité  de  la  comptabilité,  la  supérieure 
»  tiendra  exactement  un  compte  des  recettes  et  des  dé- 
»  penses  qui  seçont  ordonnancées  conformément  au  bud- 
»  get  dressé  chaque  année  par  la  commission  administra- 
»  tive  de  l’hospice.  » 

On  le  comprend,  ce  n’est  qu’avec  des  religieuses  déta¬ 
chées  par  état  des  biens  matériels,  et  vouées  par  devoir 
de  conscience  aux  œuvres  de  charité,  qu’on  peut  conclure 
un  traité  semblable.  Elles  stipulent  en  leur  faveur  unique¬ 
ment  V alimenta  et  le  quibus  tegamur  que  saint  Paul 
réclamait  pour  tout  ouvrier  évangélique. 

Chassez  les  religieuses  de  vos  hôpitaux,  remplacez-les. 
par  des  laïques  mercenaires  ;  outre  le  dévouement  qui 
leur  fera  toujours  défaut,  en  trouverez-vous  qui  se  con¬ 
tentent  de  la  nourriture  et  des  vêtements  ‘l 

En  vertu  de  la  délibération  que  nous  venons  de  rappor¬ 
ter,  trois  religieuses  de  la  Miséricorde  de  Bergerac  furent 
envoyées  à  Saint-Aulaye  et  prirent  possession  du  local 
qui  leur  avait  été  préparé  ;  elles  y  furent  installées  vers  la 
fin  du  mois  d’octobre  1851  et  commencèrent  leur  œuvre 
avec  tout  le  zèle  que  leur  inspiraient  la  charité  et  l’amour 
du  devoir. 

Mais  on  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que  le  local  était 


180 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


insalubre,  mal  placé  et  insuffisant.  La  commission  admi¬ 
nistrative,  persuadée  que  le  but  proposé  ne  serait  pas  at¬ 
teint,  si  elle  ne  prenait  pas  des  mesures  pour  se  procurer 
un  local  plus  convenable,  conçut  alors  le  projet  de  faire 
une  construction  sur  un  plan  approprié  aux  exigences 
d’une  communauté  religieuse  et  d’un  hospice.  Ce  qui  la 
décida  à  mettre  promptement  la  main  à  l’œuvre,  ce  fut 
une  somme  d’argent  relativement  considérable  que  lui 
légua  dans  ce  but  une  sœur  de  la  Miséricorde,  Virginie 
Chenard,  originaire  de  Saint-Aulaye,  parente  de  Margue- 
rite-Hortense  Chenard,  première  fondatrice  de  l’œuvre. 

D’un  autre  côté,  le  père  de  Virginie  Chenard  possédait  à 
»  l’entrée  de  la  ville  un  vaste  enclos  réunissant  toutes  les 
conditions  nécessaires  à  l’établissement  d’un  hospice.  Il  ac¬ 
cepta  facilement  la  proposition  qui  lui  fut  faite  de  céder  cet 
enclos  et  de  recevoir  en  échange  un  des  immeubles  légués 
par  Mm0  veuve  Dubreuilh.  C’est  sur  cet  enclos  que  fut  bâti 
le  joli  petit  édifice  qu’on  y  admire  aujourd’hui.  Les  cons¬ 
tructions,  commencées  en  1854  s’élevèrent  rapidement, 
et,  dès  le  mois  d’octobre  1858,  les  religieuses  qui,  parleur 
réunion  à  la  congrégation  générale  du  diocèse,  avaient 
pris  le  nom  de  sœurs  de  Sainte-Marthe,  purent  s'installer 
avec  leurs  classes  et  leurs  pauvres  dans  ce  nouvel  hos¬ 
pice. 

Ce  changement  de  local  et  les  améliorations  sérieuses 
qu’il  offrait  furent  pour  les  religieuses,  comme  pour  la 
commission  administrative,  une  occasion  de  changer  les 
clauses  et  les  conditions  du  traité  primitif.  La  commission 
proposa  aux  Sœurs  qui  acceptèrent,  de  leur  abandonner 
le  produit  des  classes  et  le  revenu  du  jardin  et  de  l’enclos 
sur  lequel  était  bâti  le  nouvel  hospice,  en  y  ajoutant  une 
somme  annuelle  de  750  francs  pour  couvrir  leurs  frais  de 
nourriture  et  d’entretien.  De  plus,  elle  proposa  de  payer 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  tfü  PÉRIGORD.  181 

soixante-quinze  centimes  par  jour  pour  chacun  des  mala¬ 
des  qui  seraient  admis  à  l’hospice. 

Les  Sœurs  se  trouvèrent  bien  de  ces  nouvelles  condi¬ 
tions  qui,  si  elles  ne  les  rendaient  pas  entièrement  indé¬ 
pendantes  de  la  commission,  les  affranchissaient  de  l’obli¬ 
gation  de  lui  rendre  compte  de  leur  gestion. 

Les  revenus  de  l’hospice  et  du  bureau  de  bienfaisance 
étant  confondus  et  gérés  par  une  même  administration, 
une  quatrième  sœur  fut  jugée  nécessaire  pour  visiter  les 
pauvres  malades  et  leur  porter  des  secours  à  domicile. 
Sur  la  demande  qui  en  fut  faite  par  M.  le  curé  et  le  prési¬ 
dent  de  la  commission,  cette  quatrième  sœur  fut  envoyée 
au  mois  d’avril  1864. 

Pour  bien  fixer  ses  devoirs  et  ses  attributions,  le  règle¬ 
ment  suivant  lui  fut  tracé  et  copie  en  fut  envoyée  à  M.  le 
curé  de  Saint- Aulaye. 

«  La  sœur  chargée  de  remplir  les  œuvres  de  miséricorde 
à  l’hospice  de  Saint-Aulaye  devra  se  conformer  aux  pres¬ 
criptions  suivantes  : 

1°  Elle  se  rappellera  que  sa  mission  doit  s’exercer  par- 
»  ticulièrement  à  l’égard  des  pauvres  et  qu’elle  ne  doit  ses 
»  soins  aux  riches  qu’accidentellement ,  c’est-à-dire  lors- 
»  que  les  convenances,  l’intérêt  de  l’hospice,  ou  le  bien 
»  spirituel  des  malades  l’exigeront. 

»  2°  Elle  ne  sera  obligée  que  de  visiter  les  malades  de 
»  la  paroisse,  et  non  ceux  des  paroisses  étrangères. 

»  3°  Elle  pourra  aller  seule  visiter  les  malades  de  la 
»  ville,  mais  toutes  les  fois  qu’elle  sera  obligée  d’aller  à 
»  la  campagne,  elle  devra  être  accompagnée  d’une  per- 
»  sonne  de  confiance. 

»  4»  Elle  n’ira  visiter  les  malades  la  nuit  que  dans  des 
»  cas  très-rares  et  très-urgents,  et  jamais  seule. 

»  5°  Lorsqu’elle  sera  appelée  dans  les  villages  éloignés 


182  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD. 

»  et  à  une  distance  où  elle  ne  pourrait  se  rendre  à  pied 
»  sans  s’exposer  à  compromettre  sa  santé  ,  on  lui  fournira 
»  des  moyens  de  transport.  » 

En  terminant  cette  notice,  constatons  l’origine  chré¬ 
tienne  de  l’hospice  de  Saint-Aulaye  ;  constatons  aussi  que 
deux  curés,  M.  l’abbé  Mirai  et  M.  l’abbé  Despouyade, 
celui-ci  décédé  le  5  mars  1879,  ont  concouru  de  tout  leur 
zèle  sacerdotal  à  sa  fondation  et  à  son  développement.  Il 
était  bien  juste  que  M.  l’abbé  Poumeau,  leur  digne  suc¬ 
cesseur,  fût  compris  dans  la  nouvelle  commission  admi¬ 
nistrative.  Il  doit  cette  faveur  à  la  justice  et  au  bon  sens 
du  conseil  municipal. 


XIX 


Hospice  et  Bureau  de  Bienfaisance  de  Saint- 
Astier. 

L'hospice  de  Saint-Astier  est  de  fondation  récente  ;  il 
n’a  même  pu  encore  fonctionner  dans  toutes  les  condi¬ 
tions  voulues.  Il  mérite  néanmoins  une  notice  spéciale, 
car  sa  fondation,  inspirée  par  le  zèle  sacerdotal,  est  Lien 
l’œuvre  de  la  charité  chrétienne.  Voici  les  diverses  phases 
par  lesquelles  il  a  passé. 

Jusqu’en  1862  il  n’existait  à  Saint-Astier  aucun  éta¬ 
blissement  hospitalier  pour  les  pauvres  et  les  malades  ; 
la  ville  était  même  privée  de  tout  établissement  religieux. 
A  cette  date,  M.  l’abbé  Lanoelle,  prêtre  aussi  distingué 
par  les  qualités  de  l’esprit  et  du  cœur  que  par  son  zèle 
pour  le  salut  des  âmes,  zèle  mis  à  l’épreuve  dans  les  mis¬ 
sions  du  diocèse,  était  depuis  peu  de  temps  curé  de  Saint- 
Astier.  Persuadé  qu’un  des  principaux  moyens  de  régéné¬ 
rer  sa  paroisse  était  de  faire  donner  aux  jeunes  filles  des 
principes  d’une  piété  éclairée  et  d’une  solide  vertu,  il  avait 
conçu,  dès  le  jour  de  son  installation ,  le  projet  de  fonder 
un  établissement  de  religieuses  vouées  particulièrement  à 
l’instruction.  Il  mit  d’abord  en  avant,  comme  plus  popu- 


184  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

laire,  le  projet  de  la  fondation  d’un  hospice.  Il  savait  que 
l’hospice  fondé  appellerait  naturellement  à  sa  direction 
des  religieuses,  et  que  celles-ci  auraient,  dès  leur  début, 
au  moins  une  classe  gratuite  pour  les  jeunes  filles  de  la 
classe  indigente.  C’était  déjà  avoir  réalisé  un  grand  bien. 

Ce  projet,  habilement  présenté  et  développé  ,  fut  goûté 
de  tous  ;  il  fut  hautement  approuvé  par  les  trois  plus 
riches  propriétaires  de  la  commune,  MM.  Sacreste,  Paul 
Dupont,  député,  mort  depuis  sénateur,  et  Lafont-Rapnouil, 
médecin,  qui  voulurent  bien  faire  les  premiers  frais  de  la 
fondation.  A  l’instigation  de  M.  le  curé,  ils  firent  l’acqui¬ 
sition  d’un  immeuble  comprenant  maison  et  enclos,  situé 
à  peu  de  distance  de  la  ville,  et  réunissant  toutes  les  con¬ 
ditions  qu’on  pouvait  désirer  pour  sa  destination.  Cet 
immeuble  appartenait  à  Mme  veuve  Fourgeaud  qui,  en  le 
cédant,  voulut  elle  aussi  favoriser  l’œuvre  projetée.  L’ac¬ 
quisition  fut  faite  aux  prix  de  15,000  francs,  soldés  10,000 
francs  par  M.  Sacreste,  4,000  francs  par  M.  Dupont  et  1,000 
par  M.  Rapnouil. 

Pour  donner  à  l’œuvre  un  caractère  communal  et  inté¬ 
resser  la  commune  à  la  compléter ,  les  acquéreurs  de 
l’immeuble  offrirent  de  le  lui  céder  à  titre  de  don  gracieux. 
La  délibération  du  conseil  municipal  qui  accepta  cette 
donation  est  du  27  octobre  1861  et  porte  en  substance  : 
«  La  propriété  de  Font-Peyrière  (depuis  appelée  du  cou- 
»  vent )  est  donnée  pour  servir  de  local  à  un  petit  hospice, 
»  dont  la  fondation  n’aura  lieu  qu’au  moyen  de  dons  ou 
»  souscriptions  volontaires,  et  pour  être  affectée,  dès  à 
»  présent,  à  une  école  gratuite  et  à  un  ouvroir  tenus  pardes 
»  religieuses  qui  pourvoiront  à  leurs  besoins ,  au  moyen 
»  des  revenus  de  l’immeuble  et  d’une  allocation  annuelle 
»  de  600 francs  que  s’imposera  la  commune  de  Saint-Astier, 
»  et  qui  seront  autorisées  à  tenir,  dans  le  môme  établisse- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  185 

»  ment  et  à  leur  profit,  une  école  payante  et  même  un 
»  pensionnat.  Le  vœu  des  donateurs  est  aussi  que  les 
»  religieuses  visitent,  à  domicile,  les  pauvres  malades. 

»  Le  conseil  municipal ,  reconnaissant  l’importance  de 
»  l’œuvre  faite  par  MM.  Sacreste,  Dupont  et  Rapnouil, 
»  non-seulement  en  ce  qui  concerne  l’hospice  qu’ils  ont 
»  l’intention  de  voir  créer,  mais  encore  pour  l’avantage 
»  immédiat  que  les  familles  pauvres  de  la  commune  reti- 
»  reront  de  l’école  gratuite,  de  l’ouvroir  et  des  soins  que 
»  les  religieuses  donneront  aux  malades  ; 

»  Considérant  que  l’allocation  annuelle  de  600  francs 
»  demandée  pour  soutenir  l’établissement  n’est  pas  une 
»  charge  exagérée,  puisqu’elle  est  inférieure  au  revenu 
»  de  la  propriété  donnée ,  et  que  la  commune  ne  s’oblige 
»  à  aucun  autre  sacrifice  relativement  à  l’hospice  et  à  la 
»  classe  payante.,  est  d’avis  d’accepter  la  donation  propo- 
»  sée  et  en  exprime  sa  reconnaissance  aux  donateurs.  » 

Les  fondateurs,  persuadés  que  leur  donation  ne  ren¬ 
contrerait  aucune  difficulté  auprès  de  l’autorité  supé¬ 
rieure,  exprimèrent  le  désir  que  l’œuvre  commençât  dans 
le  plus  bref  délai.  M.  le  curé  s’empressa  donc  d’ouvrir 
une  souscription  qui  produisit  immédiatement  la  somme 
nécessaire  pour  approprier  le  local,  le  pourvoir  d’un 
mobilier  convenable ,  et  assurer  aux  religieuses  le  traite¬ 
ment  de  600  francs ,  jusqu’à  ce  que  la  commune  pût  le 
donner  comme  elle  s’y  était  engagée. 

On  s’adressa  aux  sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux 
pour  leur  confier  la  direction  de  l’œuvre  dont  on  venait 
de  jeter  les  fondements.  Deux  religieuses  et  une  sœur 
converse  furent  envoyées  et  installées  le  8  décembre  1862. 
Elles  ouvrirent  immédiatement  une  classe  gratuite  et  un 
ouvroir,  selon  les  désirs  des  fondateurs. 

•  Deux  ans  après,  le  7  juillet  1864,  M.  Sacreste,  voulant 


LES  ORI&INES  CHRÉTIENNES 


hâter  le  fonctionnement  de  l’hospice,  ajouta  à  son  premier 
don  une  somme  de  20,000  francs.  Les  conditions  de  cette 
seconde  donation  furent  formulées  par  lui  :  «  Il  sera 
»  formé  dans  le  corps  du  bâtiment  principal  dépendant 
»  de  la  propriété  dite  du  couvent  ou  Font-Peyrière,  com- 
»  mune  de  Saint-Astier,  un  hospice  composé  de  deux 
»  salles,  l’une  pour  les  hommes,  l’autre  pour  les  femmes, 
»  et  dont  le  service  sera  confié  aux  religieuses  de  l’ordre 
»  de  Sainte-Marthe  établies  dans  ce  local,  où  elles  tien- 
»  nent  un  ouvroir  et  une  classe  payante,  et  qui  devront 
»  subsister  et  fonctionner  concurremment  avec  l’hospice 
»  et  à  son  profit,  ainsi  qu’il  a  été  stipule  dans  l’acte  de 
»  donation  des  19  et  23  juin  1862.  » 

Le  conseil  municipal,  par  l’organe  de  M.  Ulysse  Dubet, 
alors  maire  de  Saint-Astier,  accepta  la  nouvelle  donation, 
mais  avec  les  réserves  suivantes  :  1°  Que  l’hospice  à 
fonder  ne  serait  pas  exclusivement  confié  aux  sœurs  de 
Sainte-Marthe,  mais  pourrait  l’être  aux  religieuses  d’un 
autre  ordre  ;  2°  Que  la  tenue  d’une  école  payante  et 
même  d’un  pensionnat  ne  serait  pas  rigoureusement  obli¬ 
gatoire,  mais  facultative  ;  3°  Que  la  commune  de  Saint- 
Astier  resterait  entièrement  en  dehors  de  toute  dépense, 
si  les  frais  d’appropriation  dépassaient  la  quotité  de  la 
somme  donnée. 

La  donation  fut  maintenue  avec  les  clauses  et  réserves 
posées  par  le  conseil  municipal,  et  l’on  se  mît  à  l’œuvre 
pour  approprier  le  local.  Les  dépenses  faites  pour  réaliser 
les  intentions  du  généreux  bienfaiteur  absorbèrent  une 
partie  notable  de  la  somme  donnée.  Il  restait  néanmoins 
encore  un  revenu  qui  dépassait  500  francs. 

Les  bienfaiteurs  ne  manquaient  pas  à  l’établissement 
naissant  de  Saint-Astier;  ils  rivalisaient  de  zèle  et  de 
générosité.  Au  nom  des  trois  premiers  fondateurs,  vint 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  187 

s’ajouter  le  nom  de  Mm0  Eugénie  Bouclier,  fille  de  M.  Paul 
Dupont  et  belle-mère  de  M.  Maréchal,  député.  Avec  l’au¬ 
torisation  de  la  commission  de  l’hospice,  elle  fit  élever 
dans  l'enclos  du  couvent  une  salle  d’asile,  et  l’offrit  au 
conseil  municipal  qui  l’accepta  comme  établissement 
communal  et  s’engagea,  conformément  au  règlement  des 
salles  d’asiles,  à  faire  sur  ses  propres  fonds  un  traitement 
de  300  francs  à  la  sœur  qui  serait  chargée  de  sa  direction. 

Dans  la  première  donation,  comme  nous  l’avons  vu,  il 
était  dit  que,  pour  compléter  ce  qui  manquait  à  l’entre¬ 
tien  des  Sœurs,  elles  auraient  le  droit  de  jouir  des  reve¬ 
nus  de  l’immeuble,  et  de  fonder  une  classe  payante  dont 
elles  consacreraient  le  produit  à  leurs  besoins  et  à  ceux 
de  l’hospice.  Cette  classe  payante  fonctionna,  en  effet, 
pendant  quelque  temps  dans  de  bonnes  conditions  de 
succès,  et,  selon  les  prévisions  des  bienfaiteurs,  elle  deve¬ 
nait  une  ressource  réelle  pour  l’avenir  de  l’œuvre.  Mais, 
par  le  fait  de  circonstances  imprévues,  auxquelles  les  reli¬ 
gieuses  étaient  entièrement  étrangères,  cette  classe  ayant 
cessé  d’être  payante,  les  ressources  cessèrent  du  même 
coup.  Pour  y  suppléer,  la  commission  de  l’hospice  ajouta 
au  traitement  de  chacune  des  trois  sœurs  une  allocation 
de  cent  francs,  et  l’on  donna  cent  francs  à  la  servante  de 
l’asile.  Ce  qui  restait  après  cela  des  revenus  de  l’hospice 
ne  permettait  pas  d’admettre  à  demeure  des  malades  ou 
vieillards  pauvres.  Néanmoins,  en  y  joignant  les  ressour¬ 
ces  provenant  des  dons  particuliers  faits  de  temps  en 
temps,  on  a  pu  jusqu’ici  entretenir  dans  l’établissement 
une  petite  pharmacie  gratuite,  et  admettre  pendant  quel¬ 
ques  jours,  selon  l’occasion  et  dans  les  besoins  pressants, 
quelques  pauvres  malades.  Mais  à  partir  du  1er  janvier 
1881,  l’hospice  réalisera  définitivement  la  pensée  première 
de  ses  fondateurs,  grâce  à  la  générosité  de  Mme  Bouclier, 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


dont  il  a  été  parlé  plus  haut.  Cette  charitable  dame  vient 
de  faire  don  à  l’hospice  d’une  rente  au  capital  de 
20,000  francs,  exclusivement  destinée  aux  besoins  des 
malades  ou  infirmes  recueillis  dans  l’établissement.  Cette 
rente  doit  être  servie  par  elle  ou  ses  héritiers,  annuelle¬ 
ment,  tant  que  la  direction  de  l’hospice  restera  confiée  à 
des  religieuses.  Elle  cesserait  du  jour  où  l’arbitraire  admi¬ 
nistratif  la  ferait  passer  en  d’autres  mains.  Telle  est  la 
condition  formellement  stipulée  ;  nous  n’avons  pas  besoin 
de  la  commenter.  , 

Nous  savons  que  quelques  autres  legs  testamentaires 
d’une  certaine  importance,  sur  lesquels  l’hospice  peut 
compter,  subordonnés  seulement  à  des  formalités  secon¬ 
daires,  sont  annoncés  comme  devant  bientôt  s’ajouter  à 
ce  fonds  de  charité,  qui  s’accroîtra  d’autant  plus  qu’on 
en  verra  mieux,  chaque  jour,  les  heureux  résultats. 

L’hospice  de  Saint-Astier  est  donc  désormais  bien 
fondé,  et  son  avenir  est  assuré.  La  mémoire  de  ses  fon¬ 
dateurs  ne  périra  pas  dans  le  cœur  des  pauvres. 

Bureau  de  Bienfaisance.  —  Nous  dirons  ici  quelques 
mots  du  bureau  de  bienfaisance  de  Saint-Astier,  bien  plus 
ancien  que  l’hospice.  Son  origine  remonte  peut-être  à 
l’édit  royal  de  1642  instituant  les  Bureaux  des  pauvres  \ 
mais  nous  ne  pouvons  bien  constater  son  existence  qu’un 
siècle  plus  tard,  en  1777.  Une  pièce  authentique  conservée 
aux  archives  de  la  mairie  de  Saint-Astier,  et  sauvée  du 
naufrage  de  la  Révolution,  en  date  du  19  mars  1777,  nous 
montre  ce  bureau  existant  et  fonctionnant.  Il  s’agit  d’une 
convocation  officielle  de  ses  membres,  parmi  lesquels 
nous  trouvons  nominativement  désignés  :  «  Guillaume 
Dubois,  prêtre,  chanoine  et  syndic  du  chapitre  collégial 
de  la  ville  de  Saint-Astier,  agissant  au  nom  du  chapitre, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  189 

et  messirç  Boissat,  prêtre,  curé-vicaire  perpétuel  de  la 
même  paroisse.  » 

Le  bureau  de  bienfaisance  disparut  dans  la  tourmente 
révolutionnaire  ;  il  fut  rétabli  par  un  arrêté  préfectoral  du 
11  germinal  an  IX,  conservé  aussi  aux  archives  de  la  mai¬ 
rie.  Mais  les  institutions  de  ce  genre  ont  besoin,  pour 
vivre  et  se  développer ,  de  s’appuyer  sur  le  principe  et  le 
dévouement  chrétiens.  Aussi,  la  Révolution  qui  avait 
détruit  le  premier  bureau,  fut-elle  impuissante  à  donner 
au  second  une  existence  prolongée.  Nous  trouvons,  en 
effet,  une  preuve  de  sa  vie  éphémère  dans  une  lettre  de 
M.  le  préfet  de  la  Dordogne,  en  date  du  2  mars  1882, 
annonçant  au  maire  de  Saint-Astier  que,  «  l’intérêt  des 
»  pauvres  exigeant  l’établissement  d’un  bureau  de  bien- 
»  faisance,  il  en  décrète  la  création  et  nomme  cinq  des 
»  membres  qui  en  feront  partie.  »  En  tête  des  élus  de 
M.  le  préfet,  nous  trouvons  le  nom  de  M.  Lafaye-Dutard, 
curé  de  Saint-Astier.  M.  l’abbé  Lanoelle,  qui  lui  succéda, 
eut  le  même  privilège  ;  M.  l’abbé  Magnères,  curé  actuel, 
l’a  conservé  jusqu'en  1879  ;  il  en  a  été  exclu  sans  motif 
exprimé  par  suite  de  la  nouvelle  loi,  quoiqu’il  ait  été  con¬ 
servé  dans  la  commission  administrative  de  l’hospice.  * 
Les  revenus  du  bureau  de  bienfaisance  s’élèvent  à  envi¬ 
ron  750  francs,  qui  sont  distribués  aux  pauvres  par  les 
membres  de  la  commission.  Il  y  a  cependant  des  religieu¬ 
ses  à  l’hospice,  qui  visitent,  à  domicile,  les  malades  et  les 
pauvres,  et  leur  distribuent  les  secours  que  la  charité 
privée,  dans  sa  pleine  confiance  en  leur  dévouement,  ne 
manque  pas  de  leur  confier.  Pourquoi  ne  pas  leur  confier 
aussi  la  distribution  des  ressources  du  bureau  de  bienfai¬ 
sance?  Rappelons  ce  que  nous  avons  dit  dans  notre  Intro¬ 
duction  en  citant  le  rapport  de  M.  le  baron  de  Wattelle  : 

«  Les  religieuses  seules,  dit-il ,  remplissent  réellement  le 


190  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

»  devoir  de  visiter  les  pauvres.  Les  laïques  ne  peuvent 
»  accomplir  ce  devoir  en  tout  temps  et  en  toutes  circons- 
»  tances.  Leur  présence,  d’ailleurs,  n’apporte  pas  au  même 
»  degré,  chez  l’indigent,  ces  consolations  morales  qui 
»  accompagnent  toujours  la  religieuse.  Les  seuls  bureaux 
»  de  bienfaisance,  dont  les  secours  soient  vraiment  effica- 
»  ces,  sont  ceux  où  ces  dignes  femmes  les  distribuent 
»  elles-mêmes.  Dans  l’intérêt  du  pauvre,  dans  celui  d’une 
»  bonne  administration,  il  faudrait  en  instituer  partout  où 
»  le  montant  des  ressources  permet  de  subvenir  à  leurs 


Hospice  de  Bourdeilles. 


La  date  de  la  fondation  d’un  hospice  dans  la  petite  ville 
de  Bourdeilles  ne  peut  être  précisée  :  mais  des  documents 
authentiques  nous  signalent  son  existence  dès  avant  1695. 
A  cette  date,  il  recevait  une  rente  d’une  livre  cinq  sols, 
constituée  devant  Ghabert ,  notaire  royal ,  par  Claude 
Decoust. 

La  fondation  de  cet  hospice  fut  l’œuvre  de  la  bienfai¬ 
sance  des  seigneurs  de  Bourdeilles,  dans  le  but  d’y 
recueillir  les  pauvres  de  la  Seigneurie.  Une  vaste  maison 
et  un  enclos,  d’une  contenance  de  vingt-cinq  ares,  y  furent 
consacrés.  Ces  immeubles  existent  encore,  et  l’on  peut  se 
convaincre  que  rien  n’avait  été  négligé  pour  assurer  le 
bien-être  des  pauvres  et  des  malades. 

Dès  l’origine,  la  direction  de  l’établissement  et  le  soin 
des  pauvres  malades  furent  confiés ,  sous  l’autorité  d’un 
syndic,  à  des  personnes  dignes  de  la  confiance  des  fonda¬ 
teurs,  mais  laïques.  Ce  ne  fut  qu’en  l’année  1774  que  le 
marquis  de  Bertin,  propriétaire  de  la  Seigneurie  de  Bour¬ 
deilles,  voulant  remplir  les  engagements  que  lui  imposait 
son  titre  de  patron  de  l’hospice,  appela  à  le  diriger  «  trois 


192 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Filles  de  la  Sagesse,  ou  Sœurs  grises.  »  Ces  religieuses 
intelligentes  et  zélées  en  conservèrent  la  direction  jus¬ 
qu’en  1793.  L’orage  révolutionnaire  les  dispersa. 

Cependant  l’hospice  s’était  enrichi  des  offrandes  de  la 
charité  chrétienne  ;  outre  la  dotation  que  les  fondateurs 
lui  avaient  faite,  et  dont  la  terre  de  Bourdeilles  était  res¬ 
ponsable,  il  avait  reçu  plusieurs  rentes  de  diverses  per¬ 
sonnes,  dont  témoignent  les  anciens  registres.  Nous  les 
enregistrons  ici  pour  conserver  les  noms  des  bienfaiteurs. 
On  s’instruit  toujours  en  interrogeant  les  anciens. 

1°  1695.  Chabert,  notaire  royal,  rente  d’une  livre  cinq 
sols,  constituée  par  Claude  Decoust.— 2°  Du  17  août  1726, 
Charboney,  notaire  royal,  rente  de  vingt-cinq  livres  un 
sol  neuf  deniers,  consentie  par  Thournieux-Villatte,  de 
Saint-Julien. — 3°  1741,  Barbret,  notaire  royal,  rente  de 
douze  livres  et  douze  sols,  consentie  par  Marie  Expert, 
sous  l’autorité  de  Pauly  Puyjarrinet,  son  époux.  —  4°  De 
1741,  Barbret,  notaire  royal,  rente  de  cinquante- deux 
livres  douze  sols ,  consentie  par  Pierre  Chabrier.  — 
5°  Rente  de  cent  cinquante  livres  ,  servie  par  Gabriel  De- 
veaux.—  6°  1764,  Demoulin,  notaire  royal,  rente  de  vingt 
livres ,  consentie  par  Jean  Simon,  de  Léguillac.  --7°  Du 
25  avril  1770,  Demoulin,  notaire  royal,  rente  de  huit  cents 
livres,  consentie  par  François  Comte ,  sieur  de  Bourdeil- 
lettes.  —  8°  Du  5  décembre  1776,  Demoulin,  notaire  royal, 
rente  de  cent  cinquante  livres,  consentie  par  Marie  Aubois. 
—  9°  Enfin,  de  1741  et  de  1787,  rente  accumulée  de  cent 
soixante  livres,  consentie  par  Jean  de  Salis  et  Marie  de 
Sali;. 

Toutes  ces  rentes  furent  exactement  servies  jusqu’en 
1790.  La  Révolution  dévora  tout. 

Ici  trouve  naturellement  sa  place  une  intéressante  lettre 
de  M.  le  baron  Rivet,  préfet  de  la  Dordogne,  conservée 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  193 

dans  les  archives  de  l’hospice.  Elle  est  à  la  fois  une  dé¬ 
monstration  succincte  des  origines  et  du  développement 
de  cet  hospice,  et  une  preuve  de  la  sollicitude  de  ce  préfet 
pour  les  établissements  de  bienfaisance  de  son  départe¬ 
ment.  Elle  est  adressée  à  M.  le  ministre  de  l’intérieur  et 
porte  la  date  de  :  Périgueux,  27  thermidor,  an  IX  de  la 
République  (5  août  1802). 

«  Citoyen  ministre,  l’hospice  de  Bourdeilles,  composé 
»  d’une  belle  maison  et  d’un  jardin  d’une  contenance  de 
>j  vingt-cinq  ares,  possédait,  avant  la  Révolution,  pour  628 
»  francs  de  capitaux  de  rentes.  M.  de  Bertin ,  ancien  sei- 
»  gneur  du  lieu,  était  protecteur  et  patron  de  cet  établisse- 
»  ment  ;  il  avait  même,  ainsi  que  ses  prédécesseurs,  rendu 
»  hommage  de  cette  attribution  particulière  aux  chargés 
»  de  droit.  En  cette  qualité,  il  appela  à  l’administration 
»  de  cette  maison, en  l’année  1774,  trois  Filles  de  la  Sagesse 
»  ou  Sœurs  grises,  pour  remplir  les  engagements  que  lui 
»  imposait  le  titre  de  protecteur.  Il  assura  à  chacune  des 
»  religieuses  une  pension  annuelle  de  170  francs  et  four- 
»  nissait,  en  outre,  afin  de  pourvoir  à  l’achat  des  drogues 
»  et  à  l’entretien  des  bâtiments,  une  somme  de  120  francs. 
»  La  totalité  des  sommes  accordées  annuellement  par 
»  M.  de  Bertin  était  de  630  francs. 

»  Cette  dette  sacrée  a  été  constamment  et  exactement 
»  payée  jusqu’en  1790.  Peu  de  temps  après  cette  époque, 
»  la  Nation  s’empara  de  la  terre  de  Bourdeilles  pour  cause 
»  de  l’émigration  du  sieur  de  Bertin.  Les  religieuses,  ne 
»  recevant  plus  la  pension  fixée,  abandonnèrent  l’hospice, 

»  à  l'exception  de  la  supérieure,  qui  continua  d’y  donner 
»  ses  soins,  et  à  laquelle  il  fut,  postérieurement,  par 
»  arrêté  de  l'administration  du  7  ventôse  an  III,  accordé 
»  un  traitement  de  400  francs,  qui  ne  lui  fut  jamais  payé. 
»  Il  fut  à  peu  après  dans  le  même  temps  remboursé  dans 

13 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


194 

»  les  caisses  nationales  257  francs  de  capitaux  de  rentes, 
»  appartenant  à  l'hospice,  et  699  francs  d’intérêt,  à  quoi 
»  il  faut  encore  ajouter  un  capital  de  200  francs  de  rentes 
»  qui,  dû  par  M.  de  Bertin,  cessa  d’être  servi. 

»  Cet  établissement,  ainsi  dépouillé  ,  a  néanmoins  con- 
»  servé  sa  directrice,  qui  s’est  épuisée  pour  prévenir  sa 
»  ruine  totale.  Toutefois ,  ce  n’est  plus  qu’un  bureau  de 
»  bienfaisance  ou  plutôt  la  demeure  d’une  fille  dont  la 
»  piété  courageuse  et  féconde  trouvait  encore  des  ressour- 
»  ces  pour  secourir  les  malheureux. 

»  J’avais  ignoré  jusqu’à  ce  jour  que  l’hospice  eût  des 
»  droits  sur  les  biens  de  l’émigré  Bertin,  et  le  défaut  de 
»  rentes  ne  m’ayant  pas  permis  de  lui  en  attribuer  en 
»  remplacement  que  pour  2,600  francs  en  capital ,  je  pro- 
»  voquai  l’établissement  d’un  octroi  et  le  produit ,  affecté 
»  entièrement  à  l’hospice ,  lui  a  fourni  un  revenu  de  300 
»  francs.  Mais  vous  sentez,  citoyen  ministre,  combien 
»  cette  ressource  est  insuffisante.  Cet  hospice  ne  pourrait 
«donc  pas  se  relever,  même  comme  bureau  de  bienfai- 
»  sance,  si  l’arrêté  par  lequel  je  reconnais  qu’il  doit  lui 
»  être  attribué  les  biens  d’un  revenu  égal  à  la  redevance 
»  qu’il  percevait  sur  les  biens  du  seigneur  de  Bourdeilles, 
»  n’obtenait  votre  approbation.  Je  ne  crains  donc  pas 
»  d’avoir  dépassé  les  bornes  de  l’intérêt  que  sollicite  par- 
»  ticulièrement  la  ville  de  Bourdeilles ,  appauvrie  par  la 
»  ruine  de  ses  fabriques  de  bonneterie  et  d’étoffes  de  laine, 
»  à  l’usage  des  prêtres  et  des  religieuses.» 

Cette  intéressante  lettre  fut  suivie  d’une  délibération  de 
la  commission  de  l’hospice  qui,  à  défaut  de  titres  pour 
revendiquer  ses  droits  sur  la  terre  de  Bourdeilles,  s’ap¬ 
puyait  sur  trois  lettres  de  M.  l’abbé  deBertin,  frère  du  sei¬ 
gneur  de  Bourdeilles,  et  sur  l'avis  du  directoire  du  district 
de  Périgueux,  en  date  du  28  septembre  1793. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  BU  PÉRIGORD.  195 

Le  ministre  repoussa  la  demande  faite  par  le  préfet  et 
par  la  commission  ,  se  fondant  sur  ce  que  la  loi  n’accor¬ 
dait  d’indemnité  aux  hospices  que  pour  leurs  biens  vendus 
et  leurs  rentes  remboursées  au  profit  du  trésor  public. 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit  et  que  le  constate  la  lettre  de 
M.  le  préfet,  l’orage  révolutionnaire  avait  dispersé  les 
religieuses.  Une  seule  était  restée,  la  supérieure,  sœur 
Irénée  ou  Marie  Dubois.  Elle  dirigea  seule  l’hospice  jus¬ 
qu’en  1802,  lorsque  ses  forces  épuisées  ne  lui  permirent 
plus  de  remplir  sa  charitable  mission. 

La  commission  administrative  ne  voulut  point  laisser 
partir  cette  pieuse  servante  des  pauvres  sans  lui  exprimer 
ses  regrets  et  sa  reconnaissance,  et  lui  donner  un  mobilier 
suffisant  pour  l’indemniser  de  ses  dépenses  personnelles 
en  faveur  de  l’hospice.  Une  délibération  fut  prise  à  ce 
sujet  et  approuvée  par  le  même  préfet  qui  écrivit  au  maire 
de  Bourdeilles  la  lettre  suivante  ,  en  date  de  :  Périgueux, 
le  9  brumaire,  an  XII  de  la  république  (10  novembre  1802). 

«  Citoyen  maire,  je  partage  avec  la  commission  de 
»  l’hospice  la  reconnaissance  exprimée  dans  sa  délibéra- 
»  tion  du  23  vendémiaire  dernier  envers  la  sœur  Irénée. 
»  Aussi  me  suis-je  empressé  d’approuver  la  remise  des 
»  effets  qui  lui  est  faite  à  titre  d’indemnité...  de  ses  avan- 
»  ces  et  de  ses  soins...  Je  vous  prie  d’exprimer  à  cette  res- 
»  pectable  fille  le  regret  que  j’éprouve  de  ne  la  pouvoir 
»  conserver  dans  le  département. 

»  Signé  :  Rivet.  » 

D’après  cette  lettre,  la  sœur  Irénée  n’appartenait  pas  au 
Périgord  ;  nous  regrettons  de  n’avoir  pu  découvrir  ni  le 
lieu  de  sa  naissance,  ni  celui  de  son  décès. 

Après  son  départ,  l’administration  de  l’hospice  fut  con¬ 
fiée  au  sieur  Faucher,  chirurgien,  qui  s’engagea,  à  la  con¬ 
dition  d’être  logé  et  de  percevoir  les  produits  du  jardin  ou 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


enclos  annexé  à  la  maison,  à  soigner  seize  malades  pau¬ 
vres  à  la  campagne  et  quatre  dans  l’hospice.  Pour  ces 
quatre  derniers,  la  commune  devait  payer,  en  outre,  jour¬ 
nellement,  soixante  centimes  par  personne. 

Cet  ordre  de  choses  dura  jusqu’en  1816.  A  cette  époque, 
M.  Ghamparnaud,  curé  de  Bourdeilles,  fit  la  proposition 
d’appeler  à  la  direction  de  l’hospice  les  soeurs  de  la  Misé¬ 
ricorde  de  Bergerac.  Sa  proposition  fut  favorablement 
accueillie,  mais  resta  sans  effet  à  cause  de  l’insuffisance 
des  ressources.  On  eut  donc  recours,  le  chirurgien  Faucher 
se  retirant,  à  un  autre  chirurgien  ,  M.  Lapouze  ,  qui  offrit 
de  soigner  les  malades  et  de  fournir  les  médicaments  aux 
mêmes  conditions,  c’est-à-dire  d’être  logé  et  de  jouir  de 
l’enclos.  Mais  il  se  retira  lui-même  après  trois  ans,  et 
alors  la  maison  des  pauvres  fut  affermée  à  plusieurs  par¬ 
ticuliers  pour  la  somme  de  quatre-vingt-cinq  francs  et 
les  pauvres  malades  restèrent  à  peu  près  sans  secours.  Il 
en  fut  ainsi  jusqu’en  1833.  L’hospice  eut  d’autres  locatai¬ 
res  ;  la  commune  y  plaça  l’école  des  garçons  et  des  filles, 
dirigée  par  un  même  instituteur.  L’hospice  avait  cepen¬ 
dant  encore  quelques  revenus.  Nous  en  trouvons  le  détail 
dans  une  note  de  1831  ayant  pour  titre  :  Revenus  de  l’hos¬ 
pice  de  Bourdeilles. 

«  1°  Une  rente  de  12  francs  au  capital  de  300  francs, 
due  par  le  sieur  Marquet,  de  Larochebeaucour.  —  2°  Une 
rente  sur  l’Etat  de  35  francs.  —  3»  Une  rente  de  12  francs 
sur  l’Etat.  —  4°  Autre  rente  sur  l’Etat  de  30  francs,  acquise 
avec  les  600  francs  légués  par  le  sieur  Durand.  —  5°  Une 
rente  de  61  francs  également  sur  l’Etat. 

On  le  voit,  l’hospice  de  Bourdeilles  n’avait  pas  marché 
en  progressant  ;  il  ne  put  jamais  se  refaire  des  spoliations 
dont  il  avait  été  l’objet  à  la  grande  Révolution. 

En  1844,  la  commission,  considérant  que  les  fonds  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  197 

l’hospice  n’étaient  plus  employés  qu’à  secourir  les  pauvres 
à  domicile,  émit  l’avis  que  ledit  hospice  portât  le  nom  de 
Bureau  de  bienfaisance.  Plus  tard,  un  bureau  de  bienfai¬ 
sance  ayant  été  fondé  avec  une  administration  distincte, 
l'ancienne  commission  reprit  son  titre  de  commission  de 
l’hospice.  Mais  cette  commission  ne  ressuscitait  pas  l’hos¬ 
pice,  ses  ressources  ne  lui  permettant  pas  de  recevoir  un 
seul  malade.  On  sentait  néanmoins  le  besoin  de  rendre  le 
local  à  sa  première  destination  en  le  faisant  occuper  par 
des  religieuses  ;  les  registres  mentionnent  plusieurs  fois 
des  vœux  émis  à  cette  fin  par  les  administrateurs. 

Enfin,  en  1853,  trois  religieuses,  de  la  congrégation 
hospitalière  et  enseignante  de  Nevers,  à  la  grande  satis¬ 
faction  de  tous,  furent  installées  à  l’hospice  de  Bourdeilles. 
Un  contrat  fut  passé  avec  la  supérieure  le  8  mars  1853  ; 
il  y  est  stipulé  que  la  commission  de  l'hospice  fournira 
aux  sœurs,  avec  le  logement  et  la  nourriture,  200  francs 
à  chacune  pour  son  vestiaire  et  autres  menues  dépenses. 

Les  sœurs  installées  ouvrirent  immédiatement  une  classe 
gratuite  et  une  classe  payante,  et  une  sœur  fut  spéciale¬ 
ment  chargée  de  la  visite  des  pauvres  à  domicile.  Elles 
furent  en  peu  de  temps  aimées  et  estimées  et  dirigèrent 
avec  succès  l’œuvre  qui  leur  était  confiée  jusqu’en  1871. 
Mais  des  difficultés  survinrent  par  suite  de  leur  indépen¬ 
dance  de  quelques  familles  trop  autoritaires  et  de  leur 
trop  grande  dépendance  de  la  commission  administrative. 
L’accord  fut  troublé  et  ne  put  se  rétablir.  La  supérieure 
générale  fut  invitée  à  les  retirer.  Elles  furent  remplacées 
par  trois  sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux.  Un  traité, 
en  date  du  1er  octobre  1871,  fut  passé  entre  madame  la 
supérieure  générale,  sœur  Anne-Marie  Gonthier  du  Soûlas, 
et  M.  Tarrade,  maire  de  Bourdeilles,  agissant  au  nom  de  la 
commission  de  l’hospice.  En  voici  les  principales  clauses  : 


198  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

1°  La  supérieure  générale  se  charge  de  la  direction  de 
l’établissement  fondé  à  Bourdeilles  pour  l’instruction  des 
jeunes  filles  ;  elle  enverra  à  cette  fin  trois  religieuses  de 
sa  congrégation  de  Sainte-Marthe.  L’une  d’elles  sera 
chargée  de  visiter  les  malades  de  la  classe  indigente. 

2°  M.  le  maire  s’engage  à  payer  à  Mme  Marie  du  Soûlas, 
représentée  par  la  directrice  de  l’établissement,  une 
somme  annuelle  de  1,400  francs,  par  trimestres  échus, 
à  dater  du  1er  octobre  courant. 

3°  La  directrice  de  l’établissement  sera  libre  de  prendre 
des  pensionnaires.  Dans  ce  cas,  l’augmentation  du  per¬ 
sonnel  et  tous  les  frais  qui  en  résulteraient  seront  à  sa 
charge  ;  mais  elle  n’aura  aucun  compte  à  rendre  du  pro¬ 
duit  du  pensionnat,  si  ce  n’est  qu’elle  tiendra  compte  à 
l’établissement  de  deux  francs  par  mois  pour  chaque 
pensionnaire  habitant  la  commune. 

4°  Toutes  les  dépenses  de  réparation  et  d’entretien  de  l’é¬ 
tablissement  et  de  ses  dépendances,  ainsi  que  les  contribu¬ 
tions  s’il  en  existe,  restent  à  la  charge  de  la  commission. 

Ces  clauses  ne  diffèrent  pas  de  celles  qui  avaient  été 
faites  aux  sœurs  de  Nevers.  C’est  dans  ces  conditions  que 
les  sœurs  de  Sainte-Marthe  dirigent  encore  l’hospice  de 
Bourdeilles.  Les  ressources  de  cet  établissement  ne  dépas¬ 
sent  pas  la  somme  de  800  francs  ;  il  est  vrai  qu’elles  vien¬ 
nent  de  s’augmenter  du  revenu  de  la  somme  de  6,000  fr. 
léguée,  par  testament  du  mois  de  mai  dernier,  par  un 
respectable  chrétien  de  l’endroit,  M.  Boissat  de  Lajartbe, 
vénérable  vieillard,  décédé  il  y  a  peu  de  temps. 

Ajoutons,  en  terminant  cette  notice,  que  M.  l’abbé 
Mondy,  le  digne  curé  de  Bourdeilles,  a  été  conservé  dans 
l’administration  de  l’hospice  ;  et,  ce  qui  nous  étonne,  il 
doit  cette  faveur  à  M.  le  préfet.  Le  conseil  municipal 
l’avait  bel  et  bien  congédié. 


La  Miséricorde  de  Bergerac. 


Ce  n’est  ici  ni  un  hôpital  ni  un  hospice  ;  c’est  un  simple 
établissement  voué,  aux  bonnes  œuvres,  que  n’a  pu  attein¬ 
dre  la  loi  du  5  août  1879.  Nous  ne  croyons  cependant  pas 
nous  éloigner  de  notre  sujet  en  lui  consacrant  une  notice. 
Sa  fondation  est  l’œuvre  de  la  charité  chrétienne  et  sacer¬ 
dotale. 

En  1735  (1),  M.  de  Froidefond,  curé  de  Saint-Jacques- 
de-Bergerac,  et  les  principaux  habitants  de  cette  ville,  sol¬ 
licitèrent  et  obtinrent  de  Mgr  de  Prémeaux,  évêque  de 
Périgueux,  l’établissement  d’une  confrérie  de  la  Miséri¬ 
corde,  pour  porter  des  secours  à  domicile  aux  pauvres 
honteux,  sains  ou  malades.  Cette  confrérie,  mal  organisée, 
ne  répondit  pas  aux  espérances  qu’on  avait  eues  d’elle. 
On  la  remplaça  par  une  association  de  dames  pieuses, 
qui  se  chargèrent  du  soin  de  porter  des  bouillons,  des 
remèdes  et  autres  secours  aux  pauvres  honteux.  Mais, 

(1)  Guillaume  Gontier  de  Biran  nous  a  laissé  le  récit  de  cette  fondation, 
recueilli  dans  le  bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Pé¬ 
rigord ,  tome  7,  p.  321.  Nous  lui  faisons  quelques  emprunts. 


200 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


distraites  par  les  soins  de  leur  ménage  ou  de  leurs  affai¬ 
res  privées,  ces  dames,  comme  les  membres  de  la  confré¬ 
rie  qui  les  avaient  précédées,  négligèrent,  au  préjudice 
des  pauvres,  de  remplir  les  devoirs  dont  elles  s’étaient 
volontairement  chargées. 

Alors,  le  même  M.  de  Froidefond,  dont  le  zèle  était  in¬ 
fatigable  et  la  charité  sans  horne,  réunit,  sous  la  conduite 
de  Mmo  Elisabeth  de  Sorbier  du  Séran,  veuve  de  Tun  des 
premiers  magistrats  de  la  ville  et  sans  enfants  (1),  trois 
demoiselles  alliées  aux  meilleures  familles  du  pays  :  Eli¬ 
sabeth  Roucherie,  Rose  Desmaison  de  Treyrac  et  Isabeau 
Drion.  Toutes  les  quatre,  également  recommandables  par 
la  pratique  de  toutes  les  vertus  chrétiennes,  consentirent 
à  consacrer  au  service  des  pauvres,  non-seulement  leurs 
soins,  iûais  encore  une  partie  considérable  de  leur  for¬ 
tune.  Les  charités  du  zélé  pasteur  ne  le  cédèrent  point  à 
celles  de  ces  dames  ;  il  donna  à  cette  œuvre, dont  il  se  fai¬ 
sait  le  fondateur  un  immeuble  dont  le  produit  permettait 
de  pourvoir  en  grande  partie  aux  besoins  des  pauvres. 
De  son  côté,  Mme  du  Séran  fit  l’acquisition  d’un  local  situé 
à  l’extrémité  de  la  rue  Saint-James  et  à  peu  de  distance 
de  l’église  paroissiale  de  Saint-Jacques,  où  elle  se  retira 
avec  ses  trois  compagnes  pour  y  vivre  en  communauté  et 
pouvoir  mieux  remplir  les  nouveaux  devoirs  qu’elles  ve¬ 
naient  de  s’imposer.  Elles  adoptèrent  un  costume  unifor¬ 
me  et  se  tracèrent  une  règle  de  conduite  basée  sur  celles 

(I)  Née  de  parents  protestants,  Elisabeth  de  Sorbier  avait  été  relé¬ 
guée,  à  l’âge  de  dix-sept  ans,  dans  le  couvent  des  religieuses  de  la  Foi 
Chrétienne.  Ce  fut  seulement  après  trois  années  de  réclusion,  lors  d’une 
mission  qui  eut  lieu  à  Bergerac,  que  les  troubles  de  son  esprit  se  dissipè¬ 
rent.  En  1704,  elle  épousa  M.  Simon,  sieur  du  Séran,  ancien  capitaine 
d’infanterie  et  lieutenant  particulier  à  la  sénéchaussée  de  Bergerac,  avec 
qui  elle  vécut  en  parfaite  union  jusqu’à  la  mort  de  celui-ci,  arrivée  en 
1740.  (Lespine,  au  Bulletin  déjà  cité,  tome  7,p.  321.) 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  Dü  PÉRIGORD.  20i 

des  établissements  qui  leur  parurent  le  plus  conformes  à 
celui  qu’elles  voulaient  fonder. 

Prévoyant  le  grand  avantage  que  Bergerac  allait  retirer 
de  cette  fondation ,  le  sénéchal  et  le  corps  de  ville 
lui-même  s’empressèrent  de  prendre,  le  24  mai  1741 ,  des 
délibérations  pour  l’autoriser  autant  qu’il  dépendait  d’eux 
de  le  faire.  A  la  vue  de  ces  délibérations,  Mgr  l’évêque  de 
Périgueux  donna,  le  7  mars  1742,  son  approbation  à  cette 
pieuse  et  charitable  association.  Il  permit  à  ces  dames, 
sur  la  demande  qu’elles  lui  en  firent,  de  se  lier  par  des 
vœux  au  service  des  pauvres,  approuva  leurs  statuts  et 
établit  pour  leur  supérieur  particulier  le  curé  de  Bergerac. 

Dans  la  requête  que  ces  dames  avaient  présentée  pour 
obtenir  du  prélat  une  autorisation  de  leur  institut,  il  était 
dit  que  la  communauté  se  chargeait  «  de  faire  le  bouillon 
»  des  pauvres,  de  le  leur  distribuer,  de  les  visiter,  de  les 
»  instruire,  de  les  consoler  et  surtout  de  les  disposer  pen- 
»  dant  leur  maladie  à  une  mort  chrétienne.  Ainsi,  l’exer- 
»  cice  des  œuvres  de  Miséricorde  spirituelle  et  corporelle 
»  en  faveur  des  pauvres  honteux  et  malades,  dans  toute 
»  l’étendue  de  la  ville  de  Bergerac,  telle  était  la  fin  de 
»  l’institut.  » 

Les  fondatrices  se  proposaient  encore  un  autre  but, 
c’était  de  se  livrer,  aussitôt  que  le  personnel  le  permettrait, 
à  l’instruction  des  jeunes  filles  de  toutes  les  classes  de  la 
société,  mais  plus  particulièrement  de  la  classe  indigente. 

C'est  dans  ce  double  but,  si  louable,  que  Mgr  de  Pré- 
meaux  approuva  la  nouvelle  fondation  par  une  ordon¬ 
nance  épiscopale,  en  date  du  7  mars  1742,  qui  se  trouve 
consignée  dans  le  règlement  primitif,  conservé  aux  archi¬ 
ves  de  la  communauté. 

Le  nouvel  établissement  fonctionnait  à  la  grande  satis¬ 
faction  de  tous  et  pour  le  plus  grand  bien  des  pauvres; 


202  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

mais  il  n’avait  pas  encore  d’existence  légale.  11  avait  bien 
été,  comme  nous  l’avons  dit,  reconnu  par  les  autorités  de 
la  ville,  mais  cela  ne  suffisait  pas.  Au  mois  de  mai  1757, 
le  roi,  sur  la  requête  de  Mme  Elisabeth  de  Sorbier  du 
Séran  et  de  M.  de  Lansade,  alors  curé  de  Bergerac,  auto¬ 
risa  la  fondation  par  Lettres  'patentes  et  permit  la  créa¬ 
tion  d’un  bureau  chargé  d’administrer  le  revenu  des  pau¬ 
vres. 

La  demande  de  ces  premières  Lettres  patentes  n’avait  été 
faite  que  pour  une  société  laïque  formée  de  Mmo  du  Séran 
et  de  ses  trois  compagnes,  vouées  au  service  des  pauvres  ; 
elles  ne  consacraient  point  l’existence  de  la  communauté 
religieuse  qui,  dans  la  pensée  des  fondateurs,  devait  se 
développer.  Aussi  voyons-nous  que  d’autres  lettres  paten¬ 
tes,  accordées  au  mois  de  janvier  1759,  autorisèrent  les 
quatre  servantes  volontaires  des  pauvres  à  se  constituer 
en  communauté  religieuse,  sous  le  titre  de  Dames  de  la 
Chanté ,  et  à  s’agréger  des  sujets. 

Après  avoir  vu  cette  œuvre  consolidée,  Mme  du  Séran 
n’eut  plus  qu’un  désir,  celui  de  construire  un  oratoire  où 
elle  pût  épancher  son  âme  et  son  cœur.  Cette  faveur  lui 
fut  accordée.  Elle  obtint  la  permission  d’édifier  et  d'an¬ 
nexer  à  sa  maison  une  chapelle  et  d’y  conserver  le  Saint- 
Sacrement.  La  chapelle  fut  inaugurée  le  2  janvier  1770  et 
dédiée  à  Saint-Vincent-de-Paul.  Quinze  jours  après,  Mme 
du  Séran  rendait  son  âme  à  Dieu  avec  les  sentiments  de 
la  plus  grande  piété  ;  cette  chapelle  fut  le  lieu  de  sa  sépul¬ 
ture. 

Telle  fut  l’origine  du  couvent  de  la  Miséricorde.  Il  avait 
déjà  pris  une  extension  considérable  par  le  nombre  des 
religieuses,  lorsque  survint  la  Révolution  de  1793.  Il  en 
fut  la  victime  comme  tant  d’autres.  Chassées  de  leur  mai¬ 
son,  incarcérées,  dépouillées  de  tous  leurs  biens,  les  reli- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  203 

gieuses  furent  obligées  de  se  retirer  dans  leurs  familles. 
Cependant,  par  une  exception  providentielle,,  leur  mai¬ 
son  fut  respectée  ;  sa  propriété  ne  passa  point  entre  des 
mains  étrangères,  ce  qui  permit  aux  religieuses  qui  avaient 
survécu  à  l’orage  d’y  rentrer  aussitôt  que  le  calme  fut  un 
peu  rétabli,  et  d’y  reprendre  l’exercice  de  leurs  œuvres. 

Après  la  Révolution,  cette  communauté  se  reconstitua 
bien  vite  et,  en  peu  d’années,  le  nombre  des  religieuses 
fut  considérablement  augmenté.  Aussi,  pour  multiplier  le 
bien  qu’elles  étaient  disposées  à  faire,  elles  multiplièrent 
leurs  œuvres.  Outre  la  visite  des  pauvres  à  domicile  et 
l'instruction  des  jeunes  filles,  elles  eurent  dans  leur 
maison  une  pharmacie  pour  tous  les  malades  de  la  classe 
indigente  ;  elles  se  chargèrent  du  soin  des  prisonniers  et 
de  la  direction  du  Bureau  de  bienfaisance. 

Pour  toutes  ces  œuvres,  le  local  qu’elles  avaient  occupé 
depuis  leur  origine  se  trouva  bientôt  insuffisant  ;  elles 
durent  chercher  à  se  placer  ailleurs.  Elles  portèrent  leur 
vue  sur  la  belle  maison  qu’elles  occupent  aujourd’hui,  et 
qui  appartenait  à  M.  le  docteur  Latané.  Elles  traitèrent 
avec  lui,  moyennant  la  cession  de  leur  maison  et  d’une 
propriété  qui  leur  avait  été  léguée  par  MUo  de  Salignac  de 
Fénelon.  L’acte  de  cet  échange  fut  approuvé  par  ordon¬ 
nance  royale  du  31  décembre  1840. 

Le  nombre  des  sujets  ayant  toujours  été  en  augmen¬ 
tant  et  se  trouvant  plus  considérable  que  l’exigeaient  les 
œuvres  qu’elles  avaient  à  remplir,  elles  furent  appelées 
à  faire  des  fondations  qu’elles  s'empressèrent  d’accepter. 
Ainsi  elles  établirent  r 

1°  A  Montpon,  un  pensionnat  et  un  externat  avec  une 
école  gratuite  et  la  visite  des  pauvres  et  des'  malades  à 
domicile  ; 

2°  A  Belvès,  une  maison  de  Miséricorde  pour  la  dis- 


204 


LES  OBISINES  CHRÉTIENNES 


tribution  des  secours  accordés  par  le  Bureau  de  bienfai¬ 
sance,  avec  un  pensionnat,  un  externat  et  une  école 
gratuite  ; 

3°  A  Latour-Blanche,  un  pensionnat  et  un  externat  ; 

4°  A  Saint-Avit-Sénieur,  un  pensionnat,  un  externat  et 
une  école  gratuite  ; 

5°  A  Saint-Aulaye,  une  maison  de  Miséricorde,  un  pen¬ 
sionnat,  un  externat  et  une  école  gratuite. 

En  1852,  lors  de  la  formation  de  la  congrégation  géné¬ 
rale  de  Sainte-Marthe,  les  sœurs  de  la  Miséricorde  de 
Bergerac  étaient  au  nombre  de  29  sœurs  de  chœur,  huit 
sœurs  converses,  trois  novices  et  une  postulante,  en  tout 
quarante-une,  dispersées  dans  les  diverses  maisons 
qu’elles  avaient  fondées.  Elles  se  mirent  toutes,  par  un  acte 
d’agrégation,  à  la  disposition  de  leur  évêque. 

Déjà,  quelques  années  auparavant,  elles  avaient  fondé 
un  orphelinat  où  elles  avaient  réuni  une  trentaine  de 
petites  filles  pauvres  et  privées  des  secours  qt  de  la  sur¬ 
veillance  de  leurs  parents. 

Comme  Te  local  où  elles  avaient  cette  fondation  était 
insalubre  et  trop  exigu  pour  cette  œuvre,  elles  achetèrent 
un  vaste  terrain  attenant  au  jardin  de  leur  nouvelle  mai¬ 
son  et  appartenant  à  M.  Babut,  médecin.  L’acte  d'acqui¬ 
sition  de  cet  immeuble  porte  la  date  du  l01'  décembre  1854 
et  il  fut  approuvé  par  un  décret  impérial  du  28  août  1855. 

C’est  sur  cet  emplacement  qu’elles  firent  élever  la  belle 
construction  qu’on  y  voit  aujourd’hui,  et  où  elles  trans¬ 
portèrent  leur  orphelinat.  Là,  elles  ont  trouvé  l’avantage 
de  réunir  à  un  local  spacieux,  sain  et  bien  aéré,  un  beau 
jardinet  un  vaste  enclos  qui  sont  une  ressource  pour 
l’établissement. 

Pendant  qu’elles  faisaient  cette  construction,  la  ville  de 
Bergerac  proposa  aux  sœurs  de  la  Miséricorde  la  direc- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  205 

tion  d’une  Salle  d'asile  qui  avait  été  fondée  quelques  an¬ 
nées  auparavant,  mais  qui,  confiée  à  des  mains  séculières, 
ne  fonctionnait  que  d’une  manière  peu  satisfaisante.  Le 
conseil  municipal  vota  dans  ce  but  une  allocation  annuelle 
de  six  cents  francs. 

Il  y  avait  encore  là  un  bien  à  faire,  les  Sœurs  ne  refusè¬ 
rent  pas,  et  alors  elles  firent  approprier  une  partie  du  local 
en  construction  aux  besoins  d’une  salle  d’asile.  C’est  dans 
ce  même  local  qu’elles  transportèrent  leur  école  gratuite. 
De  sorte  que  là,  se  trouvent  réunis,  sous  le  même  toit, 
l’orphelinat,  l’école  gratuite  et  la  salle  d’asile.  Il  y  avait 
place  pour  une  autre  charitable  industrie  non  moins  pro¬ 
pre  à  propager  le  bien  ;  elle  y  fut  ajoutée  dans  le  courant 
de  l’année  1859.  Un  ouvroir  vint  compléter  les  œuvres  de 
charité  que  les  sœurs  de  la  Miséricorde  devaient  exercer 
en  faveur  des  petites  filles  de  la  classe  indigente. 

Telle  fut  et  telle  est  encore  la  Miséricorde  de  Bergerac, 
l’établissement  de  charité  le  plus  complet  que  possède  le 
Périgord. 


Hospice  des  vieillards  au  bourg  de  la  Madeleine, 
à  Bergerac. 


Un  aperçu  sur  la  fondation  de  la  Miséricorde  du  bourg 
de  la  Madeleine  de  Bergerac  nous  paraît  utile  avant  d’en¬ 
trer  dans  les  détails  de  la  fondation  de  l’hospice  des  vieil¬ 
lards  qu’elle  dirige. 

Nous  devons  dire  d’abord,  pour  l'édification  de  nos  lec¬ 
teurs,  que  nous  trouvons  ici  une  origine  toute  sacerdo¬ 
tale. 

Il  existait  anciennement,  dans  les  environs  du  faubourg 
de  la  Madeleine,  deux  petites  paroisses  qui  ont  été  suppri¬ 
mées,  et  dont  les  églises  ont  entièrement  disparu,  de  sorte 
qu’on  n’en  trouve  aujourd’hui  aucune  trace  ;  le  souvenir 
seul  s’en  est  conservé.  C’étaient  les  paroisses  de  Saint- 
Christophe  et  de  Saint-Cernin-de-  Gabanelle.  L’église  de 
la  première  était  située  dans  la  plaine,  entre  le  bas  de  la 
côte  de  Monbazillac  et  la  Madeleine  ;  celle  de  la  seconde 
était  sur  le  bord  de  la  Dordogne,  à  deux  kilomètres  envi¬ 
ron  de  la  Madeleine. 

En  l’année  1692,  M.  Célier,  curé  de  Saint-Cernin-de- 
Gabanelle,  légua  en  mourant  à  demoiselle  Hélène  Garri- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  207 

gue,  sa  cousine,  sa  maison  et  tous  ses  biens,  à  la  condi¬ 
tion  qu’après  la  mort  de  cette  parente,  ils  appartiendraient 
aux  pauvres  et  aux  malades  des  trois  paroisses  de  Saint- 
Gernin,  Saint-Christophe  et  la  Madeleine ,  et  que  les  reve¬ 
nus  seraient  consacrés  à  leur  faire  donner  les  secours  qui 
leur  seraient  nécessaires. 

Par  ses  dispositions  testamentaires,  il  voulait  que  les 
biens  légués  tussent  administrés  par  trois  Allés  recomman¬ 
dables  par  leurs  vertus,  qui  se  sentiraient  portées  à  se 
consacrer  à  Dieu  par  les  œuvres  de  charité  et  de  miséri¬ 
corde.  Il  voulait  aussi  que  le  point  central  de  sa  fondation 
fût  le  chef-lieu  de  la  paroisse  de  la  Madeleine,  et  il  dési¬ 
gnait  pour  l’accomplissement  de  son  œuvre  les  demoi¬ 
selles  Hélène  de  Ourson ,  Catherine  Hivernerie  et  Hélène 
Serveti. 

Ces  trois  pieuses  séculières  commencèrent  leur  œuvre 
immédiatement  après  la  mort  de  la  demoiselle  Hélène 
Garrigue,  usufruitière  des  biens  légués.  Mais  Hélène  Ser¬ 
veti  se  retira  quelque  temps  après  dans  sa  famille,  cédant 
sa  place  à  demoiselle  Jeanne  de  Gommarque. 

Le  13  septembre  1699 ,  le  Roi,  voulant  gratiüer  ces 
demoiselles,  en  considération  des  soins  qu’elles  prenaient 
des  jeunes  filles  admises  à  leur  petite.école,  ouverte  dès  le 
principe,  et  des  services  qu’elles  rendaient  aux  pauvres, 
leur  fit  don  d’une  terre  située  au  bourg  de  la  Madeleine 
et  qui  servait  de  cimetière  aux  huguenots.  C’est  sur  cet 
immeuble  que  furent  les  premiers  fondements  du  couvent 
qui  existe  aujourd’hui. 

Cette  œuvre  de  miséricorde  fut  ainsi  dirigée  par  de 
pieuses  et  charitables  séculières  jusqu’à  l'année  1747.  A 
cette  époque,  l’une  d’elles,  mademoiselle  Molinier,  origi¬ 
naire  de  la  paroisse  de  la  Madeleine,  se  sentant  appelée  à 
une  vie  plus  parfaite  et  voulant  se  consacrer  plus  spécia- 


208 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


lement  à  Dieu,  prononça,  le  17  janvier  1747,  les  vœux  de 
chasteté  perpétuelle  et  de  stabilité  au  service  des  pauvres. 
Les  autres  suivirent  bientôt  son  exemple  et,  à  dater  de  ce 
jour,  l’établissement  fut  érigé  en  communauté  conservant 
le  nom  de  Miséricorde,  et  ayant  pour  première  supérieure 
la  sœur  Molinier. 

A  l’époque  de  la  Révolution  de  1793,1e  nombre  des  reli¬ 
gieuses  s’était  augmenté  ;  mais,  comme  celles  de  tous  les 
établissements,  elles  furent  expulsées  de  leur  maison  et 
obligées  d’aller  demander  un  asile  à  leurs  parents  ou  à 
leurs  amis.  Tous  les  immeubles  qu’elles  possédaient  furent 
vendus,  à  l’exception  de  la  maison  qui  seule  échappa  au 
naufrage. 

Lorsque  la  liberté  fut  rendue,  toutes  les  anciennes  reli¬ 
gieuses  qui  avaient  survécu  à  la  tourmente  révolutionnaire 
s’empressèrent  de  rentrer  dans  leur  communauté,  et  de 
reprendre  leurs  œuvres  avec  les  modiques  ressources  que 
pouvaient  leur  procurer  leur  industrie  et  la  charité  des 
âmes  amies  des  pauvres.  Pour  les  augmenter,  elles  ouvri¬ 
rent  une  classe  payante  et,  un  peu  plus  tard,  un  pension¬ 
nat.  Dès  lors,  leurs  œuvres  prirent  de  l’extension  et  le 
nombre  des  religieuses  s’accrut  rapidement. 

Nous  arrivons  à  la  fondation  de  V Hospice  des  vieillards. 

Sœur  Bruzac,  de  sainte  mémoire  ,  réorganisatrice  et 
première  supérieure  de  la  communauté  après  la  grande 
Révolution,  eut  la  charitable  pensée,  en  1837,  de  recueillir, 
quoique  sans  ressources ,  dans,  un  petit  chai  attenant  à  la 
communauté,  un  vieillard  dénué  de  tout  et  abandonné  de 
sa  famille.  Touché  jusque  dans  le  plus  profond  du  cœur 
de  se  voir  l’objet  de  soins  tendres  et  dévoués,  le  pauvre 
vieux  Saint-Jean  (tel  était  son  nom),  en  fut  si  reconnais¬ 
sant  à  Dieu  et  à  sa  bienfaitrice,  que  pendant  tout  le  temps 
qu’il  vécut  sous  le  toit  béni  de  sa  Providence,  il  n’y  donna 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  209 

que  de  parfaites  consolations.  Dès  lors  la  bonne  mère 
Bruzac,  comprenant  que  son  œuvre  était  agréable  à  Dieu, 
conçut  le  projet  de  l'agrandir  ;  mais  Celui  qui  dispose  de 
tout  ne  lui  en  laissa  pas  le  temps  :  il  appela  à  lui  cette 
belle  âme  si  mûre  pour  le  Ciel. 

Les  œuvres  de  Dieu  ne  meurent  pas,  et  celle-ci  devait  être 
du  nombre.  La  mère  Micoulaud,  qui  succéda  à  la  mère 
Bruzac,  avait  su  apprécier  les  vertus  de  sa  supérieure,  elle 
sut  aussi  l’imiter,  surtout  dans  la  pratique  des  œuvres  de 
charité.  En  peu  de  temps,  par  son  dévouement,  bien 
secondée,  d’ailleurs,  par  ses  religieuses  qui  allaient  jusqu’à 
aider  les  ouvriers,  en  leur  portantle  mortier  et  les  pierres, 
le  petit  chai  fut  converti  en  une  salle  plus  vaste  et  plus 
commode. 

Bientôt  quelques  infirmes,  quelques  vieillards  vinrent 
solliciter  le  bonheur  de  reposer  leur  vieillesse  languissante 
et  malheureuse  dans  ce  pieux  asile  ;  et  des  personnes 
charitables,  pressentant  que  cette  œuvre  de  miséricorde 
par  excellence  croîtrait  comme  le  grain  de  senevé  et 
porterait  desfruits  abondants  et  du  meilleur  goût,  voulurent 
y  participer,  les  unes  par  de  faibles  pensions  annuelles 
pour  des  vieillards  de  leur  choix,  d’autres  par  des  dons 
personnels  et  désintéressés. 

Vers  le  commencement  de  l’année  1850,  deux  prêtres 
bien  connus  par  leur  zèle  et  leur  dévouement  pour  les 
pauvres,  MM.  de  Molènes,  alors  supérieur  du  Petit-Sémi¬ 
naire  de  Bergerac,  et  Balbacid,  vicaire  de  Saint-Jacques, 
voulant,  eux  aussi,  fonder  un  établissement  pour  les 
vieillards  pauvres,  et  trouvant  l’œuvre  admirablement 
commencée  dans  la  Miséricorde  du  faubourg  de  la  Made¬ 
leine,  proposèrent  à  la  supérieure  d’unir  leur  œuvre  à  la 
sienne  et  de  mettre  en  commun  les  ressources  dont  de 
part  et  d’autre  on  pouvait  disposer.  Par  ce  moyen,  on 

14 


210 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


devait  arriver  à  fonder  un  établissement  sur  de  plus 
vastes  proportions  et  obtenir  une  plus  grande  somme  de 
bien.  La  proposition  fut  acceptée,  et,  d’un  commun 
accord,  l’hospice  des  vieillards,  définitivement  fondé,  fut 
placé  sous  le  patronage  de  Mgr  George,  évêque  de  Péri- 
gueux.  Des  conventions  en  forme  de  traité  furent  arrêtées 
entre  les  deux  prêtres  d’une  part  et  le  conseil  de  la  com¬ 
munauté  de  l’autre,  et  furent  approuvées  par  Mgr  George 
qui,  voyant  dans  cette  œuvre  un  grand  bien  à  faire,  et 
appréciant  qu’elle  méritait  de  sa  part,  pour  en  faciliter  le 
développement,  une  attention  toute  particulière,  daigna 
la  bénir  et  en  accepter  le  patronage. 

Ces  conventions,  dictées  par  Sa  Grandeur  elle-même, 
portent  la  date  du  1er  août  1851.  Nous  les  reproduisons  : 

«  Monseigneur  l’évêque  de  Périgueux  approuve  et  encou- 
»  rage  de  toutes  ses  sympathies  l’entreprise  faite  par  les 
»  Sœurs  de  la  Miséricorde  du  Bourg  d’établir  dans  leurs 
»  appartements  un  refuge  pour  les  vieillards  et  les  infir- 
»  mes.  Il  soutiendra  l’œuvre  de  tous  ses  efforts.  Il 
»  approuve  et  encourage  également  tous  ceux  qui  ont 
»  bien  voulu  concourir  à  l’œuvre,  et  qui  viendront  à  son 
»  secours,  spécialement  MM.  Balbacid  et  de  Molènes,  des 
»  soins  qu’ils  ont  pris  pour  aider  à  la  fondation. 

»  Afin  de  déterminer  la  marche  à  suivre  dans  cette  fon- 
» -dation  ;  afin  que  les  Sœurs  d’une  part,  et  de  l’autre 
»  MM.  de  Molènes  et  Balbacid  puissent  agir  bien  libre- 
»  ment  dans  l’intérêt  de  l’œuvre,  voici  quelques  bases  bien 
»  convenues  : 

»  MM.  Balbacid  et  de  Molènes,  par  des  quêtes,  souscrip- 
»  tions  ou  dons  personnels,  feront  approprier  le  local  des- 
»  tiné  à  l’œuvre,  aussi  bien  que  leurs  ressources  le  per- 
»  mettront;  ce  qu’ils  ne  pourront  faire  de  suite,  la  Pro- 
»  vidence  procurera  plus  tard  les  moyens  de  l’achever. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRICORD.  211 

»  Les  Sœurs,  de  leur  côté,  restent  parfaitement  libres 
»  de  faire  compléter  les  réparations  et  l’ameublement  de 
»  leurs  propres  fonds,  ou  au  moyen  de  ceux  qu’elles  pour- 
»  ront  se  procurer. 

»  Le  local  et  les  bâtiments  restent  la  propriété  des 
»  sœurs  avec  les  améliorations  qu’on  y  a  faites  ou  qu’on  y 
»  fera,  ainsi  que  le  mobilier  qu’on  y  déposera,  à  moins 
»  que  les  donateurs  ne  fissent  des  réserves  expresses  pour 
»  les  objets  mobiliers  qu’ils  prêteraient. 

»  Les  Sœurs  conservent  entièrement  l’administration  de 
»  l’œuvre  qui  se  fait  chez  elles  et  par  elles  ;  elles  s’aide- 
»  ront  néanmoins  des  conseils  des  bienfaiteurs  de  l’œuvre 
»  et  surtout  de  Monseigneur  ou  de  ceux  que  Sa  Grandeur 
»  leur  désignerait  pour  la  remplacer. 

»  Afin  de  donner  une  garantie  à  la  charité  de  tous  les 
»  bienfaiteurs,  spécialement  de  ceux  qui  ont  quêté  pour 
»  l’œuvre,  les  Sœurs  s’engagent,  sur  leur  conscience,  à 
»  faire  tous  leurs  efforts  pour  la  faire  réussir  ;  elles  s’en- 
»  gagent  à  recevoir  tout  vieillard  ou  infirme  qui  leur  serait 
»  offert  soit  par  la  charité  privée,  soit  par  le  bureau  de 
»  bienfaisance,  ou  le  conseil  de  l’hospice,  moyennant  une 
»  pension  garantie  de  150  francs  pour  chaque  pauvre,  se 
»  réservant  toutefois  de  pouvoir  s’informer  préalablement 
»  si  tel  vieillard  présenté  n’offre  pas  des  inconvénients 
»  moraux  qui  doivent  empêcher  son  admission. 

»  De  plus,  si  les  ressources  de  l’œuvre  n’ont  pas  encore 
»  permis  de  procurer  les  objets  de  literie  et  de  première 
»  nécessité,  les  Sœurs  seraient  en  droit  d’exiger,  avant 
»  l’admission  d’un  pauvre,  un  lit  complet,  quatre  draps 
»  de  lit,  quatre  chemises  et  quelques  vêtements. 

»  Moyennant  cela,  les  Sœurs  se  chargent  de  pourvoir  à 
))  tous  les  besoins  des  vieillards  ou  infirmes,  en  santé 
»  comme  en  maladie. 


212 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Enfin,  comme  l’oeuvre  n’est  qu’à  son  début,  et  qu’a- 
»  vant  de  rien  statuer  de  bien  fixe,  il  faut  attendre  les  suc- 
»  cès  et  l’expérience,  comme  ces  bases  n’ont  d’autre  but 
»  que  de  garantir  d’une  part  la  générosité  des  bienfai- 
»  teurs,  et  d’autre  part  la  liberté  et  les  droits  des  Sœurs, 
»  il  est  convenu  que  ces  bases  pourront  être  changées 
»  mais  seulement  avec  l’agrément  de  Sa  Grandeur. 

»  Il  est  convenu  enfin  que  les  Sœurs,  malgré  tout,  con- 
»  serveront  le  droit  de  renoncer  entièrement  à  l’œuvre  si 
»  elles  le  veulent.  Mais,  dans  ce  cas,  comme  elles  profi- 
»  teraient  des  améliorations  faites  chez  elles,  des  dépenses 
»  qu’elles  auraient  encouragées  par  l’espoir  de  l’œuvre 
»  qu’elles  offraient,  elles  seraient  tenues  à  des  indemnités 
»  envers  ceux  qui  auraient  procuré  les  fonds.  Les  indem- 
»  nités  seraient  déterminées  par  Mgr  l’évêque  de  Péri- 
»  gueux,  et,  dans  toute  hypothèse,  elles  ne  pourraient  pas 
»  dépasser  la  moitié  des  dépenses  faites. 

»  En  conséquence,  pour  pourvoir  à  l’hypothèse  prévue, 
»  un  compte  exact  sera  tenu  des  dépenses  faites  pour 
»  l’œuvre  par  les  divers  bienfaiteurs. 

»  Convenu  et  réglé,  à  Bergerac,  le  1er  août  1851,  entre 
»  MSr  l’évêque  et  la  supérieure  de  la  communauté,  auto- 
»  risée  par  son  conseil,  M.  Balbacid  et  M.  de  Molènes, 

»  dont  chacun  a  signé  et  retenu  une  copie. 

»  f  Jean,  évêque  de  Périgueux  ;  Balbacid, 

»  prêtre  ;  Molènes,  prêtre  chanoine  ; 
»  Sœur  Malbec,  économe;  Sœur  Julie, 

»  supérieure  ;  Sœur  Charbonnel,  assis- 
»  tante.  » 

Telles  furent  les  bases  de  la  société  formée  entre  les 
sœurs  de  la  Miséricorde  et  MM.  de  Molènes  et  Balbacid, 
en  faveur  de  l’œuvre  des  vieillards.  Elles  donnaient  aux 
sœurs,  vraies  fondatrices  de  l’établissement,  deux  auxi- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉR1CORD.  213 
liaires  qui  devenaient  leurs  égaux  dans  l’admission  des 
pauvres  et  le  gouvernement  de  l’œuvre.  Ce  fut  peut-être 
une  faute.  Deux  autorités  égales  ne  peuvent  marcher 
longtemps  de  front  sans  se  heurter,  sans  se  nuire  au 
détriment  du  bien  qu’on  veut  faire.  Mer  George  s’en 
aperçut-il,  et  voulut-il  y  remédier?  Toujours  est-il  que, 
trois  ans  plus  tard,  le  8  juin  1853,  sous  le  prétexte  d’éta¬ 
blir  la  nouvelle  fondation  sur  des  bases  plus  durables,  il 
nomma  une  commission  administrative,  composée  de  trois 
laïques  :  MM.  Fauvel,  Lacroix,  Biran-Lagrèze,  et  de  deux 
prêtres,  M.  Macerouze,  curé  de  Bergerac,  et  M.  l’abbé 
Balbacid,  son  vicaire  (1).  Il  fit  passer  entre  cette  commis¬ 
sion  et  Mm0B  Nicoulaud,  supérieure,  et  Bost,  assistante,  un 
traité  qui  réglait  les  droits  et  les  devoirs  des  deux  parties. 

Ce  traité,  qui  n’a  pas  moins  de  quinze  articles,  trop 
long  pour  être  rapporté  ici,  fut  en  vigueur  jusqu’en  1864. 
A  cette  époque,  quelques  difficultés  étant  survenues  entre 
M.  l’abbé  Balbacid  et  les  religieuses  chargées  du  service 
des  vieillards,  ce  traité  fut  annulé  d’un  commun  accord 
et  avec  l’autorisation  de  Monseigneur  Dabert,  évêque 
actuel  de  Périgueux.  Il  était  dit  dans  l’article  XV...  que 
«  s’il  s’élevait  quelque  doute  ou  quelque  contestation 
»  entre  la  communauté  et  la  commission  sur  les  disposi- 
»  tions  ou  l’exécution  des  conventions  arrêtées,  il  était 
»  formellement  convenu  que  Monseigneur  l’évêque  de 
»  Périgueux  restait  choisi  par  tous  comme  l’arbitre  amiable 
»  et  définitif,  et  qu’a  lui  appartiendrait  de  trancher  tous 
»  les  différends,  ses  décisions  devant  être  acceptées  de 
»  part  et  d’autre  sans  réserve  et  sans  appel.  » 


(1)  Nous  ne  trouvons  plus  ici  M.  l’abbé  de  Molènes.  Il  avait  compris 
que  pour  bien  étreindre  il  ne  fallait  pas  trop  embrasser  et  qu’il  se  devait 
tout  entier  à  la  direction  du  Petit-Séminaire. 


214  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Monseigneur  Dabert,  avec  ce  tact  administratif  qui  le 
distingue,  jugea  nécessaire  la  séparation  des  deux  auto¬ 
rités,  et  Sa  Grandeur  autorisa  l’annulation  du  traité  qui  les 
liait  ensemble. 

En  vertu  de  l’autorisation  de  ce  juge  sans  appel,  désigné 
par  le  traité  lui-même  ,  l’abbé  Balbacid  retira  et  plaça 
dans  un  autre  local  tous  les  pauvres  qu’il  avait  fait  entrer 
dans  l’hospice  des  vieillards,  et  la  supérieure  garda  tous 
ceux  qu’elle  y  avait  admis  de  sa  propre  autorité.  Il  y  eut 
alors  deux  hospices  des  vieillards ,  celui  de  M.  l’abbé 
Balbacid  et  celui  des  Soeurs  de  la  Miséricorde.  Le  bien 
ne  pouvait  en  être  que  plus  grand,* les  pauvres  ne 
pouvaient  que  s’en  trouver  mieux.  Il  en  futainsi  jusqu’en 
1876.  A  cette  époque,  M  l’abbé  Balbacid,  curé  de  Saint- 
Nexant,  ne  pouvant  plus  s’occuper  activement  de  son 
œuvre,  M.  le  maire  de  Bergerac,  d’accord  avec  le  conseil 
municipal,  lui  retira  les  douze  vieillards  qu’il  recevait  de 
la  commune, moyennant  une  pension  de  deux  cents  francs 
pour  chacun,  et  les  fit  admettre  avec  la  même  subvention 
à  l’hospice  des  religieuses  de  la  Madeleine.  Ce  fut  la  fin  de 
l’œuvre  de  M.  l’abbé  Balbacid,  pour  laquelle  il  avait 
déployé  tant  de  zèle  et  de  charité,  et  qui  enrichit  d’un 
beau  fleuron  sa  couronne  sacerdotale. 

Dès  ce  moment  aussi  l’établissement  des  Sœurs  prit  une 
grande  extension.  L’hospice  des  vieillards  est  leur  pro¬ 
priété  ;  et,  n’ayant  plus  à  craindre  de  froisser  les  suscep¬ 
tibilités  d’une  commission  administrative, elles  le  dirigent 
comme  elles  l’entendent  sous  la  haute  surveillance  de  Mgr 
l’évêque  de  Périgueux  et  le  contrôle  de  la  maison-mère, 
et  les  choses  n’en  vont  pas  plus  mal.  Le  petit  grain  de 
senevé,  semé  à  l’origine  par  une  main  habile  et  dans  un 
bon  terrain, a  germé  sous  le  regard  de  Dieu,  est  devenu  un 
grand  arbre  dont  les  branches  allongées  peuvent  abriter 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  215 

80  à  100  vieillards  et  une  quinzaine  de  pensionnaires  vo¬ 
lontaires. 

En  parlant  de  pensionnaires  volontaires,  nous  avons 
voulu  signaler  à  nos  lecteurs  «  la  Maison  de  retraite  qui 
»  complète  l’hospice  des  vieillards  avec  des  appartements 
»  séparés,  admirablement  disposés  pour  l’air,  la  lumière 
»  et  la  solitude,  où  peuvent  venir  s’abriter  les  personnes 
»  des  deux  sexes  qui  veulent  se  recueillir  dans  la  paix  et 
»  se  préparer  à  mourir  dans  une  maison  de  Dieu  ». 

Et  tout  cela  manquait  d’un  complément  nécessaire, 
d’une  chapelle  assez  vaste  pour  contenir  les  quatre-vingts 
personnes,  vieillards  ou  pensionnaires  qui  habitent  la 
maison.  Elle  a  été  construite  en  ces  dernières  années,  et, 
le  dimanche  13juin  dernier,  Mgr  Dabert  daignait  en  faire 
la  bénédiction  et  l’inaugurer  en  y  célébrant  les  Saints- 
Mystères.  M.  l’abbé  Sagette,  curé  de  la  Madeleine,  a  écrit 
dans  notre  Semaine  religieuse  (n°  du  26  juin  1880)  trois 
belles  pages  sur  la  bénédiction  de  cette  chapelle  et  l’hos¬ 
pice  des  vieillards,  la  gloire  de  sa  paroisse  et  le  bien  légi¬ 
time  orgueil  du  pasteur.  Nous  invitons  nos  lecteurs  à  les 
relire. 

Tels  furent  l’origine  et  les  développements  de  cet  hospice 
des  vieillards,  le  plus  bel  établissement  de  ce  genre  que 
possède  le  Périgord.  Allez  le  visiter,  et  vous  direz  :  A 
Domino  factum  est  istud,  et  est  mirabile  in  oculis  nostris. 


XXIII 


Hôpital  de  Belvès  (1). 


Nous  avons  ici  pour  guide  un  Mémoire  fait  pour  servir 
aux  Sœurs  de  Sainte-Marthe  de  l’hôpital  de  Belvès,  qui 
sollicitaient,  en  1750,  des  Lettres  patentes  en  faveur  de  cet 
hôpital  (2).  Il  commence  ainsi  : 

«  Il  serait  difficile  de  produire  des  titres  de  la  fondation 
»  de  l’hôpital  de  la  ville  de  Belvès  ,  puisqu’ils  sont  perdus 
»  sans  doute  par  suite  des  révolutions  et  des  guerres  qui 
»  ont  ravagé  ce  pays.  On  présume  qu’un  archevêque  de 

(i)  Nous  aurions  voulu  donner  plus  tôt  cette  Notioe  sur  un  hôpital  des 
plus  anciens  du  Périgord  ;  mais  les  documents  nous  faisaient  défaut.  Ceux 
que  nous  avions  reçu  de  l’évêché  ne  prenaient  cet  hôpital  qu’en  1818,  et 
tout  nous  faisait  pressentir  une  origine  antérieure  de  plusieurs  siècles.  Il 
a  fallu  donc  chercher  et  faire  chercher.  Nous  n’avons  pas  trouvé  tout  ce 
que  nous  avions  désiré,  mais  assez  cependant  pour  étonner  quelques  habi¬ 
tants  de  Belvès,  qui  paraissent  ne  pas  avoir  grand  souci  des  antiquités  de 
jeur  ville.  —  L’histoire  de  la  ville  de  Belvès  et  de  son  territoire,  au  double 
point  de  vue  politique  et  religieux,  serait  fort  intéressante.  Il  se  trouvera 
peut-être  quelqu’un  pour  l’écrire.  Les  documents  ne  manqueraient  pas. 
Nous  appelons  sur  ce  point  l’attention  de  nos  confrères  de  la  Société 
archéologique  et  historique  du  Périgord. 

(2)  Ce  Mémoire  est  conservé  aux  archives  de  notre  département.  Il  n’a 
point  de  date,  mais  les  faits  qu’il  rapporte  le  classent  vers  l’année  1750. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  217 

»  Bordeaux,  seigneur  suzerain  de  ladite  ville  et  juridiction 
»  de  Belvès  qui  renferme  douze  paroisses,  en  est  le  fonda- 
»  teur.  Cette  présomption  vient  d’un  acte  qui  dit  que 
»  Mgr  de  Sourdis,  archevêque  dudit  Bordeaux,  voulut, 
»  en  1634,  présider  à  la  nomination  d’un  syndic  et  qu’on 
»  lui  rendra  compte  du  temporel  dudit  hôpital.  On  assure 
»  avoir  vu  des  actes  bien  anciens  qui  marquaient  que  les 
»  seigneurs  Archevêques  établissaient  de  leur  autorité  des 
»  sujets  pour  le  desservir.  » 

On  voit  par  cette  conduite  des  Archevêques  de  Bordeaux 
à  l’égard  de  cet  hôpital,  qu’ils  exerçaient  un  vrai  patro¬ 
nage ;  or,  le  droit  de  patronage  ne  s’acquérait  que  par  une 
fondation  ou  une  dotation  telle  qu’elle  équivalait  à  une 
fondation.  L’origine  de  cet  hôpital  ne  nous  paraît  donc  pas 
douteuse  ;  elle  provient  de  la  charité  des  Archevêques  de 
Bordeaux.  Mais  quelle  date  lui  donnerons-nous? 

Nous  lisons  dans  la  Revue  du  pays  Sarladais  de 
M.  Yaussanges  :  «  Belvès,  jadis  château  très  fort,  apparte- 
»  nait  à  la  maison  d’Aymond  ;  puis  devint  la  propriété  des 
»  Archevêques  de  Bordeaux  par  Arnaud  de  Canteloup, 
»  qui  en  fit  l’acquisition  en  1307  et  l’unit  à  la  mense  épis- 
»  copale.  »  —  D’autre  part,  nous  lisons  dans  le  Diction¬ 
naire  topographique  de  M.  le  vicomte  A.  de  Gourgues,  à 
à  l’article  Belvès  :  «  Le  territoire  de  Belvès,  vendu  au  xiv° 
»  siècle,  par  G.  de  Biron  à  Bertrand  de  Goth,  archevêque 
»  de  Bordeaux,  formait  alors  une  châtellenie  composée  de 
»  treize  paroisses  :  Belvès,  Fongalau,  Larzac,Montplaisant, 

»  Orliac,  Prats,  Sagelac,  Sainte-Foy,  Saint-Marcory,  Saint- 
»  Pardoux,  Sales,  Urval,  Vielvic.  » 

Ges  deux  documents  mettent  les  archevêques  de  Bor¬ 
deaux  en  la  possession  de  la  châtellenie  de  Belvès  dès  la 
première  année  du  xive  siècle  ;  que  l’acquisition  ait  été 
faite  par  Bertrand  de  Goth,  nommé  archevêque  en  1300, 


218 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


et  élu  pape,  sous  le  nom  de  Clément  V,  en  1305,  ou  par 
son  neveu,  Arnaud  de  Canteloup,  qui  lui  succéda  sur  le 
siège  archiépiscopal,  ils  purent  y  contribuer  l’un  et  l’autre. 
L’oncle  put  la  préparer  pendant  son  court  épiscopat  et  ne 
laisser  au  neveu  que  le  soin  de  la  confirmer. 

Ces  deux  mêmes  documents  signalent  l’existence,  dès 
ce  même  temps,  à  Belvès,  d’une  maison  de  Templiers  et 
d’un  hôpital  «  qui  reçut,  dit  la  Revue  du  pays  Sarladaist 
dotation  de  l’archevêque  au  commencement  du  xive  siè¬ 
cle  (1  ' .  » 

Si  déjà  il  existait  un  hôpital  à  Belvès,  il  devait  avoir  une 
bien  faible  importance  ;  aussi  l’archevêque  acquéreur, 
Bertrand  de  Goth  ou  Arnaud  de  Canteloup,  s’empressa-t- 
il,  par  la  dotation  dont  il  est  parlé,  de  le  mettre  en  rapport 
avec  les  besoins  de  la  ville  et  des  paroisses  qui  composaient 
la  châtellenie  de  Belvès.  L’Archevêque  dut  ne  rien  négli¬ 
ger  pour  la  construction  d’un  local  et  pour  lui  assurer  des 
revenus  qui  garantissent  pour  le  présent  et  l’avenir  le  bien- 
être  des  pauvres  et  fissent  bénir  et  estimer  la  présence  du 
nouveau  seigneur.  Du  reste,  les  Archevêques  de  Bordeaux 
paraissent  avoir  eu  une  grande  prédilection  pour  leur 
châtellenie  de  Belvès  ;  plusieurs  y  séjournèrent  assez 
longtemps,  l’un  d’eux  même,  Armand  du  Cassis,  y  mourut 
en  1347  et  eut  sa  sépulture  dans  l’église  des  Jacobins  de 
cette  ville.  Ils  y  avaient  une  habitation  qui  fut  vendue 
en  1612,  par  l’archevêque  François  de  Sourdis  à  la  famille 
de  Comarque. 

(1)  C’est  sans  doute  par  inadvertance  que  l’auteur,  ou  peut-être  l’impri¬ 
meur  de  cette  Revue,  a  écrit  que  la  dotation  avait  été  faite  au  «  commence¬ 
ment  du  xme  siècle  ;  il  est  peut  probable  qu’un  archevêque  de  Bordeaux 
dota  l’hôpital  de  Belvès  un  siècle  avant  l’acquisition  de  Belvès.  D’ailleurs, 
l’auteur  attribue  l’acquisition  de  la  châtellenie  et  la  dotation  à  Arnaud  de 
Canteloup,  dont  l’épiscopat  ne  commença  qu’en  1305. 


219 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

L’hôpital  dé  Belvès  dut  rester  uni  à  la  mense  archiépis¬ 
copale  de  Bordeaux  jusqu’à  l’ordonnance  de  Louis  XIV, 
en  1694.  Nous  voyons  dans  ce  que  nous  avons  dit  que  les 
archevêques  le  faisaient  administrer  par  un  syndic  qui 
devait  leur  rendre  compte  du  temporel,  et  diriger,  pour 
le  service  des  pauvres,  par  des  sujets  nommés  par  eux, 
probablement  de  pieuses  et  charitables  séculières.  Par 
suite  de  la  susdite  ordonnance,  l’hôpital  fit  retour  à  la 
juridiction  de  Mgr  l’évêque  de  Sarlat.  Ce  retour  ne  lui  fut 
pas  avantageux.  Privé,  dès  ce  moment,  de  la  dotation  que 
lui  faisaient  les  archevêques  de  Bordeaux,  ses  revenus 
restèrent  presque  nuis.  Les  personnes  qui  le  desservaient 
ne  pouvaient  nourrir  les  pauvres,  en  petit  nombre,  qui  y 
logeaient,  qu’en  faisant  des  quêtes  journalières  dans  la 
ville.  «  Du  moins  était-il  tel  en  1730,  »  dit  l’auteur  de 
notre  Mémoire.  Pour  remédier  à  cet  état  de  misère,  les 
consuls  et  les  habitants  de  Belvès  voulurent  en  confier  la 
direction  à  des  religieuses,  et,  dans  ce  but,  ils  présen¬ 
tèrent  une  requête  à  Mgr  Le  Blanc,  évêque  de  Sarlat,  le 
suppliant  de  permettre  la  fondation  d’une  Communauté 
de  filles  pour  le  service  des  pauvres  de  la  ville  et  de  la 
juridiction  de  Belvès. 

A  cette  époque,  la  demoiselle  Barbe  Bonfils  de  la 
Moyssie,  de  l’une  des  meilleures  familles  de  Belvès, 
venait  de  quitter  les  Sœurs  hospitalières  de  Sainte-Marthe 
de  l’hôpital  de  Bergerac.  Mieux  que  toute  autre,  elle  pou¬ 
vait  remplir  le  double  but  indiqué  dans  la  requête  des 
consuls  ;  aussi,  Mgr  Le  Blanc,  faisant  droit  à  leur 
demande,  voulut-il  bien  la  nommer  directrice  de  l’hôpi¬ 
tal  et  supérieure  de  la  nouvelle  communauté,  et  lui 
adjoindre  pour  compagne  et  pour  aide  dans  le  service 
des  pauvres,  la  demoiselle  Teyssieu. 

Dans  l’ordonnance  d’institution,  Mgr  Le  Blanc  prescri- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


320 

vait  aux  consuls  de  faire  incessamment  les  réparations 
convenables  pour  loger  les  pauvres  et  les  deux  religieuses 
directrices. 

Les  consuls  avaient  promis,  dans  leur  supplique,  de 
faire  ces  réparations  dont  ils  avaient  évalué  la  dépense  à 
sept  ou  huit  mille  livres,  s’obligeant  à  la  payer.  Mais  pour 
des  motifs  peu  sérieux,  l’exécution  des  promesses  fut 
retardée,  et  les  réparations,  plusieurs  fois  ajournées,  le 
furent  enfin  indéfiniment.  Le  bon  vouloir  des  consuls 
s’était  traduit  par  une  rente  constituée  au  capital  de 
670  livres,  rente  dont  les  Sœurs,  après  trois  ans  d’attente, 
n’avaient  pas  encore  bénéficié. 

Ce  manquement  aux  promesses  faites  mettant  la  Sœur 
Barbe  de  La  Moyssie  dans  l’impossibilité  de  se  loger  et 
de  secourir  les  pauvres,  elle  quitta  Belvès  pour  prendre  la 
direction  de  l’hôpital  de  Villefranche.  Elle  n’y  resta  pas 
longtemps  ;  elle  en  sortit  bientôt  après,  cédant  aux  conseils 
de  M.  de  Lasserre,  archiprêtre  de  Moncabrier,  que  Mgr  Le 
Blanc  lui  avait  donné  pour  supérieur.  A  peine  fut-elle 
rentrée  à  Belvès,  où  elle  se  retira  dans  sa  maison  pater¬ 
nelle,  qu’elle  fut  fortement  sollicitée  de  prendre  la  direc¬ 
tion  de  l’hôpital,  qui  consistait  en  deux  chambres,  l’une 
sur  l’autre,  et  en  très  mauvais  état,  sans  qu’on  y  eût  fait 
la  moindre  réparation.  Sa  piété,  sa  charité  pour  les  mem¬ 
bres  souffrants  de  Jésus-Christ,  son  désir  de  faire  une 
œuvre  agréable  à  Dieu,  tout  la  pressait  intérieurement 
d’adhérer  aux  sollicitations  qui  lui  étaient  faites.  Elle  y 
fut  encouragée  par  un  honorable  habitant  de  Belvès,  le 
sieur  de  Sauret,  homme  de  Dieu,  puissant  en  œuvres  et 
en  paroles.  Ce  fut  lui  qui  la  détermina  à  se  vouer  à  cette 
œuvre  de  charité.  «  Il  la  soutint,  soit  parla  protection  dont 
»  il  l’honora  pendant  sa  vie,  soit  par  le  don  qu’il  lui  fit 
»  verbalement  d’une  maison,  ou  airial,  qui  était  près  du- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  221 

»  dit  hôpital,  et  de  400  livres  qu’il  légua  en  1739,  »  époque 
sans  doute  de  son  décès.  Ce  même  de  Sauret  disposa  en 
faveur  de  la  Sœur  de  la  Moyssie,  M.  de  Meyrignac-Debort) 
curé  de  Belvès,  qui  lui  fut  très  utile  par  ses  encourage¬ 
ments  et  ses  sages  conseils,  «  et  plus  tard  par  ses  géné¬ 
rosités,  qui  lui  valurent  le  titre  de  bienfaiteur  des  pau¬ 
vres.  » 

Ainsi  qu’on  le  voit,  la  Sœur  de  la  Moyssie  est  ici  à  la 
tête  d’une  œuvre  de  régénération  qu’elle  entreprend  avec 
les  seules  ressources  que  son  industrie  pourra  lui  procu¬ 
rer.  Mgr  Le  Blanc  daigna  lui  donner  pour  auxiliaire  la 
Sœur  de  Vieussens,  la  Sœur  Teyssieu,  sa  première  com¬ 
pagne,  n’ayant  pu  continuer  son  concours  à  l’œuvre. 

Reprenons  le  récit  de  notre  Mémoire  : 

«  La  Révolution  et  les  tracasseries,  toujours  d’accord 
»  pour  s'opposer  à  l’œuvre  de  Dieu,  ne  manquèrent  pas  de 
p  se  présenter,  pour  renverser  les  charitables  desseins  de 
»  Sœur  Barbe  de  la  Moyssie  ;  mais  bien  loin  de  la  rebuter, 
»  elles  ne  servirent  qu’à  l’encourager,  et,  pour  suppléer  à 
»  toutes  les  espérances  dont  on  l 'avait  vainement  flattée, 
»  elle  commença  par  donner  500  livres  pour  réparer  l’hô- 
»  pital,  qu’il  fallut  pour  ainsi  dire  tout  bouleverser.  Elle 
»  décora  la  chapelle  qu’elle  munit  des  vases  sacrés  et  des 
»  ornements  nécessaires  pour  les  Saints-Mystères  ;  elle 
»  mit  en  état  l’airial  que  feu  M.  de  Sauret  lui  avait  légué 
»  et  l’unit  à  l’hôpital  ;  elle  acheta  deux  maisons  avec  deux 
»  petits  jardins,  joignant  ledit  hôpital,  pour  loger  les 
»  Sœurs,  et  tout  cela  à  ses  frais  et  dépens.  La  Sœur  de 
»  Vieussens  lui  fut  d’un  grand  secours  par  son  activité. 
»  On  l’a  vue  servir  de  manœuvre  aux  maçons,  c’est-à-dire 
»  leur  porter  la  pierre  et  le  mortier  ;  et  si  le  temporel  est 
»  aujourd’hui  (vers  1750)  en  si  bon  état,  c’est  à  ses  Sœurs 
»  et  à  son  économie  qu’on  le  doit.  En  sorte  que,  tandis 


222 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  que  les  Sœurs  de  presque  tous  les  hôpitaux  sont  ordi- 
»  nairemeut  entretenues  aux  dépens  des  pauvres,  les 
»  Sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Belvès  sont  logées,  nourries 
»  et  entretenues  des  revenus  de  la  Sœur  Barbe  de  la 
»  Moyssie  et  du  peu  que  les  autres  y  ont  porté,  le  tout 
»  étant  en  commun  parmi  elles.  » 

Il  arrivait  souvent,  au  contraire,  que  les  pauvres  bénéfi¬ 
ciaient  du  superflu  des  Sœurs,  provenautde  leur  économie 
ou  des  privations  qu’elles  s’imposaient. 

«  Le  fonds  de  l’hôpital,  continue  l’auteur  du  Mémoire , 
»  n’étant  que  de  six  mille  quelques  cents  livres,  le  revenu 
»  suffit  à  peine  pour  l’entretien  de  trois  pauvres,  et  si  l’hôpi- 
»  tal  en  a  recueilli  sept  à  huit  pendant  les  mauvaises 
»  années,  c'était  du  revenu  de  la  Sœur  de  la  Moyssie  et 
»  de  ses  compagnes,  qu'ils  y  étaient  entretenus.  » 

Voilà  bien  les  œuvres  de  Barbe  de  la  Moyssie,  de  cette 
femme  vaillante  et  dévouée  que  la  Providence  avait  suscitée 
pour  restaurer  l’hôpital  de  Belvès,  ou  plutôt  pour  lui 
rendre  la  vie  qu’il  semblait  avoir  perdue  en  perdant  la 
dotation  que  lui  faisaient  les  Archevêques  de  Bordeaux. 
Elle  en  avait  pris  la  direction  en  1730  et  le  gouvernait 
depuis  une  vingtaine  d’années,  lorsque,  voulant  assurer 
le  bien  des  pauvres  et  l’avenir  des  religieuses  qui  s’étaient 
groupées  autour  d’elle  et  la  secondaient  si  bien  dans  son 
œuvre,  elle  désira  obtenir  des  Lettres  patentes  qui  devaient 
donner  à  l’hôpital  et  à  la  communauté  religieuse  une 
existence  légale.  G’estdans  ce  but  que  fut  rédigé  le  Mémoire 
qui,  jusqu’à  ce  moment,  nous  a  servi  de  guide.  En  voici 
les  conclusions  : 

«  Le  fonds  de  la  demoiselle  Barbe  de  la  Moyssie  ou  celui 
»  de  ses  compagnes  est  estimé  douze  mille  livres,  sans  y 
»  comprendre  le  logement  et  les  meubles. Elle  souhaiterait 
»  obtenir  des  Let'res  patentes  pour  établir  une  com- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DH  PÉRIGORD.  223 
»  mùnauté  des  Filles  de  Sainte-Marthe  dont  les  fonds  et 
»  revenus  présents  et  à  venir,  séparés  de  ceux  des  pauvres, 
»  seraient  à  la  disposition  des  Sœurs  qui  n’en  rendraient 
»  compte  qu’à  Mgr  l’évêque  de  Sarlat  ou  à  ses  députés,  et 
»  que  le  syndic  de  l’hôpital  recevant  le  revenu  des  pauvres 
»  en  rendrait  compte  aux  administrateurs,  en  l’absence 
»  dudit  seigneur  évêque.  Par  là,  le  revenu  serait  distingué 
»  l’un  de  l’autre,  et  à  mesure  que  les  Sœurs  se  multi- 
»  plieraient,  leur  revenu  augmentant,  elles  seraient  tou- 
•>  jours  en  état  de  mieux  secourir  les  pauvres,  et  en  plus 
»  grand  nombre. 

»  Ce  qui  oblige  ladite  demoiselle  de  la  Moyssie  à  deman- 
»  der  des  Lettres  patentes  pour  une  communauté  de  Filles 
»  de  Sainte-Marthe,  c’est  1°  que  par  le  poids  des  imposi- 
.»  tious  dont  on  l’accable,  elle  ne  peut  secourir  les  pau- 
»  vres  que  très  médiocrement  et  en  très  petit  nombre  ; 
»  2°  parce  que  son  revenu  n’étant  pas  au  pouvoir  d’un 
»  syndic  et  des  administrateurs,  il  sera  plus  exactement 
»  conservé,  et  ne  sera  pas  exposéJt  la  dissipation,  comme 
»  il  n’arrive  que  trop  souvent  dans  les  petits  endroits. 

»  Les  Filles  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux  et  de  Ber- 
»  gerac  sont  exemptées  de  toutes  sortes  d’impositions  et  ne 
»  rendent  compte  de  leur  revenu  qu’à  Mgr  de  Périgueux 
»  ou  à  ses  députés.  Ainsi  voudraient  être  celles  de  Belvès, 

»  et  ne  dépendre  que  de  Mgr  l’évêque  de  Sarlat  ou  de  ses 
»  députés. 

»  Si  l’on  ne  peut  pas  réussir  à  obtenir  des  Lettres 
»  patentes  pour  une  communauté  de  Sainte-Marthe,  on 
»  prie  les  personnes  charitables  qui  voudront  bien  s’inté- 
»  resser  pour  les  Sœurs  de  Belvès,  de  faire  en  sorte  qu'elles 
»  soient  déchargées  de  toutes  sortes  d’impositions. 

»  Si  jamais  hôpital  n’a  été  nécessaire,  celui  de  la  ville 
»  de  Belvès  l’est  absolument,  puisqu’il  est  éloigné  de  tout 


224 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  autre  hôpital  de  trois  ou  quatre  lieues,  et  que  la  ville  et 
»  la  juridiction  de  Belvès  consistant  en  douze  paroisses 
»  sont  pour  ainsi  dire  un  pays  misérable.  » 

Ces  Lettres  patentes  furent-elles  demandées  et  accor¬ 
dées  V  C’est  probable  ;  bous  n’avons  aucun  document  qui 
nous  permette  de  l’affirmer.  Quoiqu’il  en  soit,  la  Sœur  de 
la  Moyssie  poursuivit  son  œuvre  avec  le  même  zèle  et  le 
même  désintéressement,  donnant  également  ses  soins  et 
aux  pauvres  de  l’hôpital  et  à  ses  Filles  de  Sainte-Marthe, 
jusqu’au  jour  où  Dieu  l’appela  à  prendre  au  ciel  la  cou¬ 
ronne  qu’elle  avait  si  bien  méritée.  Elle  mourut  le 
8  septembre  1761.  L’hôpital  et  sa  communauté  de  Sainte- 
Marthe  se  partagèrent  sa  succession.  Son  nom  devrait  être 
cher  aux  pauvres  de  l’hôpital.  Nous  ne  pouvons  croire 
qu’ils  l'ignorent  complètement. 

Nous  avons  pu  recueillir  les  noms  d’autres  bienfaiteurs 
de  cet  hôpital.  Il  nous  est  bien  agréable  de  les  inscrire  ici 
à  la  suite  de  celui  de  la  Sœur  Barbe  de  la  Moyssie  : 

1°  Le  26  avril  1723,  Françoise  Royneau,  fille  du  couvent 
de  la  Foi  de  Belvès,  légua  par  testament  la  somme  de 
100  livres  aux  pauvres  de  l’hôpital  de  Belvès. 

2°  Le  8  novembre  1736,  noble  François  de  Comarque 
légua  par  testament  300  livres  à  l’hôpital  de  Belvès. 

3°  Le  17  juin  1741,  Jean  Murat  légua  par  testament  un 
capital  de  400  livres  en  rente  constituée. 

4»  Le  13  mars  1748,  Jean  Delabarde,  sieur  de  Pechjonat, 
ancien  officier  d’infanterie,  habitant  du  lieu  de  Lagran- 
gette,  paroisse  de  Sainte-Foy,  donna  à  M.  Jean  de  Meyri- 
gnac-Debort,  docteur  en  théologie,  curé  dudit  Belvès,  et, 
en  cette  qualité,  syndic-né  dudit  hôpital,  —  hôtel-Dieu,  — 
la  somme  de  10  livres  de  revenu  annuel,  et  en  rente 
constituée  au  capital  de  200  livres. 

5°  Le  9  avril  1758,  Catherine  Cluzel ,  veuve  de  Jacques 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  225 
Dalbaii,  institue  pour  son  héritière  universelle ,  en  faveur 
de  l’hôpital,  la  demoiselle  Barbe  Bonfils  de  la  Moyssie, 
fille  de  Sainte-Marthe,  à  condition  de  faire  dire  pour  la 
somme  de  15  livres  des  messes  de  Requiem  pouf  le  repos 
de  son  âme. 

Ce  n’est  pas  là  sans  doute  la  liste  complète  des  bienfai¬ 
teurs  de  l’hôpital  de  Belvès  ;  nous  aurions  voulu  pouvoir 
la  continuer  jusqu’à  nos  jours  pour  l’édification  des  géné¬ 
rations  à  venir  ;  nous  n’avons  pas  eu  à  notre  disposition 
les  documents  nécessaires. 

Décédée,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  le  8  septembre  1761, 
la  Sœur  Barbe  de  la  Moyssie  fut  remplacée,  comme  direc¬ 
trice  de  l’hôpital  et  supérieure  de  la  communauté  de 
Sainte-Marthe  dont  elle  était  la  fondatrice,  par  la  sœur 
Marie  de  Yieussens,  celle-là  même  que  Mgr  Le  Blanc  lui 
avait  donnée  pour  compagne  et  pour  auxiliaire.  Un  acte 
du  13  décembre  1763  nous  donne  les  noms  des  religieuses 
qui  composaient  alors  la  communauté  :  «  Marie  de  Vieus- 
»  sens,  supérieure  ;  Marie  Galateau  et  Jeanne  Issaftief  » 
Ce  jour-là  ces  trois  en  recevaient  une  quatrième,  Catherine 
Joffre,  «  pour  le  service  des  pauvres,  est -il  dit  ;  »  ce  qui 
fait  supposer  que  celle-ci  devant  s’occuper  spécialement 
des  pauvres,  les  autres  s’employaient  à  la  direction  des 
écoles  qu’elles  avaient  ouvertes  en  faveur  des  jeunes  filles 
de  la  classe  indigente. 

Nos  documents  s’arrêtent  ici  et  ne  reprennent  qu’en  1818. 
Il  y  a  lieu  de  supposer  que  ces  mêmes  religieuses  de 
Sainte-Marthe  gardèrent  la  direction  de  l’hôpital  jusqu’à 
la  grande  Révolution,  qu’elles  en  furent  alors  expulsées  et 
obligées  de  chercher  un  asile  dans  leurs  familles.  Furent- 
elles  victimes  de  l’orage  révolutionnaire?  Après  le  calme 
rétabli,  se  trouvèrent-elles  trop  âgées  ou  trop  infirmes  ? 
Nous  ne  croyons  pas  qu’aucune  d’elles  ait  repris  ses  fonc- 

15 


226 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


tions  à  l’hôpital.  La  direction  en  fut  confiée  à  Marguerite 
Hugon,  qui  l'avait  encore  en  1818.  A  cette  dernière  époque, 
sur  sa  demande  motivée,  la  commission  administrative, 
comme  lé  constate  une  délibération  du  3  juillet  1818,  lui 
retira  l’administration  de  l’hôpital  pour  la  confier  à  deux 
religieuses  hospitalières  de  l’hôpital  de  Bergerac.  Cette 
délibération  porte  : 

«  1°  L’administration  intérieure  de  l’hôpital  de  Belvès  est 
»  confiée  aux  sœurs  Margaud  et  Laroche-Féline,  religieu- 
»  ses  hospitalières  dépendantes  de  l’hôpital  de  Bergerac. 

»  2°  Pendant  leur  administration,  elles  seront  nourries, 
»  éclairées,  blanchies  et  soignées,  en  maladie  comme  en 
»  santé,  aux  frais  de  l’hôpital  de  Belvès.  Elles  recevront, 
»  en  outre,  pour  leur  entretien,  chacune  un  traitement 
»  annuel  de  cent  francs. 

»  3°  Il  est  voté,  en  outre,  une  somme  de  trente-six  francs 
»  pour  les  frais  de  voyage  des  Sœurs  hospitalières  de  Ber- 
»  gerac  à  Belvès. 

»  4U  Les  mêmes  conditions  seront  observées  pour  les 
»  religieuses  qui  succéderont  aux  Sœurs  Margaud  et 
»  Féline.  » 

C’est  à  ces  conditions  que  les  deux  Sœurs  dont  il  est 
parlé  dans  cette  délibération  prirent  possession  du  petit 
hôpital  de  Belvès.  Plus  tard,  le  20  novembre  1837,  inter¬ 
vint  un  traité  entre  la  commission  administrative  et  la 
mère  supérieure  de  l’hôpital  de  Bergerac.  Ce  traité, 
approuvé  par  le  ministre  de  l’intérieur,  le  11  mai  1840,  ne 
fait  que  reproduire  un  peu  plus  au  long  les  dispositions 
contenues  dans  la  délibération  de  la  commission  ;  il  règle 
quelques-uns  des  points  principaux  du  service  intérieur 
de  l’établissement  ;  il  rétablit  les  droits  et  les  charges  des 
religieuses,  mais  il  ne  déroge  en  rien  d’essentiel  aux  con¬ 
ditions  acceptées  de  part  et  d’autre  dès  le  principe. 


227 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

C’est  sous  l’empire  de  ce  traité  que  l’hôpital  de  Belvès 
a  été  dirigé  jusqu’à  ce  jour.  L’hôpital  de  Bergerac  y  a 
toujours  maintenu  les  sœurs  qui  y  étaient  nécessaires. 
Mais,  depuis  le  moment  où  toutes  les  communautés  dio¬ 
césaines  ont  été  réunies  en  une  seule  congrégation,  l’hô¬ 
pital  de  Bergerac  ne  recevant  plus  de  sujets  pour  les  for¬ 
mer  à  la  vie  religieuse,  et  étant  obligé  lui-même  de  puiser 
au  noviciat  général  pour  ses  propres  besoins,  l’hôpital  de 
Belvès  est  tombé  naturellement  sous  la  direction  de  la 
Congrégation  générale  de  Sainte-Marthe  du  Périgord. 

Belvès  possède  aussi  une  Miséricorde,  autre  établisse¬ 
ment  de  bienfaisance  entièrement  distinct  de  l’hôpital, 
quoique  dirigé  par  des  religieuses  de  la  même  Congréga¬ 
tion  de  Sainte-Marthe. 

Nous  devons  dire  un  mot  de  la  fondation  de  cette  Misé¬ 
ricorde,  qui  ne  date  que  de  1841.  Elle  est  l’œuvre  de  la 
charité  chrétienne  unie  à  la  charité  sacerdotale. 

En  1838,  Mlle  Serventie  donna,  par  testament,  une 
somme  de  18,000  francs  pour  fonder  dans  la  ville  de  Bel¬ 
vès  une  maison  de  Miséricorde  ;  mais,  après  sa  mort,  ses 
héritiers  naturels  attaquèrent  son  testament,  et,  par  suite 
d’un  procès  qu’ils  gagnèrent  contre  la  commune ,  le  legs 
pieux  de  18,000  francs  fut  réduit  à  13,000. 

Trois  ans  plus  tard,  en  1841,  le  vénérable  M.  Cogniel, 
curé  de  Belvès,  achèta,  sous-seing  privé,  la  maison  desti¬ 
née  à  recevoir  la  nouvelle  communauté  et  fit  appel  à  la 
supérieure  de  la  Miséricorde  de  Bergerac,  la  mère  Dussou- 
las,  qui  envoya  trois  religieuses  de  sa  communauté  et  fit 
passer  sur  leur  tête  par  un  acte  public  la  maison  acquise 
par  M.  le  curé.  Et  dès  ce  moment,  l’œuvre  était  fondée. 

Il  n’y  eut  d'abord  à  cette  Miséricorde  que  trois  religieu¬ 
ses  ;  plus  tard  il  y  en  eut  jusqu’à  cinq,  en  y  comprenant 
la  sœur  de  service.  Aujourd’hui,  elles  sont  au  nombre  de 


228  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

six.  Elles  dirigent  un  pensionnat,  un  externat  et  une  école 
gratuite,  visitent  à  domicile  les  malades  indigents  et  leur 
portent  les  secours  dont  ils  ont  besoin.  Elles  sont,  en  outre, 
chargées  de  la  distribution  hebdomadaire  des  fonds  du 
bureau  de  bienfaisance  qui  dépassent  mille  francs  de 
revenu  en  y  comprenant  le  produit  des  quêtes  du  diman¬ 
che  à  l’église. 

Ajoutons,  en  finissant  cette  Notice,  deux  noms  à  la  liste 
des  bienfaiteurs  des  pauvres  de  Belvès. 

Nous  avons  oublié  de  mentionner  à  la  date  du  21  février 
1777  le  nom  du  sieur  Bonfils-Dumas,  qui  légua  à  l’hôpital 
une  rente  constituée  au  capital  de  250  livres  et  assura  un 
revenu  annuel  de  40  livres  à  la  supérieure  du  même 
hôpital. 

Le  deuxième  nom  que  nous  trouvons  à  la  date  du 
1er  août  1821  et  que  sans  doute  les  habitants  de  Belvès  n’ont 
pas  oublié,  est  celui  de  Marie  Laporte,  sœur  de  la  Chanté 
de  Nevers.  Voici  les  clauses  de  son  testament  olographe 
enregistré  à  Sarlat  le  2  mai  1822  : 

«  1°  Je  donne  et  lègue  à  l’hospice  de  Villefranche  quatre 
»  cents  francs  payables  dans  l’année  de  mon  décès. 

»  2°  Je  donne  et  lègue  aux  pauvres  de  la  Miséricorde 
»  de  Belvès  la  somme  de  cinq  cents  francs  ;  ils  ne  se 
»  donneront  que  quand  il  y  aura  une  Miséricorde  bien 
»  établie. 

»  3»  Je  donne  et  lègue  à  l’église  de  l’hôpital  de  Belvès,  la 
»  terre  que  je  possède  près  de  la  tannerie  du  sieur  Besse, 
»  au-delà  des  fontaines,  à  condition  qu’il  sera  célébré,  à 
»  perpétuité,  dans  ladite  église,  au  commencement  de 
»  chaque  mois,  une  messe  pour  le  repos  de  mon  âme  ou 
»  de  mes  parents.  Je  veux  aussi  que  tous  les  ans,  le  jour 
»  de  mon  décès,  il  soit  fait  un  service  dans  l’église  de 
»  l’hôpital  pour  le  repos  de  mon  âme. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  229 

»  4°  Je  nomme  et  institue  pour  mes  héritiers  universels 
»  les  pauvres  de  l’hospice  de  Belvès,  à  la  charge  par  eux 
»  de  réciter  tous  les  jours  un  Pater  et  un  Ave  pour  le 
»  repos  de  mon  âme,  et  je  nomme  pour  mes  exécuteurs 
»  testamentaires  ma  belle-sœur  de  Villefranche,  la  respec- 
»  table  sœur  Marianne,  supérieure  de  l’hospice,  et  M.  Ga- 
»  mot,  curé  de  Belvès.  » 

Ce  testament  se  passe  de  'tout  commentaire.  Il  fut,  nous 
n’en  doutons  pas,  fidèlement  exécuté. 

Et  telles  sont  les  origines,  on  ne  peut  plus  chrétiennes, 
des  établissements  hospitaliers  de  Belvès  ;  et,  néanmoins, 
nous  avons  à  noter,  avec  regret,  mais  sans  étonnement, 
que  les  exécuteurs  de  la  nouvelle  loi  n’ont  pas  cru  devoir 
conserver  au  curé  actuel  de  Belvès  une  place  dans  les 
commissions  administratives  de  l’hospice  et  du  bureau  de 
bienfaisance. 


XXIV 


Hospice  du  Coderc,  à  Fouleix. 


A  un  peu  plus  d’un  kilomètre  du  chef-lieu  de  la  paroisse 
de  Fouleix  et  dans  un-  site  aussi  agréable  que  pittoresque 
se  trouve  placé  l’hospice  du  Coderc ,  ainsi  appelé  du  nom 
du  lieu  de  sa  fondation.  Il  se  compose  d’une  belle  maison 
et  des  bâtiments  d’exploitation,  d’un  beau  jardin  et  de 
deux  domaines  qui  entourent  la  maison  et  dont  l’ensemble 
ne  forme  avec  elle  qu’un  seul  enclos. 

Le  propriétaire  de  cet  immeuble,  M.  Jean  Malachie 
Lafaux,  n’ayant  pas  d’enfants,  eut  l’heureuse  idée  de  faire 
les  pauvres  ses  héritiers  et  leur  donna  sa  maison  pour 
asile  et  ses  terres  pour  leur  nourriture  et  leur  entretien. 
Nous  lisons  dans  son  testament  du  17  mars  1842,  retenu 
par  M°  Gadaud,  notaire  à  Saint-Mayme,  canton  de  Yergt  : 

«  Le  restant  de  tous  mes  biens,  meubles  et  immeubles, 
»  je  veux  et  j’entends  qu’ils  soient  destinés  à  faire  un 
»  dépôt  de  mendicité  dans  lequel  seront  admis  douze  pau- 
»  vres  des  plus  anciens  habitants  infirmes  et  des  plus  âgés 
»  des  communes  de  Fouleix,  Saint-Amand ,  Saint-Michel 
»  et  Beauregard,  étant  domiciliés  depuis  au  moins  dix  ans 
»  dans  les  communes  ci-dessus  désignées  ;  chacune  des 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  231 

>'  dites  communes  fournira  trois  pauvres  et  aussitôt  qu’il 
»  mourra  un  ou  plusieurs  pauvres  de  ceux  qui  auront  été 
»  admis  dans  cet  établissement ,  il  sera  remplacé  par  un 
»  autre  de  celle  des  dites  communes  où  il  était  domicilié 
»  lors  de  son  admission  dans  cet  établissement  ;  bien 
»  entendu  qu’il  devra  être  le  plus  infirme  et  le  plus  âgé  de 
»  la  commune  qu’il  habitera. 

»  Je  veux,  par  conséquent ,  que  tous  les  revenus  des' 
»  biens  meubles  et  immeubles  que  je  laisserai  à  l’époque 
»  de  mon  décès  tournent  pour  toujours  au  soulagement 
»  des  pauvres  des  communes  ci-dessus  désignées,  et  je 
»  recommande  aux  conseils  municipaux  des  dites  quatre 
»  communes  de  veiller  à  l’exécution  des  présentes,  que 
»  j’institue  mes  légataires  aux  charges  ci-dessus  stipulées. 

»  Il  sera  prélevé  chaque  année,  à  perpétuité,  une  somme 
»  lie  trente  francs  de  messes  pour  le  repos  de  mon  âme 
»  et  celle  de  mes  parents  prédécédés ,  et  il  devra  être  dit 
»  chaque  année,  à  l’époque  de  mon  décès,  une  messe  de 
»  Requiem,  le  tout  dans  l’église  de  Fouleix  et  aux  frais  de 
»  l’établissement.  » 

Le  généreux  bienfaiteur  étant  décédé  le  7  avril  1842,  son 
legs  fut  approuvé  par  ordonnance  royale  du  20  juillet  1845, 
et  dès  lors  cet  établissement  fut  reconnu  comme  hospice 
ayant  une  existence  légale. 

Il  fallut  pourvoir  à  l’administration  et  à  la  direction  du 
nouvel  hospice.  Le  fondateur  aurait  pu  imposer  des  con¬ 
ditions  quant  au  choix  du  personnel  religieux  ou  laïque  ; 
mais  c’était  chose  si  naturelle  à  cette  époque  qu’un  hos¬ 
pice  fût  dirigé  par  des  religieuses,  qu’il  ne  put  avoir  la 
pensée  qu’un  jour  il  pourrait  en  être  autrement.  Aujour¬ 
d’hui,  l’expérience  le  rendrait  plus  prudent.  Quant  à  la 
commission  administrative,  un  fondateur  aussi  chrétien, 
aussi  pieux  que  M.  Malachie  Lafaux  ne  pouvait  pas  pré- 


232 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


voir  que  l’élément  religieux  et  catholique  pourrait  en  être 
systématiquement  exclu.  Aussi  ne  fit-il  aucune  réserve  à 
ce  sujet. 

Cette  commission  qui  devait  représenter  les  quatre 
paroisses  intéressées  à  la  prospérité  de  l’oeuvre  ,  fut  nom¬ 
mée  par  arrêté  de  M.  le  préfet,  en  date  du  29  août  1845,  et 
installée  le  24  septembre  suivant.  Elle  se  composait  de 
M.  le  maire  de  Fouleix,  président  ;  de  MM,  Greletty,  Louis 
Bosviel,  Barthélemy  Labat,  notaire  ;  Jules  Yalicon,  curé  de 
Fouleix  ;  Etienne  Masson  ,  curé  de  Yergt,  et  Jean  Laveys- 
sière,  curé  de  Saint-Amand-de-Vergt.  Dans  la  première 
réunion  furent  nommés  M.  Masson,  vice-président  et 
M.  Labat,  secrétaire. 

La  commission  administrative  ainsi  organisée  et  instal¬ 
lée,  son  premier  soin  fut  de  pourvoir  à  la  direction  inté¬ 
rieure  de  l’établissement,  et  il  fut  convenu  qu’elle  serait 
confiée  à  une  congrégation  religieuse.  Le  choix  de  tous 
les  membres  se  porta  sur  les  Sœurs  hospitalières  du  Bourg 
de  la  Madeleine  de  Bergerac,  dites  Sœurs  de  la  Miséri¬ 
corde.  Un  traité,  en  date  du  19  novembre  1847,  fut  passé 
entre  la  Supérieure  de  cette  communauté  et  la  commis¬ 
sion  administrative  ;  il  portait  les  clauses  suivantes  : 

«  Entre  les  membres  de  la  commission  administrative 
»  de  l’hospice  du  Coderc,  commune  de  Fouleix,  canton  de 
«  Vergt,  arrondissement  de  Périgueux  (Dordogne), 

»  Et  la  supérieure  des  Sœurs  de  la  Miséricorde  du  fau- 
»  bourg  de  la  Madeleine  de  Bergerac,  agissant  au  nom  de 
sa  communauté,  a  été  arrêté  et  convenu  ce  qui  suit  : 

»  Art.  l°r.  —  La  supérieure  de  la  communauté  s’engage 
»  à  faire  desservir  l’hospice  du  Coderc  par  deux  religieuses 
»  et  une  sœur  de  service  ;  cette  dernière  ne  devra  faire 
»  partie  de  l’établissement  que  dès  le  moment  de  l’admis- 
»  sion  des  pauvres  ; 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOED.  233 

»  Art.  2.  —  Les  sœurs  seront  logées,  nourries,  chauffées, 
»  éclairées,  blanchies,  meublées,  aux  frais  de  l’hospice 
»  qui  leur  fournira  aussi  tout  le  linge  nécessaire,  à  l’ex- 
>)  ception  du  linge  de  corps.  Elles  recevront,  en  outre,  une 
»  somme  de  cinquante  francs  pour  chacune  d’elles  qui 
»  leur  sera  payée  par  la  commission  ; 

»  Art.  3.  —  Celle  qui  sera  supérieure  rendra  compte, 
»  tous  les  trois  mois,  de  toutes  les  recettes  et  dépenses 
»  qu’elle  aura  effectuées  dans  le  courant  du  trimestre,  à 
»  l’exception  de  la  somme  donnée  pour  frais  d’entretien, 
»  de  vestiaire  et  de  linge  de  corps  ; 

»  Art.  4.  --  Le  nombre  des  sœurs  ne  pourra  être  aug- 
»  menté  ni  diminué  que  par  un  commun  accord  entre 
»  la  commission  et  la  supérieure  générale  de  la  congréga- 
»  tion  ;  cependant,  dans  le  cas  d’urgence,  tel  que  la 
»  maladie  de  l’une  des  sœurs,  la  supérieure  pourra  alors 
»  envoyer  provisoirement  une  autre  sœur  pour  donner 
»  les  soins  nécessaires  ; 

»  Art.  5.  —  La  sœur  supérieure  aura  la  surveillance  sur 
»  tout  ce  qui  se  fera  dans  l’hospice  ;  elle  sera  chargée  de 
»  toutes  les  clefs  de  la  maison  ;  elle  aura  le  droit  de  nom- 
»  mer  et  de  renvoyer  les  domestiques  dont  le  nombre,  fixé 
«provisoirement  à  une  fille  de  service,  pourra  être  aug- 
»  menté  selon  les  besoins  de  la  maison,  et  d’un  commun 
»  accord  entre  la  commission  et  la  sœur  supérieure  ; 

»  Art.  6.  —  Lorsque  l’âge  ou  les  infirmités  mettront  une 
»  sœur  hors  d’état  de  continuer  ses  services,  elle  pourra 
»  être  conservée  dans  l’hospice  et  y  être  nourrie,  chauffée, 

»  blanchie,  éclairée,  etc.,  pourvu  qu’elle  compte  quinze 
»  années  de  services  dans  la  maison,  à  une  ou  plusieurs 
»  reprises  ;  mais  elle  ne  percevra  plus  la  somme  allouée 
»  pour  frais  de  vestiaire  à  celles  qui  sont  en  activité.  — Les 
»  sœurs  infirmes  seront  remplacées  par  d’autres  sœurs 


234  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  de  la  même  congrégation,  aux  mêmes  conditions  que 
»  les  premières  ; 

»  Art.  7.  —  Si  une  des  sœurs  de  l'hospice  vient  à 
»  décéder,  elle  sera  enterrée  aux  frais  de  l’établissement 
»  et  l’on  fera  célébrer,  pour  le  repos  de  son  âme,  un  service 
»  solennel  et  deux  messes  basses  ; 

»  Art.  8.  -  Il  sera  dressé  à  l’entrée  des  sœurs  un  inven- 
»  taire  du  mobilier  qui  leur  sera  confié,  et,  chaque  année, 
»  il  sera  procédé  au  renouvellement  de  cet  inventaire; 

»  Art.  9 .  —  Les  sœurs  restent  libres  de  tenir  une  école 
»  de  filles,  dont  elles  affecteront  le  produit  au  profit  de 
»  l’établissement  et  de  la  manière  qu’elles  l’entendront. 
»  Cependant,  dans  le  cas  où  les  cinquante  francs  mention- 
»  nés  à  l’article  2  ne  suffiraient  pas  à  leurs  besoins  person- 
»  nels,  elles  pourraient  prendre  le  complément  sur  le 
»  produit  delaclasse  ;  l’une  et  l’autre  de  ces  deux  dispo- 
»  sitions  est  laissée  à  leur  conscience.  » 

Ce  traité  accusait  dans  les  deux  parties  contractantes 
un  même  désir  du  bien,  une  estime  et  une  confiance 
réciproques.  On  ne  pouvait  établir  sur  de  meilleures  bases 
le  nouvel  édifice. 

Ce  fut  en  vertu  de  ce  traité  que  deux  religieuses  et  une 
sœur  converse  de  la  Miséricorde  du  faubourg  de  la'  Made¬ 
leine  de  Bergerac  prirent  possession  de  l’hospice  de 
Fouleix.  Toutefois,  elles  n’y  reçurent  les  pauvres  que 
quatre  ans  plus  tard,  en  1851.  Dès  les  premiers  jours,  elles 
ouvrirent  une  classe  payante  et  une  classe  gratuite  pour 
les  jeunes  filles  indigentes,  et  ne  tardèrent  pas  à  se 
concilier  l’estime  et  l’affection  de  tous. 

Grâce  à  leur  sage  économie  et  à  un  legs  de  cinq  cents 
francs  fait  par  Mme  de  Lamarcaudie  de  St-Michel,  la 
commission  administrative  put,  en  peu  d’années,  faire 
d'importantes  réparations  et  dégrever  l’hospice  de  plu- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  235 
sieurs  charges  qui  pesaient  sur  lui  par  suite  du  testament, 
du  fondateur.  G’est  ainsi  qu’elle  désintéressa  les  héritiers 
naturels  de  M.  Lafaux,  et  qu’elle  acquitta  des  dettes  ou 
des  legs  pour  une  somme  de  19,000  fr.,  sans  être  obligée 
d’aliéner  aucune  partie  des  immeubles.  Aujourd’hui 
les  revenus  de  cet  hospice  se  composent  du  produit 
de  deux  domaines  d’une  valeur  vénable  d’environ  45,000 
francs  et  de  3,000  francs  de  rente  sur  l’Etat.  Ce  qui  prouve 
sa  prospérité  et  qu’il  peut  largement  remplir  les  obliga¬ 
tions,  imposées  par  le  fondateur,  au  sujet  de  la  nourriture 
et  de  l’entretien  de  douze  pauvres. 

Ces  mêmes  religieuses,  devenues  sœurs  de  Sainte- 
Marthe  par  leur  union  à  la  congrégation  générale  de  ce 
nom,  continuèrent  à  diriger  cet  hospice  du  Coderc,  à  la 
grande  satisfaction  de  tous,  jusqu’en  1871.  A  cette  dernière 
époque,  la  supérieure  générale,  peut-être  sans  motifs 
assez  sérieux,  crut  devoir  abandonner  cet  établissement 
et  rappela  à  la  maison-mère  les  trois  religieuses  qui  le 
dirigeaient. 

Pour  les  remplacer  la  commission  administrative  s’adres¬ 
sa  à  la  communauté  de  8te-Marie-de-Torfou  qui  envoya 
les  religieuses  nécessaires  pour  continuer  l’œuvre  de 
charité  auprès  des  pauvres  infirmes,  d’après,  les  pieuses 
intentions  du  fondateur.  Un  traité,  le  même  qui  avait  eu 
lieu  pour  les  sœurs  de  Sainte-Marthe,  fut  passé  le  29 
octobre  1871,  entre  la  commission  et  la  supérieure  générale 
de  Sa  inte-Marie-de-Torfou. 

Les  nouvelles  religieuses  se  livrèrent  à  leur  emploi  de 
charité  avec  tout  le  zèle  et  tout  le  dévouement  qu’on 
pouvait  désirer.  Rien  ne  fut  changé  quant  au  bien-être 
des  pauvres,  parce  que  le  même  esprit  de  Dieu  animait 
celles  qui  se  disaient,  comme  leurs  devancières,  très- 
humbles  et  très-honorées  servantes  des  pauvres. 


236  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

Ces  religieuses  ont  dirigé  pendant  huit  ans  l’hospice  du 
Goderc  et  les  écoles  qui  y  sont  annexées.  Pendant  ce 
temps,  deux  sont  mortes  à  l’œuvre.  L’administration  leur 
a-t-elle  tenu  compte  de  leur  abnégation ,  de  leurs 
souffrances? 

En  1879,  il  fallut  remplacer  comme  institutrice  commu¬ 
nale  la  sœur  qui  venait  de  mourir,  et  le  conseil  municipal, 
dans  sa  délibération  du  14  décembre,  vota  en  faveur 
d’une  institutrice  laïque,  et  peu  de  mois  après,  la  com¬ 
mission  administrative,  entièrement  renouvelée  dans  le 
sens  laïque  de  la  loi  du  5  août  1879,  vint  enchérir  sur  la 
décision  municipale.  Elle  prit  une  délibération  contre  les 
religieuses  de  l’hospice ,  leur  enjoignant  de  céder  leur 
place  à  des  infirmières  laïques. 

Elles  avaient  fait,  sans  observation  aucune,  le  sacrifice  de 
l’école  communale.  Mais  le  sacrifice  de  leurs  chers  pauvres 
pour  lesquels  elles  auraient  donné  leur  vie,  ce  sacri¬ 
fice,  elles  firent  les  instances  les  plus  vives  comme  les  plus 
légitimes  pour  le  conjurer.  Tout  fut  inutile,  elles  durent 
se  retirer. 

Ceci  avait  lieu  au  mois  de  mars  1880. 

Aujourd'hui,  deux  séculières  occupent  l’hospice  du  Go¬ 
derc,  l’une  en  qualité  d’institutrice  et  l’autre  en  qualité 
d’infirmière.  Les  pauvres  s’en  trouvent-ils  mieux  ?  Nous 
le  demandons  aux  nouveaux  administrateurs.  Croient- ils 
avoir  amélioré  le  sort  des  pauvres  ?  Croient-ils  remplir  par 
ce  laïcisme  les  intentions  du  pieux  et  généreux  fondateur  ? 

M.  Malachie  Lafaux  avait  fait,  pendant  sa  vie,  de  sa  mai¬ 
son  du  Goderc  une  maison  patriarcale  (le  mot  nous  a  été 
donné)  ;  il  voulut  en  faire  après  sa  mort  une  maison  reli¬ 
gieuse,  l’asile  de  la  prière  et  de  la  souffrance  ;  en  un  mot, 
il  voulut  en  faire  un  Hôtel-Dieu.  Qu'est-elle  aujourd’hui  ? 
Que  sera-t-elle  demain  ? 


XXV 


Asile  catholique  de  vieillards  à  Port-Ste-Foy. 


Cet  établissement  hospitalier  ne  date  que  d’hier  ;  mais 
il  est  venu  à  son  heure,  à  l’heure  que  la  Providence  lui 
avait  marquée.  Il  est  l’œuvre  de  la  charité  chrétienne,  sti¬ 
mulée  et  dirigée  par  la  charité  sacerdotale. 

Nous  devons  dire  d’abord  comment  les  voies  lui  avaient 
été  préparées. 

La  petite  paroisse  du  Canet,  située  dans  la  plaine  et  sur 
la  rive  droite  de  la  Dordogne,  en  aval  de  la  ville  de  Sainte- 
Foy  (Gironde),  se  composait  autrefois  des  deux  communes 
du  Canet  et  de  Saint-Avit-du-Tizac,  formant  une  popula¬ 
tion  d’environ  550  habitants. 

En  face  de  la  ville  de  Sainte-Foy  et  sur  le  coteau,  on 
voit  l’église  de  Larouquette  dont  la  population  est  à  peine 
de  500  âmes.  Ces  trois  communes  :  Le  Canet,  Saint- Avit  et 
Larouquette, venaient  aboutir  à  Port-Sainte-Foy  dont  elles 
se  partageaient  la  population  par  portions  à  peu  près 
égales. 

Depuis  1858 ,  ces  trois  communes  n’en  forment  qu’une 
seule  sous  le  nom  de  Port-Sainte-  Foy ;  elles  forment, 


238  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

néanmoins,  encore  deux  paroisses  :  Port-Sainte-Foy  et 
Larouquette. 

Cette  partie  du  diocèse  de  Périgueux  était ,  depuis  bien 
des  années,  fortement  travaillée  par  le  protestantisme  qui 
semblait  gagner  chaque  jour  du  terrain  et  augmenter  son 
influence  par  les  établissements  qu’il  fondait.  Il  fallait 
opposer  une  digue  au  torrent  envahisseur. 

En  1851,  M.  l’abbé  Mariaud,  vicaire  de  Belvès,  prêtre  à 
l’âme  ardente,  à  la  parole  populaire  et  entraînante,  au  zèle 
infatigable,  et  ne  reculant  devant  aucune  difficulté,  fut 
nommé  curé  du  Canet  et  de  Larouquette.  En  l’envoyant, 
Mgr  George  lui  avait  dit  :  «  Allez,  soyez  missionnaire  de 
»  tout  ce  pays.  » 

Gomme  le  chef-lieu  de  la  paroisse  du  Ganet  n’avait 
qu’une  église  en  ruine,  le  nouveau  curé  fixa  sa  résidence 
à  Port- Sainte-Foy,  sur  la  partie  du  territoire  dépendant  du 
Ganet.  Il  y  fit  l'acquisition  d’une  grange  qui  lui  servit 
d’église  en  attendant,  ce  qui,  grâce  à  son  zèle,  fut  l’œuvre 
de  quelques  années  seulement,  qu’il  eût  bâti  la  jolie  petite 
église  gothique  qui  fait  aujourd’hui  le  plus  bel  ornement 
de  cette  localité. 

Persuadé  que  le  meilleur  moyen  d’arrêter  les  envahis¬ 
sements  du  protestantisme,  était  de  s’emparer  de  la  jeu¬ 
nesse,  par  une  éducation  solidement  chrétienne,  et  comme 
son  zèle  pouvait  embrasser  et  conduire  plusieurs  œuvres 
à  la  fois,  dès  son  arrivée  dans  ce  pays,  M.  l’abbé  Mariaud 
conçut  le  projet  de  fonder  une  petite  communauté  de  reli¬ 
gieuses  spécialement  chargées  de  l’éducation  des  jeunes 
filles.  Dans  ce  but ,  il  loua  une  maison  ,  et,  après  l’avoir 
appropriée  et  pourvue  du  mobilier  nécessaire,  il  s’adressa 
à  la  supérieure  de  la  Miséricorde  du  Bourg  de  la  Made¬ 
leine,  à  Bergerac,  pour  avoir  deux  sœurs  de  sa  congréga¬ 
tion.  Désirant  seconder  un  zèle  si  louable,  la  supérieure 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  239 
adhéra  immédiatement  à  la  demande  qui  lui  était  faite,  et 
envoya  à  Port-Sainte-Foy  deux  religieuses  ,  qui  y  furent 
installées  le  2  novembre  1852.  L’année  suivante,  une  troi¬ 
sième  fut  jugée  nécessaire  et  envoyée. 

Quelles  furent  les  bases  et  les  garanties  de  cette  fonda¬ 
tion  ?  Il  y  eut  entre  la  supérieure  de  la  Miséricorde  et 
M.  l’abbé  Mariaud  un  traité  de  confiance  ;  rien  ne  fut  écrit. 
Les  Sœurs  devaient  trouver  dans  leur  industrie  et  le  pro¬ 
duit  des  classes  ce  qui  leur  serait  nécessaire  pour  la  nour¬ 
riture  et  l’entretien,  et,  si  ces  ressources  étaient  insuffi¬ 
santes  ,  M.  Mariaud  devait  y  suppléer.  Les  deux  parties 
contractantes  avaient  élevé  leur  âme  à  Dieu  et  l’avaient 
prié  de  bénir  l’œuvre  de  sa  droite  ;  cela  leur  suffisait. 

Quatre  ans  plus  tard,  en  1856,  M.  Mariaud  quittait  Port- 
Sainte-Foy  et  le  diocèse  de  Périgueux  ;  la  Providence 
l’appelait  ailleurs.  Il  entra  dans  l’Institut  des  Capucins. 
Son  successeur,  M.  l’abbé  Cabanel,  en  prenant  possession 
de  sa  nouvelle  paroisse  ,  y  trouvait  les  voies  bien  prépa¬ 
rées  :  une  belle  église  et  une  communauté  déjà  florissante, 
mais  établie  dans  un  local  qui  ne  lui  appartenait  pas.  Il 
était  réservé  au  nouveau  curé  de  mettre  ces  religieuse  s, 
ces  puissantes  auxiliaires  ,  à  l’abri  des  inconvénients  qui 
résultent  d’une  maison  à  loyer.  Il  ne  tarda  pas  à  mettre  la 
main  à  l’œuvre  et,  en  1862,  les  Sœurs  étaient  installées 
dans  une  nouvelle  maison  qui  devenait  leur  propriété, 
bâtie  sur  un  plan  très  convenable  et  sur  le  restant  du 
terrain  qui  avait  été  acheté  pour  la  construction  de 
l’église. 

En  1871,  M.  l’abbé  Cabanel  fut  nommé  à  la  cure  de 
Saussignac,  où  il  vient  de  mourir,  trop  tôt  ravi  à  l’affection 
de  ses  paroissiens,  de  ses  confrères,  et  aux  besoins  du 
diocèse.  Il  fut  remplacé  à  Port-Sainte-Foy  par  M.  l’abbé 
Caminade,  bien  préparé  pour  continuer  les  œuvres  de  ses 


240 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


deux  prédécesseurs.  Héritier  de  ces  œuvres,  il  ne  tarda 
pas  à  s’apercevoir  qui  leur  devait  un  complément,  la  fon¬ 
dation  d’un  Asile  catholique  ou  hospice  pour  les  vieil¬ 
lards. 

Depuis  longtemps,  les  personnes  qui  ont  à  cœur  la  gloire 
de  Dieu  et  le  salut  des  âmes,  appelaient  de  tous  leurs 
vœux  cette  fondation.  Cette  contrée,  si  riche  en  établis¬ 
sements  hospitaliers  protestants,  n'avait  pas  un  seul  Asile 
catholique.  Les  vieillards  pauvres  allaient,  pour  la  plu¬ 
part,  mourir  dans  l’apostasie,  le  prêtre  n’ayant  pas  le 
droit  d’entrer  dans  les  asiles  protestants,  pour  y  exercer 
les  fonctions  de  son  ministère.  Quel  déchirement  pour  le 
cœur  paternel  du  prêtre,  pour  l’âme  du  pasteur  i 

Il  fallait  donc  recueillir  les  vieillards  catholiques, 
pauvres  et  délaissés  ;  les  loger,  les  nourrir,  leur  procurer 
les  consolations  de  la  religion,  les  soustraire  à  toute 
influence  hostile  à  leur  foi,  leur  ménager  surtout  une  ûn 
chrétienne  et  catholique.  Telle  était  l’œuvre  qui  s’imposait 
au  zèle  et  à  la  piété  de  M.  l’abbé  Caminade.  Il  l’entreprit 
avec  confiance,  comptant  sur  l’aide  de  Dieu  qui  ne  lui  fit 
pas  défaut.  Dès  que  son  projet  fut  connu,  une  vaste 
maison,  ayant  cour  et  jardin,  lui  fut  offerte.  Il  y  appela 
trois  soeurs  de  Sainte-Marthe  pour  commencer  et  diriger 
l’œuvre  qu’il  nommait  avec  raison  :  Œuvre  de  défense 
et  de  •préservation  de  la  foi  catholique. 

Pour  seconder  cette  œuvre  naissante,  l’aider  de  ses 
lumières,  la  protéger  auprès  des  âmes  généreuses,  la 
soutenir  par  ses  offrandes,  un  Comité  catholique ,  ayant 
à  sa  tête  les  noms  les  plus  honorables  de  la  contrée,  fut 
spontanément  organisé.  Chaque  membre  de  ce  comité 
se  constitua  quêteur  pour  recueillir  des  offrandes  et  des 
souscriptions. 

Cet  asile  catholique  n’est  en  plein  exercice  que  depuis 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  241 

deux  ans  ;  il  abrite  aujourd’hui  vingt-quatre  vieillards 
catholiques;  bientôt  il  pourra  en  contenir  cinquante. 
Ajoutons  qu’il  répond  admirablement  aux  vœux  de  tous, 
sous  la  direction  intelligente  et  dévouée  des  sœurs  de 
Sainte-Marthe,  et  sous  le  haut  patronage  du  Comité  catho¬ 
lique  qui  lui  continue  tout  son  dévouement. 

Nous  croyons  devoir  faire  connaître  ici  les  membres  de 
ce  Comité  ;  ils  ne  sont  pas  les  fondateurs  de  l’œuvre ,  ils 
ont  aidé  puissamment  à  la  fonder  ;  la  reconnaissance  de 
tous  leur  est  due.  C’étaient  : 

MM.  de  Labarde,  président, 

Thirion-Montauban,  premier  vice-président, 
de  Nathan,  cons.  gén.  deuxième  — 

Le  vicomte  Jehan  de  Callières,  1er  secrétaire, 

Raoul  Doussaültde  Laprimaudière,  2m0  secrétaire; 
Dumoulin,  notaire  à  Port-Sainte-Foy,  3m0  secrétaire, 
Guimberteau,  4“e  secrétaire, 

Villaud,  médecin, 

Le  Curé  de  Port-Sainte-Foy,  aumônier, 

Faucher,  banquier  à  Sainte-Foy, 

Sauvariaud ,  négociant  à  Sainte-Foy, 

Baby  fils,  négociant  à  Sainte-Foy, 

Morange,  au  Fleix, 

Le  comte  de  Callières,  père, 

Lacoste,  curé-doyen  de  Yélines,  membre, 

Les  Curés  du  canton  de  Yélines,  membres, 

Laville,  curé-doyen  de  Villefranche,  membre, 
Bouchereau ,  propriétaire  à  Port-Sainte-Foy, 

De  Josselin ,  —  — 

Siver,  —  — 

Loubradou,  —  — 

Rivière,  à  Saint-Antoine, 

Eyraud  du  Pont,  à  Saint-Antoine, 

L.  Molinet,  à  Saint-Méard, 

Léon  Buisson,  à  Saint-Méard, 


16 


242  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

Louis  Molinier,  à  Vélines, 

Villaud,  à  Montazeau, 

Jaubert,  à  Montazeau, 

Rivière  fils,  à  Saint- Antoine. 

Ce  Comité  fonctionne  toujours  :  on  peut  adresser  à 
chacun  de  ses  membres  les  offrandes  et  les  souscriptions. 

Nous  devons  le  dire  en  finissant  :  En  publiant  cette 
notice,  nous  contrarions  un  peu  les  désirs  de  M.  le  curé 
de  Port-Ste-Foy.  Il  nous  écrivait  le  15  septembre  dernier, 
en  réponse  à  notre  demande  de  quelques  renseignements  : 

«  Monsieur  et  vénéré  doyen, 

»  Je  voulais  vous  adresser  une  petite  notice  sur  l’origine 
»  de  notre  asile  catholique  de  vieillards.  J’eusse  été  tout 
»  heureux  de  répondre  ainsi  à  votre  gracieuse  demande  ; 
»  mais  une  origine  trop  récente,  la  modestie  de  nos  bien- 
»  faiteurs  qui  n’a  d’égale  que  leur  générosité  ,  des  espé- 
»  rances  non  encore  réalisées  et  aussi  des  détails  par  trop 
»  personnels ,  nous  mettent  dans  l’obligation  de  cacher 
»  encore  à  la  publicité  ce  que  l’œil  de  Dieu  a- bien  voulu 
»  voir  et  bénir. 

»  Merci  donc  mille  fois ,  monsieur  et  vénéré  doyen ,  de 
»  la  gracieuse  attention  que  vous  avez  eue  de  vouloir 
»  signaler  notre  œuvre  dans  l’admirable  récit  que' vous 
»  faites  des  origines  chrétiennes  des  établissements  de 
»  bienfaisance  du  Périgord.  » 

Nos  lecteurs  nous  saurons  gré  de  n’avoir  pas  eu  en  trop 
grand  respect  l'humilité  et  la  modestie  de  notre  cher  con¬ 
frère.  Si  lui-même  exigeait  de  nous  une  excuse  ,  nous  la 
trouverions  dans  ces  paroles  de  l’ange  Raphaël  à  Tobie  : 
«  Il  y  a  de  l’honneur  à  découvrir  et  à  publier  les  œuvres 
»  de  Dieu.  » 


XXVI 


Hôpital  de  Sainte-Alvère. 


La  petite  ville  de  Sainte-Alvère ,  chef- lieu  de  canton, 
dans  l’arrondissement  de  Bergerac  ,  est  redevable  de  son 
hôpital  à  la  charité  généreuse  de  son  digne  curé,  M.  l’abbé 
Eugène  de  Lachapelle. 

Ce  vénérable  prêtre,  dont  les  oeuvre^  dispensent  de  faire 
l’éloge,  ayant  recueilli  un  riche  patrimoine,  voulut  en  con¬ 
sacrer  une  grande  partie  aux  besoins  des  pauvres  de  sa 
paroisse ,  et  dans  ce  but  il  conçut  la  fondation  d’un  éta¬ 
blissement  où  pourraient  être  recueillis  et  soignés  les 
pauvres,  malades  ou  infirmes,  et  dans  lequel  les  petites 
filles  de  la  classe  indigente  recevraient  gratuitement  une 
instruction  convenable.  Ayant  donc  acheté  de  M.  Biran- 
Archez,  heureux  de  favoriser  cette  œuvre,  un  vaste  ter¬ 
rain  ,  à  proximité  de  la  ville,  il  y  fit  bâtir  le  gracieux  et  gran¬ 
diose  édifice  qu’on  y  admire  aujourd’hui ,  bien  approprié 
à  sa  destination.  La  bénédiction  et  l’inauguration,  avec  la 
consécration  de  la  chapelle,  en  furent  faites  le  8  octo¬ 
bre  1868,  par  Mgr  Dabert,  l’éminent  évêque  de  Périgueux. 
Ce  fut,  ce  jour-là,  pour  Sainte-Alvère,  une  de  ces  fêtes 
qu’on  ne  trouve  pas  toujours  dans  la  vie  d’un  homme  et 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


qui  ne  sont  jamais  oubliées  de  ceux  qui  les  ont  vues.  Elle 
avait  attiré  un  grand  concours  de  prêtres  et  de  fidèles  de 
tous  les  environs.  Il  est  vrai  que  M.  l’abbé  de  Lachapelle, 
bien  secondé  par  tous  les  habitants  du  lieu,  n’avait  rien 
négligé  pour  donner  à  cette  solennité  toute  la  pompe  et 
l’éclat  qu’elle  méritait.  C’était  la  fête,  —  nous  lui  consa¬ 
crerons  ici  le  nom  que,  dans  une  allocution  à  la  fois 
ardente  et  émue,  lui  donna  Sa  Grandeur,  —  c’était  la  fête 
de  la  charité  pastorale ,  et  chacun  voulut  contribuer  à  sa 
splendeur  (1). 

Souvent  Dieu  nous  donne ,  dès  cette  vie  ,  du  bien  que 
nous  faisons  une  récompense  anticipée  sur  celle  du  ciel  ; 
la  récompense  de  M.  l’abbé  de  Lachapelle  fut  alors,  non 
dans  la  distinction  honorifique  et  bien  méritée  dont  il  fut 
l’objet  de  la  part  de  son  évêque  (2),  mais  bien  dans  les 
indicibles  jouissances  de  son  cœur;  celles-là  venaient 
du  ciel  et  faisaient  de  ce  jour  le  plus  beau  de  sa  vie  sacer¬ 
dotale. 

Peu  de  jours  avant  cette  splendide  solennité,  trois  reli¬ 
gieuses^  Sainte-Marthe  de  Périgueux  avaient  pris  posses¬ 
sion  de  l’établissement,  en  vertu  d’un  acte  du  25  juillet 
précédent,-  passé  entre  Mme  la  supérieure  générale  de 
cette  congrégation  et  M.  l’abbé  de  Lachapelle.  En  voici  les 
clauses  principales  : 

«  Entre  M.  Eugène  de  Lachapelle,  curé-doyen  de  Sainte- 
»  Alvère  d’une  part  ;  et  dame  Marie  Gonthier  du  Soûlas, 
»  supérieure  générale  de  la  congrégation  des  sœurs  de 

(1)  Le  regret  que  nous  eûmes  alors  de  ne  pouvoir  répondre  à  l’invitation 
de  notre  cher  confrère  est  renouvelé  et  augmenté  aujourd’hui  que  nous 
incombe  le  devoir  d’écrire  cette  notice. 

(2)  Ce  jour-là ,  Monseigneur  nomma,  du  haut  de  la  chaire  ,  M.  l’abbé 
de  Lachapelle  chanoine  honoraire  de  la  Cathédrale. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPiCES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  245 

»  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  d’autre  part,  a  été  dit, 
»  arrêté  et  convenu  ce  qui  suit  : 

»  1°  M.  de  Lachapelle ,  voulant  fonder  dans  le  chef-lieu 
»  de  la  paroisse  de  Sainte-Alvère  un  établissement  de 
»  bienfaisance,  en  faveur  des  pauvres,  des  malades  et  des 
»  petites  filles  de  la  classe  indigente,  a  fait ,  dans  ce  but, 
»  l’acquisition  d’un  terrain  sur  lequel  il  a  fait  construire 
»  un  édifice  bien  approprié  à  sa  destination.  ' 

»  2°  Voulant  donner  à  cet  établissement  une  existence 
«légale,  pour  en  assurer  l’avenir,  M.  de  Lachapelle  se 
»  propose  d’en  faire  donation  à  la  congrégation  de  Sainte- 
«  Marthe ,  et  de  soumettre  cette  donation  à  l’approbation 
»  du  gouvernement. 

»  3°  En  attendant,  M.  de  Lachapelle,  désirant  commen- 
»  cer  son  œuvre  sans  retard,  Mme  du  Soûlas  lui  a  promis 
»  de  lui  envoyer,  aux  vacances  prochaines,  trois  religieu- 
»  ses  de  son  ordre  ,  pour  la  classe  et  le  soin  des  malades. 

»  4°  Mme  du  Soûlas  s’est  engagée,  en  outre,  à  augmen- 
»  ter  le  nombre  des  religieuses  ,  lorsque  les  besoins  de 
»  l’établissement  l’exigeront. 

»  5"  M.  de  Lachapelle  s’engage,  de  son  côté,  à  donner 
»  annuellement  une  somme  de  quatre  cents  francs  ,  pour 
»  frais  de  nourriture ,  de  vestiaire  et  autres  besoins  ,  pour 
»  chacune  des  sœurs  qui  seront  envoyées  dans  l’établisse- 
»  ment  de  Sainte-Alvère. 

»  6 »  De  plus,  sans  en  prendre  l’engagement,  il  manifeste 
»  son  intention,  acceptée  par  Mme  du  Soûlas ,  de  déposer 
»  entre  les  mains  de  la  congrégation  de  Sainte- Marthe,  le 
»  capital  nécessaire  pour  créer  un  revenu  suffisant  et  qui 
»  puisse  remplacer  le  traitement  qu’il  assure  aux  sœurs, 
»  dans  ce  moment. 

»  7°  En  attendant  que  M.  de  Lachapelle  puisse  doter 
»  l’établissement  de  Sainte-Marthe  de  quelques  revenus, 


246 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  il  prend  l’engagement  de  payer  toutes  les  dépenses  que 
»  pourront  occasionner  les  pauvres  ou  les  malades  qu’il  y 
»  fera  entrer  pour  y  être  soignés  :  les  sœurs  tiendront  un 
»  compte  exact  de  ces  dépenses,  et  ce  compte  sera  acquitté 
»  tous  les  trois  mois. 

»  8°  Les  sœurs  seront  libres  d’avoir  une  classe  payante, 
»  sans'être  obligées  de  rendre  compte  des  produits  de 
»  cette  classe,  non  plus  que  de  celui  de  l’enclos. 

»  9°  La  maison  sera  livrée  aux  sœurs  pourvue  de  tout  le 
»  mobilier  nécessaire,  des  ustensiles  de  ménage  et  de  tout 
»  le  gros  linge.  Un  inventaire  de  ce  mobilier  sera  dressé  à 
»  leur  prise  de  possession,  et  une  copie  sera  déposée  entre 
»  les  mains  de  M.  de  Lachapelle. 

»  Sainte-Alvère  le  25  juillet  1868  —  signés  E.  de 
»  Lachapelle,  curé"  de  Sainte-Alvère,  sœur  Anne  Marie 
»  Gonthier  du  Soûlas,  supérieure  générale.  » 
Conformément  au  n°  2  de  cet  acte,  le  8  septembre 
suivant,  M.  l’abbé  de  Lachapelle  fit  la  donation  de  la 
maison  et  de  ses  dépendances  par  un  acte  public  devant 
M®  Pierre-Justin  Larobertie,  notaire  à  Sainte-Alvère.  En 
voici  les  dispositions  principales  : 

«  Acomparu,  M.  E.  de  Lachapelle.curé-doyen  de  Sainte- 
»  Alvère  où  il  demeure  au  chef-lieu,  lequel  a,  par  ces 
»  présentes,  fait  donation  entre  vifs  et  irrévocable,  à  la  con- 
»  grégation  religieuse,  hospitalière  et  enseignante  de 
»  l’ordre.de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  dont  la  Maison- 
»  Mère  est  approuvée  par  un  décret  impérial  du  8  novem- 
»  bre  1852,  d’un  terrain  [situé  au  lieu  dit  Le  Sabatier , 
»  commune  de  Sainte-Alvère ,  et  dans  lequel  a  été  bâtie 
»  une  maison,  composée  d’un  sous-sol,  d’un  rez-de-chaus- 

»  sée  et  d’un  premier  étage . 

»  Cette  donation  est  faite  aux  conditions  suivantes  : 


247 


DES  HÔPITAUX,  HOSPTCES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

»  1°  Ladite  congrégation  de  Sainte-Marthe  devra  con- 
»  sacrer  les  immeubles  qui  font  l’objet  des  présentes  à 
»  rétablissement  d’une  maison  de  son  ordre  et  dirigée 
»  d’après  ses  statuts  et  règlements. 

»  2°  Elle  devra  entretenir  constamment  dans  cette 
»  maison  un  nombre  suffisant  de  sœurs,  qui  seront  char- 
»  gées  d’instruire  gratuitement  les  petites  filles  pauvres  de 
»  la  paroisse  et  de  soigner  les  malades  qui  leur  seront 
»  confiés,  et  ceux  qui  réclameront  leurs  soins,  à  leurs 
»  domiciles  respectifs. 

»  3°  La  direction  de  cette  maison  ne  pourra,  sous  aucun 
»  prétexte,  être  ôtée  aux  dames  religieuses  de  Sainte- 
»  Marthe  ;  toutefois  si  cette  congrégation,  par  des  circons- 
»  tances  dépendantes  ou  indépendantes  de  sa  volonté,  ne 
»  pouvait  ou  ne  voulait  plus  conserver  la  direction  de  cet 
»  établissement,  Monseigneur  l’évêque  de  Périgueux  et  de 
»  Sarlat  aurait  seul  le  droit  d’y  établir  un  autre  ordre  de 
»  religieuses  hospitalières  et  enseignantes,  dans  le  plus 
»  bref  délai.  » 

Pour  donner  à  cet  acte  toute  sa  valeur  et  à  l’établisse¬ 
ment  qu’il  fondait  une  existence  légale  ,  il  fallait  l’appro¬ 
bation  du  gouvernement.  Elle  fut  accordée  par  décret 
impérial  du  16  mai  1870. 

Toutefois,  M.  l’abbé  de  Lachapelle  ne  voulut  pas  atten¬ 
dre  cette  approbation  pour  donner  suite  à  l’intention 
exprimée  dans  le  traité,  passé  avec  la  supérieure  générale, 
de  créer  un  capital  dont  le  revenu  suffirait  aux  besoins 
des  trois  religieuses,  et  remplacerait  le  traitement  provi¬ 
soire  qu’il  leur  avait  assuré.  Dans  ce  but ,  le  25  mai  1869, 
il  versa  entre  les  mains  de  la  Mère  du  Soûlas  ,  supérieure 
générale  de  la  congrégation,  une  première  somme  de  vingt 
mille  francs,  et,  le  12  du  mois  d’août  suivant,  la  somme 
de  dix  mille  francs ,  complétant  le  capital  de  trente  mille 


248  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

francs,  dont  le  revenu  doit  être  affecté  par  la  Maison-Mère 
de  Sainte-Marthe,  aux  besoins  des  trois  soeurs  chargées  de 
la  direction  de  l’hospice  de  Sainte-Alvère. 

De  ce  moment,  M.  de  Lachapelle  se  trouva  déchargé  de 
toute  obligation  à  l’égard  du  traitement  des  trois  sœurs. 

Ainsi  l’avenir  des  religieuses  est  assuré ,  celui  des  pau¬ 
vres  l’est  aussi,  nous  n’en  doutons  pas,  par  les  mesures  de 
prévoyance  prises  déjà  par  le  généreux  fondateur. 

Et  désormais ,  le  vénérable  doyen  de  Sainte-Alvère, 
devant  cette  œuvre  qui  perpétuera  sa  mémoire  bénie,  peut 
attendre  avec  confiance ,  dans  une  vieillesse  honorée,  que 
le  souverain  Maître  lui  dise  :«  J’ai  eu  faim,  et  vous  m’avez 
»  donné  à  manger;  j’ai  eu  soif  et  vous  m’avez  donné  à 
»  boire  ;  j’étais  sans  logement  et  vous  m'avez  logé  ;  j’ai  été 
»  nu  et  vous  m’avez  revêtu  ;  j’ai  été  malade  et  vous  m’avez 

»  visité . Serviteur  bon  et  fidèle  ,  entrez  dans  la  joie  de 

»  votre  Seigneur.  » 


XXVII 


Hôpital  de  Vanxains. 

La  charité  catholique  ayant  son  foyer  dans  le  cœur  de 
Jésus,  ne  se  refroidit  pas,  ne  s’épuise  pas  ;  elle  est  et  sera 
toujours  féconde.  De  nos  jours  ,  comme  dans  les  temps 
passés,  personnifiée  dans  les  âmes  qu’elle  inspire,  elle  va, 
à  l’exemple  du  divin  Maître,  instruisant  le  pauvre,  soula¬ 
geant  ses  langueurs  et  ses  infirmités ,  créant  partout  des 
asiles  pour  y  recueillir  toutes  les  misères  et  toutes  les 
maladies.  Sous  son  efficace  influence,  il  n’est  pas  de  loca¬ 
lité,  un  peu  importante,  qui  ne  veuille  avoir  son  hospice, 
pour  y  abriter  ses  indigents  et  les  y  soigner. 

■  Nous  avons,  en  Périgord,  quelques  établissements  de  ce 
genre  en  préparation  ;  (il  en  est  même  qu’on  peut  consi¬ 
dérer  comme  déjà  fondés,  quoiqu’ils  ne  fonctionnent  pas 
encore.)  Nous  leur  devons  une  place  dans  notre  statisti¬ 
que.  Leurs  origines,  pour  être  récentes ,  n’en  sont  pas 
moins  chrétiennes  ;  elles  offrent  même ,  plus  rapprochées 
de  nous,  un  exemple  plus  efficace.  Tel  est  Thospice  de 
Vanxains  ,  dans  le  canton  de  Ribérac ,  dont  nous  allons 
parler  ;  nos  lecteurs  en  seront  édifiés. 

L’initiative  de  sa  fondation  est  due  à  M.  Romain  Léo- 


250 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


nardon,  originaire  de  Vanxains ,  docteur  en  médecine, 
décédé  daus  la  Vendée ,  à  Fontenay-le-Gomte ,  le  29  avril 
1856.  Par  son  testament  olographe  du  14  janvier  1854,  ce 
généreux  chrétien  ,  chargeait  M.  Baptiste  Léonardon , 
notaire  à  Vanxains,  son  frère  et  son  héritier,  «  d’employer 
»  la  somme  de  dix  mille  francs,  dans  l’année  de  son  décès, 
»  à  acquérir  dans  le  bourg  de  Vanxains  une  maison,  ou 
»  d’en  faire  bâtir  une  destinée ,  à  perpétuité ,  à  une  école 
»  de  filles,  dont  la  direction  serait  confiée  à  des  religieuses  ; 
»  faisant  à  cet  effet  à  la  commune  de  Vanxains  tous  dons 
»  et  legs  nécessaires.  L’acquisition  ou  la  construction  sera 
»  faite  de  concert  entre  Baptiste  et  Placide  Léonardon  et 
»  Claire  Léonardon,  mes  frères  et  sœur,  au  profit  de  ladite 
»  commune  de  Vanxains,  sans,  toutefois,  que  les  adminis- 
»  trateurs  de  ladite  commune  puissent  intervenir  autre- 
»  ment  que  pour  payer  les  frais  que  cette  opération  néces- 
»  sitera.  » 

Il  ajoutait  :  «  Je  désire  ,  avec  prière  à  mes  sœurs  de  se 
»  prêter  à  l’accomplissement  de  ce  désir  ,  sans  l’exiger 
»  néanmoins,  que  cet  établissement  ait  lieu  sur  leur  pro- 
»  priété  de  Vanxains,  longeant  la  rue  de  l’église  au  cime- 
»  tière.  Je  forme  le  vœu  que  cet  établissement  prenne,  par 
»  les  sacrifices  de  la  commune  et  les  libéralités  des  parti- 
»  culiers,  assez  d’extension,  pour  offrir,  à  la  fois,  du  sou- 
»  lagement  aux  indigents  malades  de  cette  commune,  et 
»  une  éducation  religieuse ,  catholique ,  apostolique  et 
»  romaine,  aux  enfants  du  sexe  féminin.  » 

Dans  un  second  testament ,  en  date  du  2  mai  1854, 
M.  Romain  Léonardon  s’exprimait  ainsi  :  «  Je  maintiens 
»  le  legs  que  j’ai  fait  en  faveur  d’un  établissement  de  reli- 
»  gieuses  à  Vanxains,  et  dont  le  testament  est  entre  les 
»  mains  de  mon  frère  Placide,  juge  de  paix  à  Ribérac.  Je 
»  donne  pour  le  même  établissement  et  pour  l’aider  à 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  251 

»  s’entretenir,  la  moitié  de  la  métairie  que  je  possède  au 
»  village  de  Ghez-Périer ,  dite  commune  de  Yanxains,  en 
»  maintenant  pour  ce  présent  legs  toutes  les  conditions 
»  que  j’ai  établies  dans  le  legs  que  j’ai  fait  en  faveur  dudit 
»  établissement,  et  dont  le  titre  est  entre  les  mains  de 
»  mon  frère  de  Ribérac. 

»  Je  donne  à  mes  trois  sœurs  la  jouissance  de  ma  moitié 
»  de  la  métairie  de  Chez-Périer ,  et  dont  l’autre  moitié 
v  leur  appartient,  en  les  engageant  de  faire  de  leur  moitié 
»  de  métairie  ce  que  je  fais  de  celle  qui  est  à  moi,  c’est-à- 
»  dire  d’en  disposer  en  faveur  de  l’établissement  religieux 
»  dont  il  est  question. 

»  Je  veux  aussi  que  mon  dit  frère  Baptiste  paye  les 
»  droits  d’enregistrement  de  tous  les  legs  que  j’ai  faits 
»  ci-dessus  et  d’autre  part.  » 

Tous  ces  legs  étaient  faits  au  profit  de  la  commune,  et 
c’est  la  commune  qui  fut  autorisée  à  les  accepter  après  la 
mort  du  généreux  testateur. 

M.  Romain  Léonardon  mourut  le  29  avril  1856 ,  à  Fon- 
tenay-le-  Comte,  et  les  exécuteurs  testamentaires  s’em¬ 
pressèrent  de  se  conformer  à  ses  dernières  volontés.  La 
maison  fut  bâtie  par  eux,  sans  aucun  concours  de  la  com¬ 
mune,  comme  le  premier  testament  les  y  autorisait,  et 
son  emplacement  fut  pris  sur  la  propriété  des  demoiselles 
Léonardon.  Lorsqu’elle  fut  en  état  de  recevoir  les  religieu¬ 
ses,  en  novembre  1862,  le  conseil  municipal,  réuni  sous 
la  présidence  du  maire,  M.  Léonardon,  après  avoir  «  cons- 
»  taté  que  les  volontés  de  M.  Romain  Léonardon,  bienfai- 
»  leur  de  son  pays  natal ,  avaient  été  réalisées  par  ses 
»  exécuteurs  testamentaires,  émit  l’avis,  à  l’unanimité  des 
«membres  présents,  parmi  lesquels  M. Baptiste Léonar- 
»  don,  frère  du  donateur,  de  confier  la  direction  de  l’école 
»  communale  de  filles  de  Yanxains  ,  aux  religieuses  de 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


252 

»  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  et  de  mettre  à  leur  disposi- 
»  tion  le  local  construit  par  les  exécuteurs  testamentaires 
»  de  M.  Romain  Léonardon.  » 

Cette  délibération  fut  suivie  d’un  traité  passé  entre  M.le 
maire  de  Yanxains  et  Mmo  du  Soûlas,  supérieure  générale 
de  la  congrégation  de  Sainte-Marthe,  et  trois  religieuses 
prirent  la  direction  de  l’école  communale  et  furent  instal¬ 
lées  dans  la  maison  nouvellement  construite,  qu’elles 
occupent  encore  aujourd’hui,  et  dont  le  laïcisme  ne  peut 
les  priver. 

Nous  devons  dire,  cependant,  que  quelques  difficultés 
avaient  semblé  s’opposer  à  l’établissement  immédiat  des 
religieuses.  Dans  le  traité,  dont  nous  venons  de  parler, 
il  avait  été  reconnu  qu'une  somme  de  mille  francs  était 
nécessaire  pour  pourvoir  aux  besoins  de  trois  religieuses 
et  d’une  fille  de  service,  et  stipulé  par  Mme  du  Soûlas  que, 
si  le  produit  de  l’école  et  les  autres  ressources  mises  à  sa 
disposition  ne  s'élevaient  pas  à  ce  chiffre,  elle  pourrait 
abandonner  l’établissement  et  retirer  ses  religieuses.  M. 
le  maire  prenait  bien  l’engagememt,  le  cas  échéant,  de 
combler  le  déficit,  soit  par  un  vote  du  conseil  municipal, 
soit  par  une  souscription  volontaire,  soit  par  tout  autre 
moyen  qui  lui  paraîtrait  convenable,  mais  il  n’y  avait  là 
rien  de  bien  positif,  de  bien  rassurant  pour  l’avenir  et  la 
stabilité  de  l’œuvre. 

Le  traité  n’était  qu’arrêté  en  principe  et  non  encore 
signé  par  les  parties  contractantes,  lorsque,  témoin  de 
certaines-  hésitations,  intervint  M.  Lavergne,  alors  curé 
de  Yanxains,  aujourd’hui  curé-archiprêtre  de  Nontron, 
homme  à  trancher  vite  une  difficulté  lorsqu’il  ne  faut  que 
s’imposer  un  sacrifice.  Pressé  d’ouvrir  un  établissement  qui 
devait  faire  un  grand  bien  dans  sa  paroisse,  il  se  rendit 
personnellement  responsable  de  toutes  les  clauses  et  con- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉBIGOBD.  253 
ditions  du  traité.  Et  lorsqu’il  fallut  pourvoir  la  maison  du 
mobilier  nécessaire,  laissé  à  la  charge  de  la  commune,  il 
n’hésita  pas  à  démeubler  une  partie  de  son  presbytère. 
Ajoutons  qu’on  n’a  pas  oublié  que,  pendant  son  séjour  à 
Vanxains,  les  religieuses  ont  reçu  de  .  lui,  annuellement, 
une  généreuse  subvention. 

Rappelons  que  le  désir  de  M.  Romain  Léonardon  était 
que  l’établissement  dont  il  se  faisait  le  fondateur,  prît 
assez  d’extension  pour  donner  aux  pauvres  malades  de  la 
commune  des  soins  et  un  asile.  Pour  préparer  la  réalisa¬ 
tion  de  ce  louable  désir  et  avoir  un  petit  hospice  dans  un 
avenir  plus  ou  moins  éloigné,  un  échange  eut  lieu  entre 
la  commune  et  les  demoiselles  Léonardon,  sœurs  de 
M.  Romain  et  ses  co-propriétaires  de  la  métairie  de  Chez- 
Périer.  La  commune  céda  la  moitié  de  cette  métairie  aux 
demoiselles  Léonardon,  et  celles-ci  cédèrent  à  la  com¬ 
mune  leur  maison  de  Vanxains  avec  son  vaste  jardin,  le 
tout  attenant  à  la  communauté  nouvellement  bâtie. 

Quelques  dons  ont  déjà  été  faits  pour  favoriser  la  fon¬ 
dation  du  petit  hospice,  mais  ils  sont  encore  insuffisants. 
Ainsi  madame  Lataille,  de  Seneuil,  paroisse  de  Vanxains, 
a  laissé  dans  ce  but  une  somme  de  mille  francs,  dont  le 
revenu  est,  d’ailleurs,  employé  à  secourir  les  indigents. — 
Mlle  Glaire  Léonardon  a  laissé  deux  mille  francs,  sa  sœur, 
Mlle  Suzette,  et  son  frère,  M.  Placide  Léonardon,  juge  de 
paix  et  conseiller  général  de  Ribérac,  ont  laissé  chacun 
en  mourant  cinq  cents  francs.  Mais  ces  trois  derniers  legs 
ne  seront  payés  que  lorsque  l’hospice  fonctionnera. 

Nous  avons  eu  raison  de  le  dire,  l’hospice  de  Vanxains 
est  fondé.  Encore  quelques  efforts  de  la  charité  chrétienne 
et  il  ouvrira  ses  portes  aux  malheureux.  En  attendant,  les 
dignes  filles  de  Sainte-Marthe  les  visitent  à  domicile  et 
leur  distribuent  les  ressources  dont  elles  peuvent  disposer. 


254  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

Elles  ont  trouvé  le  moyen,  grâce  à  des  dons  particuliers 
qu’elles  ont  reçus,  et  à  leur  pieuse  iudustrie,  de  créer  et 
d’entretenir  une  petite  pharmacie  gratuite  pour  les  indi¬ 
gents,  et  de  leur  distribuer  chaque  année  des  objets  de 
première  nécessité  pour  une  valeur  de  deux  cents  francs. 
Puissent  ces  lignes,  tombant  sous  les  yeux  de  quelque  per¬ 
sonne  généreuse,  lui  inspirer  une  bonne  pensée  en  faveur 
du  petit  hospice. 

Yanxains  possède  aussi  un  bureau  de  bienfaisance, 
dont  les  mêmes  religieuses  distribuent  les  revenus  aux 
pauvres,  et  qui  a  su  conserver  dans  son  administration  le 
curé  de  la  paroisse. 


XXVIII 


Hospice  d’Agonac. 


C’est  encore  ici  un  hospice  en  préparation  ;  les  fonde¬ 
ments  en  sont  jetés,  et  il  ne  tardera  pas  à  s’ouvrir  aux 
malheureux.  11  a  pour  fondatrice  Mlle  Amélie  Bayle  de 
Pérignac,  aujourd’hui  sœur  Marie-Elisabeth,  du  monas¬ 
tère  de  la  Visitation,  à  Toulouse. 

Mlle  Amélie  Bayle,  douée  d’une  grande  piété  et  d’une 
rare  vertu,  se  voyant  seule  après  avoir  perdu  son  père  et 
sa  mère,  voulut  suivre  l’attrait  qu’elle  éprouvait  depuis 
ses  plus  jeunes  années  pour  la  vie  religieuse,  et  fit  choix 
du  monastère  de  la  Visitation  de  Toulouse.  Avant  d’y 
prononcer  ses  vœux  elle  voulut  régler  ses  affaires  tempo¬ 
relles,  et,  désirant  consacrer  la  maison  paternelle  qu’elle 
possédait  dans  le  bourg  d’Agonac,  à  un  établissement  de 
charité  et  de  bienfaisance,  elle  en  fit  donation  à  la  con¬ 
grégation  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux,  par  un  acte 
authentique,  passé  le  19  décembre  1859,  devant  Me  Lagrange 
notaire  à  Périgueux. 

Cet  acte,  qui  fait  connaître  le  but  que  se  proposait  la 
pieuse  fondatrice,  porte  en  substance  qu’elle  donne  : 

«  1°  Divers  immeubles  situés  au  chef-lieu  de  la  com- 


256  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  mune  d’Agonac,  consistant  en  une  maison ,  autres  bâti- 
»  ments  en  dépendant,  avec  cour  et  jardin,  le  tout  contigu; 

»  2°  Tous  les  objets  et  effets  mobiliers  garnissant  la 
»  maison  donnée.  » 

Cette  donation  est  faite  aux  conditions  suivantes  : 

«  1®  La  communauté  de  Sainte-Marthe  devra  consacrer 
»  tous  les  immeubles  qiii  font  l’objet  des  présentes,  à 
»  l’établissement  d’un  couvent,  avec  une  école  sous  la 
»  direction  des  dames  religieuses  de  ladite  communauté, 
»  d’après  les  règlements  et  les  statuts  qui  la  régissent. 

»  2°  Ladite  communauté  de  Sainte-Marthe  devra  entre- 
»  tenir  constamment  dans  ce  couvent  un  nombre  suffi- 
»  sant  de  Sœurs  qui  seront  chargées  d’instruire  les  petites 
»  filles  de  la  commune  et  de  la  paroisse  ;  elles  devront 
»  aussi,  si  cela  leur  est  possible,  porter  des  secours  aux 
»  pauvres  et  aux  malades  indigents  de  ladite  commune 
»  d’Agonac. 

»  La  direction  du  couvent  et  de  l’école  à  former  ne 
»  pourra,  sous  aucun  prétexte,  être  ôtée  aux  dames  reli- 
»  gieuses  de  Sainte-Marthe,  et,  néanmoins,  si  cette  con- 
»  grégation,  par  des  circonstances  dépendantes  ou  indé- 
»  pendantes  de  sa  volonté,  ne  pouvait  ou  ne  voulait  plus 
»  conserver  la  direction  dudit  couvent,  Mgr  l’évêque  de 
»  Périgueux  aurait  seul  le  droit  d’y  établir  un  autre  ordre 
»  de  religieuses  hospitalières  et  enseignantes.  » 

Ce  fut  là  une  précaution  bien  prévoyante  qui  ne  permet 
pas  d’introduire,  de  nos  jours,  le  laïcisme  dans  cette  fon¬ 
dation  de  la  charité  catholique. 

Quoique  l’acte  de  donation  n’en  parle  pas,  cependant 
la  fondatrice  avait  réservé  pour  elle,  sa  vie  durant ,  et  en 
faveur  de  ses  fermiers,  la  jouissance  du  chai ,  de  l’écurie 
et  de  la  grange,  le  tout  contigu  et  situé  à  l’extrémité  de  la 
cour. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  257 

Au  don  de  ces  immeubles,  Mlle  Bayle,  voulant  doter  sa 
fondation  pour  mieux  en  assurer  l’avenir,  ajouta  une 
somme  de  huit  mille  francs  ,  dont  le  revenu  devait  venir 
en  aide  aux  religieuses  chargées  d’exécuter  ses  intentions, 
et  la  somme  de  deux  mille  francs  ,  pour  approprier  sa 
maison  paternelle  à  sa  nouvelle  destination. 

Il  fallut  soumettre  cette  fondation  à  l’approbation  du 
gouvernement,  et  ce  ne  fut  qü’après  deux  ans  ,  toutes  les 
formalités  étant,  enfin,  remplies,  qu’on  put  l’obtenir.  Le 
décret  d’approbation  est  du  4  juin  1862.  Mais  Mlle  Bayle 
n’avait  pas  voulu  attendre  le  décret  pour  voir  le  commen¬ 
cement  de  son  œuvre,  et,  dès  la  fin  du  mois  d’octobre  1860, 
trois  religieuses  furent  envoyées  à  Agonac  et  s’installèrent 
dans  la  maison  paternelle  de  Mlle  Bayle  de  Pérignac. 

Depuis  cette  époque  elles  y  exécutent  les  charitables 
intentions  de  la  pieuse  fondatrice.  Leur  école,  qui  est 
communale,  est  très  fréquentée ,  et  elles  visitent  à  domi¬ 
cile  les  pauvres  malades  et  leur  distribuent  les  faibles 
ressources  que  la  charité  privée  et  le  bureau  de  bienfai¬ 
sance  mettent  à  leur  disposition. 

Mlle  Bayle,  comprenant  que  son  œuvre  de  charité  pour 
être  complète  devait  pouvoir  offrir  un  asile  aux  indigents, 
malades  ou  infirmes  ,  vient  d’abandonner  aux  religieuses 
les  immeubles  dont  elle  avait  voulu  se  réserver  la  jouis¬ 
sance.  Ils  vont  être  utilisés  pour  un  petit  hospice.  Déjà 
quelques  fonds  sont  recueillis  dans  ce  but,  notamment 
une  somme  de  trois  mille  francs,  léguée  par  Mlle  de  Mon- 
tagut,  tante  de  la  généreuse  fondatrice.  D’autres  ressources 
vont  venir,  et  tout  fait  espérer  que  cet  hospice  sera  bientôt 
ouvert  à  l’indigence.  On  est  d’autant  plus  fondé  à  l’espé¬ 
rer,  que  cette  œuvre  est  confiée  au  zèle  bien  connu  du 
digne  curé  d’Agonac,  M.  l’abbé  Gournil. 


17 


XXIX 


Appendice  au  n°  I. 

Jusqu’à  ce  moment,  'nous  n’avons  donné  les  Origines 
chrétiennes  que  des]  établissements  hospitaliers  dirigés 
par  les  Sœurs  de  la  congrégation  de  Sainte-Marthe  du 
Périgord.  La  série  en  est  épuisée,  et  l’on  a  pu  remarquer 
le  zèle  éclairé  et  charitable  que  ces  vénérables  Sœurs  ap¬ 
portent  à  l’accomplissement  de  leurs  devoirs  envers  les 
pauvres  confiés  à  leurs  soins. 

Pour  bien  faire  ressortir  tout  le  mérite  de  cette  congré¬ 
gation,  et  le  bien  qu’elle  fait  dans  le  diocèse,  nous  voulons 
nommer  ici  les  autres  établissements  qu’elle  a  fondés 
pour  l’éducation  des  jeunes  filles  de  toutes  les  classes  de 
la  société.  En  dressant  ce  catalogue ,  nous  ne  nous  éloi¬ 
gnerons  pas  trop  de  notre  sujet,  car,  dans  presque  tous 
ces  établissements,  il  y  a  des  Sœurs  chargées  spécialement 
de  visiter  les  pauvres  à  domicile  et  de  leur  porter,  des  soins 
et  des  secours.  De  sorte  que,  si  ces  établissements  ne  sont 
pas  hospitaliers,  ils  sont  du  moins  et  toujours  des  établis¬ 
sements  de  bienfaisance .'${00.$,  allons  les  nommer  par  rang 
de  fondation. 

1°  Latour-Blanche  .—La  fondation  de  cette  communauté 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  259 
l’une  des  plus  importantes  delà  congrégation  de  Sainte- 
Marthe,  remonte  à  l’année  1842.  Elle  est  due  à  la  piété 
généreuse  d’une  charitable  veuve,  Mme  de  Lacroix,  riche 
propriétaire  de  la  paroisse,  habitant  au  chef-lieu.  Cette 
dame,  aussi  distinguée  par  les  qualités  qui  plaisent  au 
monde  que  par  les  vertus  qui  fixent  le  regard  de  Dieu,  se 
voyant,  jeune  encore,  rendue  à  elle-même  par  la  mort  de 
son  mari,  voulut  renoncer  aux  douceurs  et  aux  agréments 
que  pouvait  lui  procurer  sa  position  sociale,  pour  se  con¬ 
sacrer  exclusivement  à  la  pratique  des  œuvres  de  charité. 
Dans  ce  but,  elle  eut  la  pieuse  pensée  de  fonder  dans  sa 
propre  maison  un  établissement  de  religieuses  dont  la 
mission  serait  de  soulager  les  pauvres  et  les  malades  de  la 
localité,  de  leur  porter,  à  domicile,  les  secours  qui  leur 
seraient  nécessaires,  de  donner  aux  petites  filles  de  la 
classe  indigente  une  instruction  chrétienne,  et  de  se  vouer 
à  l’éducation  des  jeunes  personnes  des  classes  aisées. 

Mme.  de  Lacroix  s’adressa,  pour  l’exécution  de  son 
louable  projet,  à  la  supérieure  de  la  Miséricorde  de  Ber¬ 
gerac,  qui  s’empressa,  de  son  côté,  de  seconder  un  dessein 
qui  ne  pouvait  être  que  fécond  en  bons  résultats. 

Au  mois  d’octobre  1842,  deux  religieuses  de  la  Miséri¬ 
corde,  envoyées  à  Latour-Blanche,  furent  installées  chez 
Mme  de  Lacroix  et  y  commencèrent  l’œuvre  avec  le  con¬ 
cours  de  la  pieuse  fondatrice,  qui  voulut  bien  s’adjoindre 
à  elles  pour  les  aider  dans  tous  leurs  travaux,  et  vivre  de 
la  même  vie  de  sacrifice  et  de  dévouement. 

Aujourd’hui  la  communauté  de  Latour-Blanche  dirige 
un  nombreux  et  brillant  pensionnat,  auquel  sont  adjoints 
un  externat  payant  et  une  classe  gratuite,  et  les  pauvres 
et  les  malades  sont  visités  et  secourus. 

2°  Saint- Avit-Sénieur. — La  fondation  de  cette  com¬ 
munauté  remonte  à  l’année  1843.  Elle  est  l’œuvre  de  la 


260  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

vénérable  Mère  du  Soûlas,  qui  fut  plus  tard  supérieure 
générale  de  la  congrégation  de  Sainte-Marthe,  et  qui  alors 
était  supérieure  de  la  Miséricorde  de  Bergerac.  Originaire 
de  Saint-Avit,  cette  vénérable  Sœur  avait,  [à  un  degré 
supérieur,  l’amour  du  clocher  ;  elle  voulut  se  faire  la 
bienfaitrice  de  son  pays  natal.  Dans  ce  but,  dès  1837,  elle 
fit  l’acquisition  d’une  maison  située  dans  le  bourg  de 
Saint-Avit,  à  peu  de  distance  de  l’église  et  assortie  d’un 
jardin  et  d’un  vaste  enclos.  Elle  ne  recula  devant  aucun 
sacrifice  soit  pour  faire  cette  acquisition,  soit  pour  appro¬ 
prier  le  local  à  sa  destination  et  le  pourvoir  de  l’ameu¬ 
blement  nécessaire,  soit,  enfin,  pour  assurer  aux  reli¬ 
gieuses  qui  y  seraient  envoyées  les  ressources  dont  elles 
auraient  besoin. 

Lorsque  tout  fut  préparé,  la  Mère  du  Soûlas  fit  choix  de 
trois  religieuses  de  sa  communauté  et  les  envoya  à  Saint- 
Avit  pour  commencer  l’œuvre  de  son  affection.  Elles  furent 
installées  au  mois  de  novembre  1843. 

Aujourd’hui,  les  religieuses  de  Saint-Avit,  réunies  à  la 
congrégation  de  Sainte-Marthe,  dirigent  un  pensionnat, 
un  externat  et  une  classe  gratuite,  et  l’une  d’elles  est  char¬ 
gée  de  visiter  les  pauvres  malades  et  de  leur  donner  les 
soins  et  les  secours  que  réclame  leur  état. 

.9°  Cherval.  —  Cette  communauté  doit  sa  fondation  au 
zèle  désintéressé  deM.  l’abbé  Blois,  curé  de  Cherval,  qui, 
depuis  trente  ans,  recueille,  pour  le  ciel,  les  fruits  de 
son  œuvre.  Voulant  créer  un  établissement  de  religieuses 
pour  assurer  une  éducation  chrétienne  aux  jeunes  filles 
de  sa  paroisse,  il  commença  par  louer  une  maison,  qu’il 
appropria  à  sa  destination,  et,  l’ayant  pourvue  du  mobilier 
nécessaire,  il  y  installa -trois  religieuses  de  la  congréga¬ 
tion  de  Marie-Thérèse  de  Bordeaux.  Ceci  avait  lieu  vers 
1851. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  261 

Les  débuts  furent  heureux.  Encouragé  et  concevant  les 
meilleures  espérances,  deux  ans  après  le  zélé  fondateur 
disposa  tout  pour  acquérir  la  maison  et  assurer  ainsi  la 
stabilité  de  son  œuvre.  Mais  il  comprit  bientôt  que  des 
religieuses  d’une  congrégation  diocésaine  lui  offriraient 
plus  de  garanties  de  succès  et  surtout  de  stabilité.  Toutes 
les  précautions  qu’exigeaient  les  convenances  et  la  charité 
chrétienne  furent  prises  pour  remercier  la  congrégation 
de  Marie-Thérèse,  et  les  religieuses  de  Sainte-Marthe 
furent  invitées  à  continuer  une  œuvre  si  heureusement 
commencée.  Elles  y  furent  installées  au  mois  de  novem¬ 
bre  1854. 

Depuis  cette  époque  elles  y  dirigent,  à  la  grande  satis¬ 
faction  de  tous,  une  classe  payante  et  une  classe  gratuite, 
visitent  les  pauvres  et  leur  distribuent  les  aumônes  que 
leur  économie  et  la  charité  chrétienne  mettent  à  leur  dis¬ 
position. 

4°  Piégut.  —  Ici  la  bienfaisance  laïque,  mais  fortement 
trempée  au  feu  de  la  charité  chrétienne  et  catholique,  a 
tout  fait  pour  la  fondation,  les  développements  et  la  sta¬ 
bilité  de  l’œuvre. 

En  1855,  il  se  forma  une  commission  composée  du  curé 
et  de  quelques  notables  de  la  paroisse,  parmi  lesquels  M. 
le  marquis  de  Malet  et  M.  de  Yerneilh,  dans  le  but  de  fon¬ 
der  un  établissement  de  religieuses  pour  donner  des 
secours  aux  pauvres  et  aux  malades,  et  élever  chrétien¬ 
nement  les  petites  filles,  et  spécialement  celles  de  la  classe 
indigente. 

La  commission  ainsi  composée  et  ayant  pour  président 
M.  le  marquis  de  Malet,  on  pouvait  considérer  l’œuvre 
comme  fondée  ;  elle  l’était.  Au  mois  de  mai  de  l’année 
suivante,  1856,  trois  religieuses  de  Sainte-Marthe  étaient 
envoyées  à  Piégut  et  s'installaient  dans  la  maison  qui  leur 


262 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


avait  été  préparée.  Elles  eurent  dès  le  début,  outre  la  visite 
des  pauvres  et  des  malades,  la  direction  d’une  école  gra¬ 
tuite  et  d’une  salle  d’asile.  Quelques  mois  après  elles 
ouvrirent  une  classe  payante,  et,  enfin,  un  peu  plus  tard, 
un  pensionnat.  Et  aujourd’hui,  grâce  àleurzèle  intelligent, 
dévoué  et  désintéressé,  lesjeunes  filles  de  la  paroisse  de 
Pluviers -Piégut,  sont  élevées  chrétiennement,  et  les  pau¬ 
vres  sont  visités  et  secourus. 

5°  Ribérac.  —  En  1857,  cette  ville  ne  possédait  point  de 
maison  religieuse  pour  l’éducation  des  filles  des  classes 
aisées.  Il  n’y  avait  qu’un  pensionnat  laïque.  L’occasion  se 
présenta  de  le  transformer  en  pensionnat  religieux  ;  M. 
le  curé,  alors  M.  l’abbé  Dumoulin,  fut  heureux  d’en  profi¬ 
ter.  Sur  sa  demande,  deux  religieuses  de  Sainte-Marthe 
prirent  laplace  de  l’institutrice  laïque  qui  se  retirait  volon¬ 
tairement,  et  l’œuvre  qu’il  désirait  depuis  longtemps  fut 
fondée.  Elle  a  prospéré,  fécondée  parles  bénédictions  de 
Dieu  et  la  charité  chrétienne.  C’est  aujourd’hui  un  bril¬ 
lant  pensionnat,  avec  un  externat  nombreux,  auquel  on 
a  joint  l’école  gratuite  que  dirigeaient  les  Sœurs  de  l’hôpi¬ 
tal. 

6a  Verteillac.  —  Depuis  les  premiers  jours  de  novembre 
1862,  les  religieuses  de  Sainte-Marthe  dirigent  à  Yerteillac 
une  école  payante,  une  école  gratuite  et  une  salle  d’asile. 
Elles  y  furent  appelées  par  M.  l’abbé  Magnère,  aujour¬ 
d’hui  curé  de  Saint-Astier,  et  installées  dans  une  maison 
qu’une  souscription  et  quelques  dons  volontaires  lui 
avaient  permis  d’acquérir  à  cette  fin ,  Etablie  sur  des 
bases  solides,  et  recevant,  à  son  origine,  et  les  bénédictions 
de  Dieu  et  les  bénédictions  de  tous  les  habitants  de  Ver¬ 
teillac,  l’œuvre  a  prospéré.  Les  fruits  qu’on  en  recueille 
tous  les  jours  ne  permettent  pas  de  regretter  les  sacrifices 
qui  ont  été  faits  pour  l’établir. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  263 

7°  Lalinde.  —  Au  mois  de  novembre  1866,  les  reli¬ 
gieuses  de  Sainte-Marthe  s’établirent  à  Lalinde  sous  les 
plus  heureux  auspices  ;  on  ne  pouvait  désirer  rien  de 
mieux.  Déjà  la  Maison-Mère  avait  reçu  la  somme  de  vingt 
mille  Francs,  léguée  par  Mme  veuve  Raynal,  née  Gabrielle 
Dartenset,  à  la  condition  de  fonder  à  Lalinde  une  maison 
»  de  son  ordre,  pour  visiter  les  malades  et  élever  chrétien- 
»  nement  les  petites  filles  de  là  classe  indigente.  »  Et  peu 
de  temps  après  leur  installation,  la  Maison-Mère  reçut 
de  M.  et  Mme  Laval,  par  l’entremise  deM.  l’abbé  de  Saint- 
Exupéry,  vicaire  général,  la  somme  de  trente-deux  mille 
francs,  destinée,  comme  le  legs  de  Mme  Raynal,  à  fonder 
à  Lalinde  une  maison  de  Sainte-Marthe,  pour  élever  les 
petites  filles  pauvres,  visiter  et  assister  les  malades  indi¬ 
gents  de  la  commune.  Sur  de  telles  bases  l’établissement 
fie  pouvait  que  prospérer.  Les  Sœurs  qui  le  dirigent  rem¬ 
plissent  bien  les  intentions  des  pieux  fondateurs  :  Les 
jeunes  filles  sont  élevées  chrétiennement,  et  les  pauvres 
malades  sont  visités  et  secourus. 

8°  Saint-Georges  de  Pêrigueux.  —  L’école  de  filles  de 
cette  paroisse,  fondée  en  1867  par  M.  l’abbé  Estignard,  de 
pieuse  mémoire,  fonctionna  d’abord  comme  école  libre, 
devint  bientôt  école  communale,  titre  qu’elle  conserva 
jusqu’en  1879.  Elle  est  redevenue  école  libre,  on  sait  com¬ 
ment  ;  elle  n’en  est  pas  moins  prospère  et  n’en  fait  pas 
moins  de  bien.  La  persécution  n’atteint  pas  toujours  son 
but  :  il  arrive  souvent  qu’en  voulant  détruire  elle  ne  fait 
que  fortifier. 

En  outre  de  ces  établissements,  fondés  dans  diverses 
paroisses  du  Périgord,  la  congrégation  de  Sainte-Marthe 
dirige,  à  Pêrigueux,  une  salle  d’asile  et  le  Dépôt  de  men¬ 
dicité,  et,  à  Bergerac,  l’infirmerie  et  la  lingerie  du  Petit- 
Séminaire.  Elle  possède  aussi  deux  établissements  dans  le 


264  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES  ETC.,  DD  PÉRIGORD. 

diocèse  d’Agen  ,  à  Castillonnès  et  à  Cahuzac  :  Nous 
n’avons  pas  à  nous  en  occuper  ici. 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit,  nous  avons  épuisé  la  série 
des  établissements  hospitaliers  dirigés  par  la  congréga¬ 
tion  de  Sainte-Marthe  du  Périgord.  Il  nous  reste  à  dire  les 
origines  des  établissements  dirigés  par  des  religieuses  de 
congrégations  étrangères  au  Périgord,  tels  les  hôpitaux  de 
Nontron,  d’Excideuil,  de  Terrasson,  de  Montignac,  d’Hau- 
tefort,  et  l’hospice  des  vieillards  de  Périgueux.  Puis  vien¬ 
dront  les  notices  de  quelques  Bureaux  de  bienfaisance, 
dont  les  origines  offrent  un  intérêt  tout  particulier,  tels 
que  ceux  de  Garsac,  dans  le  canton  de  Garlux,  de  Saint- 
Martin  de  Ribérac,  et  autres.  Et,  alors,  nous  aurons  achevé 
la  tâche  qu’a  bien  voulu  nous  imposer  une  volonté  tou¬ 
jours  aimée  et  respectée. 


XXX 


Hôpital  d’Hautefort  (1). 


I 

L’acte  de  fondation  de  l’hôpital  actuel  d’Hautefort  est 
du  4  févriér  1669.  Mais  une  tradition  ancienne,  confirmée 
par  des  titres  de  1470 ,  apprend  qu’il  y  avait  autrefois  sur 
le  même  emplacement  un  hôpital  dédié  à  Saint-Jacques. 

Le  fondateur  de  l’hôpital  actuel  fut  très-haut  et  puissant 
seigneur  messire  Jacques  François ,  marquis  d’Hautefort , 
chevalier  des  Ordres  du  Roi ,  grand  et  premier  écuyer  de 
la  Reine,  comte  de  Montignac,  vicomte  de  Ségur ,  baron 

(1)  Nous  devons  à  M.  le  comte  Max  once  de  Damas  la  communication 
.des  précieux  documents  qui  nous  ont  servi  à  écrire  cette  notice.  Nous  lui 
en  exprimons  ici  notre  vive  reconnaissance,  qui -sera partagée  par  tous  nos 
lecteurs. 

Si  nous  donnons  à  cette  notice  une  étendue  que  nous  n’avons  pu  donner 
aux  autres,  c’est  que  l’acte  de  fondation  de  cet  hôpital  peut  être  cité  comme 
type  des  actes  de  cette  espèce.  Il  donne ,  en  effet,  l’idée  la  plus  complète 
de  la  manière  dont  on  entendait  autrefois  l’établissement  des  maisons  de 
charité.  C’est  bien  un  hôpital  qu’on  veut  fonder,  mais  c’est  aussi,  et  avant 
tout,  une  œuvre  chrétienne  et  de  miséricorde  dont  Dieu  est  le  principe  et 
la  fin.  On  y  verra  aussi  avec  édification  la  constante  sollicitude  de  l’évêque 
de  Périgueux  à  l’endroit  de  l’hôpital  dont  on  lui  a  confié  la  garde,  les 
visites  régulières  de  ses  vicaires  généraux ,  leur  zèle  à  faire  observer  ses 
règlements  et  statuts  de  la  fondation  Nous  avons  lieu  de  croire  que  le 
plaisir  de  cette  lecture  fera  oublier  la  longueur  de  la  notice. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


d’Ayxe  ,  Thenon  ,  etc.  La  construction  de  l’édifice  ,  com¬ 
mencée  en  1669 ,  fut  continuée  par  Gil  d’Hautefort ,  héri¬ 
tier  du  fondateur ,  et  terminée  par  François-Marie  d’Hau¬ 
tefort,  vers  l’an  1740.  Mais  quoique  inachevé,  l’hospice 
fut  occupé  par  les  pauvres  un  an  après  la  mort  du  fonda¬ 
teur,  décédé  à  Paris  le  3  octobre  1680. 

Nous  reproduisons  ici  l’acte  de  fondation  et  le  règle¬ 
ment  fait  par  le  fondateur  pour  la  direction  intérieure  et 
extérieure  de  l’œuvre  qu’il  fondait.  Nous  ne  ferons  aucun 
changement  à  ces  deux  pièces.  Nous  en  respecterons 
même  le  style  et  l’orthographe  ;  nous  y  ajouterons  néan¬ 
moins  la  ponctuation,  pour  en  rendre  la  lecture  plus  facile. 
On  ne  saurait  trouver  rien  de  plus  noble  ,  de  plus  chré¬ 
tien,  de  plus  édifiant. 

«  Par  devant  les  notaires  gardenottes  du  Roy  au  Chas- 
tellet  de  Paris  ,  soubznfs,  fust  présent  haut  et  puissant  sei¬ 
gneur  messire  Jacques  François ,  marquis  d’Hautefort, 
Chevalier  des  Ordres  du  Roy ,  Grand  et  premier  Ecuyer 
de  la  Reine  ,  compte  de  Montignac ,  Vicompte  de  Ségur , 
Baron  d’Ayxe,  Thenon  ,  et  demeurant  à  Paris ,  en  l’hostel 
des  Escuries  de  la  Reine ,  paroisse  de  Saint-Germain  de 
Lauxerois.  Lequel  voullant  autant  qu’il  luy  est  possible 
perpétuer  après  luy  les  actions  de  grâces  qu’il  doit  à  Dieu 
pour  tous  les  bienfaits  qu’il  en  a  reçus  pendant  sa  vie  ,  et 
ne  le  pouvant  mieux  que  par  la  bouche  des  pauvres  qu’il 
considère  en  cette  rencontre  comme  ses  enfens,  a  led; 
seigneur  marquis  dit  et  déclaré  qu’il  entent  fonder ,  à  cet 
esfet,  par  ces  présentes,  dans  sa  terre  et  marquizat  d’Hau¬ 
tefort  un  hôpital  des  pauvres  y  enfermés  au  nombre  de 
trente  trois,  en  l’honneur  des  trente  trois  années  que  notre 
Seigneur  Jésus  christ  a  employées  sur  la  terre  à  l’ouvrage 
de  nostre  Rédemption. 

»  Pour  cet  esfet  icelluy  marquis  dit  que  pour  ce,  au  nom 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  267 

et  à  la  gloire  du  Père ,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit ,  il  sera 
par  luy  ou  par  son  héritier ,  institué  par  son  testament, 
bastit  un  hospital  dans  led;  bourg  et  lieu  d’Hautefort,  en 
forme  de  croix  ,  dont  l’esglise  quy  sera  dédiée  à  la  Très- 
Sainte-Trinité  en  faira  la  principale  partie  comme  l’appuy 
et  le  soubstien  de  tout  ce  ouvrage. 

»  La  branche  du  haut  de  la  Croix  sera  une  salle  dédiée 
au  Père  Eternel,  où  led  ;  seigneur  marquis  veut  être  donné 
ÿetraitte  à  onze  vieillards  pauvres  en  l’honneur  de  ce  divin 
Père. 

»  La  branche  droite  sera  la  salle  du  Yerbe  Divin  où  on 
establira  onze  jeunes  garçons  ,  en  l’honneur  de  ce  divin 
Yerbe  qui  a  bien  vouleu  se  faire  homme  pour  nostre 
sailut. 

»  A  la  branch  :  gauche  sera  la  salle  du  Saint-Esprit ,  où 
l’on  mettra  onze  femmes  ou  jeunes  filles,  en  l’honneur  de 
ce  adorable  Esprit  dont  la  vertu  rendit  la  Vierge  féconde 
et  fist  qu’un  Dieu  devint  nostre  frère. 

»  Seront  ainsi  trente  trois  pauvres  qui,  en  mémoire  des 
trente  trois  années  de  Jésus-Christ  ,  seront  instruits  et 
entretenus  à  perpétuité ,  pour  rendre  hommage  au  Père 
Eternel  et  remercier  sans  cesse  du  merveilleux  présent 
qu’il  lui  a  plust  faire  aux  hommes  en  leur  donnant  son 
Fils  unique  par  le  moyen  du  Saint-Esprit.  Yoilla  les  sen¬ 
timents  que  ledit  seigneur  marquis  souhaitte  qu’on  leur 
inspire  en  leur  enseignant  avec  soin  la  science  de  leur 
sailut,  et  les  conviant  tous  les  jours  à  demander  pour  led; 
seigneur  marquis  miséricorde  à  nostre  Dieu. 

»  Comme  led;  seigneur  marquis  espère  luy  mesme  faire 
la  despence  du  bastimout,  il  n’en  ordonne  point  issy,  si  ce 
n’est  qu’en  cas  qu’il  ne  l’eust  point  faitte  avant  sa  mort,  il 
veut  qu’il  soit  pris  sur  les  plus  clairs  deniers  de  tout  son 
bien  la  somme  de  vingt-cinq  mille  livres  pour  bastir  et 


268  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

meubler  l’église  et  l’hospital  qu’il  désire  fonder  et  dont  il 
faira  à  part  les  règlements. 

»  Pour  l’entretien  desd;  trente-trois  pauvres  et  des  offi¬ 
ciers  qui  auront  le  gouvernement  de  ce  hospital ,  icelluy 
marquis  donne  aud  ;  hospital  les  dismes  inféodées  qui  luy 
appartiennent  en  total  dans  l’étendue  de  son  marquizat, 
dans  ses  terres  de  Thenon  et  de  la  Motte ,  les  dismes  en 
quoy  qu’elles  puissent  consister ,  soit  bled,  vin,  Allasse  et 
laisnes  ,  soit  qu’elles  lui  appartiennent  en  total  dans 
l’étendue  de  son  marquizat  et  sur  les  dits  lieux  en  parti¬ 
culier  ,  ou  qu’elles  soient  divisibles  avec  les  chapitres  et 
curés  desd:  terres  et  suivant  que  le  seigneur  marquis  en 
jouit  aprésent  etaccoustumé  d’en  jouir.  Lesquelles  dismes 
toutefois  led  seigneur  et  les  héritiers  et  successeurs 
pourront  rachepter  pour  la  somme  de  trente-cinq  à  qua¬ 
rante  mille  livres  :  laquelle  somme  en  cas  dud  ;  rachapt, 
led;  seigneur  d’Hautefort  ou  ses  héritiers  et  successeurs 
seront  thenus  de  mettre  en  fons  ,  de  proche  en  proche, 
dud  ;  hospital  par  les  advis  des  directeurs  d’icelluy  ,  con¬ 
firmés  et  ratifiés  par  monsieur  le  premier  président  de 
Paris  ,  avec  trois  des  principaux  directeurs  de  l 'hospital 
général  de  Paris. 

»  Outre  lesd;  dixmes ,  led  ;  seigneur  marquis  donne 
encore  aud  ;  hospital  les  domaines  qui  luy  appartiennent 
comme  s’ensuit  : 

»  La  mestairie  de  Châpey  et  bois  de  Chantemerle  de 
Teillous , 

»  Plus  le  grand  bois  de  la  Noallette, 

»  Plus  les  prairies  à  luy  appartenant  dans  la  rivière  du 
Fournial, 

»  Plus  les  biens  de  la  Marrouynetarie , 

»  Pliis  le  pred  de  Broussou  et  gueresne  de  Gabanier, 

»  Plus  la  mestairie  de  Neboulle  ,  la  mestairie  de  Lus- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  269 

saud  ,  la  mestairie  du  Temple  de  Leau  ,  la  mestairie  dé  la 
Pallud,  la  mestairie  de  Charveyx  et  autres  mestairies  aud; 
lieu  appelées  Belletaud. 

»  Et  pour  empescher  qu’à  l’advenir  les  successeurs  dud; 
seigneur  ne  puissent  diminuer  le  revenu  cy  dessu  s,  changer 
l’ordre  qu’il  désire  establir,  il'supplie  monsieur  l’Evesque 
de  Périgueux,  monsieur  le  premier  président  du  parlement 
et  messieurs  les  directeurs  de  l’hospital  général  de  Paris 
de  le  prendre  en  leur  protection  ,  de  le  deffendre  contre 
qui  que  ce  soit,  et  de  faire  en  sorte  que,  au  moins  une  fois 
l’année ,  quelqu’un  de  leur  corps  ou  autres  personnes  de 
probité  dont  ils  puissent  estre  assurés  ,  se  transportent 
sur  les  lieux  pour  voir  si  tout  le  temporel  est  en  bon  estât 
et  y  mettre  ordre  de  conseil  avec  led  ;  sieur  Evesque.  Pour 
cet  esfet,  icelluy  marquis  veut  qu’il  soit  pris  la  somme  de 
deux  cens  livres  sur  ce  qui  luy  sera  deus  par  son  fermier 
ou  recepveur  d’Hautefort  pour  payer  le  voyage  de  celluy 
qui  voudra  se  donner  la  peine  d’aller  à  Hautefort  et  d’y 
séjourner,  afin  d’y  faire  executer  pleinement  la  fondation 
et  les  ordres  establis  pour  la  subsistance  et  gouvernement 
temporel. 

»  Veut  aussi  led;  seigneur  que  le  sieur  desputé  soit 
nourrit  et  logé  au  despens  de  l’hospital  pendant  un  mois, 
s’il  lui  plaist  demeurer  ce  temps-là ,  et  qu’à  son  despart, 
lad  ;  somme  de  deux  cens  livres  luy  soit  mise  entre  ses 
mains  pour  en  user  comme  bon  luy  semblera ,  selon  son 
besoin  et  selon  sa  charité  pour  l’hospital. 

»  Gomme  aussi  led;  seigneur  Marquis  a  suplié  très-hum¬ 
blement  le  Roy  qui  luy  a  fait  la  grâce  de  luy  accorder  le 
droit  de  committimus  au  requettes  de  lostel  ou  du  palais 
pour  l’hospital  d’Hautefort.  Il  prie  mond;  sieur  le  premier 
président  et  messieurs  les  directeurs  de  l’hospital  général 
de  Paris  de  prendre  soin  que  cet  hospital  jouisse  de  ce 


270 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


privilège  pour  toutes  ses  causes  ,  aün  de  ne  laisser  point 
sur  les  lieux  en  proye  à  lhotorité  des  seigneurs  et  de  ses 
autres  parties. 

»  Déclare  led;  seigneur  marquis  qu'il  y  a  tant  d'expé¬ 
riences  des  malledictions  que  la  pluspart  des  gentilshom¬ 
mes  attirent  sur  leurs  maisons ,  en  refusant  à  l’Eglise  et 
aux  pauvres  ce  qui  leur  appartient,  qu’il  supplie  très  ins- 
temment  ses  héritiers  successeurs  et  exécuteurs  testamen¬ 
taires  et  leur  ordonne,  autant  qu’il  peut,  de  faire  executer 
soigneusement  la  présente  fondation.  Elle  sera  la  cause 
et  source  de  leur  malheur,  s’ils  manquent  de  s’acquitter 
de  leur  debvoir ,  ou  de  leur  bonne  fortune  dans  le  temps 
et  dans  l’esternité ,  s’ils  servent  de  pères  aux  pauvres  et 
s'ils  accomplissent  la  volonté  dud;  seigneur  marquis. 

»  Que  si  malgré  les  prières  ,  ordres  et  les  désirs  dud  ; 
marquis  ,  les  seigneurs  dud;  Hautefort ,  ses  héritiers  ou 
successeurs,  refusent  la  subsistance  aux  pauvres  dans  les 
termes  de  la  présente  fondation  ,  led;  seigneur  d’Haute- 
fort  charge  la  conscience  de  tous  ceux  de  son  Chapitre 
dud;  lieu  d’en  advertir  led;  sieur  Evesque  de  Périgueux 
ou  monsieur  le  premier  president  de  Paris ,  et  veut  que, 
pour  en  réparer  la  faute,  les  Seigneurs  d’Hautefort  payent 
mille  escus  à  l’hospital  général  de  Paris  pour  lesquelles 
les  directeurs  d’icelluy  pourront  faire  saisir  tous  leurs 
biens  à  ce  qu’ils  en  soient  payés. 

»  Et  s’il  arrive  qu’une  autre  année  lesd;  Seigneurs 
d’Hautefort  fassent  de  mesme ,  icelluy  seigneur  marquis 
d’Hautefort  les  condamne  à  la  mesme  peine  pour  leur 
témoigner, qu’il  veut  absolument  que  la  présente  fondation 
soit  pleinement  executée  ,  en  sa  forme  et  en  son  fonds  , 
pour  la  gloire  de  la  Sainte-Trinité  et  pour  le  sallut  de  ses 
terres  du  Périgord  et  du  Limousin. 

»  Après  que  led;  seigneur  marquis  aura  une  fois  nommé 


271 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

les  six  directeurs  qui,  avec  led;  seigneur  évêque  de  Péri- 
gueux  et  led;  seigneur  d’Hautefort ,  fairont  le  nombre  de 
huict,  il  renonce  à  tout  pouvoir  de  nommer  seul,  et  icelluy 
seigneur  les  donne  entièrement  au  bureau  de  son  hospital, 
pour  la  faire  en  son  absence,  lorsque  quelque  place  vien¬ 
dra  à  vacquer  par  mort  ou  par  desmition ,  laquelle 
eslection  se  faira  suivant  la  forme  que  led;  seigneur  pres¬ 
crit  dans  les  estatuts  suivant.  Si  led;  seigneur  estoit  pré¬ 
sent  ou  ses  successeurs ,  ils  y  auraient  une  voix  ,  et,  en 
leur  absence ,  quatre  voix  suffiront  pour  eslire  un  direc¬ 
teur,  et,  en  la  présence  dud;  seigneur ,  il  en  faudra  cinq. 

»  Pour  le  spirituel  ,  il  est  important  que  les  esclésiasti- 
ques  du  Bureau  chargés  de  la  direction  temporelle  ne  se 
meslent  point  du  tout  du  spirituel ,  pour  esviter  divers 
inconvénients  que  l’experience  faict  connoistre. 

»  Mais  led;  seigneur  marquis  d’Hautefort  prie  mond; 
seigneur  Esvesque  de  Périgueux  de  faire  la  grâce  aud; 
hospital  de  luy  donner  un  directeur  qui  aura  Soin  de  tout 
le  spirituel  indépendemment  du  curé  ou  vicaire  perpétuel 
de  la  parroisse,  avec  pouvoir  d’administrer  tous  les  sacre¬ 
ments  dans  lestendue  dud;  hospital. 

»  Ce  ecclésiastique  aura  sa  chambre  dans  le  quartier  de 
l’esconomie,  prendra  grand  soin  d’instruire  les  pauvres  de 
tous  les  points  nécessaires  à  leur  sallut,  ne  se  meslera  au¬ 
cunement  du  temporel  que  pour  advertir  les  directeurs  des 
choses  extérieures  auxquelles  ils  peuvent  mettre  ordre. 

»  Il  célébrera  tous  les  jours  la  sainte  messe,  afin  que 
les  pauvres  l’entendent,  il  faira  le  catéchisme  trois  fois  "la 
semaine  dans  lesglise  ou  l’on  exhortera  tous  les  pères  de 
famille  du  lieu  et  des  villages  voisins  d’envoyer  leurs 
enfens  aprendre  la  doctrine  chrestienne,  et  aura  grand 
soin  que  les  mallades  soient  secourus  spirituellement  et 
munis  de  tous  les  sacrements  avant  leur  mort. 


272 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Led;  seigneur  marquis  se  réserve  la  nomination  pen¬ 
dant  sa  vie,  et  aux  directeurs  dud;  hospital  après  sa 
mort,  des  prêtres  pour  la  direction  spirituelle  dud;  hos¬ 
pital. 


RÈGLEMENTS  POUR  L’HOSPITAL  D’HAUTEFORT  : 

Fin  de  cet  hospital. 

»  Comme  le  seigneur  marquis  d’Hautefort  n’a  point 
d’autre  intention  en  fondant  l’hospital  d’Hautefort  que  de 
procurer  le  sallut  des  pauvres,  en  les  faisant  instruire'des 
choses  de  la  religion  catholique,  apostolique,  romaine  et 
en  leur  faisant  apprendre  quelque  mestier  dont  ils  puissent 
gaigner  leur  vie,  pour  leur  oster  par  ce  moyen  tout 
prétexte  de  mandicité,  il  désire  que  le  Bureau  ait  toujours 
en  vue  cette  fin  et  tienne  la  main  à  l’execution  de  ces 
reglements. 

«  Quelles  qualités  doivent  avoir  ceux  qui  seront  admis 
dans  ce  hostel  ? 

»  Il  ne  Donestre  que  pour  enfens  orphelins  de  l’un  et 
l’autre  sexe  qui  seront  au  moins  aagés  de  six  ans  pour 
estre  admis  aud;  hospital,  et  pour  les  mallades  par  aage, 
par  malladie  ou  par  autre  infirmité  spirituelle  ou  corpo¬ 
relle  réduits  à  la  mandicité,  orphelins  de  père  et  de  mère 
ou  qui  ne  les  ont  qu’en  estât  de  mandicité  par  faiblesse  de 
corps  ou  d’esprit. 

»  Ces  sortes  de  pauvres  doivent  estre  nés  dans  l’esten- 
due  des  terres  et  dependences  ou  annexes  dud;  marqui- 
zat  d’Hautefort,  en  Périgord  et  Limouzin,  en  dépendant 
ou  habitant  desd  ;  terres  depuis  trois  ans,  et  autres  de  ses 
terres  sises  dans  d’autres  provinces. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC. ,  DU  PÉRIGORD.  273 

»  S’il  se  trouve  trop  peu  d’orphelins  on  y  pourra 
admettre  des  enfens  dont  les  pères  ne  peuvent  gaigner 
leur  vie  et  qui  par  ce  moyen  sont  dans  l’actuelle  mandi¬ 
cité,  mais  toujours  nés  dans  lestendue  des  terres  d’Hau- 
tefort  ou  habittans  depuis  trois  ans  ;  et  le  bureau  sera 
juge  de  leurs  qualités. 

»  Les  garçons,  filles  et  autres  enfens  estant  en  aage  et 
en  estât  de  gaigner  leur  vie  et  scachant  quelque  mestier 
laisseront  la  place  a  d’autres,  pour  estre  remplacés  sui¬ 
vant  l’advis  desd;  directeurs. 

DU  GOUVERNEMENT  ET  DIRECTION  DE  L’HOSPITAL  QUANT  AU  DEHORS. 

»  Monsieur  l’esvesque  de  Périgueux,  le  fondateur  etleurs 
successeurs  en  seront  toujours  les  inspecteurs  et  les  pre¬ 
miers  directeurs,  pour  y  faire  observer  et  accomplir  les 
intentions  que  led;  seigneur  fondateur  a  eues  en  faisant 
cet  établissement ,  et,  comme  il  n’a  eust  en  veue  que  la 
gloire  de  Dieu,  l’instruction  et  le  soulagement  des  pauvres 
mandians  de  ses  terres,  il  conjure  ses  successeurs  d’avoir 
les  mesmes  sentiments  et  de  leur  servir  de  pères,  pour 
attirer  la  bénédiction  du  ciel  sur  leurs  maisons. 

»  Les  successeurs  dud;  seigneur  fondateur  auront  la 
mesme  place  que  luy  tandis  qu’ils  voudront  executer 
entièrement  ses  intentions  et  servir  de  protecteur  à  cet 
hospital. 

»  En  leur  absence,  le  doyen  du  chapitre  d’Hautefort  ou 
quelqu’un  des  chanoines  que  les  directeurs  nommeront 
pour  estre  de  la  direction,  président  au  bureau  ;  un  des 
curés  desd;  terres  sera  le  second  directeur,  le  troisième  sera 
un  officier  du  seigneur,  autre  que  son  juge  qui  ne  pourra 
jamais  estre  directeur  pour  plusieurs  bonnes  raisons, 

»  Il  y  aura  trois  autres  directeurs,  lesquels  soit  gen¬ 
tilshommes  ou  bourgeois  tirés  des  bourgs  et  villages  des 

18 


274 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


terres  dépendantes  du  marquizat  ou  autres  en  Périgord  ou 
en  Limouzin,  pour  lesquelles  ia  fondation  est  faitte,  afin 
que,  avec  ce  nombre  de  huict  compris  monsieur  l’Eves- 
que  de  Périgueux  et  le  seigneur  fondateur  ou  ayant  cause, 
toutes  choses  seront  gouvernées,  et  qu’il  ne  soit  pas  au 
pouvoir  d’une  ou  de  deux  personnes  de  depanser  mal  à 
propos  le  bien  de  l’hospital,  ny  le  donner  à  des  gens  qui 
ne  seront  pas  de  la  qualité  requise. 

»  Les  six  directeurs  seront  nommés  par  le  fondateur, 
bien  informé  de  leurs  bonnes  dispositions  pour  le  service 
des  pauvres  qui  seront  zélés,  désintéressés,  prudents  et 
actifs,  et  qu’ils  puissent  servir  par  pure  charité,  sans 
aucune  rétribution  temporelle  et  sans  devenir  jamais  à 
charge  aud;  hospital. 

»  Ces  six  directeurs,  nommés  une  fois,  nommeront 
ensuitte  leurs  successeurs  en  vertu  du  pouvoir  a  eux 
donnés  cy-dessus  par  led  ;  seigneur  marquis  d’Haute- 
fort,  qui  a  renoncé  à  la  faculté  de  les  nommer  luymesme, 
afin  que  la  chose  se  fasse  avec  plus  de  bénédiction,  de 
connoissance  et  de  liberté. 

»  Les  directeurs  nommés  seront  thenus  de  prester  le 
serment,  par  devant  le  premier  juge  du  marquizat  d’Hau- 
tefort,  de  bien  et  charitablement  servir  en  lad  ;  direction, 
et  de  faire  leur  possible  pour  l’exécution  des  intentions 
du  fondateur.  Ils  serviront  les  pauvres  pendant  deux 
années,  et,  cella  faict,  il  leur  sera  loisible  de  se  retirer  et 
de  prier  le  bureau  d’en  nommer  d’autres  en  leur  place  ; 
bien  entendu  qu’ils  ne  le  fairont  pas  tous  à  la  fois,  afin 
qu’il  y  en  demeure  la  moitié  au  moins  pour  instruire  les 
nouveaux. 

Se  réserve  pareillement  led;  seigneur  fondateur  la 
faculté  de  nommer  pour  la  première  fois  les  directeurs 
pour  le  temporel,  et,  après,  cette  nomination,  quand  il  y 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  275 

aura  vacance,  appartiendra  au  bureau,  et  si  led;  seigneur 
fondateur  mouroit  avant  d’avoir  faict  la  première  nomi¬ 
nation,  le  pouvoir  qu’il  s’est  réservé  appartiendra  à  son 
héritier  ou,  en  cas  de  refus,  après  en  avoir  esté  une  fois 
requis,  à  monsieur  l’esvesque  de  Périgueux. 

»  Ceux  qui  auront  assez  de  zèle  pour  désirer  plus  long¬ 
temps,  mesme  toujours,  de  rendre  leur  service  aux  pau¬ 
vres,  seront  continués  avec  joye,  pourveus  qu’ils  travail¬ 
lent  avec  soin,  car  comme  on  leur  donne  la  liberté  de  se 
retirer,  le  bureau  aussi  l’aura  toute  entière  d’exclure  ceux 
qui  ne  seront  point  assidus  au  service  de  l'hospital. 

Yaccance  par  mort  ou  par  démission  arrivant,  le  bureau 
s’assemblera  pour  eslire  un  directeur  et  l’eslection  se  fera 
en  cette  sorte  : 

»  Le  premier  jour  on  nommera  toux  ceux  que  chaqu’un 
trouvera  à  propos  pour  remplir  cette  place,  c’est  à  dire 
que  chasqu'un  en  nommera  trois  soit  différents  soit  les 
mesmes.  Le  secrétaire  en  tiendra  registre.  Entre  toutes 
ces  différentes  nominations  le  bureau  pensera  au  choix 
des  plus  dignes  pour  les  réduire. 

»  Au  jour  du  bureau,  tous  les  directeurs  assemblés 
choisiront  par  billet  un  des  trois  qu’ils  jugeront  en  leur 
conscience  le  plus  propre  de  la  direction  de  l’hospital,  et 
celluy  qui  se  trouvera  plus  des  deux  tiers  des  voix 
demeurera  eslu,  c’est  à  dire  de  cinq  voix  quatre,  et  de 
six  cinq. 

»  S’il  se  rencontre  néanmoins  qu’estant  cinq  ou  six 
directeurs  il  se  trouve  trois  voix  d’un  costé  et  deux  de 
l’autre,  on  faira  les  billets  jusqu’à  trois  fois  et  si  chas- 
qu’un  persévère,  celluy  qui  aura  plus  de  voix  demeurera 
directeur. 

»  Il  y  aura  un  recepveur  de  l’hospital  qui  servira  pure¬ 
ment  par  charité  et  qui  sera  choisi  parmi  les  directeurs 


276 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


laïques  ;  il  doit  être  solvable  et  fidelle.  Il  tiendra  bon 
registre  de  la  recepte  et  ne  payera  quoy  que  ce  soit  que 
sur  un  ordre  du  bureau,  signé  de  deux  directeurs  et  con- 
trerollé  par  un  troisième,  qui  tiendra  le  registre  des  déli¬ 
bérations  dud  ;  bureau  et  qui  servira  de  secrétaire. 

»  Les  directeurs  s’assembleront  une  fois  la  semmaine, 
afin  de  pourvoir  aux  besoins  de  l’hospital  et  ordonner  et 
arrester  les  dépenses. 

»  Pendant  la  semmaine  ceux  qui  se  trouveront  les  plus 
proches  de  l’hospital  iront  souvent  le  visiter,  pour  voir 
comment  tout  s’y  passse,  donneront  ordre  par  provision 
a  tout  ce  qui  sera  nécessaire  et  en  rendent  compte  au 
premier  bureau  quy  résoudra  ce  qu’il  trouvera  plus  à 
propos. 

»  Les  comptes  de  l’hospital  seront  rendus  par  le  recep- 
veur,  ou  en  cette  occasion  le  juge  dud;  seigneur  et  son 
procureur  d’office  seront  apeles  pour  présents  et  signer 
les  comptes  dont  les  articles  particuliers  ne  doivent  rece¬ 
voir  aucune  difficulté,  pourveus  qu’il  y  ait  des  ordon¬ 
nances  dans  la  forme  que  led;  seigneur  fondateur  les  a 
marquées  cy  dessus. 

»  Pour  la  séance  du  bureau,  elle  sera  ainsy  disposée  à 
une  table  longue  ;  quand  monsieur  l’evesque  de  Eéri- 
gueux  la  voudra  honorer  de  sa  personne  il  y  prendra  la 
première  place  et  s’assyera  au  bout  de  la  table.  Si  led; 
seigneur  fondateur  s’y  trouve  en  mesme  temps,  il  sera 
assis  a  sa  gauche  ou  led;  seigneur  fondateur  présidera, 
lorsque  monsieur  lesvesque  n’y  sera  pas  ;  et  en  leurs 
absences,  personne  n’occupera  le  bout  que  celluy  qui 
sera  envoyé  de  la  part  de  monsieur  le  premier-  président 
et  messieurs  les  directeurs  de  l’hospital  général  de  Paris 
à  qui  le  bureau  deferera  cet  honneur. 

»  Le  doyen  ou  chanoine  eslu  du  Chapitre  dud;  seigneur 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  PU  PÉRIGORD.  277 

se  mettra  à  la  main  droite  de  mesd;  seigneur  esveque  et 
president  ;  en  son  absence  et  de  celle  dud;  seigneur,  au 
dessoubz  de  luy  sera  un  curé  ou  autre  ecclésiastique  quy 
sera  directeur,  et  au  dessoubz  de  celluy  la  sera  l’un  des 
officiers  dud;  seigneur  fondateur  ou  un  agent  de  ses 
affaires  quy  sera  directeur,  lequel  cedera  la  place  au  juge 
ou  au  procureur  d’office  dud;  seigneur  fondateur  et  se 
mettra  au  dessoubz  d’eux  lorsqu’ils  viendront  au  bureau. 
De  l’autre  cotté  seront  assis  vis  à  vis  du  doyen  et  de 
suitte  les  gentilshommes  ou  bourgeois  qui  seront  direc¬ 
teurs  dud;  hospital,  suivant  leur  qualité  et  leur  âge. 

y  Le  secrétaire  pourra  néantmoins,  pour  sa  commodité, 
demeurer  à  l’autre  bout  de  table  pour  voir,  entendre  et 
escrire  plus  facilement. 

»  On  commencera  toujours  le  bureau  par  la  prière  veni 
sancte  spiritus,  etc.  On  le  finira  par  une  antienne  de  la 
Sainte-Vierge  et  ensuite  le  verset  Domine  salvum  fac 
regem,  lesquelles  prières  seront  toujours  faittes  par  un 
ecclésiastique,  s’il  s’y  en  trouve,  et  leur  absence,  par  un 
laïque. 

»  En  suitte  on  lira  les  articles  du  registre,  et  en  suitte 
chasqu’un  faira  ses  propositions  verballes  pour  le  bien 
des  pauvres  et  pour  les  besoins  de  l'hospital,  que  le 
secrettaire  aura  soin  de  recueillir  sur  une  feuille  voilante 
qui  sera  toujours  reveue  par  celuy  quy  présidera,  dont 
après  le  registre  sera  chargé.  » 

«  DU  GOUVERNEMENT  ET  DIRECTION  DE  CET  HOSPITAL 
QUANT  AU  DEDANS. 

»SuivANTla  forme  des  bastiments  que  led;  seigneur  mar¬ 
quis  d’Hautefort  a  resollue,  il  y  aura  trois  salles  quj  auront 
veue  sur  l’autel  de  l’esglise  et  d’où  les  pauvres  entendront 


278 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


la  Ste  messe  et  pourront  mesme  communier  sans  se  mes- 
ler,  sans  se  parler. 

»  Les  salles  des  hommes  et  des  garçons  auront  une  cour 
commune  ;  celles  des  femmes  et  des  filles  auront  une 
cour  toute  séparée  des  autres. 

»  Les  hommes  et  les  garçons  seront  gouvernés  par  un 
précepteur  ou  maistre  d’escolle  quj  aura  soin  de  les  ins¬ 
truire  et  de  les  faire  travailler. 

»  Les  femmes  et  les  filles  auront  une  maistresse  ou  supé¬ 
rieure  quj  les  instruira  pareillement  ;  elle  ou  un  des 
pauvres  qu’on  choisira  aura  soin  de  faire  faire  la  cuisine 
pour  tous  les  pauvres  et  pour  tous  les  officiers  de  l’hos¬ 
pital. 

»  Il  y  aura  un  portier. 

»  Et  sur  tous  les  officiers  domestiques  il  y  aura  un 
esconosme  quj  aura  le  soin  general  de  la  despense  et  de 
faire  faire  a  un  chascun  son  devoir  pour  le  service  des 
pauvres. 

»  S’il  ne  se  trouve  point  d 'Ecclesiastique  dans  le  lieu 
d’Hautefort  quj  veuille  charitablement  prendre  le  soin  du 
spirituel  de  l’hospital,  on  y  en  estahlira  un  avec  lordre  de 
monsieur  l’esvêque  de  Périgueux  pour  l’instruction  desd; 
pauvres,  leur  dire  la  Ste  messe  et  leur  administrer  les 
saints  sacrements. 

»  La  nourriture  des  pauvres  sera  réglée  suivant  la 
manière  ordinaire  de  ceux  du  pays. 

»  On  faira  travailler  tous  ceux  qui  pourront,  pour  leur 
apprendre  à  gaigner  leur  vie,  et  les  deux  tiers  de  leur 
gain  iront  au  profit  de  l’hospital  et  l’autre  tiers  leur 
demeurera  pour  les  exciter  a  bien  faire. 

»  Le  reste  des  reglements,  le  debvoir  de  chasque  offi¬ 
cier  et  la  conduite  de  la  journée  des  pauvres  se  pourra 
faire  suivant  l’expérience  des  directeurs  et  les  besoins  des 


DES  HÔPITAUX,  HOSPIGES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  279 

pauvres  qu’on  remarquera  dans  la  suitte  en  ce  qui  touche 
leur  instruction  et  la  bonne  conduite  de  l’hospital. 

»  Et,  au  moyen  de  ce  que  dessus,  les  officiers  et  les 
directeurs  fairont  leurs  efforts  pour  empescher  qu’il  n’y 
ai  point  de  mendiants  dans  le  bourg  d’Hautefort  ny  aux 
environs. 

»  Les  directeurs  fairont  un  reglement  pour  la  journée, 
tant  pour  le  temps  des  prières  que  pour  celluy  du  travail, 
et  pour  le  temps  des  repas  et  du  repos. 

»  La  fondation  cy-dessus  et  conditions  dicelle  seront 
faittes  sauf  a  augmenter  cy  après  durant  la  vie  ou  après  la 
mort  dud;  seigneur  marquis  d’Hautefort,  qui  en  sera 
représenté  perpétuellement  le  fondateur. 

»  Le  roy  sera  très  humblement  suplié  d’accorder  les 
lettres  pour  la  confirmation  de  ce  que  dessus. 

»  Promest  led;  seigneur  dexecuter  et  faire  executer  le 
contenu  en  ces  présentes,  à  quoy  il  oblige  tous  ses  biens 
présents  et  advenir, 

»  Laissant, en  outre, tout  pouvoir  a  la  direction  dud;  hos¬ 
pital  de  faire  les  statuts  et  reglements  quj  trouveront  à 
propos  et  qui  seront  communiqués  aux  directeurs  de 
l’hospital  general  de  Paris,  pour  en  avoir  leurs  senti¬ 
ments. 

»  Et  pour,  si  besoin  est,  faire  insinuer,  publier  et  enre¬ 
gistrer  le  présent  contrat  de  fondation  partout  ou  besoin 
sera,  led;  seigneur  marquis  a  fait  et  constitué  son  procu¬ 
reur  le  porteur  des  présentes,  luy  en  donnant  pouvoir,  et 
d’en  requérir  tous  actes  necessaires  obligent  etc,  renon¬ 
çant  etc.  Faict  et  passé  à  Paris  en  lestude  Le  Roy  le  jeune, 
un  desd;  notaires  soubsignés ,  l’an  mille  six  cens 
soixante  neuf  le  quatrième  de  febvrier  après  midy.  La 
minute  des  présentes  demeure  aud;  Le  Roy  noto.  » 


280 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


II 

On  le  voit,  nous  avons  ici  une  fondation  faite  sur  les 
bases  les  plus  solides,  un  hôpital  largement  doté  et  au 
mieux  organisé  en  vue  du  bien-être  des  pauvres  qui  se 
trouvaient  dans  toute  l’étendue  du  marquisat  d’Hautefort. 
On  ne  sait  ce  qu’on  doit  le  plus  admirer  dans  le  noble 
fondateur  :  sa  foi,  sa  piété,  sa  générosité,  son  exquise 
prudence.  Rien  n’a  été  négligé  ;  tout  a  été  prévu  et  pour 
le  temporel  et  pour  le  spirituel.  On  voit  aussi  que  les 
habitudes  de  bienfaisance,  jamais  interrompues  dans  le 
noble  château  d’Hautefort  et  qui  s’y  continuent  si  bien 
de  nos  jours,  ont  leur  origine  bien  loin  dans  les  siècles 
passés. 

Ansi  que  nous  l'avons  dit,  la  construction  de  cet  hôpital 
fut  commencée  par  le  fondateur  lui-même  en  1669.  Il  ne 
le  destinait  d’abord  à  recevoir  que  trente-trois  pauvres, 
pour  honorer  les  trente-trois  années  de  la  vie  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre;  mais,  ayant  ensuite,  par  acte  du 
28  août  1678,  augmenté  de  cinquante  mille  livres  la  dota¬ 
tion  déjà  faite,  il  porta  le  nombre  des  pauvres  à  soixante- 
six,  en  l’honneur  des  soixante-six  années  que  l’on  croit 
pieusement  que  la  vierge  Marie  a  vécu  sur  la  terre  ;  enfin, 
il  l’augmenta  encore  pour  l’élever  au  nombre  des  années 
que  lui-même  vivrait,  voulant  enrichir  de  la  bénédiction 
d’un  pauvre,  chacune  des  années  de  sa  vie,  ce  qui  aurait 
porté  le  nombre  des  pauvres  à  soixante-neuf.  Mais  les 
revenus  de  l’hôpital  n’ayant  jamais  suffi  pour  la  nourri¬ 
ture  de  tant  de  personnes,  on  s’en  tint  toujours  au  nom¬ 
bre  de  trente-trois,  suivant  la  première  pensée  du  fon¬ 
dateur. 

Ce  fut  en  1681  que  l’hôpital  commença  à  jouir  de  ses 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOIID.  281 

revenus  et  à  recevoir  quelques  pauvres.  Dès  le  principe, 
un  économe  fut  chargé  de  veiller  sur  tout  le  personnel  de 
la  maison,  de  tenir  la  comptabilité  et  de  faire  travailler 
ceux  des  pauvres  qui  en  étaient  capables.  Six  ans  plus 
tard,  en  1687,  on  choisit  pour  gouverner  la  maison  et 
prendre  soin  des  pauvres  des  Filles  dévotes  qu'on  appela 
gouvernantes.  Elles  recevaient  par  an  60  livres  pour  leur 
entretien,  et  850  livres  tous  les  trois  mois,  pour  la  nour¬ 
riture  et  l'entretien  des  pauvres.  L’hôpital  fut  ainsi  admi¬ 
nistré  jusqu’en  1748. 

L’acte  de  fondation  porte  que  le  Marquis  Seigneur 
d’Hautefort  priait  instamment  le  seigneur  évêque  de  Péri- 
gueux  de  donner  à  l’hôpital  un  chapelain  qui  eût  soin  de 
tout  le  spirituel  indépendamment  du  curé  de  la  paroisse. 
Mais  par  son  codicile  il  changea  cette  disposition  et  char¬ 
gea,  ce  qui  paraissait  tout  naturel,  de  l’administration 
spirituelle  de  l’hôpital  la  communauté  de  prêtres  que,  par 
acte  du  19  janvier  1656,  il  avait  établie  pour  la  chapelle  de 
son  "château,  et  qui,  dans  plusieurs  actes  postérieurs 
prend  le  nom  de  chapitre,  et  dont  les  prêtres  qui  en  font 
partie  prennent  le  titre  de  chanoines.  Elle  se  composait 
de  quatre  prêtres,  d’un  régent,  d’un  chantre,  de  deux 
enfants  de  chœur  et  de  deux  serviteurs  à  gages.  Elle  avait 
pour  sa  mense  et  son  entretien  la  jouissance  des  priorés 
de  Naillac  et  de  Mureau  qui  produisaient  annuellement 
770  livres  et  du  domaine  de  Goursac  qui  produisait  250 
livres,  et  d’une  rente  de  600  livres,  au  capital  de  12,000 
livres,  que  le  seigneur  Marquis  d’Hautefort  s’était  engagé 
à  lui  servir  annuellement. 

Deux  membres  de  cette  Communauté  ou  Chapitre,  les 
chanoines  Villemur  et  Mercier,  furent  désignés  en  1686 
par  le  vicaire  général  Pierre  Moreau ,  visiteur,  pour  faire 
tour  à  tour  le  service  de  l’hôpital,  en  se  conformant  aux 


282 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


règlements  faits  par  le  fondateur.  Il  est  dit  qu’ils  rece¬ 
vaient  pour  leurs  honoraires  300  livres. 

Nous  avons  vu  que  le  pieux  et  prudent  fondateur  avait 
mis  l’hôpital  «  sous  la  protection  et  direction  de  l’Evêque 
de  Périgueux.  »  En  homologuant  l'acte  de  fondation, 
l’évêque,  alors  Mgr  Guillaume  Le  Boux,  s'était  réservé 
pour  lui  et  ses  successeurs  à  perpétuité  l’entière  juridic¬ 
tion,  et  ils  l’exercèrent  dans  toute  sa  plénitude  jusqu’en 
1789.  On  peut  voir  à  ce  sujet  dans  le  registre  coté  B,  aux 
archives  de  l’hôpital,  les  procès-verbaux  des  visites  offi¬ 
cielles  faites  par  le  sieur  Pierre  Moreau,  vicaire  général 
de  Mgr  Guillaume  Le  Boux.  Sur  les  requêtes  du  sieur 
Desauzières,  promoteur  du  diocèse,  ou  son  ayant  cause 
le  visiteur  règle  jusque  dans  les  plus  petits  détails  tout  ce 
qui  concerne  l’administration  tant  spirituelle  que  tempo¬ 
relle,  le  nombre  et  la  nourriture  des  pauvres;  juge  les 
différends  élevés  entre  les  chapelains  et  le  curé  de  la 
paroisse,  rappelle  ses  obligations  à  l’héritier  du  fondateur  ; 
en  un  mot,  ordonne  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour 
le  bien  être  de  l’établissement. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  reproduire  ici  en  toute 
leur  étendue  ces  divers  procès-verbaux  qui  nous  démon¬ 
trent  si  bien  la  sollicitude  toujours  persévérante  de  nos 
évêques  pour  les  pauvres.  Toutefois,  nous  croyons  utile 
d’en  donner  quelques  extraits,  sous  forme  d’analyse  aussi 
succincte  que  possible. 


III 

Ire  VISITE  FAITE  LE  2  AVRIL  1665. 

«Aujourd’hui  deuxiesme  apvril  mille  six  cent  quatre 
»  vingt  cinq,  au  matin,  nous  Pierre  Moreau,  prestre  de 
»  l’Oratoire,  chanoine  en  l’église  cathédrale  de  Périgueux, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  283 

»  et  vicaire  général  de  Monseigneur  l’illustrissime  et 
»  reverendissime  évêque  dud  ;  Périgueux,  Messire  Guil- 
»  laume  Le  Boux,  conseiller  ordinaire  du  Roy  en  ses  con- 
»  seils,  assisté  etaccompagné  du  sieur  Desauzières,  prestre 
»  et  promoteur  dud;  diocèze,  et  de  nostre  secrettaire, 
»  nous  sommes  transportés  au  lieu  d’Hautefort,  pour  y 
«  faire  nostre  visitte  de  la  communauté  des  prestres  secul- 
»  liers  et  hospital  dud;  Hautefort,  suivant  l’ordonnance 
»  dud;  seigneur  Evesque,  leue  et  publiée,  où  besoin  a 
»  esté,  du  vingt  cinquiesme  mars  dernier  ;  ou  estant 
»  arrivés,  nous  aurions  mis  pied  à  terre  aud;  hospital 
»  d’Hautefort,  où  le  sieur  de  Laforge,  doyen  de  lad; 
«communauté,  nous  aurait  receux  dans  son  apparte- 
'»  ment.  » 

Après  ce  préambule, le  vicaire  général  visiteur,  sur  l’ob¬ 
servation  qui  lui  est  faite  par  le  promoteur,  constate  que 
dans  sa  visite  du  15  janvier  1676,  dont  nous  regrettons  de 
n’avoir  pas  le  procès-verbal,  il  avait  réglé  pour  chacun 
»  des  prêtres  qui  composaient  la  communauté  120  livres 
»  pour  leur  entretien,  à  prendre  sur  les  revenus  dont  elle 
«jouissait  alors,  et  qu’il  restait  encore  de  ces  revenus  la 
»  somme  de  1450  livres  pour  fournir  à  la  nourriture  des  dix 
»  personnes  dont  elle  se  composait.  »  Il  constate  ensuite 
que  les  conditions  d’existence  de  cette  communauté,  con¬ 
signées  dans  l’acte  de  sa  fondation  n’étaient  plus  ou 
qu’imparfaitement  observées.  Elle  avait  été  successive¬ 
ment  dépouillée  des  priorés  de  Naillac  et  de  Mureau,  et  le 
domaine  de  Goursat  ne  donnait  plus  que  la  moitié  de  son 
revenu  présumé.  Le  visiteur  fait  pressentir  la  dissolution 
de  cette  communauté.  Vient  ensuite  la  visite  de  la  cha¬ 
pelle  du  château,  et  l’énumération  de  tous  les  objets 
nécessaires  au  culte,  linges,  ornements  et  vases  sacrés. 
Parmi  ces  objets,nous  remarquons  sur  l’autel  «  une  croix 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  d’argent  de  la  hauteur  d’un  pied  sur  laquelle  il  y  a  un 
»  petit  crucifix  d’argent,  avec  deux  chandeliers  aussi 
«d’argent,  et  un  petit  coffre  où  sont  des  reliques  de 
»  saint  Eloy  ;  et  dans  la  sacristie,  «un  calice  d’argent  avec 
»  sa  patène  de  vermeil  doré,  un  autre  petit  calice  d’argent 
»  avec  sa  patène  d’argent,  un  coffre  de  grosse  menuiserie 
»  dans  lequel  il  y  a  un  petit  hassin  d’argent  servant  au 
»  lavabo,  sur  lequel  il  y  a  un  escusson  des  armes  de  la 
»  Flotte,  et  deux  petites  burettes  d’argent  fort  cassées,  aux 
»  mêmes  armes.  »  (1) 

Sur  l’observation  du  sieur  Desauzières,  promoteur,  le 
vicaire  général  réclame  «  les  belles  reliques  que  feu  mon- 
»  sieur  le  Marquis  d’Hautefort  avait  données  à  lad;  cha- 
»  pelle  du  chasteau,  lorsque  le  même  visiteur  en  fit  la 
»  bénédiction.  »  Le  prêtre  de  Yillemur,  interpellé  au  sujet 
de  ces  reliques,  «  dict  quelles  ont  été  resserrées  dans  un 
«  cabinet  dans  le  chasteau,  dont  le  sieur  de  la  Claustre, 
»  trésaurier  général  dud;  seigneur  d’Hautefort,  a  les 
»  clefs.  »  Le  visiteur  «  ordonne  que  le  seigneur  marquis 
»  d’Hautefort,  sera  prié  et  exhorté  de  remettre  lesd;  reli- 
»  ques,  pour  être  mises  et  posées,  pour  plus  grande  seu- 
»  retté,  dans  un  armoire  qui  est  dans  lad;  chapelle,  au 
»  costé  de  l’évangile,  qui  à  cette  fin  sera  fermée  à  deux 
»  clefs.  » 

Vient  ensuite  la  visite  de  l’hôpital  ou  le  visiteur  cons¬ 
tate  «  dans  diverses  salles  »  la  présence  de  vingt-deux 
pauvres,  dont  dix  hommes  et  douze  femmes.  Il  ordonne 


(t)  La  seigneurie  de  la  Flotte  était  dans  la  famille  d’Hautefort  dès  avant 
1599.  —  Elle  y  était  encore  en  1683.  Gilles,  marquis  d’Hautefort,  après 
son  frère  aîné,  le  fondateur  de  l’hôpital,  s’inscrivait  haron  de  Thenon  et 
de  la  Flotte.  II  était  né  en  1612.  Il  pouvait  être  le  donateur  de  ce  hassin 
et  de  ees  burettes. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  EfC.,  DU  PÉRIGORD.  285 

en  leur  faveur  l’achat  d’objets  de  première  nécessité,  tels 
que  linge  et  vêtements. 

La  visite  intérieure  achevée,  le  visiteur  est  conduit  dans 
le  jardin  où  il  constate  la  nécessité  «  d'y  faire  faire  un  puits 
»  de  mesme  que  dans  les  deux  cours  du  costé  du  jardin,  et 
»  pour  cela  d’achepter  un  petit  morceaux  de  terre  joignant 
»  led;  jardin,  qui  peust  valloir  au  plus  cinquante  ou 
»  soixante  livres  ;  dans  lequel  morceaux  de  terre  joignant 
»  led;  jardin  il  y  a  une  fontaine  où  l’on  pourrait  faire 
»  comme  un  espèce  de  petit  bassin  pour  le  service  dud; 
»  hospital ,  les  pauvres  ayant  beaucoup  souffert  jusques 
»  issy  pour  la  dizette  de  l’eau,  manque  d’avoir  faict  faire 
»  led;  puits  et  faict  led;  bassin  ou  lavoir,  n’y  ayant 
»  aucune  eau  dans  led;  hospital.  »  Et  il  en  ordonne 
l’exécution.  Il  ordonne  aussi  «  de  faire  faire  une  clos- 
»  ture  de  muraille  autour  dud;  jardin  pour  empescher 
»  les  pauvres  d’en  sortir,  et  les  autres  gens  d’y  en- 
»  trer.  » 

Le  sieur  Desauzières,  promoteur  «  remontre  ensuite 
»  au  vicaire  général  visiteur  que,  dans  la  construction 
»  dud;  hospital ,  il  reste  à  faire  d’icelluy  plusieurs  édifices 
»  suivant  les  plants  et  devis  représentés  quj, consistent , 

»  entre  autres  choses,  au  portique  parentier  à  la  première 
»  salle  ;  achever  le  pré-estage  d’icelle  ,  et  faire  entière- 
»  meut  le  second  avec  la  charpente,  les  vouttes  et  le  pavé 
»  des  trois  salles ,  trois  arcades  ,  et  monter  le  Rotond  avec 
«  un  dosme  dessus  ;  faire  le  portique  regardant  au  midy 
»  n’y  en  ayant  de  commencé  que  huict  à  dix  pieds  de 
»  haut  ;  faire  un  autre  portique  du  costé  du  levant, achever 
»  les  lieux  communs  ;  faire  tous  les  planchers,  croisées  et 
»  portes  de  tous  les  bastiments  quj  restent  à  faire  ;  vittrer; 

»  faire  les  degrés  ou  escalliers  pour  monter  dans  les  apar- 
»  tements  hauts  ;  achever  les  quatre  pavillions  dangles,  et 


286  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  meubler  led;  hospital  des  meubles  nécessaires  et  tels 
»  quils  sont  convenables  à  un  hospital  pour  le  nombre  de 
»  trente  trois  pauvres  et  leurs  serventes,  et  les  ornements 
»  nécessaires  pour  le  service  de  la  chapelle  dud;  hospital 
»  suivant  la  fondation  et  lesd;  plants  et  devis.  Ce  que  led; 
»  promoteur  requiert  estre  ordonné,  et  le  seigneur  Marquis 
«d’Hautefort,  herittier  dud;  feu  Seigneur  fondateur, 
»  obligé  à  ce  faire....  Que  conformément  au  codicille  dud; 
»  feu  Seigneur  d’Hautefort,  led;  Seigneur  son  frère  et 
»  herittier  soit  obligé  de  mettre  en  renthes  la  somme  de 
»  cinquante  mille  livres  avec  celle  de  onze  mille  deux 
»  cent  cinquante  livres  d’interests  escheux  depuis  la  mort 
»  dud;  Seigneur  jusques  a  ce  jour .  » 

»  Faisant  droit  à  la  requête  du  Promoteur,  le  vicaire 
»  général  visiteur  ordonne  que  le  Seigneur  Marquis 
»  d’Hautefort  sera  sollicité,  a  la  diligence  dud;  promo- 
»  teur  de  vouloir  incessamment  et  conformément  à  la 
»  fondation  et  au  testament  du  feu  Seigneur  Marquis 
»  d’Hautefort,  faire  continuer  et  achever  le  logement  des 
»  pauvres  et  chapelle  dud;  hospital,  suivant  le  devis  quj 
»  en  a  esté  faict....  pour  que  les  pauvres  y  soient  com- 
»  modement  receus  et  logés,  suivant  l’intention  dud;  feu 
»  seigneur  fondateur  et  qu’il  faira  achepter  tous  les  meu- 
»  blés  nécessaires  pour  le  service  desd;  pauvres  comme 
»  aussi  tous  les  ornements  nécessaires  à  la  chapelle  dud; 

»  hospital,  suivant  l’intention  dud;  feu  seigneur  fonda- 
»  teur.  Et,  pour  que  rien  n’y  manque,  sur  la  somme  de 
»  onze  mille  deux  cens  cinquante  livres  d’interests  echeus 
»  depuis  la  mort  dud;  feu  seigneur  fondateur  jusqu’à  ce 
»  jour,  de  la  somme  de  cinquante  mille  livres  que  led; 

»  feu  seigneur  d’Hautefort  légua  par  son  codicille  aud; 

»  hospital,  il  en  sera  pris  la  somme  de  quatre  mille  cinq 
>:  cens  livres,  pour  augmenter  lesd;  ameublements  pour 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRTGOBD.  287 

»  les  pauvres  et  pour  les  ornements  de  la  chapelle  dud; 
»  hospital.  » 

Le  Promoteur  fait  encore  observer  «  que  le  feu  seigneur 
»  d’Hautefort  avait  promis  et  s’estoit  obligé  par  les  con- 
»  trats  de  fondation  de  bastir  et  de  meubler  une  maison 
»  pour  les  ecclésiastiques,  »  chargés  du  service  de  l’hopi- 
»  tal,  «  et  de  leur  donner  un  enclos  ou  jardin  à  la  place 
»  de  la  maison  et  jardin  qu’il  leur  avoit  d’abord  affectés, 
»  mais  que  depuis  il  avoit  jugé  que  les  deux  pavillons 
»  qui  joignent  le  grand  bastiment  de  l’hospital  qui  regarde 
»  du  costé  de  Cbassein,  seroient  suffisants  et  fort  com- 
»modes  pour  loger  les  chapellains  de  l’hospital,  en  faisant 
»  la  communication  des  deux  pavillons.  » 

Le  vicaire  général  visiteur  approuve  cette  nouvelle 
disposition,  et  «  ordonne  de  faire  led;  enclos  ou  jardin  et 
»  d’augmenter  les  meubles  que  led;  seigneur  d’Hautefort 
»  est  obligé  de  fournir  auxd;  prestre  conformément  au 
»  testament  ou  codicille  du  feu  seigneur  marquis  d’Hau- 
»  tefort  son  frère...  Les  frais  en  seront  pris  «  sur  les  inté- 
»  rests  escheus  de  la  susd;  somme  de  cinquante  mille 
»  livres  que  led;  seigneur  marquis  d’Hautefort  est  prié  de 
»  mettre  incessamment  en  renthes,  suivant  l’intention  dud; 
»  feu  seigneur  son  frère.  Elle  devra  être  mise  ez  mains  du 
»  recepveur  dud;  hospital.’» 

Et  considérant  «  que  les  mestairies  données  par  led;  feu 
»  seigneur  aud;  hospital  sont  beaucoup  détériorées  et 
»  desgarnies  des  bestiaux  et  semences  nécessaires...  sur 
»  le  requis  du  Promoteur,  le  vicaire  général,  visiteur  or- 
»  donne  qu’il  y  sera  remédié. 

»  Le  procès-verbal  est  signé  :  «  Pierre  Moreau,  vicaire 
»  général,  Desauzières,  promoteur,  Villemur,  prestre,  pré- 
>•>  sent,  Pommaud,  prestre  et  curé,  présent,  Bonnet,  se- 
»  crettaire.» 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


IV 

Visite  du  23  juin  1687. 

«  Cejourd’hui  vingtroisième  juin  mille  six  cens  quatre- 
»  vingts  sept,  du  matin,  Nous  Pierre  Moreau,  piestre  de 
»  l’Oratoire  et  vicaire  général  de  Monseigr  Lesvesque  de 
»  Périgueux,  sommes  partis  de  la  ville  de  Périgueux, 
»  accompagnés  de  Me  Gabriel  Desauzières,  prestre  pro- 
»  moteur  du  diocèse  dud;  Périgueux ,  et  de  notre 
»  secrettaire,  et  nous  sommes  rendus  au  lieu  d’Hau- 
»  tefort,  et  dans  le  chasteau  dud;  lieu,  pour,  suivant  le 
»  requis  dud;  promoteur  et  indition  par  nous  faitte  à  ce 
»  dit  jour,  faire  procès-verbail  de  l’estât  de  la  commu- 
»  nauté  des  prestres  et  autres  ecclésiastiques  establis  ou 
»  à  establir  dans  la  chapelle  dud;  chasteau  d’Hautefort, 
»  de  l’estât  de  lad;  chapelle,  de  celluy  de  l’hospital,  des 
»  pauvres  quj  y  sont  ensemble,  pour  faire  rendre  compte 
»  aux  directeurs,  recepveur  et  éconosme  dud;  hospital  et 
»  autrement  procéder  ainsy  qu’il  apar.tiendra;  ou  estant 
»  arrivés  et  nous  estant  rendus  dans  led;  hospital  le  vingt 
»  quatre  dud;  mois  de  juin,  jour  de  St-Jean-Baptiste,  led; 

»  promoteur  nous  auroit  requis  de  vouloir  faire  procès- 
»  verbail  de  Pestât  de  la  chapelle  provisionnaire  dud; 

»  hospital  et  des  ornements  d’icelle  ;  ce  que  nous  lui 
»  aurions  accordé.  » 

Vient,  «  après  l’adoration  du  St-Sacrement  et  la  messe 
»  célébrée  par  led;  Sr  Promoteur,»  la  visite  officielle  de  la 
chapelle  et  l’énumération  des  divers  objets  nécessaires  au 
culte. 

Invité  ensuite  par  le  Promoteur  à  visiter  l’intérieur  de 
l’hôpital,  le  vicaire  général  est  conduit  par  le  sieur  Dubos, 
se  disant  directeur  des  pauvres  et  des  enfants,  «  dans  une 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  289 

»  salle  basse  y  ayant  une  cheminée  à  chasqun  bout 
»  d’icelle  et  cinq  grandes  croisées,  trois  du  costé  du  jar- 
»  din  dud;  hospital  et  deux  du  costé  d’une  bassecour,  où 
»  nous  avons  trouvé  douze  petits  châlits,  estant  un  chas- 
»  qun  d'iceux  garnis  des  paillasses,  matelas,  linseuls  et 
»  couvertes  blanches  de  layne,  et  les  tours  de  lit  de  sarge 
»  verte,  que  le  Sr  du  Bos  nous  a  dit  estre  la  salle  où  se 
»  retirent  les  pauvres  femmes  et  filles  dud;  hospital, estant 
»  au  nombre  de  seize  ;  lesquelles  pauvres  ayant  fait 
»  assembler  nous  aurions  remarqué  estre  habilhées  asez 
»  honestement  ;  les  noms  desquelles,  ce  requérant  led; 
»  promoteur,  nous  aurions  fait  rédiger  par  escript,  avec 
»  leur  âge  et  le  lieu  de  leur  naissance  et  le  temps  qu’il  y  a 
»  quelles  sont  dans  led;  hospital.  » 

»  Ce  fait,  estant  monté  dans  la  salle  qui  est  au-dessus 
»  de  la  précédente,  de  mesme  grandeur  et  estandue,  et 
»  dans  icelle  quinze  châlits  garnis  de  mesme  que  les  pré- 
»  cédans.  Led;  Dubos  nous  ayant  dit  qu’il  y  avoit  dans 
»  led;  hospital  trante  trois  châlits  en  tout,  desquels  il  n’y 
»  en  avoit  que  trante  de  garnis,  et  que  les  quinze  quj 
»  estoient  dans  lad;  salle  haute  estoient  occupés  par  les 
»  pauvres  hommes  dud;  hospital,  et  que,  comme  il  y  avoit 
»  des  pauvres  qui  estoient  petits  et  jeunes,  il  faisoit  cou- 
»  cher  lesd;  petits  et  jeunes  pauvres  de  deux  en  deux  ; 

»  les  trois  lits  garnis  au-delà  de  vingt-sept  servant  aux 
»  pauvres  estoient  ocupés  par  les  personnes  qui  servent 
»  les  pauvres  dud;  hospital,  nous  avons  fait  acte  etprocès- 
»  verbal  et  ordonné,  ce  requérant  led;  promoteur,  qu’à  la 
»  diligence  dud;  directeur  les  trois  châlits  restants  seront 
»  garnis  de  mesme  manière  que  les  autres  pour  estre 
»  occupés  par  trente  trois  pauvres ,  conformément  à  la 
»  première  fondation  dud;  feu  seigneur  marquis  d’Haute- 
»  fort,  et  qu’il  sera  pareilhement  pourveu  de  lits  nécessai- 

19 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  res  et  autres  ameublements  pour  le  service  d’iceux  qui 
«seront  employés  à  secourir  et  servir  les  pauvres  dud; 
»  hospital,  sauf  sur  la  plus  ample  fondation,  parties  ouyes, 
»  estre  ordonné  ce  qu’il  appartiendra  ;  ayant  aussi  fait 
»  transcrire  et  mettre,  ce  requérant  led;  promoteur,  les 
»  noms  des  pauvres  qui  accupent  lad;  salle  haute.  » 

Après  cela,  sur  la  requête  du  promoteur,  le  vicaire 
général  visiteur  ordonne  que  «  les  sieurs  Dubos  et  Fraisses 
»  chargés  de  l’esconomie  et  direction  dud;  hospital  et  des 
»  pauvres  qui  y  sont  luj  représenteront  incessamment  les 
»  comptes  et  estats  de  leurs  receptes  et  aministration,  pour 
»  iceux  veux,  ezaminés  et  espurés,  led;  promoteur  ouy, 
»  estre  ordonné  ce  qu’il  appartiendra. 

«  Ensuite  dequoÿ  led;  promoteur  ayant  dit  et  remontré 
»  aud;  vicaire  general  qu’il  y  a  plusieurs  depanses  innu- 
»  t.iles  dans  l’esconomie  et  conduite  dud;  hospital,  y  ayant 
»  été  mis  et  introduit  un  esconome  soubz  des  gages  con- 
»  sidérables  avec  un  recepveur,  que  l’un  et  l’autre  ont 
»  leurs  femmes  et  familles  dans  led;  hospital ,  qui  sont 
»  des  gages  considérables  qui  en  absorbent  les  revenus  et 
»  qui  fait  que  les  pauvres  en  souffrent  ;  requérant  led; 
»  promoteur  d’y  voulloir  aporter  le  remede  nécessêre  ,  en 
»  retranchant  lesd;  recepveur  et  esconome,  leur  femme  et 
»  famille,  et  y  establissant  seulement  un  recepveur  des 
»  revenus  dud;  hospital  soubz  tel  gages  qu’il  lui  plaira 
»  ordonner  et  des  filles  pour  gouverner  les  pauvres  d’icel- 
»  luj  ;  »  le  vicaire  général,  «  après  en  avoir  communiqué 
»  à  Monsr  le  compte  d’Hautefort,  ordonne  que  le  nommé 
»  Villotte  sera  estably  recepveur  dud;  hospital  sur  le  pié 
»  de  cinquante  escus  seulement ,  en  ce  'qu’il  sera  tenu  de 
»  rendre  compte  de  ses  recepte  et  depanse  de  six  mois  en 
»  six  mois  aux  directeurs  dud;  hospital.  »  Et  ordonne 
également  que«  les  demoiselles  de  Laribarderie  et  Démon- 


LES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  BU  PÉHIGORB.  291 

»  sériés  serons  priées  de  venir  incessament  prendre  le 
»  soint  et  la  conduite  des  pauvres  dud;  hospital,  avec  une 
»  servante  qui  servira  soubz  elles  ;  et  a  ce  esfait  quj  leur 
»  sera  remis  tous  les  meubles  et  ustanciles  destinés  et 
»  servant  à  l’usage  desd;  pauvres ,  dont  il  sera  tait  invan- 

>  taire;  que  pour  leur  entretien  ,  nourriture  et  aliments 
desd;  pauvres  et  desd;  filles,  il  leur  sera  fourny  de  trois 
»  en  trois  mois  et  par  avance  par  led;  recepveur  la  somme 
»  de  huit  cent  cinquante  livres,  de  laquelle  et  de  leur  ami- 
»  nistration,  elles  seront  tenues  de  rendre  compte  de  trois 
»  mois  en  trois  mois,  en  presence  du  sr  de  Laverdane  pre- 
»  mier  chapelein  de  la  communauté  séculière  d’Hautefort, 
»  du  sr  de  la  Claustre,  sénéchal  du  Marquizat  dud;  Haute- 
»  fort ,  et  de  François  de  Saint-Leger ,  nommés  et  choisis 
»  pour  directeurs. 

Eestait  à  organiser  le  service  médical  :  Ce  point  ne  pou¬ 
vait  échapper  à  la  sollicitude  du  promoteur  et  du  Vicaire 
général.  —  Il  y  aura  pour  ce  service  un  médecin  et  un 
chirurgien  ;  «  Ils  visiteront  le  plus  souvent  qu'il  leur  sera 
»  possible  les  pauvres  dud;  hospital  et  les  assisteront  de 
»  leur  conseil  et  secours  dans  leurs  maladies  ordinaires 
»  et  quj  pouront  survenir  ;  auxquels  pour  recognoissance 
»  et  rétribution  de  leurs  paines  sera  donné  par  le  recep_ 

>  veur  annuellement,  scavoir  aud;  sr  médecin  vingt  qua- 
»  tre  livres,  et  aud;  chirurgien  dix  huit  livres,  sans  en  ce 
»  comprendre  les  remedes  et  médicaments  qu’il  convien- 
»  dra,  lesquels  seront  fournis  suivant  les  ordonnances 
»  dud;  s^  médecin  et  sur  les  billets  des  directeurs.  » 

Se  préoccupant  ensuite  de  l’état  des  bâtiments,  le  Vicaire 
général  ordonne  que  «  ces  batiments  et  esglize  dud;  hos- 
»  pital  seront  incessament  achevés,  et  que  le  sr  Fraisses, 
»  architette,  sera  sollissité  et  pressé  d’exécuter  le  prisfait 
»  quil  luj  a  esté  fait  se  faisant  achever  de  bastir  et  cou- 


292  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

■>  vrir  led;  hospital  conformément  au  contrac  fait  et  passé 
»  avecluy.» 

Vient  ensuite  la -visite  de  la  chapelle  du  château,  pour 
en  régler  et  assurer  le  service,  la  communauté  de  prêtres 
se  trouvant  dissoute  par  le  fait  de  la  désunion  des  béné¬ 
fices  de  Saint-Agnian  et  de  Saint-Martial  et  des  prieurés 
de  Mureau  et  de  Nailhac.  A  cette  fin,  sur  le  requis  du 
Promoteur,  le  Vicaire  général  «  ordonne  que  les  sieurs  de 
»  Laverdanne,  Saint-Léger  et  Faure,  chapelains,  nommés 
»  par  led;  Seigneur  Marquis,  desserviront  tant  lad;  cha- 
»  pelle  du  chasteau  que  celle  dud;  hospital  et  les  pauvres 
»  d’icelluy  auxquels  ils  administreront  les  sacrements  et 
»  cathechiseront  dans  le  Marquizat  d’Hautefort,  conformé- 
»  ment  aux  pieuses  intentions  dud;  feu  Seigneur  Marquis 
»  d’Hautefort  et  autrement  suivant  le  reglement  qui  en 
»  sera  fait  »  par  le  Vicaire  général. 

«  Et  pour  le  dédommagement  que  le  curé  de  Saint- 
»  Agnian  d’Hautefort  pouroit  prétendre  à  cause  desd;  cha- 
»  pelles  et  de  ladministration  des  sacrements  dans  led; 
»  hospital,  ensemble  pour  les  prétentions  qu’il  dizoit  avoir 
»  sur  les  dimes  inféodées  ,  dont  led  ;  hospital  jouist 
»  danslad  ;  paroisse  de  Saint-Agnian,  outre  les  menus 
»  et  vertes  dimes  et  nouvellains  s’il  y  en  a,  il  lui  sera 
»  délivré  tous  les  ans  à  la  récolté  sur  lesd  ;  dimes  inféodées 
»  de  l’hospital  six  charges  de  bled  tierce,  moyennant 
»  quoy  led  ;  curé  de  Saint-Agnian  demeurera  dédommagé 
»  desd  ;  prétentions.  Et  pour  ne  troubler  le  service  de  lad; 
»  paroisse,  sur  ce  ouy  led  ;  promoteur,  nous  ordonnons 
»  que  lesd  ;  chapellains  ne  pouront  en  esté,  les  festes  et 
»  dimanches,  dire  leur  messe  dans  lad;  chapelle  du  chas- 
»  teau  qu’à  six  ou  neuf  heures  du  matin,  et,  en  hiver, 
»  à  sept  ou  dix  heures. 

»  Et  affinque  lesd;  chapellains  puissent  mieux  s’acquit- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  293 

»  ter  de  leurs  obligations  et  servir  lesd  ;  pauvres  par 
»  laministration  de  sacrements  et  instructions  familbères 
»  estant  soubz  un  môme  toit ,  nous  ordonnons  que  led; 
»  Seigneur  Marquis  d’Hautefort  sera  prié  de  faire  mettre 
»  en  estât  les  deux  pavilbons  qui  regardent  du  costé  de 
»  Cbassein  et  par  luy  destinés  pour  le  logement  desd; 
»  chapellains,  et  iceux  meubler  suivant  l’intantion  dud; 
»  feu  Seigneur  Marquis ,  pour  qu’ils  puissent  y  loger  du 
»  premier  jour  ;  et  faire  le  jardin  et  icelluy  enclore  de 
»  murailhe,  suivant  le  dessein  joignant  lesd;  pavilhons  et 
»  le  jardin  des  pauvres.  » 

Nous  croyons  utile,  pour  bien  faire  apprécier  la  position 
financière  de  cet  hôpital,  à  la  date  de  cette  visite,  de 
reproduire  textuellement  la  dernière  page  de  ce  procès- 
verbal.  Elle  fait ,  d’ailleurs ,  mieux  ressortir  la  souveraine 
autorité  qu’avait  sur  cet  hôpital  l’évêque  de  Périgueux,  et 
que  le  Marquis  d’Hautefort,  héritier  du  fondateur,  ne 
cherchait  point  à  lui  contester. 

«  Et  dautant  que  par  nostre  dernier  procès-verbal  de 
»  vizitte  du  quatrième  apvril  mil  six  cent  quatre-vingt- 
»  cinq,  il  restoit  deub  à  la  recepte  dud;  hospital  deux  mille 
»  neuf  cent  cinquante  livres  d’une  part,  et  cinq  cent  qua- 
»  rante  livres  d’autre ,  et  que  les  revenus  escheux  du  des- 
»  puis  de  l’année  mil  six  cent  quatre  vingts  quatre,  quatre 
»  vingt  cinq  et  mille  six  cent  quatre  vingts  six  montant  à 
»  la  somme  de  quatre  mille  neuf  cens  cinquante  neuf 
»  livres,  dix  sols ,  et  les  intérêts  de  cinquante  mille  livres 
»  léguets  par  feu  Monsr  le  Marquis  d’Hautefort,  pour  deux 
»  ans,  deux  mois  et  vingt  jours  ,  escheux  depuis  le  quatre 
»  apvril  mille  six  cent  quatre  vingt  cinq  jusques  au  vingt- 
»  quatre  juin  mille  six  cent  quatre-vingts-sept,  quj  reve- 
»  nant  à  la  somme  de  cinq  mille  quatre  cent  quatre-vingt- 
»  neuf  livres  quinze  sols,  le  tout  faisant  ensemble  la 


294 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  somme  de  treize  mille  neuf  cent  quarante  six  livres  cinq 
»  sols  six  deniers.  Nous  ordonnons  que  Sur  lad;  somme  il 
»  sera  payé  au  sr  Fraisses  architètte  la  somme  de  quatre 
»  cent  livres,  au  sr  Le  Bost  cent  livres,  au  sr  Delorne,  cy 
»  devant  esconome,  trois  cent  livres,  au  sr  Jouffrot,  appo- 
»  ticaire  pour  ses  services  et  fournitures  passées  cinquante 
»  livres,  au  nommé  Yitour  Broussilhou,  pauvre  de  la 
»  paroisse  de  Saint-Agnian,  la  somme  de  trente  livres,  à 
»  Jean  Laborie,  pauvre  estropié ,  vingt  livres.  Et  pour  le 
»  surplus  de  lad;  somme  de  treize  mille  neuf  cent  qua- 
»  rante  six  livres  ,  cinq  sols ,  six  deniers  ,  les  directeurs 
»  nouvellement  nommés  et  le  recep veur  dud;  hospital  en 
»  procureront  le  payement  pour  en  estre  employée,  en 
»  fons  la  somme  de  cinq  mille  livres,  et  le  surplus  sera 
»  employé  pour  la  nourriture  et  entretien  des  pauvres  à 
»  lavenir,  et  pour  payer  ce  qui  peut  estre  deub  de  leur 
»  entretien  et  nourriture  passée  depuis  led;  jour  quatrième 
»  apvril  mille  six  cent  quatre  vingt  cinq  ,  dont  ils  feront 
»  estât  et  rendront  compte  dans  trois  mois,  comme  aussy 
»  des  arrérages  des  rentes  constituées  et  cedées  par  Mon- 
»  sieur  le  Marquis  d’Hautefort  aud;  hospital ,  par  contrac 
»  du  vingt-quatre  décembre  dernier  ;  pour  ce  qui  se  trou- 
»  vera  en  avoir  esté  payé  tenir  lieu  d’acquit  aud;  seigneur 
»  Marquis  d’Hautefort,  dont  les  médiocres  et  non  commo- 
»  des  seront  changées  s’il  y  eschet  et  autrement  ainsy  qu’il 
»  sera  par  nous  jugé  a  propos  dans  led;  temps  de  trois 
»  mois  ,  dans  lequel  lesd;  directeurs  et  recepveur  feront 
»  leurs  diligences  contre  les  particuliers  sur  qui  lesd; 
»  rentes  sont  ceddées. 

»  Pour  ce  qui  concerne  les  intérest  des  douze  mille  livres 
»  donnés  à  la  Communauté  des  Chapellains  d’Hautefort, 
»  que  nous  avons  trouvé  monter  depuis  le  quatrième 
»  apvril  mille  six  cent  quatre  vingt  cinq  jusques  aud; 


295 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

»  jour  vingt  quatre  du  présent  mois,  à  la  somme  de  mille 
»  trois  cent  soixante  et  six  livres,  treize  sols  quatre  deniers, 
»  nous  ordonnons  qu’il  en  sera  donné  au  sieur  Yillemur, 
»  prestre,  y  compris  cent  cinquante  livres  qu’il  a  desja 
»  reçues,  la  sommé  de  quatre  cents  livres,  sans  en  ce 
»  comprendre  les  six  cents  livres  qu’il  devoit  recepvoir  de 
»  M.  de  La  Forge,  en  conséquence  de  nostre  procès-ver- 
»  bail  dud;  jour  quatrième  apvril  mille  six  cent  quatre 
»  vingt  cinq  sur  les  deux  mille  quatre  cent  livres  ordonnés 
>  estre  délivrés  aud;  sieur  de  La  Forge. 

»  Comme  aussi  ordonnons  que  sur  les  mille  trois  cent 
»  soixante  et  six  livres  treize  sols  quatre  deniers,  il  en  sera 
»  payé  aud;  sieur  de  La  Forge,  Borderie  et  autres  qui  ont 
»  servy  lad;  chapelle  du  chasteau  d’Hautefort  et  fait  l’obit 
»  la  somme  de  quatre  cent  livres  (1),  et  pour  les  cinq  cents 
»  soixante  et  six  livres  treize  sols  quatre  deniers  restants 
»  desd;  intérêts,  déduction  faite  J  de  qurante  livres  pour 
»  les  droits  dud;  promoteur,  tant  de  la  présente  visitte  que 
»  precedente ,  et  vingt  six  livres  treize  sols  quatre  deniers 
»  pour  le  secrettaire  pour  les  mesmes  droits,  ordonnons 
»  que  le  recepveur  en  procurera  le  payement  pour,  ce  fait, 

»  estre  par  nous  pourveu  à  la  destination  de  cinquante 
»  livres  restants  ainsy  quil  appartiendra. 

»  Et  nous  ayant  été  represanté-que  le  nommé  N.  de  la 
»  paroisse  de  Saint-Agnian  d’Hautefort  est  réduit  a  une 
»  grande  nécessité,  et  attendut  qu’il  vaque  une  place  dans 
»  l’hospital  pour  le  recevoir ,  ordonnons  quil  luy  sera 
»  donné  par  le  recepveur  dud;  hospital  la  somme  de  dix 
»  livres  qui  luy  seront  donnés  et  distribués  en  pain, 

»  comme  aussy  quil  sera  donné  a  Pierre  Mandeyx  quj 

(1)  Par  son  testament  du  21  juin  1667,  le  Seigneur  Marquis  d’Hautefort 
avait  légué,  à  perpétuité,  une  rente  annuelle  de  cent  livres  pour  un  service 
annuel  et  une  messe  basse  tous  les  samedis,  dans  la  chapelle  du  château. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  sest  rompu  et  brizé  la  jambe  depuis  deux  jours,  la 
»  somme  de  quinze  livres  par  led;  recepveur. 

»  Dont  et  de  tout  ceque  dessus  nous  avons  fait  acte  et 
»  dressé  le  présent  procès-verbal  pour  servir  en  temps  et 
»  lieu  ce  que  de  raison.  »  Ont  signé  ;  Moreau,  vicaire 
général,  gratis  pour  mon  particulier  en  faveur  des  pau¬ 
vres,  Desauzières  promoteur,  Martin  ,  curé  de  Montignac, 
présent,  Dufraisses,  présent,  La  Claustre,  présent ,  Saint- 
Leger,  présent,  Bonnet,  présent,  Mertier  secrettaire. 

V 

TROISIÈME  VISITE  FAITE  LE  6  JUILLET  1690. 

«  Ce  jourd’buy  sixième  juillet  mil  six  cent  quatre  vingt 
»  dix,  après  midy,  nous  Pierre  Moreau,  prestre  de  l’Ora- 
»  toire,  cbonoine  en  lesglise  cathédrale  de  Périgueux,  et 
»  vicaire  général  de  Monseig1'  l’illustrissime  et  révéren- 
»  dissime  esvesque  dud;  Périgueux,  messire  Guilhaume 
»  Le  Boux,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils  et  son  prédi- 
»  cateur  ordinaire  ;  assisté  et  accompagné  du  V  Rossi- 
»  gnol ,  prestre ,  prins  en  la  plasse  du  sr  Desauzières, 
»  promoteur  dud;  diocèse ,  et  de  nostre  scerettaire , 
»  nous  nous  sommes  rendus  au  lieu  d’Hautefort  pour 
»  faire  nostre  visitte  de  la  communauté  des  prêtres  secul- 
»  liers,  chapellains  de  la  chapelle  du  chasteau  d’Hautefort 
»  et  de  l’hospital  dud;  lieu.  Ou  estant  arrivés,  led;  sr  Ros- 
»  signol,  en  lad;  qualité  de  promoteur,  nous  a  requis  de 
»  voulloir  ordonner  que  ce  que  nous  avions  cy-devant 
»  ordonné  dans  nos  procès  verbaux  de  visitte  des  deux 
»  apvril  mil  six  cent  quatre  vingt  cinq,  et  vingt  trois  juin 
»  mille  sis  cent  quatre  vingt  sept,  seroient  exécuté  en  ce 
»  qui  n’a  pas  encore  esté  fait,  comme  aussi  que  nos 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  297 

»  reglements  portés  par  lesd;  procès  verbaux  de  nos  deux 
»  dernières  visittes  seroient  ponctuellement  et  exacte- 
»  ment  observés  sans  aucune  innovation  ny  changement, 
»  tant  à  l’esgard  du  service  de  la  chapelle  du  chasteau  que 
»  de  ceux  de  l’hospital  dud;  Hautefort  que  pour  le  giju- 
»  vernement  des  pauvres,  leur  nourriture,  entretien  et 
»  service  spirituel.  » 

Ce  préambule  est  comme  le  sommaire  de  toute  la  visite  ; 
il  en  dit  bien  clairement  le  but. 

La  première  visite  est  pour  la  chapelle  du  château  ;  le 
vicaire  général  y  est  reçu  avec  le  cérémonial  ordinaire 
«  par  les  sieurs  de  Laverdane,  de  Labatut  et  Saint-Léger, 
»  prestres  et  chapellains  de  lad;  chapelle  du  chasteau  et 
»  de  l’hospital  dud;  lieu.  »  Il  constate  que  ce  qu’il  avait 
ordonné  dans  les  précédentes  visites  n’a  «  été  exécuté 
«  qu’en  partie.  »  Il  avait  ordonné  qu’il  «  serait  em- 
»  ployé  jusques  à  la  somme  de  huit  cents  livres  pour 
»  ayder  à  achepter  les  ornements  necessaires  aux  deux 
»  chapelles  du  chasteau  et  de  l’hospital  ;  il  n’a  esté  acquis 
»  de  nouveau  qu’un  calice,  un  ciboire  et  un  soleil  quj 
»  se  met  dessus  le  ciboire.  »  Il  «  ordonne  de  nouveau 
»  qu’à  la  diligence  desd;  chapellains  l’on  faira  achepter 
»  des  deniers  restant  de  lad;  somme  de  huit  cents  livres, 

»  un  missel,  un  rithuel,  des  aubes,  des  surplis,  napes, 

»  serviettes,  corporaux  et  purificatoires,  deux  chapes, 

»  l’une,  noire  pour  le  service  des  morts,  et  l’autre  de  coul- 
»  leur  pour  l’exposition  du  Saint-Sacrement.  » 

«  Et  pour  qu’à  l’advenir  tout  ce  qui  pourra  estre  néces- 
»  saire  pour  la  célébration  et  entretien  du  service  divin, 

»  tant  pour  le  luminaire  qu'autre  chose,  ne  manque  pas, 

»  après  que  led;  seigneur  d’Hautefort  aura  meublé 
»  comm’il  doit  lesd;  chapelles  conformément  à  l'intention 
»  dud;  feu  seigneur  fondateur,  son  frère,  »  le  vicaire 


298  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»>  général  visiteur  ordonne  qu’annuellement  la  somme  de 
cent  livres  «  sera  mise  ez  mains  du  sr  de  Laverdane , 
»  premier  chapellain,  pour  les  employer  utilement  à  l’en- 
»  tretien  des  sachristies  desd;  deux  chapelles,  et  que  led; 
»  seignenr  Marquis  d’Hautefort  sera  très  humblement 
»  suplié  de  voulloir  assigner  un  fonds  fixe  et  séparé  pour 
»  faire  le  revenu  de  lad;  somme  de  cent  livres,  si  cela  n’a 
»  desja  esté  faict,  de  laquelle  somme  de  cent  livres  led; 
»  srde  Laverdane  faira  un  estât  de  mise  et  recepte  pour 
»  en  rendre  compte  tous  les  ans  »  au  vicaire  général  dans 
»  ses  visites. 

Il  est  mentionné  ensuite  dans  le  procès-verbal,  que  le 
vicaire  général,  faisant  la  visite  de  l’hôpital,  «  a  trouvé  que 
»  le  sieur  Fraisses,  architette,  faisait  travailler  à  l’entière 
»  perfection  des  bastiments,  que  trois  salles  estoient  desjà 
»  voûtées,  et  qu’il  faisait  avancer  la  rotonde  soubz  laquelle 
»  doit  estre  l’autel  ;  mais  comme  ces  trois  salles  sont 
»  encore  embarrassées  de  matériaux,  les  pauvres  ne  peu- 
»  vent  y  loger  :  ils  sont  toujours  dans  les  salles  provisoi- 
»  res,  au  nombre  de  trente  trois,  conformément  à  la  fon- 
»  dation.  » 

Une  grave  contestation  avait  surgi  entre  les  curés  de 
Thenon  et  St-Agnan  et  le  syndic  de  l’hôpital  ;  il  était  du 
devoir  du  vicaire  général  visiteur  de  pacifier  en  détermi¬ 
nant  les  droits  de  chacun.  Nous  copions  le  procès- 
verbal. 

«  Ce  faict,  led;  promoteur  nous  a  dict  et  remonstré 
»  qu’il  avoit  esté  adverti  qu’il  estoit  né  une  grande  con- 
»  teste  entre  les  s13  curés  de  St-Agnan  et  de  Thenon  avec 
»  le  scindic  de  l’hospital,  au  subjet  des  menues  et  vertes 
»  dixmes  que  lesd;  sieurs  curés  ont  |droit  de  prendre  sur 
»  la  moitié  des  dixmes  inphéodées  de  leurs  paroisses  et 
»  qui  ont  esté  données  aud;  hospital  par  le  feu  seigneur 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  299 

»  Marquis  d’Hautefort.  Nous,  après  avoir  bien  examiné 
»  les  raisons  de  part  et  d’autre ,  et  ayant  esgard  à  la 
»  remonstrance  que  le  sr  curé  de  Thenon  nous  a  faitte 
»  que  par  la  transaction  passée  à  Paris  entre  le  seigneur 
»  Marquis  d’Haufefort  et  M.. François  de  Beauregard,  son 
»  frère,  sur  sa  procuration,  le  trois  septembre  mille  huit 
»  cent  quatre  vingt  huict,  ressue  par  Bechet  et  Desnots, 
»  nottaires  au  Chastellet,  il  ne  luy  aurait  esté  donné  que 
»  cinq  charges  de  bled  à  train  de  dixme  avec  les  menues 
»  et  vertes  dixmes  qui  pouvoit  estre  dans  la  moitié  desd; 
»  dixmes  imphéodées,  qu’on  luy  avoit  faict  valloir  pour 
»  quelque  chose  de  considérable  pour  toutes  ses  préten- 
»  tions,  cependant  qu’il  n’en  tiroit  presque  rien  par  l’opi- 
»  niâtreté  des  habitants,  offrant  de  remettre  lad  ;  moitié 
»  en  luy  en  donnant  quelque  récompense,  Nous,  de  son 
»  consentement  et  de  celluy  des  directeurs  de  l’hospital 
»  d’Hautefort,  pouresviter  à  l’advenir  toute  sorte  de  conteste 
»  entre  led;  sr  curé  et  le  scindic  dud;  hospital,  nous  avons 
»  réglé  et  ordonné  qu’à  l’advenir  et  de  cette  ''présente 
»  année,  il  sera  délivré  à  train  de  dixme  par  les  dixmiers 
»  à  chaque  récolté,  autres  deux  charges  de  bled,  outre  les 
»  cinq  charges  portées  par  la  transaction  du  trois  septem- 
»  bre  mille  six  cent  quatre  vingt  huit,  en  ce  que  désor- 
»  mais  led;  sieur  curé  et  led;  hospital  jouiront  et  partage- 
»  ront  par  moitié  toutes  les  dixmes  de  la  paroisse  à 
»  l’exception  des  chanvres  et  des  lins  [qui  appartiendront 
»  aud;  sr  curé  ;  moyennant  quoy  led;  sieur  curé  et  les 
»  directeurs  dud;  hospital  ont  promis  et  se  sont  obligés  de 
»  passer  une  transaction  confirmatrice  du  présent  regle- 
»  ment  pour  Tauthoriser  d’autant  plus  et  le  rendre  estable 
»  à  l’advenir.  En  foy  de  quoy  ils  ont  signé  notre  présent 
»  procès-verbal.  Ainsi  signé  Beauregard  curé  de  Thenon, 

»  Laverdane  directeur  et  Laclaustre. 


300 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Et  à  l’esgard  du  sieur  curé  de  St-Aignan,  nous  avons 
»  dict  et  ordonné  qu'il  aura,  pour  menues  et  vertes  dix- 
»  mes,  les  chanvres,  les  lins,  les  laisnes,  les  petits  poits, 
»  garraubes,  gesses,  nentilles  et  autres  petits  drageons, 
»  bleds  noirs,  bleds  d’Espaigne,  millet,  panis  ;  et  pour  les 
»  baillarges  meslés  aux  petits  poits  et  garraubes,  quand  il 
»  y  aura  beaucoup  plus  de  petits  poits  et  garraubes  que 
»  de  baillarges,  en  sorte  qu’on  n’en  liera  point  les  gerbes, 
»  cella  sera  sensé  alors  estre  menues  dixmes,  et  toutes 
»  fois  et  quentes  qu’il  y  aura  suffisamment  de  baillarge 
»  pour  qu'on  en  fasse  des  gerbes,  alors  ces  gerbes  de 
»  baillarge  et  petits  poits  seront  sensés  grosses  dixmes  et 
»  se  partageront  par  moitié  comme  les  autres  gros  bleds  ; 
»  n’y  ayant  que  les  sud;  menus  grains  quj  soient  entière- 
»  ment  aud;  curé,  à  la  réserve  toutefois  de  ce  quj  pourra 
»  croistre  dans  le  jardin  de  l’hospital  et  des  sra  chapel- 
»  lains  qui  seront  exemps  de  toute  sorte  de  dixmes  vers 
»  led;  sr  curé,  attendu  la  récompense  qui  luy  a  esté  don- 
»  née  par  nostre  procès-verbail  du  vingt  trois  juin  mille 
»  six  cent  quatre  vingt  sept.  » 

Après  cet  arrangement  fait  à  la  satisfaction  des  parties, 
le  vicaire  général  est  appelé  à  régler  ce  que  nous  appelle¬ 
rions  aujourd’hui  l’enseignement  primaire.  «  Le  sieur 
»  promoteur  et  une  partie  des  principaux  habitants  de  ce 
»  lieu  d’Hautefort  »  lui  «  ont  représenté  qu’un  des  plus 
»  grands  biens  qui  se  puisse  faire  en  ce  lieu  et  plus  con- 
»  forme  aux  instentions  du  feu  Seigr  d’Hautefort  fonda- 
»  teur  de  l’hospital,  estoit  d’establir  un  bon  regent  dans 
»  ce  lieu  pour  l’instruction  du  grand  nombre  d’enfans 
»  qu’il  y  a  et  dans  le  voisinage.  Et  qu’on  y  auroit  desja 
»  cydevant  estably  divers  regents  quj  auroient  quitté  pour 
»  n’y  avoir  put  subsister  avec  les  cinquante  escus  qu’on 
>  leur  donnoit,  sans  aucune  rétribution  de  la  part  des 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  301 

»  enfans.  »  Le  vicaire  général  visiteur  «  de  l’advis  et  du 
»  consentement  des  Srs  directeurs  dud;  hospital  quj  luy 
»  ont  dict  qu’estant  suffisemment  dottés  on  pourroit,  sans 
»  toucher  à  la  nourriture  et  entretien  des  pauvres  quj  sont 
»  fondés,  ajoutter  cinquante  livres  par  an  auxd;  cinquante 
»  escus,  ordonne  qu’a  ladvenir  il  sera  payé  cinquante 
»  livres  par  quartier,  quj  est  deux  cens  livres  par  an,  a 
»  celluy  qui  sera  aprouvé  pour  faire  lesd;  escolles,  à  con- 
»  dition  toutefois  qu’il  nexigera  rien  des  enfants  du  mar- 
»  quizat  pour  les  enseigner.  » 

Voilà  bien  la  gratuité  de  l’enseignement  primaire,  mais 
ici  sans  augmenter  les  charges  des  contribuables. 

«  Le  sieur  de  La  Forge  curé  de  Saint-Aignan,  estant  en 
»  procès  avec  ses  paroissiens,  auprès  du  Séneschal  de 
»  Périgueux,  pour  raison  du  payement  des  diximes  »,  et 
dont  l’issue  pourrait  être  nuisible  aux  intérêts  des  pauvres 
de  l’hôpital,  le  vicaire  général  «  ordonne  au  scindic  dud; 
»  hôpital  d’intervenir  au  procès  en  leur  faveur,  et  faute 
»  par  luy  de  le  faire  attendu  qu’il  y  est  intéressé  comme 
»  estant  de  la  paroisse,  le  Promoteur  faira  son  interven- 
»  tion  à  sa  place  pour  le  bien  des  pauvres  dud;  hospital.  » 

Puis  il  est  procédé  à  l’examen  des  comptes  des  «  s"  Ber- 
»  trangeas,  Dufraysses  et  Villoste  qui  ont  été  scindics 
»  dud;  hospital  les  uns  après  les  autres  jusques  a  présent, 
»  et  de  la  sœur  Robert,  en  présence  du  directeur  de  l’hos- 
»  pital.  »  Ces  divers  comptes  sont  approuvés. 

C’est  pour  la  première  fois  que  nous  apparaît  cette 
sœur  Robert  comme  gouvernante  de  l’hôpital.  Elle  avait 
dû  succéder  aux  demoiselles  Laribarderie  et  Demonseries, 
et  recevoir  sa  nomination  de  MM.  les  directeurs.  A  quel 
ordre  de  religieuses  appartenait-elle  ?  Nous  l’ignorons  ; 
peut-être  à  aucun.  Elle  pouvait  s’être  vouée  d’elle-même, 
sous  un  costume  particulier,  au  service  de  Dieu  dans  la 


302 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


personne  des  pauvres.  Quoi  qu’il  en  soit,  «  ayant  congneut 
»  par  les  comptes  de  lad;  sœur  Robert  sa  bonne  conduite 
»  et  esconomie  pour  le  gouvernement  des  pauvres  de  cet 
»  hospital  et  sur  les  intentions  de  Monsr  le  Marquis  d’Hau- 
»  tefort  pour  le  perpétuel  dans  cët  employ,  de  son  consen- 
»  tement  et  de  l’advis  et  agrément  de  messieurs  les  direc- 
»  teurs  dud;  hospital,  »  le  Vicaire  général  visiteur  «  l’es- 
»  tablit  pour  toujours  à  ladvenir  gouvernante  et  supé- 
»  rieure  des  pauvres  dud;  hospital,  avec  pouvoir  de  pren- 
»  dre  pour  son  secours  tel  nombre  de  filles  ou  de  ser- 
»  vantes  qu’elle  et  led;  srS  directeurs  jugeront  nécessaires 
»  pour  le  service  desd;  pauvres.  » 

Et  pour  rendre  plus  facile  la  tâche  imposée  à  la  sœur 
Robert,  quelques  changements  sont  faits  au  régime  inté¬ 
rieur  de  l’hôpital.  «  Nous  ordonnons,  dit  le  Vicaire  géné- 
»  ral.  que  désormais  les  dixmes  inphéodées  de  St-Aignan, 
»  de  Thenon  et  La  Motte  ne  seront  plus  affermées  qu’en 
»  espèce  de  bled  et  de  vin,  que  le  sr  de  Lafayolle,  scindic, 
»  aura  soin  de  faire  conduire  dans  les  grenier  et  cave  dud; 
»  hospital.  Et  lorsque  lesd;  dixmes  ne  suffiront  pas  ou  en 
»  bled  ou  en  vin  pour  la  nourriture  desd;  pauvres,  led; 
»  sr  scindic  aura  soin  d’en  prendre,  au  temps  de  la  récolte 
»  des  bleds  et  des  vendanges,  jusqu’à  la  concurrence  qui 
»  sera  jugée  nécessaire  par  elle  (la  sœur  Robert)  et  par 
»  lesd;  directeurs  pour  qu’il  y  ait  une  provision  suffisante, 
»  pour  l’année,  de  bled  et  de  vin  pour  la  nourriture.  Et 
»  quand  lesd;  dixmes  seront  plus  que  suffisentes  pour  la 
»  provision  d’une  année,  lad;  sœur  Robert  les  gardera 
»  pour  l’année  suivante  et  en  disposera  par  l’ordre  et  de 
»  ladvis  de  messieurs  les  directeurs.  Led;  Sr  scindic  aura 
»  aussi  soing  de  faire  faire  la  provision,  à  temps,  du  bois 
»  quj  sera  nécessaire  pour  le  chauffage  dud;  hospital. 

»  Moyennant  quoy  nous  avons  réduit  à  quatre  cent 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOBD.  303 

»  livres  par  quartier  les  huict  cent  cinquante  que  nous 
»  avons  ordonné  par  nostre  précédent  procès  verbail  luy 
»  estre  remis  de  trois  mois  en  trois  mois  pour  fournir  à 
»  l’entretien  et  nourriture  desd;  pauvres  et  des  personnes 
»  destinées  à  leur  service,  laquelle  somme  de  quatre  cent 
»  livres  luy  sera  payée  en  deux  ou  trois  payements  à  chas- 
»  que  quartier,  à  la  fin  desquels  trois  mois  elle  sera 
»  thenue  d’en  rendre  compte  auxd;  Sra  directeurs  comme 
»  elle  l’a  faictjcy  devant  desd;  huict  cent  cinquante  livres... 
»  Nous  la  dispensons  et  déchargeons  à  chasque  quartier 
»  de  rendre  compte  de  quinze  livres,  quj  est  soixante 
»  livres  par  an  qu’elle  pourra  reserver  pour  son  entretien 
»  et  pour  remplir  les  petites  oubliances  qu’elle  pourroit 
»  faire  pendant  Tannée  dans  les  estats  de  la  despense.  » 

En  achevant  sa  visite,  le  vicaire  général  tient  «  à  con- 
»  Armer  et  authoriser  ce  qu’il  y  a  desjà  dict  et  statué  dans 
»  ses  précédentes  visites  pour  la  célébration  du  service 
»  divin  et  pour  le  secours  spirituel  des  pauvres  de  l’hos- 
»  pital.  Nous  recommandons  expressément,  dit-il,  aux 
»  s”  de  Laverdane,  de  Labatut  et  Saint-Leger  de  s’apli- 
»  quer  a  catéchiser  et  instruire  les  pauvres,  et  faire  aussj 
»  des  catéchismes,  les  uns  après  les  autres,  dans  la  cha- 
»  pelle  du,  chasteau  et  dans  les  paroisses  de  ce  marquizat, 

»  conformément  aux  pieuses  intentions  du  feu  seigr  Mar- 
»  quis  d’Hautefort,  en  prenant  garde  de  ne  pas  détourner 
»  les  parroissiens  d’assister  à  leur  messe  parroissialle  ou 
»  en  disant  les  leurs  publiquement  à  la  mesme  heure, 

»  mais  de  suivre  exactement  ce  que  nous  avons  réglé  la 
»  dessus  par  le  procès  verbail  de  nostre  dernière  visitte. 

»  Et  comme  nous  avons  desdommagé  le  sr  curé  de  St- 
»  Aignan  par  ce  que  nous  luy  avons  adjugé  par  notre  pre- 
»  cedent  procès  verbail,  des  prétentions  qu’il  pouvoit 
»  avoir  droit  sur  la  chapelle  de  lhospital,  pour  l’adminis- 


304 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  tration  des  sacrements  dans  icelle  chapelle,  et  encore 
»  sur  les  droits  qu’il  pouvoit  aussj  prétendre  sur  la  cha- 
»  pelle  de  ce  chasteau  d’Hautefort  ou  lesd;  chapellains 
»  sont  establis  pour  la  servir,  nous  disons  comme  cy 
»  devant  que  led;  sr  curé  n’aura  aucune  part  aux  fonda- 
»  tions  quj  y  sont  faittes  et  quj  se  pourront  faire  à  lad- 
»  venir  dans  lesd;  chapelles,  et  qu’il  n’y  pourra  prétendre 
»  droit  que  d'y  faire  l’office  le  jour  de  la  feste  des  patrons 
»  desd;  chapelles,  auquel  jour  les  offrandes  quj  se  fairont 
»  dans  la  chapelle  du  chasteau  seulement  luy  appartien- 
»  dront.  » 

Enfin,  après  avoir  ordonné  le  remboursement  de  quel¬ 
ques  avances  que  le  sr  de  Villemur,  cy  devant  chapellain 
d’Hautefort  «  avoit  faites  pour  l’entretien  de  la  commu- 
»  nauté  des  prêtres  avant  sa  dissolution,  »  le  vicaire 
général  a  clos  son  procès-verbal  «  en  présence  de  Mes- 
»  sieurs  les  chapellains  et  Messieurs  les  directteurs  et  du 
»  scindic  de  l’hospital  qui  ont  signé  avec  lui  et  le  promo- 
»  teur.  » 

Ainsi  signé  à  l’original  des  présentes  :  «  Rossignol, 

»  prestr e,,  pour  le  promoteur,  Laverdane,  directeur,  sans 
»  approuver  l'article  de  la  contestation ,  de  la  paroisse  de 
»  St-Aignan  et  le  curé  d'icelle,  Lahatut,  présent,  Laclaus- 
»  tre,  directeur,  sans  approuver  larticle  de  la  contestation 
»  des  dixmes  entre  le  sr  curé  de  cette  paroisse  et  lapar- 
»  roisse  et  aux  réservations  necessaires,  Lafayolle,  scindic 
»  dud;  hospital,  aux  susd;  réservations,  Villemur,  pres- 
»  tre,  présent,  P.  Moreau,  vicaire  général  et  moy  Bonnet 
»  secrétaire.  » 

VI 

Telles  furent  la  fondation  et  les  premières  années  de 
l’hôpital  d’Hautefort,  vaste  et  sublime  conception  delà 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  305 

part  du  fondateur ,  affermie  et  perfectionnée  sous  l’action 
de  l’autorité  épiscopale  ,  comme  le  constatent  les  procès- 
verbaux  que  nous  venons  de  rapporter. 

On  ne  doit  pas  s’étonner  de  l’autorité  absolue  dont  le 
vicaire  général  visiteur  use  au  nom  de  son  évêque.  Les 
pauvres  appartiennent  à  l’Eglise  ;  ils  forment,  comme  nous 
l’avons  dit  ailleurs  ,  son  précieux  trésor.  A  l’Eglise  donc 
le  devoir  et  le  droit  de  les  gouverner  dans  les  asiles  que 
leur  crée  la  charité  chrétienne.  On  comprenait  cela  aux 
temps  anciens.  Le  marquis  d’Hautefort  l’avait  ainsi  com¬ 
pris  ;  aussi ,  loin  de  vouloir  soustraire  les  pauvres  de  son 
hôpital  à  l’autorité  de  son  évêque,  il  invoque  cette  autorité 
en  leur  faveur  :  «  Si  malgré  ses  prières,  ordres  et  désirs, 
»  est-il  dit  dans  l’acte  de  fondation  ,  les  seigneurs  dudit 
»  Hautefort,  ses  héritiers  ou  successeurs,  refusent  la  sub- 
»  sistance  aux  pauvres  dans  '  les  termes  de  la  présente 
»  fondation ,  il  charge  la  conscience  de  tous  ceux  de  son 
»  chapitre  dudit  lieu  d’en  avertir  led;  sgr  Esvesque  de 
»  Périgueux.  »  Et  l’évêque  en  agissant ,  dans  ses  visites, 
comme  il  le  faisait  par  son  délégué ,  remplissait  à  la  fois 
un  devoir  et  répondait  dignement  à  la  confiance  du  pieux 
fondateur. 

Réprenons  notre  récit. 

Nous  avons  laissé  la  chapelle  de  l’hôpical  en  état  de 
construction  ;  elle  ne  fut  achevée  et  livrée  au  culte  qu’en 
1717.  La  bénédiction  en  fut  faite  par  le  Sr  Cheyroux  ,  l’un 
des  chapelains,  à  cette  fin  délégué. 

A  la  date  de  1748  ,  époque  où  toutes  les  constructions 
prescrites  par  le  seigneur  fondateur  de  l’hôpital  venaient 
d’être  achevées  depuis  quelques  années  seulement ,  nous 
avons  un  arrêté  de  compte  portant  quittance  finale  déli¬ 
vrée  à  M.  le  marquis  Emmanuel  d’Hautefort,  par  les 
directeurs  de  l’hôpital.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  les 

20 


306 


LES  ORIGUNES  CHRÉTIENNES 


détails  de  ce  compte ,  mais  cette  quittance  Anale  nous 
prouve  que  les  intentions  du  fondateur  avaient  été  üdèle- 
ment  remplies,  par  ses  successeurs  au  marquisat  d’Haute- 
fort.  Au  bas  de  l’arrêté  de  compte  se  trouvent  les  signa¬ 
tures  de  :  «  Emmanuel  d’Hautefort  ;  Pierre  Reynaud , 
»  directeur  et  scindic  de  l’hôpital  ;  Henri  Abriat,  directeur; 
»  François  Gaultier,  directeur  ;  François  Martin,  directeur; 
»  Déguillen  Lagondie ,  avocat ,  auditeur  aud;  arrêté  de 
»  compte.  » 

Nous  avons  vu  qu’en  1687  ,  on  avait  établi  des  Filles 
dévotes  appelées  Sœurs  gouvernantes ,  ou  simplement 
gouvernantes ,  pour  diriger  l’hôpital  et  soigner  les  pauvres, 
et  que  ,  dans  la  dernière  visite  du  vicaire  général ,  l’une 
d’elles ,  la  sœur  Robert ,  avait  reçu  le  titre  de  «  gouver¬ 
nante  et  de  supérieure  des  pauvres  de  l’hôpital.  »  Mais 
celles  qui  lui  succédèrent  n’héritèrent  point  de  son  zèle 
pour  les  intérêts  de  l’hôpital  et  le  soin  des  pauvres.  Les 
directeurs  durent  s’en  préoccuper  et  les  remplacer  par  les 
Sœurs  de  la  Charité  de  Nevers.  Nous  lisons  dans  un  Narré 
de  la  substance  du  titre  de  fondation  ,  fait  pour  une  con¬ 
sultation  :  «  En  1748  ,  comme  ont  saperçut  que  les  Sœurs 
»  gouvernantes  qui  se  regardoient  souvent  comme  étran- 
»  gères  audit  hôpital,  avoient  très  peu  de  soin  des  pauvres 
»  et  de  l’arrangement  nécessaire,  il  fut  passé  un  concordat 
»  public  avec  la  générale  de  la  communauté  de  la  Charité 
»  de  Nevers,  où  elle  s’obligeait  de  fournir  audit  hôpital 
»  deux  Sœurs  gouvernantes  nourries  dans  ledit  hôpital  et 
»  payées  pour  l’entretien.  Les  choses  sont  dans  cet  état 
»  actuel.  »  En  vertu  de  ce  concordat ,  la  Sœur  Thècle 
Martel,  de  Montignac,  prit  possession  de  l’hôpital  le  2  jan¬ 
vier  de  la  même  année. 

De  cette  époque  jusqu’à  la  grande  Révolution,  les  sœurs 
de  Nevers  ne  cessèrent  point  de  diriger  cet  hôpital  et  avec 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  307 

tant  de  zèle  et  de  sage  économie ,  qu’à  la  date  du  Narré 
déjà  cité ,  on  avait  pu  augmenter  le  nombre  des  pauvres 
d’un  tiers  en  sus  du  nombre  fixé  par  la  fondation. 

Outre  les  chapelains  que  nous  avons  déjà  cités,  les 
archives  de  l’hôpital  nous  donnent ,  jusqu’en  1789,  les 
noms  de  MM.  Souffron,  de  Tourtoirac  ;  Jean  Abriat  ;  sr  du 
Cheyroux,  du  Temple;  Jean  de  Moncins,  d’Hautefort; 
Léonard  Desmont,  curé  de  Cubas  ;  Jean  Souffron  ;  de  Pra- 
gelier  ;  Reynaud,  prieur  de  Saint-Aignan  et  de  Maumont  ; 
Jean  Durand;  Denys  Pommeau  ;  François  Reynaud,  aussi 
prieur  de  Saint-Aignan. 

Tel  fut  Tétât  spirituel  et  temporel  jusqu’à  la  Révolution. 

A  cette  époque,  «  en  vertu  d’une  loi  qui  méconnaissait 
»  tons  les  principes  de  l’équité ,  la  nation  s’empara  avec 
»  sa  main  usurpatrice  de  la  propriété  et  de  la  subsistance 
»  des  pauvres  ,  auxquels  cet  hôpital  donnait  asile ,  sous 
»  prétexte  qu’il  était  national ,  dans  le  temps  qu’il  n’était 
»  rien  moins  que  particulier,  fait  en  faveur  d’une  classe 
»  sacrée  —  les  pauvres  —  et  par  un  homme  ou  ses  repré- 
»  sentants  qui  jouissaient  alors  de  la  plénitude  de  leurs 
»  droits.  » 


VII 


Après  la  tourmente  révolutionnaire ,  l’hôpital  continua 
d’être  considéré  comme  relevant  directement  de  l’autorité 
civile.  Il  paraît  que  ce  ne  fut  qu’en  Tan  VII  de  la  Répu¬ 
blique  (1798),  qu’on  reconstitua  une  administration  légale, 
qui,  sauf  les  modifications  apportées  par  les  règlements 
successifs,  a  persévéré  jusqu’à  nos  jours. 

La  nation  s’étant  emparée  de  plusieurs  sommes  d’argent 


303 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


appartenant  à  l’hôpital ,  plusieurs  particuliers  ayant 
amorti  les  rentes  qu’ils  devaient  à  l’établissement ,  avec 
du  papier  monnaie ,  d’une  valeur  à  peu  près  nulle,  et 
l’argent  ayant  considérablement  diminué  de  valeur ,  il  en 
résulte  que  l’hôpital ,  dont  les  revenus  sont  aujourd’hui 
d’à  peu  près  cinq  mille  francs ,  est  beaucoup  moins 
riche  qu’autrefois  ;  aussi  le  nombre  des  pauvres  a-t-il  été 
réduit  à  vingt. 

A  cette  époque ,  deux  des  trois  sœurs  de  Nevers  qui 
administraient  l’hôpital,  la  supérieure  et  la  sœur  Thérèse, 
durent  abandonner  l’asile  des  pauvres.  La  troisième,  la 
sœur  Férignac,  s’étant  sécularisée  en  quittant  l’habit  reli¬ 
gieux  ,  put  y  continuer  sa  mission  auprès  des  pauvres, 
jusqu’au  8  vendémiaire  an  IX  (1800).  Mais  en  sé  séculari¬ 
sant,  elle  avait  cessé  d’être  sœur  de  charité  ;  aussi  fut-elle 
destituée  pour  cause  de  mauvaise  administration  et  de 
dureté  envers  les  pauvres.  l,a  sœur  Thérèse,  que  les  admi¬ 
nistrateurs  demandèrent  eux-mêmes  ,  la  remplaça  et  prit 
possession,  le  1er  frimaire  an  IX,  avec  la  sœur  Yilotte. 

Depuis  cette  époque  les  Sœurs  de  Nevers  n’ont  point 
cessé  de  diriger  l’hôpital  d’Hautefort. 

Lorsque  le  culte  catholique  fut  rétabli  en  France , 
M.  Pommeau,  qui  avait  survécu  à  la  tourmente  révolution¬ 
naire,  reprit  son  service  à  l’hôpital  en  qualité  de  chape¬ 
lain.  Il  y  mourut.  Après  lui  il  ne  paraît  pas  y  en  avoir  eu 
d’autre  en  titre  jusqu’en  1817.  Seulement ,  un  des  anciens 
chapelains,  que  l’on  croit  être  M.  Dubreuil,  curé  de  Cher- 
veix,  y  vint  tant  qu’il  vécut  dire  la  messe  le  lundi.  Les 
archives  ne  font  même  pas  mention  de  ces  deux  prêtres, 
et  tout  porte  à  croire  qu’ils  ne  recevaient  aucune  rétribu¬ 
tion  fixe  et  que  le  service  se  faisait  peu  régulièrement.  On 
croirait  même  qu’en  1813  tout  culte  aurait  été  interdit 
dans  la  chapelle  de  l’hôpital.  La  commission  administra- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  309 

tive  dut  s’en  préoccuper  ;  voici  ce  que  nous  lisons  dans 
sa  délibération  du  2  mai  1813  : 

«  Vu  la  Lettre  pastorale  de  Mgr  l’évêque  d’Angoulême  ; 

»  Considérant  que  les  bâtiments  de  l’hospice  étant 
»  beaucoup  trop  éloignés  de  l’église  paroissiale,  pour  que 
»  les  Révérendes  Mères  qui  dirigent  cette  maison  ,  ainsi 
»  que  les  vieillards  et  infirmes  qui  y  sont  admis,  puissent, 
»  même  les  dimanches  et  les  jours  de  fêtes  conservées, 
»  assister  aux  offices  divins ,  il  est  du  devoir  de  la  com- 
»  mission  d’user  de  tous  les  moyens  en  son  pouvoir  pour 
»  procurer  à  ces  âmes  pieuses  et  charitables ,  tous  les 
»  secours  spirituels  qu’elles  ont  droit  d’attendre  d’un 
»  gouvernement  qui  s’est  déclaré  le  protecteur  de  la  reli- 
»  gion  catholique.  Par  ces  raisons  la  commission  arrête  : 

»  Que  le  Seigneur  évêque  d’Angoulême  sera  très  ins- 
»  tamment  prié  de  solliciter  de  sa  majesté  impériale  et 
»  royale,  la  permission  de  faire  dire  la  messe  dans  l’église 
»  de  l’hospice  d’Hautefort ,  tous  les  jours  de  l’année  ,  par 
»  un  prêtre  approuvé  par  lui,  —  de  chanter  vêpres  les 
»  dimanches  et  fêtes  conservées  ;  —  de  donner  la  bénédic- 
»  tîon  du  Très-Saint-Sacrement  :  le  jour  de  la  Trinité,  fête 
»  patronale  de  la  maison  ;  —  les  deux  dimanches  qui  sui- 
»  vent  les  fêtes  de  saint  Jean  et  de  sainte  Marthe  ;  —  les 
»  trois  jours  du  carnaval  ;  —  de  faire  une  procession  le 
»  dimanche  de  l’Octave  de  la  Fête-Dieu  ,  et  de  donner  la 
»  bénédiction  pendant  toute  la  semaine ,  suivant  l’usage 
»  constamment  observé  jusqu’à  ce  jour. 

»  La  commission  arrête  encore  que  le  Seigneur  évêque 
»  sera  également  prié  de  vouloir  bien  autoriser  l'aumônier 
»  de  l’hospice  à  administrer  les  sacrements  dans  l’intérieur 
»  de  la  maison ,  sous  la  surveillance  du  curé  de  Saint- 
»  Aignan,  qui  réglera  également  les  heures  auxquelles  les 
»  offices  devront  être  célébrés.  » 


310  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Malgré  cette  supplique,  d’un  impérialisme  outré,  qu'on 
excuse  néanmoins,  la  commission  s'adressant  à  un  évêque 
constitutionnel  qui  faisait  tout  remonter  à  l’autorité  civile, 
il  ne  paraît  pas  qu’il  y  ait  eu  aucun  changement  dans  le 
service  religieux  de  l’hôpital  jusqu’en  1817.  Nous  avons 
line  délibération  du  20  juillet  de  cette  année  ainsi  conçue  : 

«  Les  administrateurs  ,  considérant  combien  il  serait 
»  avantageux,  tant  pour  le  temporel  que  pour  le  spirituel, 
»  qu’il  y  eût  un  aumônier  audit  hospice,  afin  d’établir  un 
»  pensionnat  de  demoiselles,  ce  qui  procurerait  de  grandes 
»  ressources  aux  pauvres,  ont  nommé,  sur  la  présentation 
»  de  M.  Larouverade,  l’un  des  membres,  et  curé  de  Saint- 
»  Aignan,  M.  Eustacbe-Olivier  Sédano  ,  prêtre  espagnol, 
»  venant  de  Rhodez ,  aumônier  dudit  hospice  ,  et  lui  ont 
»  alloué  150  francs  de  traitement ,  avec  la  nourriture,  le 
»  logement  dans  la  maison ,  le  chauffage  ,  l’éclairage  et  le 
»  blanchissage.  » 

M.  Sédano  ayant  cessé  ses  fonctions  quelques  années 
après  ,  les  sœurs  et  les  pauvres  valides  allèrent  pendant 
quelque  temps  ,  les  dimanches  et  les  fêtes  ,  aux  ofüces  de 
la  paroisse.  Cet  état  de  choses  ne  pouvait  durer  ,  on  pria 
M.  Kinard,  curé  de  Nailhac,  de  faire  le  service  de  l’hôpi¬ 
tal  ;  il  le  lit  jusqu’au  mois  d’avril  1821.  A  cette  époque, 
M.  Courbais,  son  successeur  à  Naillac  ,  fut  aussi  son  suc¬ 
cesseur  à  l’hospice.  Il  fut  lui-même  remplacé  ,  en  1838, 
par  M.  Lespinasse,  vicaire  de  Saint-Aignan,  qui  reçut  delà 
commission  le  même  traitement  que  son  prédécesseur. 
Aujourd’hui,  le  service  de  l’hôpital  est  fait  par  M.  le  curé- 
doyen  de  Saint-Aignan  et  son  vicaire. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  31i 


VIII 

Nous  devons  mentionner  ici  quelques  legs  qui  ont  été 
faits  en  ces  derniers  temps  à  cet  hôpital,  et  que  nous  trou¬ 
vons  consignés  dans  le  registre  des  délibérations  de  la 
commission  administrative  : 

1»  Rente  constituée  de  cinquante  francs,  léguée  par 
M.  Bernard  Mérilhou  ,  aux  termes  de  son  testament  du 
15  septembre  1830  ;  acceptée  par  la  commission  adminis¬ 
trative,  le  10  juillet  1838.  Présents  à  la  délibération: 
MM.  Malafayde,  adjoint,  présidant  en  l’absence  du  maire; 
Reynaud-Lescure  ;  Gauthier  du  Buisson  ;  le  baron  de 
Damas  ;  Larouverade,  curé. 

2°  Legs  de  3,000  francs  de  Mme  la  baronne  de  Damas, 
née  d’Hautefort.  «  Le  président  de  la  commission  donne 
»  connaissance  de  l’extrait  du  testament  olographe ,  en 
»  date  du  28  juillet  1844,  enregistré  à  Paris,  le  20  septem- 
»  bre  1847,  de  Mme  Sigismonde-Charlotte-Laure  d’Haute- 
»  fort ,  épouse  de  M.  A.nge-Hyacinthe-Maxence  ,  baron  de 
»  Damas ,  par  lequel  elle  lègue  à  l’hospice  d'Hautefort  la 
»  somme  de  3,000  francs ,  pour  y  fonder  un  lit ,  dont  ses 
»  successeurs  auront  la  nomination. 

»  Considérant  que  ce  legs  est  avantageux  à  l’hospice  ; 
»  que  la  condition  qui  y  est  stipulée  n'est  nullement 
»  nuisible  ; 

»  Que  ce  legs  rappelle  les  bienfaits  de  Mme  la  baronne 
»  de  Damas  à  l’hospice,  sa  sollicitude  pour  les  pauvres  ; 

»  Que  ce  souvenir  doit  se  perpétuer  (il  remonte  à  la 
»  création  de  l’hôpital ,  qui  a  été  fondé  et  doté  par  les 
»  auteurs  de  Mme  la  baronne  de  Damas)  ; 

»  La  commission  est  unanimement  d’avis  1°  que  le  legs 
»  dont  il  s’agit  soit  accepté  ;  2°  que  les  sentiments  de 


312  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  reconnaissance  dont  sont  animés  les  administrateurs 
»  pour  Mme  la  baronne  de  Damas ,  soient  exprimés  en 
»  même  temps  que  leurs  regrets  pour  la  perte  qu’ont  faite 
»  les  pauvres,  qui  étaient  constamment  l’objet  de  la  solli- 
»  citude  de  Mme  la  baronne  de  Damas.  » 

Entre  autres  bienfaits,  dont  la  reconnaissance  est  expri¬ 
mée  à  la  généreuse  baronne ,  elle  avait,  en  1836,  annexé  à 
l’hôpital  une  salle  d’asile.  Elle  avait  cru  ,  en  faisant  cette 
fondation  en  faveur  des  petits  enfants  ,  ne  pas  pouvoir 
mieux  marquer  le  jour  de  la  première  communion  de 
l’une  de  ses  filles,  et  en  consacrer  le  pieux  souvenir. 

3°  Fondation  d’un  lit  pour  un  pauvre  infirme  à  l’hospice 
par  M.  Courbais,  curé  de  Nailhac. 

«  Le  7  mars  1851 ,  la  commission  administrative  réunie 
»  et  autorisée  par  le  préfet,  a  définitivement  accepté  de 
»  M.  Courbais  ,  curé  de  Nailhac  ,  un  don  de  3,000  francs, 
»  aux  conditions  suivantes  :  Aussitôt  que  la  somme  entière 
»  aura  été  versée,  M.  le  curé  aura  le  droit  de  placer,  à  son 
»  choix  ,  un  pauvre  infirme  à  l’hospice  ;  et  si  lui-même 
»  n’occupe  point  le  lit  qu’il  fonde  ,  lui  seul  nommera,  sa 
»  vie  durant,  le  pauvre  qui  occupera  ce  lit. 

»  De  plus,  la  commission  a  témoigné  sa  reconnaissance 
»  à  M.  le  curé  de  Nailhac,  non-seulement  pour  le  présent 
»  don ,  mais  encore  pour  les  services  qu’il  a  rendus  à 
»  fhospice  d’Hautefort,  lorsqu’il  en  a  été  l’aumônier,  pen- 
»  dant  plus  de  vingt  ans,  et  encore  depuis. 

»  La  commission  a,  de  plus,  déclaré  que  si  jamais 
»  M.  Courbais  voulait  occuper  le  lit  qu’il  fonde  ,  il  serait 
&  logé  séparément  et  traité  avec  tous  les  égards  dus  à  son 
»  caractère. 

»  Signé  :  le  baron  de  Damas,  Barailler,  maire  ;  Vergnol, 
curé  ;  Magueur ,  propriétaire  ;  Malafayde  ,  juge  de  paix,  b 

En  terminant  cette  notice  un  peu  longue  ,  —  nous 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  OU  PÉRIGORD.  313 

n’avons  pas  su  être  court ,  —  rappelons  que  les  Sœurs  de 
la  Charité  chrétienne  de  Nevers  prirent  la  direction  de 
l’hôpital  d’Hautefort  en  Tannée  1748.  Elles  le  dirigent 
encore.  Elles  y  ont  annexé  un  pensionnat ,  un  externat, 
une  classe  gratuite ,  l’école  communale  de  filles  et  une 
salle  d’asile  fondée ,  comme  nous  l’avons  dit,  par  Mme  la 
baronne  de  Damas.  Les  meilleurs  rapports  existent  entre 
les  religieuses  et  la  commission  administrative  ;  et  il  serait 
«  bien  difficile  qu’il  en  fût  autrement ,  nous  écrivait 
»  naguère  un  des  membres  de  cette  commission  ;  nous 
»  n’avons  jamais  que  des  éloges  à  faire  à  notre  excellente 
»  mère  supérieure,  Mme  Adélaïde  Laurent ,  qui  adminis- 
»  tre  si  bien  toute  sa  maison  qu’elle  trouve  moyen  de 
»  nous  présenter  toujours,  aux  comptes  de  fin  d’année,  de 
»  petites  économies  qui  augmentent  ensuite  le  bien-être 
»  de  nos  pauvres.  » 

Ajoutons,  ce  qui  n’étonnera  personne,  que  M.  l’abbé 
Yergnol,  curé  de  la  paroisse,  et  M.  le  comte  de  Damas,  le 
digne  successeur  du  fondateur  de  l’hôpital,  sont  membres 
de  la  commission  administrative.  La  loi  du  5  août  1879  a 
été  impuissante  à  exercer  ici  ses  rigueurs. 


XXXI 


Hospice  de  Bourrou. 


Deux  nobles  cœurs  unis,  deux  âmes  profondément 
chrétiennes,  Jean-Julien  de  Cosson-de-La-Sudrie ,  et  Eli¬ 
sabeth-Louise  de  Leybardie,  en  rentrant  sur  la  terre  de 
leurs  aïeux ,  après  les  orages  de  là  Révolution  et  de  l’Em¬ 
pire  ,  furent  touchés  des  misères  que  ces  orages  y  avaient 
accumulées.  Ils  cherchèrent  à  les  soulager  par  le  travail 
qu’ils  offraient  à  tous  et  par  l’enseignement  des  bonnes 
méthodes  agricoles.  Mais  toutes  les  misères  ne  pouvant 
être  secourues  par  le  travail ,  les  généreux  bienfaiteurs 
résolurent  de  créer  près  d’eux  une  maison  hospitalière 
pour  les  vieillards  et  les  infirmes  indigents.  Ce  projet, 
soumis  à  l’éventualité  d’un  héritage  qu’ils  étaient  en  droit 
d’attendre ,  ne  put  avoir  un  commencement  d’exécution 
qu’en  1833.  Mais  déjà ,  en  1830 ,  la  mort  avait  brisé  les 
liens  qui  unissaient  ces  deux  cœurs  si  bien  faits  l’un  pour 
l’autije.  Madame  de  Cosson  était  allée  recevoir  la  récom¬ 
pense  réservée  aux  miséricordieux.  Cette  femme  d’élite, 
qui  nous  rappelle  la  femme  torte  de  l’Ecriture,  remplie  de 
compassion  et  de  charité  pour  les  pauvres,  eût  voulu  venir 
en  aide  à  tout  ce  qui  souffrait  ;  mais  les  soins  que  récla- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  315 

mait  sa  nombreuse  famille  ne  lui  permettaient  pas  de 
s’occuper  des  pauvres  comme  elle  le  désirait  ;  aussi  appe¬ 
lait-elle  de  tous  ses  vœux  le  jour  où  pourrait  avoir  lieu  la 
fondation  projetée  et  tant  désirée.  Cette  fondation,  elle  ne 
la  vit  que  du  haut  du  ciel  ;  elle  s’était  hâtée  de  combler 
sa  mesure  de  mérites ,  et  Dieu  s’était  hâté  de  l’appeler  à 
lui. 

En  1832,  M.  François-Joseph  de  Gosson-de-La-Sudrie, 
ancien  colonel  des  armées  du  Roi  Louis  XYI,  laissait  en 
mourant  toute  sa  fortune  à  son  neveu  Jean-Julien  de 
Cosson,  qu’il  avait  adopté  après  avoir  perdu  lui-méme 
tous  ses  enfants  ,  et  lui  recommandait  de  s’occuper,  à  son 
intention  ,  des  pauvres  de  Bourrou ,  que  ses  malheurs  lui 
avaient  fait  un  peu  oublier.  En  effet ,  peu  de  temps  après 
son  retour  de  l’émigration  ,  frappé  dans  ses  plus  chères 
affections  par  la  mort  de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  il 
avait  abandonné  La  Sudrie,  berceau  de  sa  famille,  et  s’était 
retiré  à  Périgueux  ,  croyant  y  trouver  dans  la  société  de 
quelques  amis  un  soulagement  ou  du  moins  une  distrac¬ 
tion  à  sa  douleur.  Mais,  à  son  lit  de  mort,  après  s’être 
préparé  avec  toute  la  ferveur  d’une  âme  profondément 
chrétienne  à  paraître  devant  son  Dieu,  il  voulut  laisser  un 
dernier  souvenir  aux  pauvres  de  sa  paroisse.  Il  ne  pouvait 
mieux  faire  que  de  confier  leurs  intérêts  à  M.  Julien  de 
Gosson,  son  neveu  et  son  héritier ,  qui  l’entourait  avec  un 
dévouement  tout  filial  des  soins  les  plus  tendres. 

Pour  répondre  au  désir  si  louable  de  son  oncle,  qu’il 
savait  avoir  été  aussi  le  désir  de  sa  bien-aimée  et  charita¬ 
ble  compagne,  la  première  pensée  de  M.  Julien  de  Gosson 
fut  de  faire  en  faveur  des  pauvres  la  fondation  depuis 
longtemps  projetée.  C’était  d’ailleurs  le  seul  moyen  de  leur 
assurer  des  secours  à  perpétuité.  Il  s’empressa  donc  d’ac¬ 
quérir  ,  pour  la  somme  de  3,000  francs ,  un  vaste  enclos, 


316 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


attenant  à  l’église  de  Bourrou,  et  y  fit  bâtir  une  maison  et 
les  dépendances  nécessaires ,  pouvant  recevoir  commodé¬ 
ment  trois  religieuses  et  quelques  pauvres. 

Le  but  que  se  proposait  le  charitable  fondateur  était  que 
les  trois  ou  quatre  religieuses,  constituées  en  Miséricorde , 
pussent  porter  des  soins  et  des  secours  à  domicile  aux 
pauvres  malades,  en  recueillir  quelques-uns  dans  leur 
maison,  et  donner  en  même  temps  l’instruction  chrétienne 
aux  jeunes  filles  de  la  paroisse.  La  fondation  était  faite 
pour  les  paroisses  de  Bourrou,  de  Grun  et  de  Villamblard. 

La  maison  construite,  il  fallut  se  pourvoir  du  personnel 
religieux  qui  devait  la  gouverner.  Les  différentes  commu¬ 
nautés  auxquelles  M.  Julien  de  Cosson  s’adressa ,  ne 
purent  accepter  cette  fondation  ,  trouvant  les  ressources 
offertes  peu  en  rapport  avec  les  charges  imposées.  Il  fallut 
s’arrêter  devant  cette  difficulté  et  ajourner,  non  saps  un 
vif  regret  et  de  la  part  du  fondateur  et  de  la  part  des  pau¬ 
vres,  l’œuvre  tant  désirée  de  tous.  En  attendant,  l’immeu¬ 
ble  servit  de  presbytère  à  la  paroisse  qui  en  était  privée. 
Et  il  en  fut  ainsi  pendant  dix  années. 

Après  ces  dix  années ,  bien  longues  au  cœur  de  M.  de 
Gosson,  la  Providence ,  dont  les  desseins  sont  toujours 
adorables  ,  apporta  au  pieux  fondateur  les  ressources 
nécessaires  au  complément  de  son  œuvre ,  mais  en  lui 
imposant  le  plus  douloureux  des  sacrifices.  Parce  qu’il 
était  agréable  à  Dieu ,  il  était  nécessaire  que  la  tentation 
l’éprouvât. 

M.  de  Cosson  avait  eu  de  son  mariage  avec  Elisabeth- 
Louise  de  Leybardie  huit  enfants,  dontil  n’avait  pu  en  con¬ 
server  que  trois ,  deux  filles  et  un  fils.  Dieu  lui  demanda 
le  sacrifice  de  ce  fils.  Le  cœur  du  père  en  fut  brisé ,  mais 
le  cœur  du  chrétien  se  trouva  Soumis  et  résigné  à  la 
volonté  de  Dieu.  Il  pleura ,  mais  comme  pleure  celui  qui 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  317 

a  l’espérance.  Dieu  lui  avait  donné  ce  fils ,  il  savait  que 
Dieu  le  lui  rendrait. 

M.  Joseph-Léonce  de  Gosson  mourut  sous  les  yeux  de 
son  père,  entre  les  larmes  et  les  prières  de  ses  deux  dignes 
sœurs,  le  13  juin  1846.  Il  n’était  âgé  que  de  26  ans.  En 
mourant,  il  emportait  au  ciel,  pour  sa  couronne  éternelle, 
l’héritage  de  vertu  qu’il  avait  recueilli  de  son  père  et  de 
sa  mère  et  qu’avaient  augmenté  et  embelli  les  pieux 
exemples  de  ses  deux  sœurs  ;  de  sa  fortune  personnelle, 
héritage  maternel,  il  en  laissait  la  majeure  partie  pour 
compléter  l’œuvre  de  la  fondation  en  faveur  des  pauvres. 
Ayant  compris  que  Dieu  ne  lui  avait  pas  préparé  sur  la 
terre  de  demeure  permanente,  de  bonne  heure  il  avait 
écrit  ses  dispositions,  mais  il  les  avait  tenues  secrètes  ;  le 
curé  de  la  paroisse,  M.  l’abbé  Dumonteil,  de  pieuse  mé¬ 
moire,  en  avait  eu  seul  la  confidence.  Après  la  mort  du 
digne  fils  d’un  tel  père  et  d’une  telle  mère,  on  sut  qu’il 
laissait  pour  l’œuvre  de  l’hôpital  une  rente  de  2,000  fr., 
constituée  au  capital  de  60,000  fr. 

Il  n’y  avait  plus  à  hésiter,  le  moment  était  favorable- 
M.  de  Gosson,  accablé  de  douleur,  mais  heureux  des 
intentions  de  son  fils,  fit  appel  à  tout  son  courage  pour 
les  remplir.  Dieu  lui  tendit  la  main. 

Le  28  mars  1850,  il  fit  en  l’étude  de  Me  Gaillard,  notaire 
à  Périgueux,  un  acte  public  de  fondation  en  faveur  de 
la  Congrégation  des  sœurs  de  Saint-Vincent-de-Paul. 
Nous  en  reproduisons  les  principales  clauses  : 

«  A  comparu  M.  Jean-Juiien  de  Cosson,  propriétaire, 
domicilié  à  La  Sudrie,  commune  de  Bourrou,  canton 
»  de  Vergt,  arrondissement  de  Périgueux  (Dordogne). 

»  Lequel,  voulant  fonder  à  perpétuité  un  établissement 
»  de  bienfaisance  pour  ladite  commune  de  Bourrou,  a 


318 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  déclaré,  pour  atteindre,  ce  but,  faire  par  ses  présentes 
»  donation  entre  vifs  et  irrévocable, 

»  En  faveur  de  la  Congrégation  des  Pilles  de  la  Charité 
»  de  Saint-Vincent-de-Paul,  maison  chef-lieu  à  Paris,  rue 
»  du  Bac,  n«  140,  des  objets  suivants,  savoir  :  » 

A  la  suite  vient  :  1°  l’énumération  de  tous  les  immeu¬ 
bles  que  M.  de  Cosson  avait  fait  bâtir,  avec  leurs  dépen¬ 
dances,  pour  la  fondation  projetée,  —  la  maison  étant 
pourvue  du  mobilier  nécessaire  soit  pour  les  religieuses, 
soit  pour  les  pauvres,  soit  enfin  pour  les  classes  ;  — 
2°  l’énumération  de  diverses  rentes  sur  particuliers  ou  sur 
l’État,  formant  ensemble  un  revenu  annuel  de  1,793  fr. 

A  ce  chiffre,  M.  de  Cosson  ajoutait  la  somme  «  de 
»  quatre  mille  cent  quarante  francs,  payable  un  an  plus 
»  tard,  à  Périgueux,  en  l’étude  du  notaire,  pour  être  im- 
»  médiatement  convertie  en  rente  sur  l’Etat  au  profit  de 
»  ladite  maison  de  charité  de  Bourrou.  » 

«  A  la  garantie  du  paiement  de  cette  somme  «  le  dona- 
»  teur  soumettait  à  l’hypothèque  spéciale  sa  métairie  de 
»  Mérigalt,  commune  et  canton  de  Villamblard,  arrondis- 
»  sement  de  Bergerac,  consistant  en  bâtiments  divers, 
»  terres  labourables,  prés,  bois,  vignes ,  bruyères  et 
«  friches.  » 

On  voit  par  cette  dernière  clause  que  M.  de  Cosson 
tenait  à  ce  qu’on  ne  pût  pas  se  méprendre  sur  ses  inten-. 
tions,  et  qu’il  voulait  avant  tout  asseoir  sur  des  bases  soli¬ 
des  sa  fondation  hospitalière. 

La  présente  donation  était  faite,  en  outre,  sous  les  con¬ 
ditions  suivantes  : 

«  1“  Les  frais  du  présent  acte  et  ceux  d’acceptation  de 
»  ladite  donation  seront  acquittés  en  entier  par  le  fonda¬ 
teur  qui  s’y  est  engagé. 

»  2°  Les  immeubles  donnés  seront  convertis  à  perpétuité 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  319 

»  en  une  maison  de  Miséricorde,  dirigée  par  les  filles  de 
»  la  Charité  de  Saint-Vincent-de-Paul,  pour  le  soulage- 
»  ment  des  pauvres  et  des  malades,  spécialement  de  la  ' 
»  commune  de  Bourrou. 

»  3°  Les  rentes  et  le  capital,  donné  pour  être  converti  en 
»  rente  sur  l’État,  serviront  perpétuellement  à  l’existence 
»  de  ladite  maison  de  charité  de  Bourrou  sans  pouvoir  en 
»  être  détournés  sous  pas  un  prétexte  ni  motif. 

»  4o  Ladite  Congrégation  devra  constamment  entretenir, 

»  dans  ladite  maison  de  charité  de  Bourrou,  trois  filles  de 
»  son  ordre  pour  y  exercer  les  fonctions  de  leur  institution.. 

»  5°  La  destination  de  ladite  maison  et  des  revenus  qui 
»  y  sont  et  seront  affectés  ne  pourra  jamais  être  changée. 

5°  Tous  les  ans  et  à  perpétuité,  le  treize  juin,  ladite 
»  Congrégation  reste  expressément  chargée  de  faire  célé— 

»  brer,  dans  l’église  de  Bourrou,  un  service  pour  le  repos 
»  de  l’âme  de  M.  Joseph-Léonce  de  Cosson,  fils  du  dona- 
»  teur.  » 

Au  mois  de  juin  suivant,  cette  donation  avec  ses  clauses 
et  conditions  fut  acceptée  par  la  Congrégation,  dûment 
autorisée  par  l’autorité  compétente,  et,  le  22  juillet  de  la 
même  année  1850,  Monseigneur  George,  d’apostolique  et 
sainte  mémoire,  voulut  bien,  donnant  à  la  cérémonie  la 
plus  grande  solennité,  installer  lui-même  les  nouvelles 
servantes  des  pauvres,  qui  furent  :  sœur  Saint-Vincent 
Merle,  avec  le  titre  de  supérieure,  supérieure  aujourd’hui 
de  la  Miséricorde,  à  Sarlat  ;  sœur  Marie  Chicaneau,  supé¬ 
rieure  aujourd’hui  de  la  maison  d’Arras,  et  sœur  Joseph 
Rouchy,  décédée  en  Chine,  victime  de  son  zèle. 

Voilà  la. fondation  de  l’hospice  de  Bourrou  ;  on  ne  sau¬ 
rait  désirer  ^une  origine  plus  chrétienne.  Dès  le  principe 
et  jusqu’au  jour  où  des  ressources  suffisantes  furent  mises 
à  leur  disposition,  les  sœurs  ne  furent  employées  qu’à  une 


320 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


école  gratuite  en  faveur  des  pauvres  petites  filles  de  Bour- 
rou  et  de  quelques  paroisses  environnantes,  et  à  la  visite 
des  pauvres  malades,  auxquels  elles  apportaient  les 
aumônes  et  les  médicaments  qu’une  ingénieuse  industrie 
savait  leur  procurer. 

Le  charitable  fondateur,  M.  Julien  de  Cosson,  eut  la 
consolation  de  jouir  de  son  œuvre  pendant  les  douze  der¬ 
nières  années  de  sa  vie  et  d’apprécier  la  valeur  des  fruits 
qu’elle  portait.  Dieu  l’appela  à  recevoir  sa  récompense,  le 
11  mars  1861.  Par  son  testament  olographe,  il  laissait,  en 
faveur  de  son  œuvre  de  prédilection  et  pqur  la  compléter, 
une  somme  de  20,000  francs,  qui,  avec  les  dons  de  sa 
digne  fille,  Mlle  Edmonde  de  Cosson,  a  permis  de  donner 
à  l’établissement  toute  son  extension  et  d’atteindre  enfin 
le  but  primitivement  proposé.  Nous  lisons  dans  ce  testa¬ 
ment  : 

«  Je  donne  ces  vingt  mille  francs  à  l’établissement  afin 
»  qu'il  puisse  recevoir  quelques  malades,  ce  qui  nécessi- 
»  tera  une  augmentation  de  logement.  Mme  la  supérieure, 
»  qui  a  déjà  apporté  tant  d’améliorations  sans  cesser  de 
»  multiplier,  pendant  deux  années  de  disette,  les  secours 
»  de  toute  espèce,  dans  la  commune  de  Bourrou  et  celles 
»  qui  l’entourent,  Mme  la  supérieure,  dis-je,  saura  mieux 
»  que  personne  ce  qu’il  conviendra  de  faire. 

»  Je  désire  que  deux  lits  soient  destinés  aux  malades, 

»  infirmes  ou  orphelins  de  la  commune  de  Villamblard, 

»  deux  pour  celle  de  Bourrou  et  un  pour  Grun.  Le  choix 
»  sera  laissé  à  MM.  les  curés  de  ces  différentes  communes 
»  et  à  Mme  la  supérieure.  Mais  les  malades  ou  infirmes  ne 
»  pourront  être  reçus  que  s’ils  habitent  depuis  sept  ans 
»  l’une  de  ces  communes.  Toutefois,  les  sœurs  ne  rece- 
»  vront  personne  avant  que  tous  les  frais  de  contrôle 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  321 

»  soient  entièrement  payés,  l’établissement  disposé  et  meu- 
»  blé  à  cet  effet. 

»  Les  épileptiques  ne  pourront  être  reçus  non  plus  que 
»  les  scrofuleux,  ces  malades  nécessitant  des  soins  parti- 
»  culiers  qui  ne  peuvent  être  donnés  que  dans  de  grands 
»  hôpitaux. 

»  Je  charge,  en  outre,  mon  héritier  de  payer  chaque 
»  année  une  rente  obituaire  et  perpétuelle  de  soixante 
»  francs,  que  j’établis  en  faveur  du  prêtre  qui  desservira 
»  la  paroisse  de  Bourrou,  afin  qu’il  dise  annuellement  cin- 
»  quante  messes  pour  le  repos  de  mon  âme,  de  celles  des 
»  bons  parents  et  bienfaiteurs  qui  m’ont  précédé,  de  mes 
»  enfants,  petits-enfants  et  de  mon  gendre. 

»  Pour  sûreté  de  paiement  de  cette  rente,  j’hypothèque 
»  spécialement  mon  pré  de  réserve  appelé  Lafonbourna, 
»  situé  au  nord,  immédiatement  au-dessous  de  la  pièce 
»  d’eau  de  ce  nom... 

»  Cette  rente  représente  un  capital  de  douze  cents 
»  francs.  »> 

Telles  furent  les  dernières  dispositions  du  généreux 
fondateur  de  l’hospice  de  Bourrou:  Immédiatement  après 
son  décès,  on  mit  la  main  à  l’œuvre,  et  néanmoins  (rien 
ne  nous  explique  ce  retard),  ce  ne  fut  que  treize  ans  plus 
tard,  en  1874,  que  le  local,  approprié  et  agrandi,  permit 
de  recevoir  des  malades  dont  le  nombre  s’est  presque  tou¬ 
jours  élevé  à  huit. 

Il  suit  de  l’acte  de  fondation  que  les  religieuses  sont 
propriétaires  du  local  et  de  ses  dépendances  ;  elles  ne 
sont  soumises  à  aucune  commission  administrative,  et 
n’ont  à  rendre  compte  qu’à  leur  conscience  et  à  Dieu. 
Seulement,  pour  l’admission  des  pauvres  à  l’hospice, 
elles  doivent  consulter  le  curé  de  la  paroisse.  L’établisse¬ 
ment'  est  à  la  fois  hospice,  ouvroir,  salle  d’asile,  école 
21 


322  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

gratuite  et  pensionnat.  Ses  revenus  ordinaires  sont  de 
2,871  fr.,  dont  500  francs  doivent  être  donnés  aux  pau¬ 
vres  à  domicile.  Les  saintes  Filles  de  la  Charité,  au  nom¬ 
bre  de  quatre,  le  dirigent  à  la  grande  satisfaction  de  tous. 
Les  ressources  se  multiplient  dans  leurs  mains  ;  on  se 
demande  et  l’on  s’explique  dilflcilement  comment,  avec 
peu,  elles  peuvent  donner  beaucoup.  C’est  le  secret  de 
Dieu,  dont  elles  sont  la  Providence  auprès  des  malheu¬ 
reux. 


Hôpital  de  Nontron 


Nous  devons  à  M.  Ribault  de  Laugardière  une  partie 
des  documents  qui  vont  nous  permettre  de  dire  les  ori¬ 
gines  et  les  développements  de  cet  hôpital.  Nous  les  pre¬ 
nons  dans  ses  intéressantes  Notes  historiques  sur  le  Non- 
tronnais. 

Ces  Notes  nous  citent  d’abord  un  rapport  du  29  décem¬ 
bre  1771,  fait  par  M.  Michel  de  Mazerat,  juge  sénéchal  de 
Nontron  et  président  de  l’administration  de  l’hôpital.  Nous 
y  lisons  :  «  L’hôpital  de  Nontron  remonte  à  une  époque 
»  trop  ancienne  pour  laisser  découvrir  l’origine  et  la  forme 
»  certaine  de  son  établissement.  Il  n’y  a  dans  ses  archives 
»  aucun  titre  qui  puisse  en  faire  juger.  Les  actes  les  plus 
»  anciens  qu’on  y  découvre  apprennent  qu’autrefois  c’était 
»  une  aumônerie  dont  un  prêtre  était  seul  titulaire  et  ad- 
»  ministrateur.  Il  recevait  des  pauvres  malades  dans  sa 
»  maison  appelée  Hôtel-Dieu .» 

D’après  M.  de  Laugardière,  cette  aumônerie,  origine  de 
l’hôpital  de  Nontron,  «  aurait  été  fondée,  du  ix°  au  x°  siè¬ 
cle,  par  «  l’abbé  du  monastère  de  Charroux  dont  dépen- 
»  dait  la  châtellenie  de  Nontron  avec  son  couvent  de  Bé- 


324 


'  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  nédictins,  fondé  en  805  par  le  comte  Roger,  neveu  de 
»  Charlemagne,  détruit  par  les  Normands  en  846  et  réédi- 
»  fié  en  1051 .  »  Elle  dut  être  une  annexe  de  ce  couvent, 
comme  cela  se  voyait  dans  tous  les  monastères.  Quoi 
qu’il  en  soit,  notre  but  est  déjà  atteint  ;  il  nous  est  permis 
,de  saluer  encore  ici  une  origine  due  à  la  charité  chrétienne 
et  monastique. 

«  Cette  aumônerie,  dit  encore  M.  de  Laugardière,-  et  sa 
»  chapelle  dédiée  à  saint  Sébastien,  furent  construites  au- 
»  dessus  du  Moustier  de  Saint-Sauveur,  sur  le  côté  nord, 
»  de  la  place  de  la  Cahue,  servant  alors  de  cimetière.  Une 
»  halle,  sous  laquelle  se  tenaient  les  foires  et  marchés,  y 
»  fut  annexée  et  existait  encore  en  1822,  époque  où  elle 
»  disparut  avec  l’aumônerie  pour  servir  d’emplacement  à 
»  la  construction  de  l’hôtel-de-ville.» 

I/aumônerie,  ou  Hôtel-Dieu,  ii’avait  à  son  origine  qu’un 
revenu  fort  modique  ;  «  il  consistait  dans  les  rentes  de 
»  deux  tènements,  l’un  appelé  de  Lapeyre  et  du  Formigier, 

»  en  la  paroisse  de  Saint-Martin-le-Peint,  et  l’autre,  de 
»  l’aumônerie,  près  la  ville  de  Nontron.  »  Ce  revenu  était 
augmenté  des  droits  que  l’aumônerie  percevait  sur  la  halle 
dont  nous  avons  parlé.  Nous  lisons  dans  les  Notes  histo¬ 
riques  :  «  Yoici  ce  que  nous  avons  trouvé  à  ce  sujet  dans 
»  les  pièces  de  l’hôtel- de-ville  :  «  D’après  une  note  dressée 
»  en  1724,  ladite  aumônerie  possédait  divers  titres  de  ren- 
»  tes,  divers  terrains  et  une  halle  au  blé.  Ledit  hôpital, est- 
»  il  dit  dans  cette  note,  jouit  de  temps  immémorial  d’un 
»  droit  de  minage  et  palonnage  du  mesurage  des  blés  qui 
»  se  portent  sous  la  halle  de  Nontron,  et  d'un  droit  d’un 
»  sol  de  chaque  l’un  des  marchands  qui  étalent  leurs  mar- 
»  chandises  sous  la  halle,  à  la  charge  dudit  hospice  d’en- 
»  tretenir  la  halle.  »  Ces  droits  étaient  affermés  pour  le 
prix  annuel  de  50  livres. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  325 

A  ce  revenu  venait  encore  s’ajouter  «  ce  qu’on  a  cou- 
»  tume  de  percevoir  des  personnes  qui  font  sonner  la  clo- 
»  che  (sans  doute  aux  baptêmes,  mariages  et  enterre- 
»  ments),  la  quête  et  l’offrande  qu’on  tait  le  Jeudi-Saint.  » 

«  On  trouve,  en  effet,  ajoute  M.  de  Laugardière,  on 
»  trouve  ce  droit  de  péage  constaté  dans  l’acte  de  conces- 
»  sion  qu’en  fit  la  vicomtesse  de  Limoges  en  faveur  d’Elie 
»  de  Monhiac,  en  1342,  et  dans  un  procès-verbal  fait  par 
»  le  juge  de  Nontron,  le  11  août  1729. 

»  L’aumônerie  possédait  encore  certains  terrains  et 
»  quelques  rentes  dont  la  plus  ancienne  fut  consentie  par 
»  Elie  Yassand,  aumônier,  à  Guillaume  de  Monfayo,  par 
»  contrat  fait  à  Nontron,  et  daté  du  jour  des  Saints-Inno- 
»  cents,  1456.  » . 

Parmi  les  autres  aumôniers  ou  directeurs  de  cette  au¬ 
mônerie  ou  Hôtel-Dieu,  M.  de  Laugardière  a  retrouvé  et 
conservé  «  les  noms  de  MM.  Louis  de  Puyzillou,  en  1533, 
»  doyen  en  même  temps  de  Limoges  ;  Dauphin  Maillard, 
»  en  1561  ;  Lazare  Agard,  prêtre,  en  1654.» 

Ces  aumôniers  furent,  vers  la  fin  du  xvu°  siècle,  rem¬ 
placés  par  des  sœurs  de  charité  de  l’ordre  de  Sainte- Mar¬ 
the,  détachées  sans  doute  de  l’hôpital  général  de  Péri- 
gueux.  Ainsi,  la  sœur  Souquet  est  mentionnée  dans  un 
acte  de  1713,  et,  dans  un  autre  acte  de  1776,  sœur  Marcil- 
laud  de  Bussac  est  qualifiée  de  supérieure  ;  ces  religieuses 
de  Ste-Marthe  dirigeaient  encore  en  1793  l’hôpital  de 
Nontron.  Nous  verrons  comment  elles  en  furent  chassées 
par  les  révolutionnaires  de  cette  époque. 

Cependant  les  bâtiments  de  l’aumônerie  étaient  loin  de 
suffire  aux  besoins  d’une  population  qui  augmentait  de 
jour  en  jour.  Le  25  avril  1773,  Mgr  Duplessis  d’Argentré, 
évêque  de  Limoges,  autorisa  la  translation  de  l’hospice 
sur  l’emplacement  d,e  la  chapelle  de  St-Roch,  établie  dans 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES. 


le  cimetière  St-Mathurin,  près  de  la  chapelle  Notre-Dame- 
des-Clercs,  à  l’est  et  hors  des  murs  de  la  ville.  En  vertu 
de  cette  autorisation,  homologuée  par  arrêt  du  Parlement 
de  Bordeaux  du  22  mai  1773,  M.  Jean-Baptiste-Michel  de 
Mazerat,  juge  sénéchal  deNontron  et  président  de  l’admi¬ 
nistration  de  l’hospice,  fit  construire  les  bâtiments  actuels. 
Commencés  en  1774,  ils  furent  achevés  en  1782.  Les  pau¬ 
vres,  avec  tout  le  matériel  de  l’aumônerie,  y  furent  trans¬ 
portés  et  leur  bien-être  en  fut  considérablement  amélioré. 
Que  devinrent  alors  les  bâtiments  de  l’aumônerie,  de  cet 
Hôtel-Dieu  primitif  ?  Nous  l’ignorons.  Quant  à  la  chapelle 
St-Sébastien,  qui  y  était  annexée,  elle  avait  été  interdite 
dès  le  8  mars  1775  par  Mgr  Duplessis  d’Argentré,  avec 
permission  de  l’employer  aux  usages  profanes  :  «  Vu  son 
»  très-mauvais  état  et  que,  depuis  nombre  d’années,  on 
»  avait  cessé  d’y  célébrer  le  service  divin.» 

Fondée  du  ixe  au  x®  siècle  ,  ainsi  que  nous  l’avons  dit, 
par  la  charité  chrétienne  et  monastique ,  l’aumônerie  de 
Nontron  ne  cessa  point  d’être  l’objet  des  sollicitudes  de 
la  charité  chrétienne  qui ,  à  toutes  les  époques,  apporta  à 
ses  développements  le  concours  de  dons  généreux.  Les 
noms  de  quelques  bienfaiteurs  nous  ont  été  conservés  ;  il 
nous  est  agréable  de  les  rappeler  à  la  reconnaissance  des 
pauvres  de  Nontron. 

«  1»  En  1252  et  le  jour  de  la  lune  après  l’exaltation  de  la 
»  Sainte-Croix ,  Guillaume  de  Magnac ,  chevalier  de  Non- 
»  tron ,  légua  à  l’aumônerie  de  cette  ville  un  lit  complet 
»  et  douze  deniers  de  rente. 

»  2°  En  1333  et  le  cinq  des  kalendes  de  mai,  Adhémard 
»  Seguin ,  seigneur  de  Saint-Pardoux-Larivière ,  légua  à 
»  chaque  pauvre  un  pain  d’un  denier ,  ou  un  denier  en 
»  argent. 

»  3°  Le  26  mai  1505 ,  Dauphin  Pastoureau  légua  à 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  327 

»  l 'obmônie  de  Nontron  et  à  la  réparation  d’icelle  dix 
»  livres  tournois. 

»  4°  Par  acte  de  1630  et  1654,  messire  Thibaud  de 
»  Labrousse ,  seigneur  d’Atis  donna  à  l’bospice  la  somme 
»  de  trois  mille  livres. 

»  5°  En  1664,  demoiselle  Suzanne  d’Eyquen,  épouse  de 
»  noble  François  Maulmont,  légua  soixante  livres  à  em- 
»  •ployer  en  achat  de  meubles. 

»  6°  En  1670,  Léonard  de  Labrousse,  sieur  de  Lanouaille, 
»  légua  centimes. 

»  7°  En  1678 ,  Jeanne  de  Labrousse ,  femme  de  Joseph 
»  de  Mazerat,  légua  dix  livres. 

»  8°  En  1734,  Jean  Duport,  sieur  de  Ladoue ,  légua  cin- 
»  quante  livres. 

»  9°  En  1753,  Jeanne  Eyriaud,  veuve  Touvenelle ,  légua 
»  cinquante  livres. 

»  10o  En  1776-1781,  M°  Etienne  Maistre ,  légua  la  moitié 
)>  à  provenir  delà  vente  de  sa  maison  et  dépendances  pour 
»  être  employée  à  la  continuation  et  perfection  des  bâtï- 
»  ments  de  l’hospice. 

»  11°  En  1786,  Mlle  de  La  Ramière,  légua  mille  livres.  » 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit,  lorsque  la  grande  révolution 
éclata  sur  la  France ,  les  sœurs  de  Sainte-Marthe  avaient 
encore  la  direction  de  l’hôpital  de  Nontron  ;  elles  en  furent 
chassées  par  les  révolutionnaires ,  et  obligées  de  se  réfu¬ 
gier  dans  leurs  familles.  Et  le  soin  des  pauvres  fut  confié 
à  des  laïques,  d’abord  à  une  demoiselle  Souquet  et  ensuite 
à  Mlle  Forien.  Enfin,  à  la  mort  de  cette  dernière  ,  l’admi¬ 
nistration  de  l’hospice,  par  une  délibération  du  25  décem¬ 
bre  1825,  appela  à  sa  direction  les  sœurs  de  la  charité  de 
Nevers.  Elle  autorisa  M.  le  maire ,  alors  M.  Moreau  de 
Montcheuil ,  à  en  faire  la  demande  par  la  lettre  suivante 


328  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

adressée  à  Mme  la  supérieure  générale  de  cette  congréga¬ 
tion  : 

«  Madame  ,  la  commission  administrative  de  l’hospice 
»  de  Nj^tron,  connaissant  depuis  longtemps  les  avantages 
»  que  présente  pour  les  pauvres  votre  institution,  particu- 
»  lièrement  depuis  qu’elle  est  sous  votre  direction ,  me 
»  charge  de  vous  demander,  Madame,  s’il  vous  serait  pos- 
»  sible  de  nous  envoyer  trois  religieuses  ,  à  qui  l’on  con- 
»  fierait  la  direction  de  l’hospice  de  cette  ville,  lequel  dans 
»  ce  moment-ci  ne  peut  disposer  que  d’un  revenu  de 
»  2,700  francs,  mais  qui  pourra  par  la  suite  monter  à  3,000 
»  francs.  Et  il  faudrait  qu’avec  cela  ces  dames  pussent 
»  pourvoir ,  non-seulement  à  leur  propre  entretien  ,  mais 
»  encore  à  celui  de  huit  à  dix  pauvres  ,  et  généralement  à 
»  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  l’hospice  ;  car,  je  dois  vous 
»  prévenir  que  la  commune  se  trouvant  extrêmement  obé- 
»  rée,  ne  pourra  pas  de  longtemps  venir  au  secours  de  cet 
»  établissement.  C’est  pourquoi  ma  demande,  avec  d’aussi 
»  modiques  revenus,  pourra  vous  paraître  indiscrète,  mais 
»  elle  trouve  son  excuse  dans  les  motifs  et  dans  la  con- 
»  fiance  que  nous  avons  que  vos  dames,  par  leur  charité 
»  et  leur  zèle,  savent  suppléer  à  l’insuffisance  des  moyens 
»  en  se  faisant  aider  par  les  personnes  pieuses  et  charita- 
»  blés.  »  Suivent  les  signatures  de  M.  le  maire  et  des 
membres  delà  commission  administrative  :  MM.  Gouvrat, 
Desvergnes,  Lapouge,  notaire  ;  Monfange,  docteur  méde¬ 
cin  ;  Boyer,  Laroche,  Excousseau. 

Cette  lettre,  qui  témoigne  des  avantages,  même  au  point 
de  vue  purement  matériel,  qu’il  y  a  pour  les  établisse¬ 
ments  hospitaliers  d’être  dirigés  par  des  religieuses  vouées 
à  Dieu  et  aux  pauvres,  il  nous  est  agréable  de  la  mettre 
sous  les  yeux  des  membres  de  la  commission  actuelle  de 
l’hospice  de  Nontron.  Si  la  fantaisie  les  prenait  de  vou- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  329 

loir  laïciser  le  personnel  dirigeant,  on  pourrait  leur  dire  : 
«  Consultez  vos  anciens,  ils  vous  instruiront.  » 

La  supérieure  générale  fit  droit  à  la  demande  de  M.  [le 
maire  et  promit  d’envoyer  trois  religieuses  de  son  Institut. 
Il  y  eut  un  traité  passé  entre  Mgr  Millaux,  êvêque  de  Nevers; 
soeur  Ursule  Bastit,  supérieure  générale  ;  M.  l’abbé  Groult, 
vicaire-général,  d’une  part,  et  Mgr  de  Lostangês,  évêque 
de  Périgueux,  M.  le  préfet  de  la  Dordogne,  les  membres 
de  la  commission  de  l’hospice,  d’autre  part.  Ce  traité  por¬ 
tait  que  s’il  venait  à  se  former  un  jour  à  l’hospice  un  pen¬ 
sionnat  et  des  classes  payantes,  le  boni  serait  pour  l’éta¬ 
blissement.  Les  trois  religieuses  furent  installées  le  16  du 
mois  d’août  1827.  Elles  ouvrirent  immédiatement  une 
classe  gratuite  pour  les  jeunes  filles  pauvres,  et,  un  an 
après,  en  1828,  voulant  augmenter  les  revenus  de  l’hos¬ 
pice,  du  consentement  de  la  commission  administrative, 
elles  établirent  un  externat  payant  dans  une  partie  du 
local  qui  n’était  pas  nécessaire  à  l’hospice  et  qui,  au 
moyen  de  quelques  réparations,  permit  d’isoler  autant  que 
possible  les  élèves  du  contact  des  pauvres  et  des  malades. 
Mais  la  création  de  ces  deux  écoles  nécessita  la  présence 
d’une  quatrième  sœur.  La  commission  administrative  en 
fit  la  demande  par  sa  délibération  du  26  octobre  1829. 
Elle  fut  facilement  accordée,  et  bientôt  on  put  apprécier 
l’efficacité  de  cette  mesure.  Deux  sœurs  étant  spéciale¬ 
ment  employées  à  la  direction  des  deux  classes,  les  élèves 
reçurent  des  soins  plus  assidus,  une  instruction  plus 
complète,  et  leur  nombre,  progressivement  augmenté, 
permit  de  recevoir  à  l’hospice  quelques  malades  de  plus. 
Grâce  au  produit  de  cette  école,  à  la  sage  administration 
des  religieuses  et  à  la  confiance  qu’elles  inspiraient,  les 
revenus  de  l’hospice,  depuis  qu’elles  en  avaient  pris  la 
direction,  s’étaient  élevés  de  2,700  à  3,262  francs.  Cet  état 


330  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

prospère  est  constaté  dans  un  rapport  du  mois  d’août  1831, 
adressé  par  la  commission  administrative  à  M.  le  préfet 
de  la  Dordogne.  Et  c’est  à  ce  moment,  le  croirait-on  ?  que 
les  sœurs  durent  quitter  l’hospice,  dont  l’administration 
fut  confiée  de  nouveau  à  des  laïques.  M.  le  préfet  vit  de 
graves  inconvénients  à  l’existence  d’une  école  de  filles 
dans  les  bâtiments  de  l’hospice.  Il  les  signala  par  une  lettre 
du  3  août  1831  à  la  commission  administrative,  et  celle-ci 
trop  pressée  d’obtempérer  aux  désirs  de  M.  le  préfet,  con¬ 
sentit  à  la  suppression  des  deux  écoles.  Dès  lors,  deux 
sœurs  suffisaient  pour  la  direction  de  l’hospice  et  le  soin 
des  pauvres  malades.  Mais  la  règle  des  Sœurs  de  Nevers 
porte  qu’elles  ne  pourront  être  moins  de  trois  dans  un 
établissement  ;  la  commission  espéra  obtenir  une  excep¬ 
tion  de  faveur.  Elle  la  demanda,  mais  ne  l’obtint  pas  ;  et 
les  quatre  sœurs  furent  rappelées  à  la  maison-mère. 

La  commission  administrative,  se  jugeant  elle-même, 
terminait  ainsi  le  rapport  dont  nous  avons  parlé  :  «  La 
»  commission  ne  terminera  pas  ce  rapport  sans  dire  que 
»  les  sœurs  de  Nevers  ont  de  beaucoup  amélioré  la  direc- 
»  tion  et  la  tenue  de  l’hôpital.  Elle  doit  en  même  temps 
»  ajouter  que  les  enfants  dont  l’instruction  leur  a  été 
»  confiée  ont  toujours  reçu  d’elles  les  soins  les  plus  atten- 
»  tifs  et  les  plus  éclairés.  » 

Le  laïcisme  introduit  de  nouveau  dans  l’hôpital  de  Non- 
tron  n’y  apporta  pas  un  surcroît  de  revenus  ni  l’amélio¬ 
ration  de  l’état  des  pauvres  et  des  malades.  On  ne  tarda 
pas  à  s’apercevoir  que,  pour  les  œuvres  de  miséricorde  et 
de  dévouement,  on  ne  remplace  pas  la  sœur  de  charité. 
On  se  repentit  d’avoir  laissé  partir  les  sœurs  de  Nevers,  et 
l'on  se  promit  de  les  rappeler. 

Déjà,  par  une  lettre  du  23  janvier  1834,  répondant  à  une 
délibération  de  la  commission  du  19  du  même  mois, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  331 

M.  le  préfet,  non  plus  celui  qui  avait  «  trouvé  de  graves 
»  inconvénients  à  ce  qu’une  école  de  filles  fût  installée 
»  dans  une  dépendance  de  l’hôpital,  »  disait  à  M.  le  sous- 
préfet  de  Nontron  «  que  la  commission  administrative  ne 
»  saurait  mieux  faire  que  de  rappeler  les  trois  religieuses 
»  de  Nevers,  auxquelles  on  laisserait  la  faculté  de  tenir 
»  école.  » 

Encouragée  par  ce  conseil  de  M.  le  préfet,  la  commis¬ 
sion,  réunie  en  séance  le  6  février  suivant,  «  décidait  à 
»  l’unanimité  que  M.  le  préfet  serait  prié  de  faire  les 
»  démarches  nécessaires,  tant  auprès  de  Mgr  l’évèque 
»  de  Périgueux  qu’auprès  de  la  supérieure  générale  de  la 
»  congrégation  de  Nevers,  pour  obtenir  trois  religieuses 
»  destinées  à  administrer  intérieurement  l’hospice  de 
»  cette  ville.  Elle  émet  également  le  vœu  que  toutes 
»  démarches  soient  faites  pour  obtenir  les  trois  religieuses 
»  que  l’établissement  a  eu  le  bonheur  de  posséder,  et 
»  notamment  Mme  la  supérieure  Ussel,  à  laquelle  l’admi- 
»  nistration  se  plaît  à  accorder  le  plus  éclatant  témoi- 
»  gnage  de  son  estime  et  de  sa  reconnaissance.  » 

Les  trois  sœurs  furent  promises,  et  l’on  envoya  comme 
supérieure  sœur  Mélanie  Garthellier.  Un  nouveau  traité, 
peu  différent  du  premier,  fut  passé  avec  la  congrégation 
et  signé  par  sœur  Emilienne  Pelras,  supérieure  générale, 
sœur  Elisabeth  de  Montjournal,  secrétaire,  et  sœur  Marie 
Charmasson,  maîtresse  des  novices,  d’une  part,  et  d’autre 
part  par  Mgr  de  Lostanges,  M.  le  préfet  de  la  Dordogne 
et  les  membres  de  la  commission  administrative. 

Réinstallées,  les  sœurs  de  Nevers  ne  quittèrent  plus 
l’hôpital  de  Nontron. 

En  1834,  les  membres  de  la  commission,  considérant 
que  les  revenus  fort  restreints  de  l’hospice  ne  permet¬ 
taient  pas  de  donner  aux  pauvres  tous  les  secours  dési- 


332 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


râbles,  crurent  trouver  des  ressources  dans  l'adjonction  à 
l’hospice  d’un  pensionnat  et  d’un  externat,  et  demandè¬ 
rent  l’envoi  de  religieuses  aptes  à  diriger  l’œuvre  qu’ils  se 
proposaient.  Ils  ne  furent  pas  déçus  dans  leurs  espé¬ 
rances;  le  pensionnat  et  l’externat  augmentèrent  les 
revenus  de  l’hospice. 

Plus  tard,  de  1855  à  1879,  des  acquisitions  successives 
ont  permis  d’annexer  à  l’hôpital  un  vaste  enclos  dans 
lequel,  avec  les  démolitions  de  l’ancienne  église  et  des 
maisons  dont  l’emplacement  était  nécessaire  pour  asseoir 
l’édifice  religieux,  on  a  construit  un  vaste  local,  unique¬ 
ment  destiné  aux  élèves  du  pensionnat  et  de  l’externat. 
Il  est  complet  ;  l’air  y  est  pur,  de  vastes  jardins  le  sépa¬ 
rent  du  bâtiment  occupé  par  les  pauvres,  et  en  font,  dans 
ce  site,  une  des  belles  et  florissantes  maisons  de  la  con¬ 
grégation.  A  part  les  revenus  de  l’hospice,  bien  améliorés 
sans  doute  depuis  quelques  années  par  des  donations,  on 
a  maintenant  les  produits  du  pensionnat  et  de  l’externat. 
L’état  prospère  de  l’hôpital  dépend  de  la  prospérité  de  cet 
établissement,  qui  ne  lui  apporte  pas  moins  de  11,000  fr. 
Grâce  à  cet  appoint  annuel,  les  revenus  des  pauvres  s’élè¬ 
vent  à  14,000  fr.  Et  tout  cela  est  l’œuvre  des  religieuses 
de  Nevers  ;  les  pauvres  et  tous  les  habitants  de  Nontron 
doivent  avoir  appris  à  les  bénir. 

Il  nous  reste  à  dire  un  mot  des  bienfaiteurs  de  cet 
hôpital.  La  liste  en  est  longue',  elle  ne  le  sera  jamais  trop. 
Elle  se  divise  en  deux  périodes.  La  première  commence 
en  1252  et  se  poursuit  jusqu’en  1808,  et  la  seconde  part  de 
cette  dernière  date  et  arrive  jusqu’à  nos  jours. 

Nous  avons  donné  les  noms  de  la  première  période 
jusqu’en  1781.  La  seconde  forme  un  tableau  d’honneur 
commencé  par  les  sœurs  de  Nevers  en  1826,  et  que  l’on 
voit  dans  une  des  salles  de  l’hôpital.  Nous  avons  plusieurs 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  333 

fois  exprimé  le  désir  de  voir  un  semblable  tableau 
dans  tous  nos  établissements  hospitaliers.  Sa  vue 
rappelle  la  reconnaissance  au  pauvre  et,  au  riche,  la  bien¬ 
faisance.  Et  c’est  pour  inspirer  ces  deux  mômes  senti¬ 
ments  au  pauvre  et  au  riche  qui  liront  ces  pages  que  nous 
publions  ici  le  tableau  d’honneur  de  l’hôpital  de  Nontron  : 

«  La  famille  de  Montcheuil  est  signalée  comme  une  des 
»  premières  bienfaitrices  de  l’hospice  sans  autres  détails. 

»  En  1808,  Pierre  Tamagnon  donna  5,000  fr.  —  En  1828, 
»  sœur  Constance-Peyrignac,  50  fr.  —  En  1830,  Jean  Fau- 
»  connet,  250  fr.  —  En  1830,  Groihier  Desbrousses,  Julien, 
»  avocatet  ancien  représentant  du  peuple,  le  prix  de  l’étude 
»  d’avoué  de  son  oncle.  —  En  1831,  Derivailles,  3,000  fr. 
»  —En  1831,  Lapeyronnie,  ancien  curé  de  St-Estèphe, 
»  1,000  fr.  —  En  1834,  Thamagnon  de  Jumillières  (1) 
»  donna  une  vaste  métairie  qui  fut  vendue  et  les  fonds  en 
»  provenant  placés  sur  l’Etat.  —  En  1850,  Lapouge,  ex- 
»  notaire,  2,400  fr.  —  En  1850,  Dussolier  ,  député, 
»  300  fr.  —  En  1850,  Groihier,  ex-receveur  des  finances, 
»  500fr.  —  En  1851,  Maurice,  ancien  préfet  de  la  Dor- 
»  dogne,  500  fr.  —  En  1852,  Richard,  pharmacien... 
»  —  En  1852 ,  du  Reclus ,  propriétaire  à  Mareuil , 
»  1,000  fr.  —  En  1852,  Faveyrat  (Madeleine),  500  fr. 
»  —  En  1852,  Janet  Lasfond,  avocat,  2,000  fr.  —  En 
»  1852,  Mme  Groihier  (Joseph),  2,500  fr.  —  En  1852, 
»  Mme  Groihier,  mère,  500  fr.  —  En  1852,  Mme  Groihier, 
»  née  Laboureau,  300  fr.  —  En  1852,  de  Saint-Martial, 
»  500  fr.  —  En  1860,  de  Lanoue,  1,500  fr.  —  En  1865, 
»  Mme  veuve  Boyer,  300  fr.  —  En  1865,  Mme  veuve 

(1)  Ce  nom  ne  figure  pas  sur  ce  tableau,  sans  doute  par  suite  d’un  oubli. 
Nous  croyons  de  voir  l’y  placer,  l’ayant  trouvé  dans  les  notes  que  l'hôpital 
nous  a  fournies. 


334  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

»  Lapouge,  500  fr.  —  En  1867,  Mme  Achard,  300  fr.  —  En 
n  1868,  Mme  veuve  Lapeyronnie,  6,000  fr.  —  En  1868, 
»  Mme  veuve  de  Liberthie  Gervais,  2,000  fr.  —  En  1870, 
»  Yergnon  Agard,  100  fr.  —  En  1871,  Mlle  Esther  Des- 
»  vergne,  500  fr.  —  De  1874  à  1878,  Mme  veuve  Foureau  de 
»  Bussac  donna  chaque  année  500  fr.  —  En  1878,  Dusso- 
»  lier  (Thomas),  ancien  député,  400  fr.  —  En  1878,  Javer- 
»  zac,  président  du  tribunal  civil,  500  fr.  —  En  1879, 
»  Mme  Foureau  de  Bussac,  500  fr.  —  En  1879,  Mme  Fou- 
»  reau  de  Bussac,  30,000  fr.  » 

Tel  est  le  tableau,  vrai  tableau  d'honneur,  de  l’hôpital 
de  Nontron.  D’autres  noms  viendront  s’y  placer,  car,  de 
même  qu’il  y  aura  toujours  des  pauvres,  il  y  aura  tou¬ 
jours  des  bienfaiteurs.  C’est  dans  l’ordre  de  la  Provi¬ 
dence. 

Ajoutons,  en  finissant,  que  l’hôpital  de  Nontron  dessert 
les  cantons  de  Nontron,  Bussière-Badil,  Saint-Pardoux- 
Larivière  et  Champagnac-de-Bélair. 

Ajoutons  encore  que  M.  Lavergne,  le  digne  archiprêtre 
de  Nontron,  si  dévoué  à  tous  les  intérêts  de  ses  paroissiens, 
ne  fait  point  partie  de  la  commission  administrative.  Il  a 
été  également  exclu  de  la  commission  du  Bureau  de  Bien¬ 
faisance. 


XXXIII 


Hôpital  de  Terrasson. 

I.  —  L’existence  d’un  hôpital  à  Terrasson  remonte  au 
vi6  siècle.  Nous  en  trouvons  l’origine  dans  le  Xenodochium, 
que  le  roi  Gontran,  en  reconnaissance  [d’une  guérison 
obtenue  par  les  prières  de  saint  Sour,  annexa  au  monas¬ 
tère  qu’il  fit  bâtir  pour  son  bienfaiteur  et  ses  disciples. 
C’était  l’annexion  obligée  de  tout  monastère,  dans  laquelle 
on  recevait  les  pauvres  et  les  voyageurs. 

Les  rois  ,  lorsqu’ils  reconnaissent  un  bienfait ,  ne  peu¬ 
vent  le  faire  qu’en  rois  :  avec  grandeur  et  magnificence. 
.L’asile  des  moines  et  celui  des  pauvres  furent  bâtis  aux 
frais  de  Gontran ,  et  ce  prince  leur  créa  des  revenus 
immenses ,  et  les  pourvut  de  tout  ce  qui  était  nécessaire 
au  bien-être  et  à  l’accroissement  des  disciples  de  son 
libérateur. 

Nous  avons  donné  les  détails  de  ces  deux  fondations 
dans  La  vie  de  saint  Sour,  ermite  et  ior  abbé  de  Terras¬ 
son  ;  nous  n’avons  pas  à  y  revenir. 

Saint  Sour  en  organisant ,  sous  le  rocher  qui  porte 
encore  son  nom,  la  société  de  ses  disciples ,  n’avait  pu,  à 
son  grand  regret,  ajouter  à  leurs  cellules  l’asile  du  pauvre 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


et  du  voyageur  ;  aussi,  en  acceptant  avec  une  extrême  joie 
les  riches  offrandes  du  roi  Gontran,  voulut-il  que  le 
Xenodochium  fût  bâti  avant  le  monastère.  Gontran  con¬ 
sentit  aux  désirs  du  charitable  cénobite ,  en  se  réservant, 
toutefois  ,  de  donner  à  ce  premier  édifice  des  proportions 
telles,  qu’il  pût  être  en  même  temps  l’asile  du  pauvre  et 
du  voyageur,  et  la  demeure  provisoire  des  religieux.  Il 
exigea  aussi  que  le  Saint  en  prît  lui-même  la  direction. 

Telle  fut  l’origine  aussi  illustre  que  vénérable  de  l’hôpi¬ 
tal  deTerrasson.  Saint  Sour,  nous  ne  pouvons  en  douter, 
avait  bâti  son  Xenodochium.  sur  l’emplacement  même  que 
notre  hôpital  occupait  encore  en  1793 ,  et  que  nous  avons 
vu  formant  le  groupe  de  maisons  placées  à  gauche  de  la 
Chapelle-de-Secours  et  démolies ,  il  n’y  a  que  quelques 
années,  pour  l’établissement  d’une  route  et  la  construction 
de  la  grande  et  belle  maison  qu'on  y  voit  aujourd’hui  (1). 
De  larges  fondations  qu’on  y  a  découvertes  ,  le  voisinage 
de  l’église  Saint-Julien,  bâtie  par  saint  Sour,  et  qui  fut  le 
lieu  de  sa  sépulture,  et  le  nom  de  Cœnobium  employé  dans 
plusieurs  actes  pour  désigner  cet  hôpital ,  ne  permettent 
aucun  doute  à  ce  sujet.  Les  moines  cessèrent  de  l’occuper 
après  l’achèvement  du  monastère,  mais  leurs  vertus  y 
laissèrent  des  souvenirs  qui  ne  périrent  pas  ,  et  le  local, 
devenu  exclusivement  l’asile  des  pauvres,  conserva  le  nom 
que  lui  avait  donné  la  qualité  de  ses  premiers  hôtes  :  il 
s’appela  indistinctement  hôpital  ou  couvent ,  Hospitium , 
Oœnobium.  La  peinture  y  avait  tracé  le  fait  traditionnel 
de  sa  fondation,  à  la  fois  monastique  et  royale  ;  on  voyait, 
dans  une  des  salles,  saint  Sour  en  habit  de  moine  guéris¬ 
sant  un  malade. 

Ce  même  fait  traditionnel  a  été  ,  en  ce  dernier  temps. 


(1)  La  maison  de  M.  le  docteur  Feytaud. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  337 

heureusement  reproduit  sur  une  des  magnifiques  verrières 
qui  décorent  les  grandioses  fenêtres  de  notre  église 
paroissiale.  Dans  un  premier  tableau  on  voit  saint  Sour 
méditant  dans  sa  grotte  ;  dans  un  deuxième ,  le  roi  Gon- 
tran  est  à  ses  pieds  demandant  et  obtenant  sa  guérison  ; 
et  dans  un  troisième  ,  Goniran  dépose  aux  pieds  du  soli¬ 
taire,  son  bienfaiteur,  les  statues  d’or  qu’il  a  trouvées  et 
qu’il  destine  à  faire  les  frais  de  la  construction  de  l’hôpi¬ 
tal  et  du  monastère  ;  et,  pour  que  rien  ne  manque  à  la 
reproduction  de  ce  fait  traditionnel ,  dans  le  haut  de  ce 
dernier  tableau  deux  colombes  partent  pour  aller  choisir 
l’emplacement  de  la  double  construction. 

II.  —  Ce  Cœnobiam  ou  hospice  fut  jusqu’en  1793,  l’asile 
des  pauvres.  Sans  doute ,  pendant  ces  longs  siècles ,  il 
avait  subi  bien  des  transformations ,  souffert  bien  des 
désastres,  et  déjà  depuis  longtemps  il  avait  été  spolié  d’une 
partie  de  ses  revenus  qui,  dans  le  principe,  étaient  immen¬ 
ses  ;  mais,  du  moins, ‘les  pauvres  possédaient  encore  quel¬ 
ques  débris  de  l’antique  Xenodochium  de  saint  Sour. 
Lorsque  arriva  la  tourmente  révolutionnaire,  l’œuvre  de 
spoliation  fut  consommée  ;  les  pauvres  furent  chassés  du 
local  que  leur  avait  légué  la  munificence  royale,  unie  à  la 
charité  monastique  et  jetés  dans  la  rue.  Peu  de  temps 
après,  ils  furent  recueillis  dans  la  demeure  des  curés  de 
Saint-Julien.  Nous  aurons  lieu  d’en  parler. 

Les  bâtiments  de  Thôpital  et  sa  chapelle  dédiée  à  saint 
Roch  furent  vendus,  pour  la  modique  somme  de  2,430  fr., 
à  Pierre  Larfeuil  et  Martin  Lavaux  ,  de  Terrasson.  Martial 
Chabrelie,  négociant ,  se  rendit  acquéreur ,  moyennant  la 
somme  de  5,500  francs,  d’un  pré  avec  le  rivage  attenant, 
appelé  Labarre  ,  et  Nicolas  Chalard  eut  pour  5Q0  francs 
une  terre  située  au  lieu  de  Barbel.  Ces  objets  qui  sont 
22 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


aujourd’hui  d’une  valeur  considérable  appartenaient  de 
temps  immémorial  aux  pauvres  de  l’hospice  (1). 

Outre  la  perte  de  ces  immeubles,  vendus  au  profit  de  la 
nation ,  en  vertu  de  la  loi  du  19  mars  1793  ,  les  pauvres 
furent  aussi  spoliés ,  en  vertu  de  la  même  loi ,  de  rentes 
constituées  sur  des  biens  particuliers ,  pour  un  capital  de 
21,132  francs,  qui  furent  versés  dans  la  caisse  du  rece¬ 
veur  des  domaines  ,  comme  en  font  foi  les  registres  de 
cette  époque. 

Quelques  immeubles  de  peu  de  valeur  furent  oubliés  et 
échappèrent  au  pillage  révolutionnaire  :  Un  bois  châtai¬ 
gnier,  appelé  Le  Bos-des-Rins ,  une  friche  ,  appelée  à  La 
Chassette ,  une  vieille  vigne,  appelée  à  La  Combe-de-Ma- 
ntere.une  grèze, nommée  à  Malemort,  «  où  sont  trois  ch⬠
taigniers,  »  un  morceau  de  terre,  appelé  au  Montani-des- 
Escures ,  plusieurs  autres  morceaux  de  friche  et  brous¬ 
saille  ,  au  même  lieu.  L’hôpital  possédait  encore  ces 
immeubles  au  31  décembre  1811 ,  comme  le  constate  un 
bail  de  ferme  ,  de  cette  date ,  consenti  par  la  commission 
administrative  en  faveur  de  Jean  Delmas,  du  Mas,  moyen¬ 
nant  la  somme  de  seize  francs  ,  payable  en  deux  pactes 
égaux  :  à  la  saint  Jean  et  à  la  Noël. 

La  Révolution  sembla  vouloir  se  repentir  de  ses  méfaits 
envers  les  pauvres.  Les  lois  des  16  vendémiaire  et  20  ven¬ 
tôse,  an  Y,  en  conservant  les  hospices  civils  dans  la  jouis¬ 
sance  de  leurs  propriétés ,  ordonnèrent  le  remplacement 
de  leurs  biens  vendus  ainsi  que  des  rentes  et  des  rede- 

(I)  Cette  pièee  de  terre,  dite  de  Barbel,  provenait ,  sans  nul  doute,  de 
la  Maladrerie  ou  Léproserie  dont  nous  avons,  en  la  vie  de  saint  Sour, 
page  300  ,  raconté  l’existence  en  ce  lieu.  Lors  de  la  suppression  de  cet 
établissement,  devenu  inutile  par  suite  de  la  disparition  de  la  lèpre,  les 
biens  qui  en  dépendaient  durent  faire  retour  à  l’hôpital,  en  vertu  de  l’édit 
de  mars  1693,  et  delà  déclaration  du  24  août  1693,  de  Louis XIV. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉIUGORD.  339 

vances  de  quelque  nature  qu’elles  fussent ,  dont  ils  jouis¬ 
saient  sur  des  domaines  nationaux  vendus ,  ou  sur  des 
immeubles  appartenant  à  des  particuliers,  qui  s’en  étaient 
libérés  en  versant  le  capital  au  trésor  public.  L’hôpital  de 
Terrasson,  d'après  ce  que  nous  venons  de  dire ,  se  trou¬ 
vait  dans  ce  cas.  La  commission  administrative  en  fut 
avertie  par  une  lettre  de  M.  Rivet ,  préfet  de  la  Dordogne, 
en  date  du  6  ventôse  ,  an  IX,  et  invitée  à  produire  les 
pièces  nécessaires  pour  profiter  du  bénéfice  de  la  loi. 

Les  pièces  demandées  par  M.  le  préfet  furent  produites, 
et,  pour  compenser  l’hôpital  des  immeubles  vendus  à  son 
préjudice,  on  lui  attribua  un  corps  de  bien,  appelé  Lagran- 
gerie,  dans  la  commune  de  Rouffignac  ,  canton  de  Monti- 
gnac.  Un  sieur  de  I.amberterie  en  était  fermier.  Il  y  eut 
des  poursuites  judiciaires  pour  l’obliger  h  payer  le  prix 
de  ferme.  En  1828,  il  devait,  en  y  comprenant  les  frais  de 
poursuite,  2,382  francs.  Il  se  fit  une  transaction  ;  deux 
sœurs  du  fermier ,  Suzanne  et  Marthe  de  Lamberterie, 
offrirent  de  payer  la  moitié  pour  leur  frère  devenu  insol¬ 
vable,  si  l’on  voulait  faire  remise  de  l’autre  moitié.  L’offre 
fut  acceptée ,  comme  le  constate  une  délibération  de  la 
commission  administrative  du  15  janvier  1828.  Plus  tard 
cette  propriété  fut  vendue  et  le  prix  en  fut  placé  en  rente 
sur  l’Etat. 

III.  —  Jusqu’à  ce  moment  nous  n’avons  rien  dit  du 
fonctionnement  de  notre  hôpital  ni  de  son  administration. 
Fondé  au  vie  siècle,  par  saint  Sour  et  le  roi  Gontran,  saint 
Sour  et  ses  disciples  en  furent  les  premiers  administra¬ 
teurs  ;  le  soin  des  pauvres  et  des  malades  qui  y  étaient 
admis  devait  être  confié  à  celui  des  moines  qui  avait  le 
titre  et  remplissait  l’emploi  d’hôtelier.  Par  la  suite  des 
temps,  et  lorsque  les  disciples  de  saint  Sour  se  furent  éta- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


blis  dans  le  monastère  bâti  sur  le  penchant  de  la  colline, 
au  lieu  qui  porte  encore  le  nom  de  MoustiereX  à.' Abbaye, 
et  dont  la  magnifique  église,  nouvellement  restaurée,  sert 
d’église  paroissiale  depuis  1789,  l’hôpital  eut  une  existence 
séparée  mais  toujours  dépendante  du  monastère ,  et  la 
direction  en  fut  confiée  à  de  pieux  laïques  ,  nommés  par 
l’Abbé,  qui  n’avait  pas  renoncé  à  son  droit  de  patron.  Les 
noms  de  ces  administrateurs  ne  nous  ont  pas  été  conser¬ 
vés,  nous  n’avons  même  pas  de  document  qui  nous  parle 
de  rhôpital  de  Terrasson  ,  depuis  sa  fondation  jusqu’au 
xme  siècle.  Il  en  est  fait  mention  dans  un  testament, 
daté  du  mois  de  septembre  1260,  d’Hélène,  veuve  du  che¬ 
valier  Yiguier,  testament  trouvé  en  1771  par  Leydet , 
dans  la  cassette  des  archives  du  château  du  Fraysse.  Il 
est  dit  qu’Hélène  Yiguier  veut  que,  le  jour  de  sa  mort,  il 
soit  distribué  à  chaque  pauvre  de  cet  hôpital  une  ration 
de  pain  et  de  vin. 

Nous  trouvons  dans  ce  même  testament  la  preuve  de 
l’existence,  à  Terrasson,  d’une  maladrerie  ou  hôpital  pour 
les  lépreux.  Hélène  Yiguier  veut  que  le  jour  de  sa  mort, 
il  soit  aussi  donné  aux  lépreux  de  cet  établissement,  à 
chacun  une  ration  de  pain  et  de  vin. 

Depuis  cette  époque  jusqu’à  la  grande  Révolution  ,  nos 
archives  gardent  le  silence  sur  notre  hôpital.  Pendant 
cette  période ,  le  soin  des  pauvres  fut-il  confié  à  de  pieux 
et  charitables  laïques  ouà  des  religieuses?  Nous  l’ignorons. 
Nous  savons  seulement  que  ,  lorsque  éclata  la  tourmente 
révolutionnaire, une  religieuse,  originaire  de  Terrasson,  la 
sœur  Elisabeth  Delbos-Lacoste,  dirigeait  l’hôpital.  Elle  le 
dirigeait  encore  en  1814.  Elle  mourut  à  l’hôpital  le  2  mai  de 
cette  dernière  année,  âgée  de  76  ans.  Elle  avait  une  sœur, 
Anne  Delbos-Lacoste ,  peut-être  son  aide  dans  le  soin  des 
pauvres,  et  qui  mourut  quatre  jours  après  elle,  âgée  de  74 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRICORD.  341 

ans.  Elles  furent  remplacées  dans  la  direction  de  l’hôpital 
par  Mme  Marie-Thérèse  Roux ,  ancienne  religieuse  de 
Notre-Dame  de  Sarlat.  Elle  recevait  pour  tout  traitement 
150  francs  ;  mais  elle  avait  des  revenus  propres  qui  lui 
permettaient  de  suppléer  à  l’in  suffisance  de  ce  traitement 
et  de  pouvoir  encore  faire  des  avances  ,  lorsque  les  reve¬ 
nus  de  l’hôpital  ne  suffisaient  pas  aux  besoins  des  pau¬ 
vres  et  des  malades.  Par  délibération  du  18  février  1818, 
la  commission  administrative  «  reconnaît  qii’il  est  dû  à. 
»  cette  directrice ,  pour  avances  faites  ou  pour  son  traite- 
»  ment  annuel  non  payé, la  somme  de  1,310  francs,  qu’elle 
»  s’engage  à  lui  payer  au  fur  et  à  mesure  des  recouvre- 
»  ments ,  et  aussi  promptement  que  les  circonstances  et 
«les  besoins  journaliers  pourront  le  permettre...  Cette 
»  décision  n’étant  provoquée  que  par.  la  plus  stricte  jus- 
»  tice ,  la  commission  se  plait  à  y  joindre  l’expression  de 
»  sa  vive  reconnaissance  envers  Mme  Roux,  pour  le  noble 
»  désintéressement  qu’elle  a  mis  jusqu’à  ce  jour  ians 
»  l’exercice  des  pieuses  fonctions  dont  elle  est  chargée. 

»  La  commission  regrette  en  même  temps  de  ne  pouvoir 
»  lui  offrir  des  témoignages  plus  sensibles  de  son  estime 
»  et  de  sa  juste  gratitude  pour  son  zèle  et  son  dévoue- 
»  ment  envers  les  pauvres.  » 

Dans  la  séance  du  mois  de  juin  suivant,  la  commission 
administrative,  rappelant  qu’il  est  dû  la  somme  de  1,310 
francs  à  Mme  Roux,  «  rend  encore  hommage  au  généreux 
»  désintéressement  avec  lequel  elle  a  bien  voulu, dans  des 
»  circonstances  difficiles,  suppléer  par  ses  ressources  par- 
»  ticulières  au  déficit  de  celles  de  l’établissement  confié  à 
»  ses  soins.  » 

Mme  Roux  dut,  en  septembre  1821,  renoncer  à  la  direc¬ 
tion  de  l’hôpital,  un  mal  incurable,  qui  devait  la  conduire 
au  tombeau ,  ne  lui  permettant  plus  de  s’occuper  de  cette 


342  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

œuvre.  Elle  mourut  le  7  mars  de  l’année  suivante,  n’étant 
âgée  que  de  46  ans  ,  au  château  de  Fraysse  ,  où  elle  avait 
reçu  une  généreuse  hospitalité.  Sa  retraite  de  l’hôpital 
favorisa  les  pieux  desseins  de  celle  qui  devait  lui  succéder. 

IV.  —  L’orage  révolutionnaire  de  1793,  en  expulsant  de 
leur  couvent  les  religieuses  de  Notre-Dame  de  Sarlat,  avait 
ramené  à  Terrasson,  dans  le  sein  de  sa  famille,  la  sœur 
Marie  de  Limoges,  femme  du  plus  grand  mérite,  aussi 
distinguée  par  ses  vertus  que  par  son  intelligence  et  ses 
aptitudes  à  instruire  la  jeunesse.  A  peine  fut-elle  dans  sa 
famille,  qu’elle  ouvrit  une  école  où  elle  appela  toutes  les 
jeunes  filles  de  la  ville.  Elle  ne  se  contenta  point  de  cette 
école  ;  ne  pouvant,  après  l’orage  révolutionnaire,  rentrer 
dans  son  couvent  de  Sarlat,  elle  essaya  de  le  reproduire  à 
Terrasson.  Elle  eut  bientôt  une  et  deux  novices,  et  la  mai¬ 
son  où  elle  faisait  son  école  prit  le  nom  de  Couvent 
qu’elle  porte  encore  aujourd’hui  (1).  Elle  sollicita  de 
Mgr  l’évêque  d’Angoulême  l’autorisation  de  se  constituer 
en  communauté.  Nous  avons  une  des  lettres  qu’elle  lui 
écrivit  à  ce  sujet.  Nous  la  reproduisons  :  «  Monseigneur, 
»  veuillez  permettre  à  la  vieille  suppliante  d’implorer 
»  encore  Votre  Grandeur,  pour  obtenir  ce  petit  établisse- 
»  ment  religieux,  pour  lequel  les  habitants  de  Terrasson 
»  ont  l’honneur  de  vous  offrir  leurs  vœux.  Nous  en  fai- 
»  sons  au  ciel  depuis  longtemps,  afin  de  voir  sortir  de 
»  vos  mains  cette  maison  si  nécessaire  ici  à  la  vertu. 

»  Accordez-nous,  Monseigneur,  de  la  créer,  de  prononcer 
»  le  nom  qu’elle  doit  porter,  la  manière  de  s’y  sanctifier, 
»  d’y  recevoir  des  sujets,  d’y  perpétuer  l'instruction  chré- 
»  tienne  et  les  soins  des  pauvres  de  l’hospice.  Tout  nous 

(!)  C’est  lu  dernière  maison  à  droite  de  la  rue  de  Sarlat,  longeant  le 
chemin  de  Labarétie,  et  formant  une  dépendance  de  la  maison  Passemard, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  EU  PÉRIGORD.  343 

»  sera  d’autant  plus  sacré,  que  tout  y  sera  votre  ouvrage. 
»  Nous  nous  féliciterons  d’être  nées  de  votre  zèle  ;  vos 
»  bienfaits  seront  àjamais  gravés  dans,  nos  cœurs.  Là,  seul 
»  avec  le  divin  Zélateur  des  âmes,  vous  y  serez  l’objet 
»  éternel  de  nos  actions  de  grâces.  C’est,  Monseigneur,  ce 
»  que  je  me  plais  à  goûter  d’avance,  et  l’esprit  que  je 
»  veux  laisser  à  celles  qui  m’aideront  à  finir  ma  longue 
»  carrière.  Heureuse  !  si  en  la  terminant,  je  puis  présenter 
»  au  Souverain-Juge  cette  œuvre  de  votre  charité  pour 
»  mon  pays’.  J'en  ferai  le  présage  de  son  infinie  miséri- 
»  corde.  Rien  ne  saurait  être  plus  senti  que  notre  juste 
»  reconnaissance  et  le  respect  profond  avec  lequel  j’ai 
»  l’honneur  d’être  de  Votre  Grandeur,  Monseigneur,  la 
»  très  humble  et  très  obéissante  servante.  —  Marie 
»  Limoges,  religieuse  de  Notre-Dame.  » 

L'autorisation  sollicitée  par  cette  lettre  dût  être  accor¬ 
dée,  et  Marie  Limoges,  pour  mieux  atteindre  son  but, 
demanda  à  prendre  la  direction  de  l’hôpital,  afin  d’établir 
dans  la  maison  des  pauvres  son  école  et  sa  communauté 
naissante.  En  septembre  1821,  elle  adressa  à  la  commis¬ 
sion  administrative  une  requête  ainsi  motivée  : 

«  Je,  soussignée,  ayant  fait  à  la  commission  adminis- 
»  trative  de  l’hospice  et  à  l’administration  de  cette  ville  la 
»  demande  de  me  concéder  à  perpétuité  les  bâtiments 
»  occupés  par  l’hospice  de  cette  commune,  et  de  m’en 
»  accorder  la  jouissance  tout  le  temps  que  la  communauté 
»  que  je  veux  fonder  existera. 

»  Je  m’engage  en  considération  de  cette  concession, 

»  1°  De  faire  réparer  à  mes  frais  et  dépens,  sans  aucune 
«répétition,  tous  les  appartements  qui  tombent  déjà  en 
»  ruine,  afin  de  placer  le  plus  convenablement  possible 
»  les  pauvres  malades,  et  en  même  temps  pour  disposer 


344 


ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  les  salles  que  je  destine  à  l’instruction  publique,  et  à 
»  pourvoir  aussi  continuellement  à  leur  entretien  ; 

»  2°  De  faire  soigner  les  pauvres  malades,  sans  que 
»  l’administration  soit  obligée  à  me  donner  aucune  récom- 
»  pense  ni  salaire  pour  tous  les  soins  que  je  leur  prodi- 
»  guerai  ; 

»  3°  D’ouvrir  une  école  gratis  aux  pauvres  indigents 
»  dont  le  nombre  sera  fixé  par  l’administration  ; 

»  4°  Enfin,  et  dans  le  cas  où  l’établissement  projeté 
»  vînt  à  échouer,  soit  parce  qu’il  n’y  aurait  plus  de  sujets 
»  pour  le  maintenir,  soit  parce  que  les  engagements  pris 
»  ne  fussent  pas  remplis,  soit  enfin  parce  que  des  causes 
»  imprévues  l’empêcheraient  de  se  soutenir,  dans  tous 
»  ces  cas,  l’administration  rentrerait  en  possession  de 
»  tous  les  bâtiments  cédés,  de  plein  droit,  sans  aucune 
»  indemnité.  » 

La  maison  que  Mme  Limoges  voulait  réparer  pour  y 
placer  les  pauvres  dépendait  de  l’hôpital  et  n’était  séparée 
des  grands  bâtiments  que  par  une  rue  très  étroite,  appelée 
la  Rue-Basse.  C’est  aujourd’hui  la  maison  Treillard.  Une 
passerelle  en  bois  jetée  sur  la  rue  réunissait  les  deux 
maisons. 

La  commission  administrative  accepta  la  demande  de 
Mme  Limoges,  comme  il  est  constaté  par  la  délibération 
suivante  : 

«  Considérant  combien  il  est  avantageux  pour  les 
»  enfants  de  la  commune  de  faciliter  Mme  Limoges  dans 
»  l’exécution  du  projet  qu’elle  a  d’organiser  et  de  rendre 
»  stable  l’établissement  auquel  elle  s’est  vouée  depuis 
»  longtemps  ; 

»  Considérant  plus  particulièrement  que  les  sacrifices 
»  généreux  que  cette  respectable  Dame  veut  faire  dans 
»  l’intérêt  de  l’hospice  sont  très  avantageux,  puisque, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRTGOBD.  345 

»  en  les  acceptant,  l’administration  n’aura  plus  qu’à  four- 
»  nir  ce  qui  sera  nécessaire  pour  tout  ce  qui  est  relatif  à  la 
»  nourriture  et  au  traitement  des  pauvres  malades,  et  qu’à 
»  l’avenir,  n’ayant  rien  à  payer  pour  la  nourriture  et  le 
»  salaire  de  la  directrice,  l’administration  économisera 
»  des  fonds  qui  seront  employés  au  rétablissement  du 
»  mobilier  qui,  dans  ce  moment,  est  dans  le  plus  grand 
»  délabrement  ; 

»  Considérant,  enfin,  que  le  bien  public  et  particulier  en 
»  résultera  sous  plusieurs  rapports  d’après  les  proposi- 
»  tions  émises  ; 

»  La  Commission  administrative  délibère  ce  qui  suit  : 

»  Art.  1er.  Tous  les  engagements  souscrits  par  Mme  Limo- 
»  ges,  religieuse  de  Notre-Dame  de  Sarlat,  sont  et  demeu- 
»  rent  acceptés  par  la  Commission  administrative  de  l’hos- 
»  pice  ; 

«  Art.  2.  En  faveur  de  ces  engagements,  la  Commission 
»  est  d’avis  de  lui  concéder  à  fperpétuité  ou  pour  tout  le 
»  temps  que  la  communauté  qu’elle  veut  former  durera, 

»  la  jouissance  de  tous  les  bâtiments  de  l’hospice,  en  ce 
»  que  les  pauvres  qui  doivent  y  être  admis,  selon  le  vœu 
»  du  fondateur,  y  seront  placés  le  plus  convenablement 
»  possible.  » 

En  vertu  de  cette  concession,  MmefLimoges  prit  la 
direction  de  l’hôpital  au  mois  de  septembre  1821. 

Placée  dans  ce  nouveau  local,  plus  spacieux,  son  école 
prospéra  pendant  quelques  années  ;  il  n’en  fut  pas  de 
même  de  la  communauté  religieuse,  qu’elle  avait 
voulu  fonder  ;  les  premières  novices  répondirent  mal  à 
ses  intentions  et  au  soin  qu’elle  leur  prodiguait.  Mal 
secondée,  et  l’âge  lui  prescrivant  lé  repos,  elle  dut  renon¬ 
cer  à  ses  pieux  projets.  Elle  abandonna  la  direction  de 
l’hôpital,  qui  fut  confiée  à  deux  laïques  que  Mm°  Limoges 


346 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


avait  avec  elle  en  qualité  de  novices.  La  vénérable  reli¬ 
gieuse  mourut  le  8  juillet  1831,  âgée  de  86  ans,  laissant 
après  elle  des  souvenirs  de  sainteté  qui  vivent  encore. 

Par  délibération  du  10  mars  1833,  sur  un  rapport  des 
médecins  de  Lamaze  et  Buisson,  déclarant  malsaine  et 
pas  assez  spacieuse  la  maison  dans  laquelle  on  avait  relé¬ 
gué  les  pauvres,  pour  faire  place  à  l’école  et  à  la  commu¬ 
nauté  naissante  de  M”“  Limoges,  la  Commission  ordonna 
que  les  pauvres  seraient  réintégrés  dans  leur  ancienne 
maison.  Les  médecins  disaient  que,  depuis  dix  ou  onze 
ans,  ils  sollicitaient  cette  mesure,  et  que  le  respect  dû  à 
Mm°  Limoges  en  avait  seul  retardé  l’exécution. 

Mais  cette  exécution  fut  encore  retardée  par  une  discus¬ 
sion  élevée  entre  la  Commission  administrative  et  l’admi¬ 
nistration  municipale,  au  sujet  de  la  propriété  du  local 
dans  lequel  on  voulait  réintégrer  les  pauvres.  Le  maire, 
alors  M.  Antoine  Limoges,  voulut  revendiquer  ce  local 
comme  propriété  communale  et  y  transférer  la  mairie,  la 
justice  de  paix  et  les  prisons.  L’administration  de  l’hôpital 
fit  valoir  ses  droits  à  l’encontre  des  prétentions  de  M.  le 
maire.  La  délibération  du  7  août  1833  est  un  mémoire 
fort  remarquable  à  tous  les  points  (1)  ;  il  réfute  de  la 
manière  la  plus  logique  et  la  plus  péremptoire  les  motifs 
allégués  par  M.  le  Maire  qui,  en  réclamant  la  propriété  de 
l’immeuble,  voulait  aussi  faire  entrer  dans  la  caisse 
communale  une  somme  de  1,800  fr.,  indemnité  de  la  ces¬ 
sion  à  l’Etat  d’une  parcelle  du  jardin  pour  l’emplacement 
d’une  route  (le  quai).  Nous  regrettons  que  la  longueur  de 
ce  mémoire  ne  nous  permette  pas  de  le  reproduire  ici  ; 
nos  lecteurs  en  seraient  édifiés.  Il  eut  pour  résultat  de 
faire  porter  la  question  en  litige  devant  le  conseil  de  pré- 

(1)  Œuvre  d’un  des  membres  de  la  Commission,  M.  Denoix  jeune, 
notaire. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  347 

fecture  qui  se  déclara  incompétent.  M.  le  maire  se  désista 
de  ses  prétentions  et  Hes  pauvres  furent  enfin  réintégrés 
dans  le  local  qu’ils  occupaient  avant  1822. 

V.  —  Ainsi  que  nous  l’avons  dit,  après  Mme  Limoges,  la 
direction  de  l’tiôpital  et  le  soin  des  pauvres  furent  confiés 
à  deux  jeunes  novices  de  la  vénérable  religieuse.  Inspi¬ 
raient-elles  une  grande  confiance  à  la  Commission  admi¬ 
nistrative  ?  Les  mesures  qui  furent  prises  permettraient 
d’en  douter.  Une  délibération  du  5  mars  1833  réglant  les 
séances  de  la  Commission  à  deux'par  mois,  le  deuxième 
et  le  quatrième  dimanche,  prescrit  que  :  «  chaque  membre, 
»  à  son  tour,  aura  pendant  un  mois  la  surveillance  de 
»  l’hospice  et  de  tout  ce  qui  se  rattache  à  l’intérêt  de  l’éta- 
»  blissement  et  au  bien-être  des  pauvres,  et  devra,  à  la  fin 
»  du  mois,  rendre  compte  à  la  Commission.  »  Dans  la 
même  séance,  il  est  arrêté  «  qu’on  fera  un  inventaire 
»  exact  du  mobilier  de  l’hospice.  »  On  le  voit,  la  confiance 
n’y  était  pas.  Et  cependant  rien  ne  fut  changé  à  cette  di¬ 
rection  laïque  jusqu’en  1840. 

Nous  devons  mentionner  ici  un  fait  bien  mémorable 
pour  Terrasson  et  pour  l’histoire  religieuse  du  diocèse  de 
Périgueux,  et  qui  se  lie  tout  naturellement  à  notre  sujet  : 
La  fondation  à  Terrasson  de  la  Congrégation  des  Filles 
du  Sauveur  et  de  la  Sainte-Vierge.  Nous  avons  raconté 
ailleurs  ses  origines  et  ses  développements  (1).  Nous  n’a¬ 
vons  pas  à  y  revenir. 

(1)  Voip  La  vie  de  la  Mère  Angélique  Lacoste ,  p.  63  et  suivantes.  Voip 
aussi ,  dans  l’église  de  Terrasson,  le  vitrail  reproduisant  les  principaux 
faits  de  ces  origines  :  1°  L’arrivée  à  Terrasson  des  trois  premières  novices, 
conduites  par  la  Mère  Marie-de-Jésus  ;  —  2°  L’approbation  des  statuts  de 
la  nouvelle  Congrégation  par  Mgr  de  Lostange,  évêque  de  Périgueux  j  — 
3°  La  profession,  dans  l’église  de  Terrasson,  des  quatre  premières  religieu¬ 
ses  de  la  Congrégation;  — 4°  Le  Sauveur  et  la  Sainle-Vierge  bénissant 
les  premières  religieuses  de  la  Congrégation  et  leurs  premières  élèves,  et 
leur  disant  :  Croissez  et  multipliez-vous  ! 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Les  trois  premières  novices,  conduites  parla  fondatrice, 
la  Mère  Marie-de-Jésus,  arrivèrent  à  Terrasson  le  15  février 
1834.  Dès  le  jour  suivant,  la  Communauté  fut  organisée  et 
put  commencer  son  œuvre.  Il  y  eut  un  pensionnat  assez 
nombreux  et  deux  classes  externes,  dont  Tune  gratuite 
pour  les  petites  filles  des  pauvres  (1). 

Et  c’est  ainsi  que  commencent  ia  communauté  et  le  pen¬ 
sionnat  de  Terrasson,  aujourd’hui  si  florissants  l’un  et 
l’autre,  la  gloire  et  l’ornement  de  la  petite  ville  (2). 

Nous  sommes  à  l’année  1839  ;  la  communauté  avait  six 
ans  d’existence,  et  l’on  avait  pu  apprécier  chez  elle  tous 
les  éléments  voulus  pdur  la  bonne  direction  de  l’hôpital. 
La  Commission  administrative  en  fit  la  proposition  qui 
fut  acceptée.  11  y  eut,  le  26  décembre  1839,  un  traité  entre 
la  Commission  administrative  et  la  Supérieure  de  la  Com¬ 
munauté,  alors,  comme  aujourd’hui,  la  Mère  Marie  La¬ 
coste.  Il  stipulait  que  deux  religieuses  de  la  communauté 
du  Sauveur  seraient  chargées  du  service  intérieur  de  l’hô¬ 
pital,  à  la  charge  par  la  Commission  administrative  de 
payer,  chaque  année,  pour  la  nourriture  et  le  vestiaire  de 
chaque  sœur,  une  somme  de  215  francs.  Les  autres  clau¬ 
ses  du  traité  sont  conformes  aux  clauses  des  traités  que 
nous  avons  rapportés  dans  les  notices  des  autres  hôpitaux. 
Il  fut  approuvé,  par  le  ministre  de  l’inférieur,  le  il  mai 


(1)  Dès  la  première  année,  une  subvention  annuelle  de  300  francs  fut 
allouée  à  la  supérieure  do  la  Communauté,  par  le  conseil  municipal, 
comme  indemnité  de  la  classe  gratuite.  La  majeure  partie  de  cette  subven¬ 
tion  revenait  tous  les  ans  aux  petites  filles  de  cette  .classe,  en  vêtements  et 
en  fournitures  de  livres  et  de  papiers.  En  ces  dei  nières  années  la  subven¬ 
tion  a  été  supprimée  :  mais  la  Communauté  n’en  continue  pas  moins  son 
œuvre  envers  les  pauvres  ;  80  petites  filles  fréquentent  aujourd’hui  son 
école  gratuite. 

(2)  La  communauté  se  compose  aujourd’hui  de  40  religieuses,  et  le 
nombre  de  ses  élèves,  internes  ou  externes,  dépasse  400. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  349 
1840,  et  les  deux  religieuses  entrèrent  immédiatement  en 
fonction.  Depuis  cette  époque  ,  deux  sœurs  hospitalières, 
détachées  de  la  Communauté  du  Sauveur,  ont  dirigé  notre 
hôpital,  et  les  pauvres  n’ont  point  cessé  de  les  bénir  des 
soins  maternels  qu’elles  leur  ont  toujours  prodigués. 

Nous  arrivons  à  une  grave  question  qui  surgit  au  sujet 
des  bâtiments  de  notre  hôpital  ;  il  fallut  deux  ans  pour  la 
résoudre,  de  1850  à  1852.  Nous  avons  vu  que  ces  bâtiments, 
en  1833,  avaient  excité  les  convoitises  de  l’administration 
municipale.  Elle  avait  voulu  en  faire  l’emplacement  d’un 
vaste  édifice,  où  elle  aurait  eu  à  la  fois  la  caserne  de  gen¬ 
darmerie,  l’hôtel-de-ville  et  les  prisons.  Ces  mêmes  con¬ 
voitises  se  réveillèrent  plus  fortes  ,  plus  exigeantes  que 
jamais  ,  en  l’année  1850.  Toutefois ,  les  édiles  de  la  com¬ 
mune  ne  voulurent  point,  comme  en  1833,  revendiquer  la 
propriété  de  l’immeuble  des  pauvres  ;  ils  se  bornèrent  à 
vouloir  se  l’approprier  au  moyen  d’un  échange.  Une  mai¬ 
son  avec  jardin  attenant,  située  dans  la  Rue-Haute,  était 
en  vente.  On  la  disait  convenable  pour  un  l'hôpital.  L’ad¬ 
ministration  municipale  en  fit  l’acquisition,  sous  la 
réserve  que  l’administration  de  l’hôpital  l’accepterait  en 
échange  de  l’immeuble,  objet  des  convoitises  munici¬ 
pales.  Il  y  eut  vive  discussion,  lutte  ardente  entre  les  deux 
administrations,  et,  au  sein  de  l’administration  de  l’hôpi¬ 
tal,  entre  les  divers  membres  qui  la  composaient.  Nous 
nous  abstenons  de  longs  détails  ;  ceux  qui  voudront  s’édi¬ 
fier  sur  ces  discussions  et  le  déplorable  échange  qui  eut 
lieu,  n’ont  qu’à  lire  les  diverses  délibérations  de  la  Com¬ 
mission  administrative  de  l’hôpital,  de  1850  à  1852. 

L’échange  proposé  était,  à  tous  les  points  de  vue,  une 
mauvaise  opération,  contraire  aux  intérêts  et  au  bien-être 
des  pauvres.  Sans  doute,  les  bâtiments  qui  les  abritaient, 
ancienne  demeure,  comme  nous  l’avons  dit,  des  curés  de 


350 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Saint- Julien,  tombaient  en  ruine  et  il  était  urgent  de  les 
en  retirer  ;  mais  la  maison  proposée  était  aussi  une  ruine, 
une  'vieille. masure,  ne  remplissant  pas  les  conditions 
voulues  pour  un  hôpital. Soumise  à  l’examen  d’un  maître- 
maçon  et  d’un  maître-charpentier  de  la  ville,  puis  à  l’exa¬ 
men  d’un  architecte,  nommé  par  l’autorité  préfectorale, 
il  fut  reconnu  :  «  qu’elle  manquait  de  solidité  dans  la 
»  charpente  et  dans  les  murs,  et  que,  dans  son  ensemble, 
»  elle  ne  pouvait,  même  avec  de  grands  frais,  être  appro- 
»  priée  convenablement  à  un  hôpital.  »  Tels  furent  aussi 
l’appréciation  et  le  jugement  de  M.  le  préfet  de  la  Dor¬ 
dogne  et  de  M.  le  sous-préfet  de  Sarlat. 

Que  devait  faire  alors  la  Commission  administrative? 
Que  devait  faire  l’administration  municipale,  elle-même  ? 
Renoncer  à  une  opération  déclarée  nuisible  au  bien-être 
des  pauvres,  et  s’entendre  l’une  et  l’autre  pour  construire 
un  hôpital,  sur  un  plan  donné,  qui  pût  recevoir  les  pauvres 
de  la  commune  et  ceux  du  canton.  La  proposition  en  était 
faite  et  la  possibilité  en  était  démontrée.  Mais  l’adminis¬ 
tration  municipale  poursuivit  l’exécution  de  son  projet,  et 
la  Commission  administrative,  subissant  une  influence 
que  nous  nous  abstenons  de  nommer  et  de  qualifier, 
donna  son  adhésion  à  l’échange  proposé.  (Délibération 
du  lorjuin  1851.) 

Quelques  jours  après,  cette  Commission  dut  se  démettre 
par  suite  du  blâme  qui  lui  fut  infligé  par  le  Conseil  muni¬ 
cipal,  de  mal  gérer  les  intérêts  des  pauvres.  Le  19  juillet 
suivant,  une  nouvelle  Commission  était  nommée  par 
arrêté  de  M.  le  préfet,  et  installée  le  27  du  même  mois, 
ayant  pour  ordonnateur  M.  Nicolas  Dubois,  que  nous 
avons  vu  à  l’œuvre,  homme  de  bien  dont  on  n’a  pas  ou¬ 
blié  le  dévouement  à  tous  les  intérêts  des  pauvres. 

Le  premier  acte  de  cette  nouvelle  administration,  char 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  351 
gée  de  faire  mieux  que  la  précédente,  fut  de  protester 
contre  l’échange  qu’elle  ne  pouvait  que  blâmer,  et  «  d’en 
»  renvoyer  la  responsabilité  à  ceux  qui,  pouvant  et  devant 
»  l’empêcher,  ne  l’avaient  point  fait.  »  Le  contrat  qui 
consacrait  cette  lourde  faute  administrative  fut  passé  le 
25  mars  1852. 

Pour  faire  accepter  cette  opération,  peu  populaire,  on 
avait  mis  en  avant  et  prôné  bien  haut  le  besoin  de  cons¬ 
truire  une  caserne  de  gendarmerie,  une  mairie  et  une  jus¬ 
tice  de  paix,  le  décret  approbatif  de  M.  le  ministre  en  fai¬ 
sait  même  mention  ;  mais,  l’échange  conclu,  ces  beaux 
projets  furent  abandonnés.  De  l’emplacement  de  l’hôpital 
démoli  et  de  son  jardin,  on  fit  simplement  une  place 
publique  qui  prit  le  nom  significatif  de  :  Place  de  l’Hôpi¬ 
tal ,  auquel  il  y  a  peu  de  temps,  comme  pour  effacer  le 
souvenir  d’une  mauvaise  opération,  on  a  substitué  le  nom 
de  :  Place  de  la  Mairie. 

VI.  —  Les  pauvres  n’étaient  pas  encore  installés  dans 
leur  nouvelle  demeure,  qu’on  avait  eu  à  constater  son 
insuffisance  et  l’urgente  nécessité  de  construire  un  local 
convenable.  Le  sous-préfet  de  Sarlat,  le  même  qui  avait 
affirmé  devant  le  Conseil  municipal  et  la  Commission 
administrative,  réunis  sous  sa  présidence,  qu’il  ne  don¬ 
nerait  jamais  son  approbation  à  l’échange  projeté,  mais 
qui  n’avait  point  persévéré  dans  ses  bonnes  dispositions, 
ayant  demandé  par  lettre  officielle  si,  «  conformément  à 
»  l’article  3  de  la  loi  du  7  août  1851,  sur  les  hospices  et 
»  hôpitaux ,  l’hôpital  de  Terrasson  pouvait  être  désigné 
»  pour  recevoir  les  malades  et  les  infirmes  indigents  des 
«communes,  privées  d’établissements  hospitaliers»,  il 
lui  fut  répondu  : 

«  Après  mûr  examen  de  la  question,  la  Commission 
»  administrative  ne  peut  qu’exprimer  le  regret  de  n’avoir 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  pas  été  secondée  dans  son  projet  de  construction  d’un 
»  hôpital  propre  à  recevoir  convenablement,  non-seule- 
»  ment  les  malades  indigents  de  la  commune  de  Terras- 
»  son,  mais  encore  ceux  des  communes  de  tout  le  canton. 

»  Elle  regrette  que  l’échange  des  bâtiments  de  l’hospice 
»  de  Terrasson  récemment  fait  et  qu’elle  a  été  obligée  de 
»  subir,  n’ait  mis  à  sa  disposition  qu’un  local  malsain  et 
»  insuffisant,  même  pour  recevoir  les  malades  indigents 
»  de  la  commune. 

»  Elle  émet  le  vœu  de  voir  l’administration  supérieure 
»  prendre  l’initiative  auprès  du  Conseil  municipal  et  de 
»  la  Commission  administrative  de  l’hospice,  pour  la 
»  construction  d’un  hôpital,  afin  que,  dans  un  temps  peu 
»  éloigné,  les  dispositions  si  bienveillantes  de  l’article  3 
»  de  la  loi  précitée  puissent  recevoir  leur  effet  dans  toute 
»  l’étendue  du  canton.  »  (Séance  du  22  juillet  1852.) 

Le  20  septembre  de  la  même  année,  les  pauvres  prirent 
possession  de  leur  nouvelle  demeure,  qu’ils  occupent 
encore  aujourd’hui.  Ce  qui  fait  trente  années  de  malaise 
pour  les  pauvres,  et,  pour  la  population,  trente  années 
à  craindre  que  ces  vieux  bâtiments  délabrés  n’englou¬ 
tissent  sous  leurs  décombres  tout  le  personnel  de  l’hô¬ 
pital.  Pendant  cette  période,  la  construction  d’un  local 
convenable,  devenue  de  plus  en  plus  urgente,  a  été 
souvent  mise  à  l’ordre  du  jour  des  délibérations  du 
Conseil  municipal  et  de  la  Commission  administrative,  et 
toujours  adopté  en  principe,  mais  l’exécution  se  fait 
encore  attendre.  Cependant  cette  construction,  de  néces¬ 
saire  qu’elle  a  toujours  été,  est  devenue  obligatoire  par 
les  dons  considérables  qui  ont  été  faits  pendant  ces  dix 
dernières  années.  Mais  on  n’a  jamais  pu  s’accorder  sur  le 
choix  de  l’emplacement.  On  s’est  bientôt  accordé,  lorsqu’il 
a  fallu  en  trouver  un  pour  la  construction  d’une  école 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  353 

communale.  L’emplacement  choisi  eût  été  très  convenable 
pour  un  hôpital  ;  mais  ne  faut -il  pas  qu’une  école  com¬ 
munale  prime  tout  1 

VII.  —Nous  terminerons  cette  Notice,  que  nous  aurions 
voulu  faire  plus  courte,  en  donnant  la  liste  des  bienfai¬ 
teurs  de  notre  hôpital.  Les  noms  qui  nous  ont  été  con¬ 
servés  sont  pris  de  tous  les  degrés  de  l'échelle  sociale. 
Les  riches  et  les  moins  fortunés  y  trouveront  un  encou¬ 
ragement  à  se  constituer  les  bienfaiteurs  des  pauvres. 

Au  vie  siècle,  le  roi  Gontran,  fondateur  de  l’hôpital.  — 
Il  le  dota  de  revenus  considérables. 

En  septembre  1260,  Hélène,  veuve  du  chevalier  Viguier. 
—  Elle  ordonne  par  son  testament  que,  le  jour  de  sa 
mort,  il  soit  donné  à  chaque  pauvre  de  l’hôpital  une  ration 
de  pain  et,  de  vin. 

Mlle  Elisabeth  Jayle.  —  Par  son  testament  mystique  du 
14  janvier  1817,  elle  lègue  à  l’hôpital  50  fr. 

M.  Paul  Labrousse-Dubreuil.  —  Par  contrat  du  28  août 
1818,  il  constitue,  en  faveur  de  l’hôpital,  une  rente  per¬ 
pétuelle  au  capital  de  1,450  fr.,  donnant  un  revenu 
de  4  0/0. 

Mme  Elisabeth  Ghosait,  veuve  de  M.  Larivière.  —  Par 
son  testament  mystique  du  12  décembre  1819,  elle  lègue 
à  l’hôpital  200  fr. 

Mme  Jeanne  Lalande,  veuve  Ghabrelie.  —  Par  son  tes 
tament  du  20  janvier  1826,  elle  donne  à  l’hôpital  100  fr. 

M.  Beauregard,  ancien  notaire.  —  Par  son  testament 
du  lor  août  1834,  il  constitue,  en  faveur  de  l'hôpital  de 
Terrasson,  une  rente  annuelle  et  perpétuelle  de  10  fr. 

Mme  Elisabeth  Grémoux,  veuve  Limoges.  —  Par  son 
testament  du  23  décembre  1834,  elle  fait  à  l’hôpital  un 
legs  de  100  fr. 


23 


354 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Mlle  Anne  Tréliard  de  Lachapelle.  —  Elle  donne,  par 
son  testament  olographe  du  13  mai  1835 ,  aux  pauvres  de 
l’hôpital  100  fr. 

M.  Elie-Paul  Labrousse-Dubreuil,  prêtre,  ancien  curé  de 
Saint-Geniès.  —  Il  donna,  par  son  testament  du  2  novem¬ 
bre  1835,  à  l’hôpital  de  Terrasson  1,200  fr. 

Mme  Mayaudon,  épouse  de  M.  Pierre  Beune.  —  Par  son 
testament  du  7  septembre  1835,  elle  donne  à  l’hôpital 
200  fr. 

M.  Guillaume  Beauregard-Labonnelie  (1).  —  Par  son 
testament  du  10  janvier  1836,  il  lègue  à  l’hôpital  600  fr. 

M.  Bois.set-Chapelle-Mimeau,  de  Saint-Cernin,  canton 
de  Lubersac  (Corrèze).  —  Par  son  testament  du  17  avril 
1859,  il  lègue  à  l’hôpital  de  Terrasson  600  fr. 

M.  Pierre  Beuhe.  —  Par  son  testament  du  22  août  1849, 
il  lègue  à  l’hôpital  1°  une  rente  annuelle  et  perpétuelle 
de  32  fr.,  exempte  de  toute  retenue,  au  capital  de  800  fr.; 
2°  une  somme  de  150  fr.,  une  fois  payée. 

Mme  Geneviève-Eugénie  Lanoix,  épouse  de  M.  Guil¬ 
laume  Verneuil-Damarzid. —  Par  son  testament  olographe 
du  20  avril  1850,  elle  donne  à  l’hôpital  la  somme  de 
500  fr. 

M.  Jean-Jacques,  comte  de  Saint-Exupéry.  —  Par  son 
testament  du  20  juin  1850,  il  cède  à  l’hôpital  de  Terrasson 
une  rente  annuelle  et  perpétuelle  de  80  fr.,  au  capital  de 
2,000  fr. 

M.  Etienne  Frangne  ,  ancien  huissier  à  Ayen  (Corrèze). 
—  Par  son  testament  du  17  juin  1851 ,  il  lègue  à  l’hôpital 
de  Terrasson  une  rente  annuelle  de  50  fr. 

(I)  Il  mourut  &  Périgueux,  le  10  avril  1840,  étant  maire  de  Terrasson. 
Il  prit  énergiquement  l’initiative  et  usa  de  toute  son  autorité  pour  que  la 
direction  de  l’hôpital  et  le  soin  des  pauvres  fussent  confiés  aux  religieuses 
de  la  communauté  du  Sauveur. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  355 

M.  Marchand-Déchamps.  —  Il  fait,  le  15  août  1852,  à 
l’hôpital  un  don  manuel  de  400  fr. 

M.  Jean  Delord.— Il  lègue  à  l’hôpital,  par  son  testament 
verbal  du  15  janvier  1854,  la  somme  de  2,000  fr. 

M.  Martial  Chose,  de  La  Chapelle-Mouret.  —  Par  son 
testament  du  19  novembre  1854,  il  lègue  à  l’hôpital  200  fr. 

M.  François  Mayaudon-Preyssac.  —  Par  son  testament 
du  29  juin  1855,  il  donne  à  l’hôpital  100  fr. 

Mme  veuve  de  Limoges,  née  de  Maleville.—  Elle  donne, 
de  son  vivant ,  le  16  février  1856  ,  aux  pauvres  de  l’hôpital 
1,200  fr. 

M.  Jérôme  Jayle-Roufflac,  ancien  percepteur.  —  Par 
son  testament  mystique  du  26  avril  1856,  il  lègue  à  l’hôpi¬ 
tal  1,500  fr. 

M.  Martin  Jayle-Lacroix,  frère  du  précédent.  —  Par  son 
testament  mystique  du  26  avril  1856,  il  lègue  à  l’hôpital 
1,000  fr. 

M.  Jean-Jacques-Gabriel  de  Bouquier,  de  La  Tallerie.— 
Par  son  testament  du  21  mars  1860,  il  lègue  à  l’hôpital  de 
Terrasson  4,000  fr.,  à  la  charge  d'une  messe  par  an,  à 
perpétuité,  pour  lui-même. 

Mlle  Françoise-Zénobie  Bouquier,  de  Terrasson.  —  Par 
son  testament  olographe  du  20  juillet  1860,-  elle  transmet 
à  l’hôpital  une  rente  annuelle  de  20fr.,au  capital  de 
500  fr. 

Mme  Ducrû,  née  de  Bouquier,  de  Bordeaux.  —  Par  son 
testament  du  27  juillet  1863,  elle  donne  à  l’hôpital  de 
Terrasson  10,000  fr.  pour  que  les  habitants  de  Terrasson 
n’ oublient  pas  le  nom  de  Bouquier. 

M.  Marcelin  Denoix  ,  de  Terrasson ,  consul  à  Palma.  — 
Par  son  testament  olographe  du  14  février  1866,  il  donne 
à  l’hôpital  3,000  fr. 

M.  le  docteur  Jean-Louis  Arnal ,  de  Terrasson,  médecin 


356 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


à  Paris.  —  Par  son  testament  du  23  juillet  1871,  il  lègue, 
pour  la  construction  d’un  hôpital  à  Terrasson  30,000  fr. 

Mme  Marie-Louise-Elina  Lefebvre,  veuve  de  M.  le  doc¬ 
teur  Jean-Louis  Arnal. — Par  son  testament  du  25  juin  1872, 
elle,  lègue,  pour  aider  à  la  construction  de  l’hôpital, 
20,000  fr.  La  Commission  administrative ,  en  acceptant  ce 
'  double  legs,  exprime  le  vœu  que  l’édifice  à  construire 
porte,  à  son  frontispice,  la  dénomination  de  :  Hospice  Ar- 
nal-Lefebvre. 

Antoine  Mallet,  pauvre  de  l’hôpital.— Par  son  testament 
du  9  octobre  1873,  il  donne  à  l’hôpital  tout  ce  qu’il  possé¬ 
dera  à  son  décès  ;  il  possédait  360  fr. 

Mme  Marie  Démoulin,  épouse  de  M.  Emile  Dufour.  — 
Par  son  testament  du  6  décembre  1874,  elle  constitue  en  fa¬ 
veur  de  l’hôpital  un  legs  de  20,000  fr. 

Jeanne  Delord,  indigente  de  l’hôpital.  —  Elle  donne  à 
l’hôpital,  par  acte  du  24  décembre  1876, 250  fr.  et  quatre 
draps  de  lit. 

Marie  Bousquet,  de  Bouillac,  infirme  de  l’hôpital.— Par 
acte  du  4  août  1879,  elle  donne  à  l’hôpital  des  immeubles 
d’une  valeur  de  2,000  fr.  un  lit  et  du  linge. 

Françoise  Jaf,  de  Grèzes.  —  Admise  à  l’hôpital,  elle  lui 
donne  par  acte  du  11  juin  1880  une  maison  et  une  pièce 
de  terre  d’une  valeur  de  sept  à  huit  cents  francs. 

La  Compagnie  générale  d’assurances  sur  la  Vie. — Sur  la 
demande  de  son  directeur,  M.  Philippe  de  Bosredon,  elle 
a  versé  pendant  trois  ans,  300  fr.  chaque  année,  dans  la 
caisse  du  receveur  de  l’hôpital. 

Tels  furent  les  bienfaiteurs  de  nos  pauvres. 

Gette  liste,  quoique  longue,  n’est  certainement  pas  com¬ 
plète.  Comme  on  a  dû  le  remarquer,  il  y  deux  grandes 
lacunes  dans  les  documents  que  nous  avons  pu  recueillir. 
Du  vie  siècle  à  1260,  et  de  cette  dernière  date  à  1793,  nous 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  357 

ne  savons  rien  de  notre  hôpital.  Pendant  ces  deux  pério¬ 
des,  nous  n’en  doutons  pas,  il  ne  fut  pas  oublié  de  la  cha¬ 
rité  chrétienne ,  toujours  féconde  en  bonnes  œuvres. 
N’avons-nous  pas  constaté  qu’il  avait  de  nombreuses  ren¬ 
tes  et  des  immeubles  considérables,  dont  il  fut  spolié  par 
la  Révolution?  D’où  lui  venaient-ils?  Sans  nul  doute  de  la 
charité  chrétienne.  Nous  connaissons  les  bienfaits  ,  nous 
ignorons  les  bienfaiteurs.  Ils  sont  connus  de  Celui  qui  ne 
laisse  pas  sans  récompense  le  verre  d’eau  froide  donné  au 
pauvre  en  son  Nom. 

A  la  liste  que  nous  publions  aujourd’hui  d’autres  noms 
viendront  s’ajouter ,  d’une  année  à  l’autre  ,  alors  surtout 
qu’un  local  convenable  dira  qu’il  y  a  un  hôpital  à  Ter- 
rasson. 

Tel  fut  et  tel  est  notre  hôpital.  Ajoutons  en  finissant  non 
pour  nous  en  plaindre ,  mais  pour  constater  un  résultat 
de  la  loi  du  5  août  1879,  que  le  curé  de  la  paroisse  ne  fait 
plus  partie  de  la  Commission  administrative,  depuis  la 
promulgation  de  cette  loi. 


XXXIV 


Hôpital  de  Montignac  (1). 


Plusieurs  documents  du  xme  siècle  constatent,  dès  cette 
époque,  à  Montignac,  l’existence  d’un  hôpital  dont  les 
constructions  comprenaient  un  bâtiment  hospitalier 
(domus  hospitalis)  et  une  chapelle  (ecclesia).  Ces  cons¬ 
tructions  avaient  été  élevées  sur  un  terrain  que  Renaud  II 
de  Pons  et  sa  femme  Marguerite,  seigneur  et  dame  de 
Montignac,  et,  probablement,  fondateurs  de  l’hôpital, 
donnèrent  à  Dieu,  à  la  bienheureuse  Marie  et  à  la  maison 
hospitalière.  Cette  donation  eut  lieu  vers  1191 ,  avant  le 
départ  de  Renaud  pour  la  première  croisade.  Parmi  les 
témoins  de  l’acte,  nous  voyons  les  noms  de  Pierre  de  Losse, 
Armand  et  Jean  de  Gourdon,  celui-ci  prêtre. 

L’hôpital,  bâti  sur  ce  terrain,  fonctionnait  en  1210.  A 
cette  date,  les  frères  Adémar,  Guy,  Barthélemy  et  Aymeric 

(1)  Les  documents  qui  vont  nous  servir  à  composer  cette  Notice  ,  nous 
les  devons  à  l'obligeance  de  M.  Th.  Sorbier,  qui  a  bien  voulu  mettre  à 
notie  disposition  plusieurs  pièces  de  son  Recueil  de  documents  inédits 
elatifs  à  t hôpital  de  Montignac,  qu’il  se  propose  de  publier. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  359 

La  Tour,  «  donnaient  à  Dieu ,  à  la  bienheureuse  Marie  et 
»  à  l’établissement  de  l’hôpital,  tout  ce  qu’ils  avaient  au 
»  moulin  de  Gromirac.  »  Vers  cette  même  époque,  et  en 
usant  de  la  même  formule,  Jean  et  Pétronille  Seguin  don¬ 
naient  une  vigne,  et  Etienne  Mauran  cent  deniers  au 
même  hôpital  de  Montignac. 

Vers  la  fin  du  xiv“  siècle  ou  le  commencement  du  xv°, 
on  construit  pour  l’hôpital, au  Barry  du  Chef  du  Pont ,  sur 
le  territoire  de  la  paroisse  de  Saint-Georges  de  Brenac, 
une  nouvelle  maison  hospitalière  et  une  nouvelle  cha¬ 
pelle,  qui  viennent,  vraisemblablement ,  occuper  l’empla¬ 
cement  des  édifices  primitifs  ,  ruinés  ou  devenus  insuffi¬ 
sants.  Cette  maison  et  cette  chapelle  témoignent  encore 
de  l’importance  de  l’établissement  à  l’époque  de  leur 
construction. 

L’hôpital  dut  sans  doute  sa  nouvelle  installation  à  la 
famille  qui  possédait  alors  la  châtellenie  de  Montignac, 
en  même  temps  que  le  comté  de  Périgord.  Ces  grands  sei¬ 
gneurs  d’autrefois,  contre  lesquels  on  a  tant  crié,  n’étaient 
pas  toujours  les  ennemis  du  'peuple.  Ils  s’entendaient  à 
soulager  les  misères ,  aussi  bien  que  s’entendent  à  les 
créer  nos  parvenus  d’hier. 

Viennent  les  troubles  religieux  du  xvi0  siècle.  L’hôpital 
de  Montignac  est  pillé  et  ses  titres  lui  sont  enlevés,  vrai¬ 
semblablement  dans  l’émeute  provoquée  dans  cette  ville, 
en  1560,  contre  les  établissements  religieux,  par  le  ministre 
Richard.  L’hôpital,  demeuré  sans  ressources ,  le  service 
hospitalier  est  nécessairement  interrompu.  La  maison  des 
pauvres  ne  sert  plus  qu’à  offrir  un  gîte  momentané  aux 
nécessiteux  sans  abri.  Des  possessions  privées  s’interpo¬ 
sent  entre  elle  et  la  chapelle  et  l’enserrent  de  toutes  parts, 
et  la  chapelle  est  affectée  au  service  paroissial  de  Saint- 


360 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


Georges-de-Brenac ,  en  conservant  son  ancienne  dénomi¬ 
nation  d’église  ou  chapelle  de  Saint-Jean-de-l’Hôpital. 

Cependant,  la  charité  des  fidèles  tend  à  reconstituer 
des  ressources  à  l’hôpital.  Il  est  rare  qu’un  habitant  nota¬ 
ble  de  la  ville  teste  sans  faire  un  legs  au  profit  des  pau¬ 
vres.  Mais  ces  legs  sont  peu  considérables  :  ils  n’avaient 
encore  produit,  en  1660,  qu’un  revenu  de  300  livres  ,  avec 
lequel  on  ne  pouvait  se  permettre  qu’une  faible  assistance 
médicale  et  pharmaceutique  à  domicile.  Il  fallut  plus  d’un 
siècle  pour  que  l’hôpital  pût  se  relever  de  la  désastreuse 
invasion  des  Huguenots,  et  reprendre  son  fonctionnement 
naturel. 

La  situation  fut  sensiblement  améliorée  en  1663,  par 
suite  des  libéralités  d'une  pieuse  et  charitable  fille  de 
Montignac,  damoiselle  Anne  de  Moyssard,  fille  de  Jean  de 
Moyssard, sieur  du  Deffey.  Réunissant  dans  son  cœur, à  un 
degré  éminent, l’amour  de  Dieu  et  l’amour  du  prochain, elle 
souffrait  de  savoir  les  pauvres,  malades  ou  infirmes,  privés 
des  secours  de  l’hôpital  parce  qu’il  n’y  avait  pas  une  per¬ 
sonne  dévouée  qui  voulût  les  y  recueillir  et  se  consacrer 
à  leur  service.  Elle  essaya  d’y  remédier,  et,  par  «  acte  du 
»  15  décembre  1663,  passé  dans  la  maison  de  M»  Pierre 
»  Martin,  prêtre  et  curé  de  la  paroisse  Saint-Pierre,  retenu 
»  par  Scavignac,  notaire  royal,  elle  donne  par  donation 
»  entre  vifs  et  à  jamais  irrévocable,  tous  et  ung  chasqu’un 
»  de  ses  biens  ,  tant  meubles  que  immeubles  ,  présents  et 
»  advenir,  droictz,  noms  et  actions  quelconques  ,  à  Dieu 
»  en  la  personne  de  M°  Pierre  Martin,  curé  susdit,  et  habi- 
»  tant  la  susdite  présente  ville,  présent,  stipulant  et  accep- 
»  tant  soubz  le  bon  plaisir  de  Dieu,  et  ce  pour  faire  fonds 
»  et  revenu  certain  pour  la  subsistance  et  entrettien  de 
»  deux  filles  espitallières,  quy  se  dédieront  au  service 
»  desdits  pauvres  quy  se  trouveront  en  la  dicte  présente 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  361 

»  ville  el  paroisse,  à  l’instard  ,  forme  et  manière  des  filles 
»  hospitalières  de  la  ville  de  Périgueux  ;  lesquelles  deux 
»  filles  prendront  leurs  vivres,  vestemans  ,  chaufage  et 
«  autres  choses  nécessaires  pour  leur  entretien  et  subsis- 
»  tance,  du  revenu  desdictz  biens  donnés,  ce  qu’elle  laisse 
»  à  leur  disposition ,  bonne  foy  et  conscience.  Et  le  sur- 
»  plus,  s’il  y  en  a,  sera  par  elles  fidèlement  employé  à 
»  l’entretien  de  la  dicte  Congrégation  ,  comme  à  se  loger, 
»  meubler  ou  entretenir  une  autre  fille  hospitalière,  ou 
»  une  servante,  et  tout  ainsy  que  les  deux  susdites  le  juge- 
»  ront  à  propos ,  sans  que  les  directeurs  de  l’hospital  ny 
»  autres  puissent  prendre  connaisance  del’employ  dudit 
«revenu,  ny  faire  rendre  aucun  compte  aux  dites  filles 
»  hospitalières,  sinon  seulement  de  veiller  à  la  conserva- 
»  tion  du  fonds  et  empescher  qu’il  ne  soit  dissipé,  perdu 
»  ou  alliéné.  » 

On  le  voit,  le  but  d’Anne  de  Moyssard  est  de  former 
pour  l’hôpital  de  Montignac  une  communauté  de  filles 
hospitalières  qui  se  consacreront  au  service  des  pauvres, 
«  à  l’instard  ,  forme  et  manière  des  filles  hospitalières  de 
»  la  .ville  de  Périgueux.  »  Et  voulant  en  poser  immédiate¬ 
ment  les  bases,  elle  déclare  se  consacrer  elle-même  à 
cette  œuvre  charitable,  et,  par  le  même  acte,  elle  s’adjoint 
«  damoiselle  Marie  Dugros,  fille  de  Jean  Dugros,  sieur  de 
«la  Cabane,  habitant  au  repaire  noble  de  la  Mauretie, 

»  en  la  paroisse  de  Cublac,  Bas-Limousin  ,  bien  propre  ' 
»  au  sèrvice  des  pauvres  comme  l’ayant  pratiqué  déjà 
»  longtemps.  » 

Dans  le  même  acte ,  tout  est  admirablement  prévu  pour 
donner  une  bonne  direction  à  l’hôpital,  assurer  le  bien- 
être  des  pauvres  et  l’existence  de  la  Congrégation  hospi¬ 
talière,  qui  aura  toujours  pour  directeur  le  curé  de  Saint- 
pierre-de-Montignac.  La  fondatrice,  Anne  de  Moyssard,  se 


362  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

réserve  le  droit  de  «  choisir  elle-même  toutes  les  autres 
»  filles  qu’elle  jugera  propres  pour  son  dessein,  »  et  qui 
voudront  se  consacrer  à  son  œuvre.  Après  son  décès,  le 
choix  des  membres  et  de  la  supérieure  de  la  congrégation 
sera  fait  par  la  Supérieure  de  THôtel-Dieu  de  Périgueux. 
Mais  si  le  nombre  des  Hospitalières  de  Montignac  s’élevait 
à  quatre  ou  cinq,  elles  pourraient  elles-mêmes  se  recruter 
et  choisir  leur  supérieure.  Et  comme  Anne  de  Moyssard 
avait  en  grande  confiance  et  estime  Marie  Dugros,  elle 
désire  que  la  préférence  lui  soit  toujours  donnée  pour  le 
gouvernement  de  la  congrégation  et  la  direction  de  l’hôpi¬ 
tal.  Si,  après  son  décès  et  le  décès  de  Marie  Dugros,  il  ne 
se  trouvait  personne  pour  les  remplacer  et  continuer  leur 
œuvre  auprès  des  pauvres,  dans  ce  cas,  l’acte  de  donation 
dispose  «  que  lesdicts  biens  et  revenus  donnés  seront 
»  employés  au  profit  et  utilité  desdicts  pauvres  de  Monti- 
»  gnac,  jusqu’à  ce  qu’il  s’en  offrira  d’autres  pour  le  susdict 
»  emploi  et  service  desdicts  pauvres  ;  désirant  néan- 
»  moingts  que,  en  cas  qu’il  s’en  trouve  de  parantes  des- 
»  dictes  deux  damoiselles  de  Moyssard  et  Dugros,  elles 
»  soyent  prefférées  à  toutes  autres,  si  elles  sont  jugées 
»  propres  et  cappables  par  les  sieurs  directeurs  de  l’hô- 
»  pital.  » 

Quant  au  gouvernement  de  l’hôpital,  «  seront  obligées, 
»  lesdictes  filles,  en  quel  nombre  qu’elles  soyent,  de  choi- 
»  sir  et  nommer  un  sindiq  de  piété  et  de  capassité,  de  trois 
»  en  trois  ans,  sans  le  consentement  duquel  elles  nepour- 
»  ront  faire  aucung  affaire  de  conséquence.  Et  fauste  par 
»  elles  d’en  nommer  »  l’acte  de  donation  reconnaît  pour 
syndics  perpétuels  le  curé  de  Saint-Pierre  de  Montignac 
et  le  Prieur  de  Brenac. 

C’est  ainsi  qu’Anne  de  Moyssard  organisa  pour  l'hôpital 
un  service  hospitalier,  qui  fut  en  fonction  peu  de  jours 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  363 

après  l’acte  de  donation  dont  nous  venons  de  parler.  Mais 
des  incidents,  que  nous  passons  sous  silence,  parce  qu’ils 
nous  éloigneraient  trop  de  notre  sujet  et  n’auraient  qu’un 
médiocre  intérêt  pour  notre  lecteur,  vinrent,  cinq  ans 
après,  en  1668 ,  suspendre  ce  service  hospitalier,  qui  ne 
fut  repris  et  définitivement  installé  qu’en  1693,  toujours 
sous  la  direction  d’Anne  de  Moyssard ,  qui  mourut  dans 
l’établissement,  au  mois  de  novembre  de  l’année  1710. 

Un  document  nous  permet  de  constater  que,  vers  1740, 
par  suite  de  la  fondation  d’Anne  de  Moyssard  et  de  dons 
de  moindre  importance  qu’il  avait  reçus,  l’hôpital  de 
Montignac  se  trouvait  en  possession  d'un  capital  de  17,000 
livres,  dont  le  revenu  était  affecté  aux  besoins  de  quelques 
pauvres ,  malades  ou  infirmes ,  recueillis  dans  l’établisse¬ 
ment,  et  à  l’entretien  des  hospitalières  qui  les  soignaient. 
C’était  la  continuation  de  l’œuvre  d’Anne  de  Moyssard. 

II 

Nous  ne  sortirons  pas  de  notre  sujet  en  racontant  ici 
l’origine  et  les  développements  d’une  Miséricorde  à  Mon¬ 
tignac.  Sa  fondation  ,  œuvre  de  Joseph  de  Lescosse ,  curé 
et  archiprêtre  de  Saint-Pierre  de  Montignac ,  date  du 
24  mars  1744. 

L’hôpital  fonctionnait  ;  mais  il  restait  bien  des  misères 
à  soulager  au  dehors.  Le  vénérable  de  Lescosse  devait  les 
connaître  mieux  que  tout  autre  ,  étant  curé  de  Montignac 
depuis  plus  de  quarante  ans  ;  mieux  que  tout  autre  aussi, 
il  pouvait  apprécier  les  remèdes  qui  leur  convenaient.  Il 
jugea  qu’il  fallait  un  établissement  de  charité,  ayant  pour 
objet  de  soigner  à  domicile  les  pauvres  malades  qui  ne 
pouvaient  être  admis  à  l'hôpital ,  et  d’instruire  gratuite- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


364 

ment  les  jeunes  filles  des  pauvres.  La  fondation  d’une 
Miséricorde  atteignait  ce  double  but  ;  ce  fut  à  cette  fonda¬ 
tion  que  s’arrêta  la  pensée  du  charitable  curé.  C’était,  au 
déclin  de  sa  vie ,  ajouter  un  beau  fleuron  à  sa  couronne 
sacerdotale. 

Rien  de  plus  louable  que  le  motif  qui  le  faisait  agir.  Il 
est  mentionné  dans  l’acte  de  fondation  du  24  mars  1744  : 
«  Voyant  qu’il  avait  plu  à  la  divine  Providence  de  lui 
»  fournir  le  moyen  de  faire  quelques  épargnes  sur  les 
»  revenus  de  son  bénéfice-cure ,  il  reconnaissait  qu’il  n’y 
»  avait  rien  de  plus  juste  et  de  plus  raisonnable  que  de 
»  rendre  à  Dieu  ce  qui  venait  de  sa  divine  bonté.  » 

A  cet  effet,  ayant  réuni  les  principaux  habitants  de  la 
ville  ,  il  leur  communique  son  projet ,  déjà  approuvé  par 
Monseigneur  de  Machec'o  de  Prémeaux  *  évêque  de  Péri- 
gueux,  «lesquels,  après  avoir  mûrement  réfléchi  sur  le 
»  grand  bien  que  procurerait  cette  œuvre  de  piété  ,  don- 
»  nent,  par  acte  du  19  août  1742,  plein  pouvoir  à  Elie 
»  Tardif,  sieur  de  Laborderie,  marguiller  ou  syndic  fabri- 
»  cien  de  l’église  paroissiale  de  Saint-Pierre ,  d’accepter, 
»  pour  et  au  nom  des  pauvres  dudit  lieu  et  paroisse  de 
»  Saint-Pierre,  ladite  fondation  et  donation.  » 

L’acte  constitutif  de  cette  fondation  fut  passé  le  24  mars 
1744,  «  en  la  maison  presbitérale  de  la  ville  et  paroisse 
»  Saint-Pierre  de  Montignac,  pardevant  Desmond,  notaire 
»  royal.  »  Il  est  dit  que  «  Messire  Joseph  de  Lescosse, 
»  prêtre  et  docteur  en  théologie,  archiprêtre  et  curé  de  la 
»  ville  et  paroisse  de  Saint-Pierre ,  y  demeurant,  aurait 
»  depuis  longtemps  résolu  de  faire  une  fondation  à  per- 
»  pétuité,  pour  être  employée  en  œuvres  de  piété,  soit 
»  pour  les  bouillons  et  autres  besoins  et  soulagement  des 
»  pauvres  malades  de  ladite  ville  et  faubourg  de  Monti- 
»  gnac  et  paroisse  de  Saint-Pierre ,  soit  pour  l’établisse- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  365 

»  ment  d’éeoles  de  charité  et  gratuites,  pour  enseigner  et 
»  instruire  dans  la  religion  chrétienne  les  pauvres  filles 
»  de  la  même  ville  et  faubourg  et  paroisse  Saint-Pierre, 
»  dont  la  commission  serait  donnée  en  tout  par  Nos  Sei- 
»  gneurs  lee  Evêques  de  Périgueux  ,  à  tel  nombre  de  filles 
»  pieuses  et  charitables  qu’il  leur  plairait  choisir,  nommer 
»  et  proposer.  » 

En  conséquence  «  voulant  aujourd’huy  entièrement 
»  affectuer  son  pieux  dessein ,  pour  cet  effet  procédant  de 
»  son  gré  et  libre  volonté  ,  et  parce  que  bien  Jui  a  plu  et 
»  plait  et  pour  l’exécution  des  causes  et  raisons  cydessus 
»  marquées,  et  sous  le  bon  plaisir  de  mondit  Seigneur 
»  Macheco  de  Premeaux,  évêque  de  Périgueux,  ledit  sieur 
»  Joseph  de  Lescosse  par  ces  présentes  ,  donne  par  don- 
»  nation  pure  et  simple  et  à  jamais  irrévocable ,  et  en 
»  meilleure  forme  que  faire  se  peut ,  sous  le  titre  de  Fon- 
»  dation  perpétuelle  en  faveur  des  pauvres  malades  et 
»  l’établissement  des  écoles  chrétiennes  de  charité  et  gra- 
»  tuites  pour  les  filles  pauvres  de  ladite  ville  et  faubourg 
»  de  Montignac,  paroisse  de  Saint-Pierre...,  une  sienne 
»  maison,  fond  et  sol  d’icelle,  aysines  et  jardin  contigu  et 
»  attenant ,  audit  sieur  de  Lescosse  appartenant  en  pro- 
»  priété,  seize  et  située  dans  ladite  ville  de  Montignac... 

»  Plus  la  somme  de  trois  cent  nonante-neuf  livres,  dix-sept 
»  sols,  six  deniers  de  revenu  annuel  en  rente  constituée  et 
»  seconde,  dhues  au  sieur  de  Lescosse  par  plusieurs  par- 
»  ticuliers  et  établies  en  différentes  parties  ;...  Le  sieur 
«  Tardif,  ici  présant,  audit  nom  de  sindic  fabricien,... 

»  pour  les  pauvres  stipulant  et  acceptant  de  ladite  fon- 
»  dation  et  donation.  » 

L’acte  de  cette  fondation,  approuvé  et  homologué  le 
25  mars  1745  par  Mgr  Jean -Chrétien  de  Macheco  de  Pre¬ 
meaux,  évêque  de  Périgueux,  ne  fut  homologué  et  rendu 


306 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

exécutoire  par  arrêt  du  Parlement  de  .Bordeaux  que  le 
7 janvier  1751.  Pourquoi  ce  retard?  Nous  l’ignorons.  Mais 
ce  ne  fut  qu’à  cette  dernière  date  que  la  fondation  Les- 
cosse  se  trouva  organisée  et  commença  à  fonctionner  sous 
la  dénomination  de  Miséricorde  ou  de  Maison  de  charité 
pour  les  bouillons  des  pauvres,  et  sous  la  direction  de  deux 
sœurs  de  Sainte-Marthe  de  Périgueux  ,  envoyées  sans  nul 
doute  par  Mgr  de  Macheco  de  Premeaux.  Malgré  ce  retard 
bien  indépendant  de  sa  volonté  et  qu’il  dut  déplorer,  le 
vénérable  fondateur ,  arrivé  à  une  extrême  vieillesse ,  put 
jouir  deux  ans  encore  de  son  œuvre  si. charitable.  Il  mou¬ 
rut  à  Montignac,  le  23  mars  1753,  âgé  de  92  ans  ,  plein  de 
jours  et  de  mérites ,  accompagné  devant  Dieu  par  l’amour 
et  la  reconnaissance  des  pauvres. 


III 


Ainsi  qu’on  vient  de  le  voir,  la  fondation  de  cette  Misé¬ 
ricorde  était  uniquement  pour  les  pauvres  de  la  paroisse 
de  Saint-Pierre,  à  l’exception  de  ceux  de  la  paroisse  de 
Saint-Georges ,  qui  avaient  pour  eux  l’hôpital.  La  sage 
administration  de  la  Miséricorde  et  les  services  qu’elle 
rendait  la  firent  bientôt  apprécier  et  l’on  ne  tarda  pas  à 
désirer  qu’une  fusion  entre  les  deux  établissements  permît 
de  faire  participer  tous  les  nécessiteux  de  la  ville  aux 
bienfaits  de  la  fondation  de  Lescosse.  Elle  fut  hâtée  par 
un  don  de  6,000  francs  que  deux  notables  de  la  paroisse 
de  Saint-Georges  ,  Pierre  de  Bouilhac ,  abbé  commanda- 
taire  de  l’abbaye  de  Souillac,  et  son  frère,  premier  méde¬ 
cin  du  Dauphin  ,  voulaient  faire  à  l’hôpital ,  en  laissant 
espérer  de  plus  amples  libéralités  au  profit  des  pauvres 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  367 

de  leur  ville  natale.  On  y  vit  pour  l’hôpital  la  possibilité 
de  recevoir  les  malades  indigents  de  la  paroisse  de  Saint- 
Pierre.  Une  assemblée  des  principaux  habitants  des  deux 
paroisses  eut  lieu  le  18  octobre  1759  ,  avec  l’autorisation 
de  M.  Aubert  de  Tourny ,  intendant  de  Bordeaux.  Après 
mûre  délibération  ,  ils  dressèrent  «  un  acte  de  cohsente- 
»  ment  à  l’union  de  la  Maison  de  Charité,  fondée  en  la 
»  paroisse  de  Saint-Pierre,  à  l’hôpital,  anciennement  établi 
»  en  la  paroisse  de  Saint-Georges,  à  l’effet  de  rendre  les 
»  pauvres  des  deux  dites  paroisses  participants  aux  secours 
»  que  lesdites  deux  maisons  peuvent  leur  donner  à  pro- 
»  portion  de  leurs  revenus.  » 

Le  lendemain  du  jour  de  cette  délibération,  les  deux 
frères  de  Bouilhac  firent  leur  don  promis  de  6,000  francs, 
en  faveur  de  l’hôpital.  Déjà  leurs  charitables  intentions, 
bien  connues  de  tous,  avaient,  l’année  précédente,  en  1758, 
déterminé  l’aliénation  de  la  vieille  maison  de  l’hôpital  et 
le  transfert  de  celui-ci  dans  un  local  plus  spacieux  ,  situé 
aussi  au  Barry-du-Ghef-du-Pont,  et  acquis  de  l’institut  de 
Sainte-Claire  par  la  ville  et  les  paroisses  de  la  juridiction 
de  Montignac.  C’est  l’hôpital  actuel. 

Mais  il  fallait  à  cet  hôpital  une  existence  légale  ;  il  ne 
L’avait  pas  ;  il  fallait  qu’il  fût  confirmé  par  des  Lettres 
patentes  du  Roi  et  autorisé  à  recevoir  les  dons  qui  lui 
seraient  faits.  Elles  furent  demandées  par  Mgr  de  Montes- 
quiou  Puylebon,  évêque  de  Sarlat,  et  accordées  dans  le 
mois  de  novembre  1762. 

En  voici  quelques  extraits  qui  ne  déplairont  pas  à  nos 
lecteurs  : 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  France  et  de 
»  Navarre ,  à  tous  présents  et  à  venir ,  salut.  Notre  ami  et 
»  féal  le  sieur  Henry-Jacques  de  Montesquiou  de  Puylebon, 
»  notre  conseiller  en  nos  conseils,  évêque  de  Sarlat,  nous 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  a  très-humblement  fait  représenter  que  dans  le  temps 
»  des  troubles  et  des  guerres  dont  la  province  de  Guienne 
»  fut  longtemps  travaillée ,  les  établissements  de  piété  se 
»  trouvant  particulièrement  exposés  aux  ravages,  l’hôpital 
»  anciennement  établi  dans  la  paroisse  de  Saint-Georges 
»  de  Brenac,  de  la  ville  de  Montignac ,  dans  la  partie  de 
»  ladite  ville  qui  est  de  son  diocèse,  fut  entièrement  pillé, 
»  et  l’enlèvement  de"ses  titres  lui  aurait  fait  perdre  la  plus 
»  grande  partie  de  ses  biens  ,  en  sorte  qu'il  ne  lui  serait 
»  resté  qu'un  fonds  de  17,000  francs,  et  les  habitants  se 
»  seraient  trouvés  privés  d’un  secours  qui  leur  est  néces- 
»  saire  pour  leurs  pauvres  et  qui  s’étendait  sur  nos  trou- 
»  pes,  dans  leur  fréquent  passage  par  la  province  du  Péri- 
»  gord  ;  que  le  sieur  de  Bouilhac ,  premier  médecin  de 
»  notre  très-cher  fils  ,  le  Dauphin  de  France  ,  et  le  sieur 
»  de  Bouilhac ,  son  frère  ,  abbé  de  Souillac ,  mus  de  piété 
»  et  de  commisération  pour  leurs  compatriotes ,  désirant 
»  relever  par  leurs  soins  et  leurs  libéralités  un  établisse- 
»  ment  aussi  utile,  en  auraient  augmenté  la  dotation,  par 
»  acte  du  18  octobre  1759,  d’une  somme  de  6,000  francs,  à 
»  laquelle  ils  sont  bien  résolus  de  ne  pas  se  borner  ;  espé- 
»  rant  aussi  que  leur  exemple  sera  suivi  aussitôt  que  ledit 
»  hôpital  aura  été  confirmé  du  sceau  de  notre  autorité  ; 

»  qu’il  y  a  même  tout  lieu  d’espérer  que ,  suivant  le  vœu 
»  des  habitants  de  la  paroisse  de  Saint-Pierre  dudit  Mon- 
»  tignac,  dans  la  partie  de  la  ville  située  de  l’autre  côté  de 
«  la  rivière  ,  diocèse,  de  Périgueux,  les  obstacles  qui  ont 
»  été  apportés  à  l’exécution  d’une  délibération  du  18  octo- 
»  bre  1759  et  à  l’union  d’une  autre  fondation  nouvelle- 
»  ment  faite  dans  la  paroisse  de  Saint-Pierre,  pour  le 
»  bouillon  des  pauvres  malades,  ne  subsisteront  pas  long- 
»  temps,  et  qu’étant  levés  ,  les  pauvres  des  deux  paroisses 
»  de  ladite  ville  jouiront  en  commun  et  réciproquement, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  369 

»  dans  ledit  hôpital  situé  dans  ladite  paroisse  de  Saint- 
»  Georges,  de  l'effet  des  deux  donations,  à  quoy  pourra 
»  beaucoup  contribuer  la  construction  du  pont  projeté 
»  pour  la  libre  communication  dans  les  deux  parties  de  la 
»  ville,  aujourd’hui  séparées  par  la  rivière. 

»  L’exposant,  convaincu  des  grands  avantages  que  les 
»  pauvres  retireront  de  l’accroissement  dudit  hôpital,  si, 
»  en  le  confirmant,  nous  voulons  bien  permettre  aux  admi- 
»  nistrateurs  dudit  hôpital  de  recevoir  et  accepter  tous 
»  dons  et  legs  en  argent,  jusqu'à  concurrence  de  60,000 
»  francs...,  Nous  aurait  très-humblement  fait  supplier  de 
»  lui  accorder  nos  Lettres-patentes  sur  ce  nécessaires. 

»  A  ces  causes,  désirant  favoriser  les  pieuses  intentions 
»  dudit  sieur  évêque  de  Sarlat,  de  l’avis  de  notre  Conseil, 
»  qui  a  vu  l’acte  de  donation  desdits  sieurs  de  Bouillac, 
»  du  18  octobre  1759,  et  de  notre  grâce  spéciale,  pleine 
»  puissance  et  autorité  royale,  nous  avons  approuvé, 
»  loué,  confirmé  et  autorisé,  et  par  ces  présentes,  signées 
»  de  notre  main,  approuvons,  louons,  confirmons  et  au- 
»  torisons  l’ancien  établissement  d’un  hôpital  dans  la 
»  paroisse  de  Saint-Georges-de-Brenac,  dans  la  ville  de 
»  Montignac.  Voulons  que  ledit  hôpital  soit  à  perpétuité 
»  sous  notre  sauvegarde  et  protection,  et  sous  celle  des 

»  roys  nos  successeurs . pour  être,  ledit  hôpital,  sous 

»  la  juridiction  de  l’évêque  diocésain,  et  les  biens  et 
»  revenus  d’iceluy  régis  et  administrés  par  les  adminis- 
»  trateurs  de  droit,  lesquels  choisiront,  à  la  pluralité  des 
»  voix,  ce  qu’ils  désireront  associer  à  leur  administra- 
»  tion,  qui  tous,  d’un  commun  accord,  établiront  dans 
»  ledit  hôpital  les  personnes  nécessaires  pour  le  service 
»  des  pauvres. 

»  Et  pour  donner  au  sieur  de  Bouillac,  médecin,  et  au 
»  sieur  de  Bouillac,  abbé  de  Souillac,  son  frère,  des  mar- 

24  1 


370 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  ques  de  la  satisfaction  qui  nous  reste  de  leur  charité 
»  envers  les  pauvres  et  du  zèle  qui  les  porte  à  ajouter  à 
»  la  fondation  de  6,900  fr.  qu’ils  ont  déjà  faite  en  faveur 
»  dudit  établissement,  une  nouvelle  libéralité  après  l’ob- 
»  tention  de  nos  Lettres-patentes ,  nous  les  avons  nommés 
»  et  nommons  par  ces  présentes  administrateurs  perpé- 
»  tuels  dudit  hôpital,  pour,  après  avoir  prêté  le  serment 
»  requis  et  accoutumé,  concourir  avec  les  autres  admi- 
»  nistrateurs  à  la  régie,  gouvernement  et  administration 
»  dudit  hôpital,  et  voulons  que  l’aîné  de  leurs  descen- 
»  dants,  ou  héritiers,  portant  le  nom  et  armes,  soit  admi- 
»  nistrateur-né  dudit  hôpital.  Et  de  nos  mêmes  grâce, 
»  pouvoir  et  autorité  nous  avons  validé  et  validons  tous 
»  dons,  donations,  legs,  fondations  et  acquisitions  faits 
»  jusqu’à  ce  jour  au  profit  dudit  hôpital  ;  permettons  aux 
»  administrateurs  de  recevoir  et  accepter  pour  et  au  nom 
»  dudit  hôpital  tous  dons  et  legs  en  argent,  jusqu’à  con- 
»  currence  de  60,000  fr.  ;  pour  lesdits  dons  et  legs  en 
»  argent  et  deniers  comptants,  être  employés  par  les 
»  administrateurs,  dans  le  temps  et  délay  d’une  année,  en 
»  acquisition  de  rentes  et  effets  permis  par  notre  édit  du 
»  mois  d’août  1749,  à  peine  de  nullité  desdits  dons  et 
»  legs  ;  défendons  sous  les  mêmes  peines,  aux  adminis- 
»  trateurs  dudit  hôpital,  de  recevoir  des  donations  ou  legs 
»  en  argent  au-delà  de  ladite  somme  principale  de  60,000 
»  francs....  N’entendons  néanmoins,  comprendre  dans 
»  ladite  somme  de  60,000  francs,  les  deniers  provenant  de 
»  quêtes  et  aumônes  manuelles  pour  les  besoins  journa- 
»  liers  et  la  subsistance  des  pauvres.... 

»  Donné  à  Fontainebleau,  au  mois  de  novembre,  l’an 
■/  de  grâce  1762.  » 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  371 


IV 

Après  ces  Lettres-patentes,  rien  ne  pouvait  plus  retar¬ 
der  l’accord  des  deux  paroisses  en  faveur  des  intérêts  de 
leurs  pauvres.  Le  traité  pour  l’union  de  la  Miséricorde  à 
l'hôpital  fut  passé,  sous  forme  de  règlement,  le  24  février 
1763,  «  entre  les  soussignés  Pierre  de  Bouillac,  prêtre, 
»  abbé  de  Souillac  ;  François  Mazelier,  archiprêtre  et  curé 
»  de  la  paroisse  de  Saint-Pierre,  diocèse  de  Périgueux  ; 
»  Martin  Pomarel,  prêtre,  curé  de  la  paroisse  de  Saint- 
»  Georges-de-Brenaç,  diocèse  de  Sarlat  ;  Jean  Dujarry  de 
»  Lagarde,  juge  de  la  juridiction  de  Montignac,  tous 
»  administrateurs  de  la  Maison  de  Charité  établie  dans  la 
»  paroisse  de  Saint-Pierre  et  de  l’hôpital  de  la  paroisse  de 
»  Saint-Georges.  »  Nous  allons  en  donner  la  substance. 

Il  vise  dans  son  préambule  :  1°  La  fondation  faite  par 
le  vénérable  M.  de  Lescosse,  curé  de  la  paroisse  de  Saint- 
Pierre  ;  —  2°  les  Lettres-patentes  du  Roi,  obtenues  «  aux 
»  fins  d'approuver  et  de  confirmer  l’ancien  établissement 
»  d’un  hôpital  dans  la  paroisse  de  Saint-Georges-de- 
»  Brenac  ;  —  3°  L’acte  de  délibération  des  principaux 
»  habitants  desdites  deux  paroisses  de  Saint-Pierre  et  de 
»  Saint-Georges,  portant  consentement  à  l’union  de  la 
»  Maison  de  Charité  à  l’hôpital  ;  —  4«-Une  requête  pré- 
»  sentée  par  les  principaux  habitants  de  la]  paroisse  de 
»  Saint-Pierre  à  Msr  l’Evêque  de  Périgueux,  aux  fins  de 
»  demander  l’union  de  ladite  Maison  de  Charité  audit 
»  hôpital;  —  5°  Une  requête  présentée  aux  mêmes  fins  à 
»  MBr  l'Evêque  de  Sarlat  par  les  principaux  habitants  de 
»  la  paroisse  de  Saint-Georges.  » 

Viennent  ensuite  les  clauses  et  conditions  longuement 
exposées  en  douze  articles  : 


372 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


1°  Tous  les  fonds  déjà  donnés  et  ceux  qui  seront  donnés 
par  la  suite  à  l’hôpital  et  à  la  Maison  de  Charité  seront 
communs  par  égales  portions  aux  pauvres  des  deux 
paroisses,  «  lesquels  auront  droit  d’être  admis  à  l’hôpital 
»  à  proportion  de  ses  revenus  et  facultés,  et  aux  bouil- 
»  Ions  qui  seront  faits  et  distribués  par  la  Maison  de 
»  Charité,  à  proportion  aussi  de  ses  revenus  et  facultés.  » 

2°  «  Les  filles  de  la  paroisse  de  Saint-Georges-de-Bre- 
»  nac  seront  admises  comme  les  filles  de  la  paroisse  de 
>  Saint-Pierre  aux  écoles  qui  se  font  en  la  Maison  de 
»  Charité.  » 

3°  Il  y  aura  pour  l’hôpital  et  pour  la  Maison  de  Charité 
un  seul  Bureau  d’administration,  composé  de  quatre 
membres,  pris  deux  dans  chaque  paroisse,  et  choisis  par 
les  deux  curés  et  le  juge  de  la  juridiction,  qui  seront  de 
droit  et  à  perpétuité  administrateurs  des  deux  établisse¬ 
ments.  «  Seront  également  administrateurs-nés  de  l’hôpi- 
»  tal  et  de  la  Maison  de  Charité  MM.  de  Bouillac  et  après 
»  eux  l’aîné  de  leur  maison  portant  nom  et  armes.  »  Les 
deux  curés  de  Saint-Pierre  et  de  Saint-Georges  prendront 
alternativement  la  présidence  du  Bureau. 

4°  «  Les  sœurs  de  la  Miséricorde  et  celles  qui  leur  suc- 
»  céderont  dans  l’établissement  ne  dépendront  que  de 
»  Mgr  l’Evêque  de  Périgueux  et  du  sieur  archiprêtre  curé 
»  de  Saint-Pierre,  soit  pour  la  réception  et  changement, 
«  soit  pour  la  direction  et  gouvernement  tant  du  spirituel 
»  que  du  temporel,  aux  réserves  toutefois  des  revenus 
»  affectés  aux  bouillons  des  pauvres  sur  lesquels  le  Bureau 
»  aura  droit  d’inspection  et  d’administration.  —  Il  nom- 
»  mera  aussi  deux  sindics,  l’un  pour  l’hôpital  et  l’autre 
»  pour  la  Maison  de  Charité,  ou  un  seul  pour  les  deux, 

»  lequel  ou  lesquels  rendront  leur  compte  tous  les  six 
»  mois  au  Bureau  et  n’exerceront  que  pendant  l’espace  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  373 

»  trois  ans,  après  lesquels  il  sera  nommé  de  nouveaux 
»  sindics.  » 

5°  «  Les  pauvres  malades  ne  seront  admis  à  l’hôpital  et 
»  ne  recevront  du  bouillon  de  la  Maison  de  Charité  que 
»  sur  un  billet  signé  de  l’un  des  deux  curés  et  contre- 
»  signé  du  juge  de  la  juridiction.  » 

6»  «  Les  présentes  conventions  seront  communiquées  à 
»  M.  le  marquis  d’Hautefort,  chevalier  des  ordres  du  Roy 
»  et  seigneur  de  la  ville  et  comté  de  Montignac,  et  il  sera 
»  prié  d’accorder  sa  protection  audit  hôpital  et  Maison  de 
»  Charité.  » 

«  Le  sindic  dudit  Chapitre  de  Saint-Georges  sera  chargé 
»  de  faire  toutes  poursuites,  diligences  et  frais  nécessaires 
»  pour  faire  homologuer  les  présentes  conventions  et 
»  règlements  par  Mgr  l’Evêque  de  Sarlat,  et  par  Nossei- 
»  gneurs  de  la  Souveraine  Cour  du  Parlement  de  Bar¬ 
il  deaux. » 

»  Et  ont  signé  Bouillac,  abbé  de  Souillac  ;  Mazelier, 
»  archiprêtre  de  Montignac  ;  Pomarel,  prieur  de  Brenac  ; 
»  Dujarry  de  Lagarde,  juge.  » 

Ce  traité  fut  approuvé  le  1er  mars  1763  par  Mgr  de 
Macheco  de  Prémeaux,  évêque  de  Périgueux,  le  19  mars 
1763  par  Mgr  Henry- Jacques  de  Montesquiou,  baron, 
évêque  et  seigneur  de  Sarlat,  le  18  mars  de  la  même  année 
par  le  seigneur  marquis  Emmanuel  d’Hautefort,  et  homo¬ 
logué  et  enregistré  par  la  Cour  du  Parlement  de  Bordeaux, 
en  même  temps  que  les  Lettres-Patentes  du  Roi,  le 
9  mars  1763,  sur  la  requête  présentée  par  les  deux  frères, 
l’abbé  et  le  docteur  de  Bouillac. 

Le  traité  étant  ainsi  revêtu  de  toutes  les  formalités 
légales,  l’OEuvre  d’union  qu’il  consacrait  commença  à 
fonctionner  en  faveur  des  pauvres  des  deux  paroisses,  et 
à  la  satisfaction  de  tous,  le  premier  jour  de  janvier  de 


374 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


l’année  suivante  1764.  Les  libéralités  que  les  deux  frères 
de  Bouillac  avaient  fait  pressentir  et  dont  il  est  parlé  dans 
les  Lettres-Patentes  du  Roi,  ne  se  firent  pas  attendre. 
Dès  le  3  juin  1765,  l’abbé  de  Souillac  faisait  à  l'hôpital  un 
nouveau  don  de  11,000  fr.,  et,  huit  ans  plus  tard,  il  se 
montrait  encore  plus  généreux  par  son  testament  mys¬ 
tique  du  2  octobre  1773.  Nous  y  lisons  : 

«  Je  donne  et  lègue  à  l’Hôtel-Dieu  de  la  présente  ville 
»  de  Montignac  trois  titres  de  rentes  à  4  0/0  sur  le  Clergé 
»  de  France,  au  capital  l’un  de  7,500  fr.,  l’autre  de  8,000  fr. 
»  et  le  troisième  de  15,000  fr.  —  Je  donne  et  lègue  encore 
»  audit  Hôtel-Dieu  tous  les  billets  suivants...  (suit  l’énu- 
»  mération  des  billets  donnés,  formant  ensemble  un  capi- 
»  tal  de  19,659  fr.)  —  Je  donne  et  lègue  encore  audit 
»  Hôtel-Dieu  le  moulin  de  Bleufond,  avec  tous  les  fonds 
»  qui  en  dépendent.  —  Je  donne  et  lègue  audit  Hôtel-Dieu 
»  toutes  mes  hardes  servant  à  ma  personne,  tous  mes 
»  meubles  meublants,  linge  de  maison,  cuivre,  étain,  or 
»  et  argent  qui  se  trouveront  m’appartenir  au  temps  de 
»  mon  décès,  ensemble  ce  qui  me  sera  dû  alors  du  revenu 
»  de  mon  abbaye,  et  en  revenus  desdits  contrats  sur  le 
»  clergé,  et  en  outre  ce  qui  me  sera  dû  par  d’autres  billets 
»  que  ceux  ci-dessus  spécifiés.  » 

A  la  suite  de  ces  legs,  nous  ne  devons  pas  oublier  de  le 
menti'onner,  le  testateur,  «  malade  de  corps,  mais  néan- 
»  moins  par  la  miséricorde  de  Dieu,  sain  d’esprit  », 
ajoutait  : 

«  Je  déclare  enfin  que  c’est  pour  la  décharge  de  ma 
»  conscience  que  j’ai  fait  tous  les  susdits  légats,  parce 
»  qu’ils  proviennent  de'  réserves  que  j’ai  faites  de  mes 
»  revenus  ecclésiastiques  :  ne  les  ayant  réservés  que  pour 
»  procurer  aux  pauvres  un  plus  grand  patrimoine,  à  qui 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  375 

»  je  les  aurais  distribués  dans  le  temps,  si  je  n’avais  eu 
»  en  vue  de  leur  procurer  un  secours  plus  durable.  » 

Les  libéralités  de  MM.  de  Bouillac  et  quelques  libéra¬ 
lités  antérieures  et  ultérieures,  parmi  lesquelles  nous 
aimons  à  citer  un  don  de  3,000  fr.  fait  le  lor  novembre 
1767  par  M.  Jean  Martel  de  Chambort,  ancien  capitaine 
de  grenadiers  au  régiment  de  Gondé,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  et  un  don  également  de  3,000  fr.  de  la  sœur 
Hubert,  supérieure  de  l’établissement,  avaient  élevé  les 
revenus  de  l’hôpital,  à  la  veille  de  la  Révolution,  à 
5,478  fr.,  consacrés  à  l’entretien  de  vingt-trois  malades 
ou  infirmes,  de  trois  sœurs  hospitalières,  fournies  depuis 
1765  par  la  congrégation  des  Sœurs  de  Saint-Vincent-de- 
Paul,  et  d’un  aumônier.  Et,  cependant,  en  l’année  1781, 
comme  le  constate  une  note  de  M.  Pomarel,  prieur  de 
Brenac,  insérée  dans  le  registre  des  naissances,  de  grandes 
réparations  avaient  été  faites  aux  bâtiments  de  l’hôpital. 
Nous  lisons  dans  cette  note  : , 

«  Cette  année  (1781),  nous  avons  formé  dans  l'hôpital 
»  les  deux  grandes  salles  pour  les  pauvres  avec  vitres  et 
»  lits.  Nous  avons  allongé  le  corps  de  logis  d’environ 
»  vingt  à  vingt-cinq  pieds  pour  former  la  chapelle.  Nous 
»  avons  fait  l’escalier  neuf  et  toutes  les  autres  réparations 
»  qui  en  sont  l’accompagnement.  —  Nous  avons  de  plus 
»  fait  l’escalier  de  l’appartement  des  sœurs  jusqu’au  gre- 
»  nier,  avec  les  canaux  dessus  pour  prendre  les  eaux,  et 
»  l’allongement  de  la  charpente  qui  les  couvre.  Cette  répa- 
»  ration  a  coûté  fort  cher.  Et  enfin,  par  la  permission  de 
»  Mgr  Joseph-Anne-Luc  de  Ponte  d’Albaret,  j’ai  fait  la 
»  bénédiction  de  la  chapelle,  ainsi  que  celle  du  cimetière 
»  des  Sœurs  sous  le  cloître ,  le  3  janvier  1782.  » 

Qu’était  cette  sœur  Hubert,  bienfaitrice  de  l’hôpital, 
dont  la  personnalité  s’impose  encore  à  la  reconnaissance 


376 


LES  ORIGINES.  CHRÉTIENNES 


des  pauvres  ?  Nous  la  trouvons  supérieure  de  1773  à  1776. 
Le  fut-elle  avant  et  après  ces  époques?  Nous  l’ignorons. 
Nous  ignorons  également  le  nom  de  sa  famille  et  les  lieux 
de  sa  naissance  et  de  sa  mort.  Son  nom  seul  de  religieuse 
nous  a  été  conservé,  et  c’est  avec  un  sentiment  de  pieuse 
estime  que  nous  l’accueillons  dans  cette  notice.  Les 
3,000  fr.  dont  elle  gratifia  l’hôpital  en  1775  furent  placés 
en  rente  sur  le  Clergé  de  France. 

Quant  à  la  Miséricorde,  les  ressources  que  lui  avaient 
assurées  son  fondateur,  l’archiprêtre  de  Lescosse,  demeu¬ 
rèrent  à  peu  près  les  mêmes  jusqu’en  1789.  Le  décret  du 
2  novembre  de  cette  année  eut  pour  effet  de  suspendre  le 
service  de  la  rente  de  2,660  fr.  que  l'hôpital  avait  sur  le 
Clergé  de  France,  et  le  décret  du  23  messidor  an  II  attri¬ 
bua  à  l’Etat  les  biens  de  cet  établissement  et  ceux  de  la 
Miséricorde.  L’Etat  vendit  les  biens  de  la  Miséricorde,  et, 
pour  prouver  qu’une  révolution  ne  peut  être  jamais  favo¬ 
rable  aux  pauvres,  il  supprima  le  service  particulier  de 
cette  maison.  Il  continua,  il  est  vrai,  à  l’hôpital,  des 
secours  aux  pauvres,  mais  dans  la  proportion  des  res¬ 
sources  antérieures  aux  fondations  des  frères  de  Bouillac. 

En  exécution  de  la  loi  du  16  vendémiaire  an  VII,  resti¬ 
tuant  aux  hôpitaux  et  hospices  la  jouissance  de  leurs 
biens  et  rentes,  et  ordonnant  que  leurs  biens  vendusJeur 
seraient  remplacés  en  biens  nationaux  de  même  produit, 
l’hôpital  de  Montignac  récupéra  peu  à  peu  la  plus  grande 
partie  de  son  ancienne  fortune,  et,  après  une  interruption 
d’une  dizaine  d’années,  les  Sœurs  de  Saint-Vincent-de- 
Paul,  que  la  Révolution  en  avait  bannies,  y  revinrent 
reprendre  leur  service  hospitalier  auprès  d’un  personnel 
nombreux  de  malades  et  d’infirmes. 

Au  produit  des  restitutions  de  l’Etat  vint  aussi  peu  à 
peu,  de  1807  à  1875,  s’ajouter  le  produit  des  libéralités 


DES  HÔPITAUX, -HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  377 

de  quelques  personnes  charitables  de  la  ville.  Nous  cite¬ 
rons  : 

Mlle  de  Rastignac  pour  une  rente  au  capital  de  6,000  fr.; 
—  Mlle  Roux  de  Langlade  pour  des  immeubles  d’une 
valeur  d’environ  15,000  fr.;  —  MM.  les  curés  Larue  et 
Foucaud  pour  la  somme  de  6,000  fr.;  —  Mme  Sorbier, 
religieuse  de  Fontevrault,  pour  la  somme  de  1,000  fr.;  — 
Mme  Lalande  Sorbier  pour  la  somme  de  2,000  fr. 

V 


En  1852,  une  ère  nouvelle  s’ouvrit  pour  'l’hôpital  de 
Montignac.  Quelques  difficultés  survinrent  entre  les  reli¬ 
gieuses  qui  le  dirigeaient  et  la  commission  administrative. 
L’accord  n’ayant  pu  se  faire,  les  religieuses  durent  quitter 
l’hôpital,  rappelées  à  Paris  par  la  maison-mère.  Leur 
départ  laissa  le  soin  des  pauvres  à  un  service  laïque  bien 
peu  satisfaisant.  On  ne  tarda  pas  à  regretter  les  soins 
éclairés  et  maternels  des  sœurs  de  Saint-Vincent-de-Paul. 
Le  laïcisme  n’étant  pas  alors,  aux  yeux  des  gouvernants, 
le  nec plus  ultra  d’une  bonne  administration,  on  se  hâta 
d’appeler  d’autres  religieuses  à  la  direction  de  l’hôpital, 
et  l’on  s’adressa  à  la  congrégation  des  Sœurs  hospitalières 
de  Nevers.  Une  délibération  de  la  commission  adminis¬ 
trative,  en  date  du  19  juin  1828,  appelle  «  heureux  le 
»  moment  où  ces  religieuses  donnèrent  l’assurance  bien 
»  positive  de-se  charger  de  l’hôpital.  »  Le  laïcisme,  peu 
satisfaisant,  comme  nous  l’avons  dit,  pesait  sur  la  cons¬ 
cience  de  la  commission  administrative,  qui  avait  à  se 
reprocher  de  n’avoir  pas  su  conserver  les  sœurs  de  Saint- 
Vincent-de-Paul  ;  elle  était  heureuse  de  s’en  décharger 
par  l’admission  des  Sœurs  de  Nevers. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


378 

Le  traité  qui  fut  passé  avec  la  supérieure  générale, 
approuvé  par  Mgr  de  Lostanges,  évêque  de  Périgueux; 
et  par  le  Ministre  de  l’intérieur,  stipulait  que  «  la  supé- 
»  rieure  et  les  sœurs  nécessaires  à  la  direction  de  l’hôpital 
»  seraient  nourries,  chauffées,  éclairées,  blanchies,  four- 
»  nies  de  linge  de  cuisine,  de  table  et  de  lit  aux  frais  de 
»  la  commission  ;  qu’elles  seraient  soignées  en  cas  de 
»  maladie,  et,  en  cas  de  mort,  enterrées  aux  frais  de 
»  l’hospice,  et  qu’en  outre  chacune  recevrait  annuelle- 
»  ment  une  somme  de  150  francs,  dont  la  supérieure 
»  seule  donnerait  quittance.  »  Outre  le  mérite  'supérieur 
des  religieuses,  comment  trouver,  à  ces  conditions,  à  ce 
modique  prix,  des  infirmières  laïques  ? 

L'article  11  réservait  pour  les  religieuses  la  liberté 
d’annexer  à  l’hôpital  «  un  pensionnat  et  un  externat,  ou 
»  classe  payante,  dont  le  produit  net  serait  attribué  aux 
besoins  des  pauvres  de  l’établissement.  Ce  produit  est 
arrivé  à  former  annuellement  un  supplément  de  ressour¬ 
ces  de  4,000  francs.  Mais  la  classe  payante,  qui  était 
devenue  école  communale  congréganiste,  ayant  été  laïci¬ 
sée  en  1881,  les  revenus  des  pauvres  ont  diminué  de 
1,500  francs.  L’administration  municipale,  qui  a  provoqué 
cette  mesure  inique,  doit  s’applaudir  de  son  œuvre. 

L’hôpital  de  Montignac  est  un  des  plus  riches  du  Péri¬ 
gord.  En  mesure  déjà  de  pourvoir  à  l’entretien  de  vingt- 
huit  à  trente  infirmes  ou  malades,  il  a  été  gratifié,  en  1879, 
par  M.  Jean-Baptiste  Mérilhou,  d’un  legs  dont  l’émolu¬ 
ment  net  sera  probablement  de  110,000  francs.  Les  pau¬ 
vres  béniront  la  mémoire  de  ce  généreux  bienfaiteur. 

Nous  avons  encore  à  dire  un  mot  sur  la  Miséricorde, 
supprimée  par  le  décret  du  23  messidor  an  II.  Par  suite 
de  sa  suppression  et  de  la, vente  de  ses  immeubles,  le  ser¬ 
vice  des  pauvres  malades  à  domicile  avait  dû  être  aban- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  379 

donné.  Il  fut  rétabli  en  1845,  par  l’organisation,  à  cet  effet, 
d’une  société  de  Dames  de  charité,  dont  le  curé  de  la 
paroisse  était  président.  En  1865,  le  Premier-Président 
Sorbier  compléta  cette  organisation  en  faisant,  par  une 
rente  annuelle  de  600  francs,  les  frais  d’une  sœur  de 
Nevers  pour  diriger  l’OEuvre,  qui  reprit  alors  son  ancienne 
dénomination  de  Miséricorde  et  fut,  en  1877,  reconnue 
d’utilité  publique. 

Cette  Miséricorde  [a  eu,  comme  l’hôpital,  ses  bienfai¬ 
teurs  que  nous  ne  devons  pas  oublier.  Nous  citerons  tout 
particulièrement  les  familles  Sorbier,  Foucaud  et  Requier, 
Mms  Sorbier,  née  Mérilhou,  lui  a  légué  un  capital  de 
8,000  francs.  —  Elle  a  reçu  6,000  francs  de  Mm°  Berbesson, 
née  Foucaud,  sœur  du  curé,  bienfaiteur  de  l’hôpital.  — 
Et  M.  Requier,  intendant  général,  et  son  frère,  conseiller 
honoraire  à  la  Cour  de  Cassation,  lui  servent  annuelle¬ 
ment  un  secours  régulier  de  400  francs. 

Avant  de  clore  cette  Notice,  nous  voulons  citer  les  noms  ‘ 
connus,  mais  peu  nombreux,  des  supérieures  qui  ont 
dirigé  l’hôpital  de  Montignac  ;  il  est  bon  de  les  conserver 
au  souvenir  et  à  la  reconnaissance  des  amis  des  pauvres. 
La  sœur  Vertuols,  supérieure  en  1760,  et  la  sœur  Guitard, 
en  1789,  sont,  avec  Anne  de  Moyssard  et  la  sœur  Hubert, 
les  seules  connues  pour  la  période  antérieure  à  1789. 
Mais  pour  la  période  suivante,  il  en  est  une  dont  le  nom 
est  devenu  presque  légendaire  et  qu’on  ne  nous  pardon¬ 
nerait  pas  dépasser  sous  silence  :  c’est  la  Mère  Joséphine 
•*  Barré,  que  les  pauvres  et  tous  les  habitants  de  Montignac 
ont  su  aimer,  respecter  et  vénérer  pendant  cinquante  ans 
qu’elle  a  vécu  avec  eux  et  pour  eux.  Elle  était  entrée  à 
l’hôpital  en  qualité  de  supérieure  avec  les  premières  sœurs 
de  Nevers,  en  1828,  et,  après  avoir  dépensé  une  longue  et 
laborieuse  vie  «  au  service  du  prochain  »,  elle  y  mourut  le 


380 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


2  février  1880,  âgée  de  91  ans,  laissant  avec  elle  l’odeur 
des  vertus  qui  font  les  saints. 

En  célébrant  ses  obsèques,  le  digne  doyen  de  Monti- 
gnac,  M.  l’abbé  Mas,  dans  une  allocution  toute  tirée  de 
son  cœur,  rappelait  avec  une  émotion  qui  avait  son  écho 
dans  toutes  les  âmes,  l’ensemble  de  la  vie  de  cette  véné¬ 
rée  supérieure  (1).  Nous  lui  empruntons  quelques  traits 
qui  feront  plaisir  à  nos  lecteurs  et  seront  un  gracieux 
couronnement  de  cette  Notice. 

«  La  vénérable  Joséphine  Barré  naquit  à  Nevers,  en 
»  1789,  d’une  famille  honorable  et  éminente  par  ses  ver- 
»  tus,  qui  lui  transmit  avec  son  sang  les  principes  de  reli— 
»  gion  et  de  vertu  que  ses  ancêtres  lui  avaient  légués. 
»  Elle  profita  si  heureusement  des  soins  que  ses  parents 
»  donnèrent  à  son  éducation  chrétienne,  qu’elle  fut  jugée 
»  digne,  à  un  âge  encore  bien  tendre,  d’être  admise  au 
»  banquet  eucharistique,  à  la  première  communion.  Ce 
»  fut  au  milieu  des  ténèbres  de  la  nuit,  à  la  lueur  de 
»  quelques  flambeaux,  dans  une  chambre  soigneusement 
»  fermée,  qu’un  vénérable  prêtre  donna  à  cette  pieuse 
»  enfant  le  pain  de  vie.  Les  temps  étaient  alors  si  mauvais 
»  que  pour  pratiquer  les  devoirs  sacrés  de  la  religion,  il 
»  fallait  se  cacher  dans  les  maisons  privées,  comme  les 
»  premiers  chrétiens  se  cachaient  dans  les  catacombes  de 

»  Rome . A  partir  de  cet  heureux  jour,  elle  ne  pensa 

»  plus  qu’à  quitter  un  monde  où  elle  aurait  pu  paraître 
»  avec  avantage  et  à  se  consacrer  pour  toujours  à  celui 
»  qui  faisait  désormais  toute  sa  joie,  tout  son  bonheur.  » 

A  peine  âgée  de  17  ans,  elle  fut  admise  au  noviciat  de 
la  grande  communauté  de  Nevers,  «  et,  moins  de  deux 
»  ans  après,  elle  faisait  cette  profession  religieuse  qui  la 

(I)  Voir  la  Semaine  religieuse,  numéro  du  21  février  1881. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  381 

»  dévouait  à  Dieu  par  les  vœux  de  pauvreté,  de  chasteté 
»  et  d’obéissance. 

»  Elle  n’avait  pas  encore  vingt  ans,  que,  trouvant  en 
*  elle  la  maturité  qu’on  ne  rencontre  guère  à  cet  âge,  ses 
»  supérieures  l’envoyèrent  loin  de  son  pays,  loin  de  sa 
»  famille,  à  Tulle,  pour  diriger  le  pensionnat  de  cette 
»  ville.  Sur  ce  premier  théâtre  de  son  activité,  les  facultés 
»  de  son  esprit  et  les  qualités  ,de  son  cœur  se  révélèrent, 
»  en  quelques  années,  avec  un  tel  éclat,  qu'on  la  choisit 
»  pour  venir  à  Montignac  relever  l’hôpital  de  cette  ville  et 
»  y  fonder  un  pensionnat  que  les  besoins  de  la  population 
»  réclamaient  impérieusement. 

»  Vous  avez  entendu  raconter,  mes  frères,  dans  quel 
»  affligeant  état  se  trouvait,  à  son  arrivée,  la  maison  des 
»  pauvres  de  Montignac.  Pour  vous  en  donner  une  idée, 
»  si  vous  l’ignorez,  qu’il  me  suffise  de’vous  dire  qu’on  n’y 
»  était  pas  même  à  l’abri  des  intempéries  de  l’air,  ni  des 
»  eaux  qui  tombaient  du  ciel.  Notrejeune  supérieure  ne  se 
»  décourage  point...  Dieu  lui  inspire  de  faire  un  appel  aux 
»  cœurs  riches  et  généreux  :  et  partout  où  elle  frappe,  les 
»  portes  lui  sont  ouvertes  ;  partout  on  l’accueille  avec 
»  bienveillance.  Son  air  noble  et  modeste,  ses  manières 
»  pleines  de  grâce,  son  amour  pour  les  pauvres  gagnent 
»  tous  les  cœurs,  et  l’argent,  lui  arrive  de  toutes  parts,  et 
»  la  maison"  des  pauvres  est  réparée. 

»  Que  vous  dirai-je  du  pensionnat  qu’elle  avait  pour 
»  mission  de  fonder?  »  Lorsque  le  moment  fut  venu,  «  elle 
»  mit  la  main  à  cette  œuvre  avec  l’ardeur  qu’elle  mettait  à 
»  tout  ce  qu’elle  entreprenait...  En  peu  d’années,  le  pen- 
»  sionnat  de  Montignac  était  nombreux  et  se  distinguait 
»  par  ses  bonnes  et  fortes  études. 

»  Voilà,  chers  habitants  de  cette  paroisse,  ce  que  nous 
»  devons  à  la  vénérable  Joséphine  Barré.  Elle  a  formé  à 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  la  science  et  à  la  vertu  presque  toutes  les  mères  de 
»  famille,  toutes  les  maîtresses  de  maison  qui  ont  vécu  de 
»  son  temps  ;  et  s’il  y  a  parmi  nous  de  la  piété,  —  et  il  y 
»  en  a  beaucoup,  —  femmes  chrétiennes,  c’est  à  cette 
»  vénérable  Mère  que  nous  le  devons.  Pourrions-nous 
»  oublier  un  si  grand  bienfait?... 

»  N’oubliez  pas  non  plus,  vous  pauvres  de  la  contrée, 
»  l’intérêt  qu’elle  vous  portait,  les  peines  qu'elle  s’est  don- 
»  nées  pour  améliorer  votre  sort,  pour  adoucir  vos  souf- 
»  frances... 

»  Mais  vous  ne  lui  devez  pas  seulement,  mes  chers  frè- 
»  res,  ces  biens  temporels  et  passagers.  Elle  vous  a  offert, 
»  pendant  52  ans  que  vous  avez  eu  le  bonheur  de  la  pos- 
»  séder  au  milieu  de  vous,  l’exemple  de  toutes  les  vertus. 
»  Quelle  foi  que  la  sienne  !  Elle  égalait  par  la  fermeté  et 
»  la  délicatesse  celle  des  premiers  siècles.  Quelle  bonté  1 
»  quelle  charité  !  Nul  ne  lui  découvrait  ses  besoins  tempo- 
»  rels  ou  spirituels  sans  trouver  auprès,  d’elle  secours  et 
»  consolation... 

»  Mais  je  n’en  finirais  pas  si  je  voulais  seulement  ébau- 
»  cher  le  portrait  de  cette  vie  si  riche  de  qualités  et  de 
»  vertus.  Je  dois  cependant  vous  révéler  encore  combien 
»  sa  mort  a  été  sainte-  aux  yeux  de  la  foi,  et  par  consé- 
»  quent  précieuse  devant  13ieu.  Pendant  sa  vie,  notre 
»  chère  et  digne  Mère  redoutait  les  jugements  de  Dieu  : 
»  c’est  le  propre  des  saints.  Mais  .à  mesure  que  la  mort 
»  approchait,  l’amour  prenait  le  dessus,  la  confiance  et 
»  la  paix  entraient  dans  son  âme,  et  les  terreurs  se  dissi- 
»  paient.  A  l’heure  solennelle  de  la  mort,  le  Séigneur  se 
»  montre  comme  un  Dieu  plein  de  tendresse  et  de  miséri- 
»  corde  pour  les  justes  qui  ont  craint  sa  justice  et  observé 
»  ses  lois  sacrées.  Alors  tout  change  dans  l’âme  des  mou- 
»  rants  ;  la  confiance  succède  à  la  frayeur  ;  l’on  voit  cette 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRTGOBD.  383 

»  âme,  prête  à  rompre  ses  liens,  hâter  par  ses  vœux  le 
»  moment  de  s’unir  à  Celui  qu’elle  avait  pris  pour  son 
»  unique  partage.  C’est  le  consolant  spectacle  que  nous  a 
»  donné  la  vénérable  Mère  Barré.  » 

Inutile  de  dire  que  toute  la  ville  assistait  aux  funérail¬ 
les  de  cette  sainte  religieuse,  tous  plus  portés  à  l’invoquer 
qu’à  prier  pour  elle. 

Ajoutons  qu’elle  est  dignement  remplacée  par  la  Mère 
Josèphe  Talon. 

Et  maintenant  si,  en  terminant  cette  Notice,  nous  vou¬ 
lons  résumer  en  quelques  mots  tout  ce  que  nous  avons 
dit  de  cet  hôpital,  il  est  manifeste  qu'à  son  origine,  dans 
ses  développements,  dans  sa  richesse  même,  —  car  il  est 
riche,  —  il  est  l'œuvre  de  la  charité  chrétienne,  unie  à  la 
charité  sacerdotale.  Et  cependant  le  digne  représentant  de 
cette  charité,  le  vénérable  M.  Mas,  a  été  exclu  de  son 
administration.  L’équité  et  le  bon  sens  en  gémissent. 


Hôpital  d’Excideuil. 


I.  —  Nous  avons  peu  de  documents  sur  l’hôpital  d’Exci¬ 
deuil  ;  aussi  ne  nous  est-il  pas  possible  de  donner  la  date 
certaine  de  son  origine,  et  le  nom  de  son  fondateur  nous 
est-il  également  inconnu.  Nous  voyons  bien  que  dans  les 
premières  années  du  xvii6  siècle  on  construit  dans  cette 
ville  un  hôpital  par  ordre  d’Isabeau  de  Beauville  de  Lau- 
rens,  comtesse  douairière  d’Escarts,  dame  d’Excideuil  et 
de  Beauville,  ordre  exprimé  dans  son  testament  du 
27  janvier  1605  ;  mais  il  ressort  des  termes  mêmes  dont 
elle  se  sert  qu’avant  cette-  époque  un  hôpital  avait  existé 
à  Excideuil.  Nous  avons  de  ce  testament  l’extrait  qui  suit  : 

La  comtesse  fait  d’abord  des  legs  aux  pauvres  et  à 
douze  jeunes  filles  d'Excideuil  et  de  Beauville  ;  elle  dit  : 
«  Je  veux  aussi  que  chascun  jour  et  fête  de  Notre-Dame- 
»  de-Cbandeleure  et  à  jamais,  il  soit  baillé  et  distribué 
»  aux  pauvres  du  dit  lieu  d’Exideuilh,  en  petits  pains, 
»  trois  charges  de  bled  mesture,  par  aulmosne  pie  et 
»  publique,  et  que  à  mesme  jour  il  soit-aussi  dosné  et 
»  distribué  en  la  mesme  sorte  aux  pauvres  de  la  ville  et 
»  juridiction  de  Beauville  deux  charges  de  mesme  bled 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  385 

»  mesture  ;  et  de  plus  que  ung  an  après  mon  déceds,  il 
»  soit  baillé  par  mondit  héritier  à  douze  filles  orphelines, 
»  six  du  dit  lieu  d’Excideuilh,  et  les  autres  six  dudit  Beau- 
»  ville,  et  à  chascune  d’elles  la  somme  de  30  livres  tour- 
»  noîs  pour  les  marier.  » 

Venant  ensuite  à  l’hôpital,  elle  s’exprime  ainsi  : 

«  Je  veux  aussi  que  l’hospital  d’Excideuilh  soit  fait 
»  rebasti  par  mondit  héritier  sus-nommé  et  à  ses  dépens, 
»  y  comprenant  tout  ce  qu’il  peut  avoir  été  légué  par 
»  autres  personnes,  et  ce  dans  quatre  ans  après  mon  dit 
»  décès  ;  auquel  hospital  je  fonde  quinze  sestiers  de  bled 
»  mesture  pour  servir  à  la  nourriture  des  pauvres  qui  se 
»  retireront  à  icelluy  ;  lesquels  quinze  sestiers  de  bled 
»  mesture  je  veux  qu’ils  soient  paiés  et  prins  annuelle- 
»  ment  et  perpétuellement  sur  le  revenu  de  ma  terre  et 
»  seigneurie  d’Excideuilh.  » 

Ne  ressort-il  pas,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  des  termes 
de  ce  testament,  qu’un  hôpital  avait  existé  à  Excideuil 
avant  ce  legs  généreux  d’Isabeau  de  Beauville  ?  Ces  mots  : 
soit  faict  et  rebasti  indiquent  une  reconstruction  et  non 
une  construction  première.  En  disant  :  Je  veux  que  l'hos- 
pital  d’Excideuil  soit  rebasti,  la  comtesse  exprime  que 
l’existence  d’un  hôpital  antérieur  était  de  notoriété  publi¬ 
que.  Dans  le  cas  contraire,  elle  aurait  dit  :  Je  veux  qu’un 
hospital  soit  basti  à  Excideuil. 

Mais  à  qu’elle  époque  l’origine  de  cet  hôpital  antérieur 
à  la  fondation  faite  par  Isabeau  de  Beauville  ?  Les  docu¬ 
ments  nous  faisant  défaut,  nous  ne  pouvons  nous  baser 
que  sur  d^s  présomptions  plus  ou  moins  probables. 

On  peut  supposer  qu’ayant  été  fondé  dans  le  XIV0  ou  le 
XVe  siècle,  il  fut  victime  des  guerres  qui,  pendant  le  XVI* 
siècle,  déchirèrent  le  Périgord  et  le  Bas-Limousin.  On 
sait  que  les  Huguenots  portaient  principalement  sur  les 
25 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


établissements  religieux  leur  rage  de  destruction.  A  la 
date  de  son  testament,  Isabeau  de  Beauville  n’était  que 
depuis  quelques  années  héritière  de  la  seigneurie  d’Exci- 
deuil,  qu’Henri  IV,  n’étant  encore  que  roi  de  Navarre,  avait 
détachée  de  la  dépendance  des  vicomtes  de  Limoges  pour 
la  vendre  à  la  maison  d’Escars.  Elle  put  se  croire  appelée 
par  la  Providence  à  réparer  les  ruines  que  les  sectaires 
avaient  faites,  et  elle  ordonna  de  rebâtir  l’hôpital  d’Exci- 
deuil. 

Mais,  quoique  Isabeau  de  Beauville  n’ait  pas  été  la  pre¬ 
mière  fondatrice  d’un  hôpital  à  Excideuil,  elle  n’a  pas 
moins  de  mérite  devant  Dieu,  et  les  amis  de  l’humanité 
souffrante  n’en  doivent  pas  moins  bénir  sa  mémoire.  Les 
dispositions  de  son  testament  sont 'une  preuve  de  sa 
grande  sollicitude  pour  les  indigents  de  sa  double  sei¬ 
gneurie.  Les  habitants  d’Excideuil  aimeront  à  lui  conser¬ 
ver  une  place  d’honneur,  la  première,  sur  la  liste  des 
bienfaiteurs  de  leur  hôpital. 

Il  est  à  présumer  que  l’héritier  d’Isabeau  de  Beauville 
ne  tarda  pas  à  mettre  la  main  à  l’œuvre,  et  que  l’hôpital 
était  déjà  bâti  en  l’année  1613,  lorsque  la  seigneurie  d’Ex¬ 
cideuil  sortit  de  la  maison  d’Escars  pour  devenir  la  pro¬ 
priété  du  prince  de  Ghalais  et,  par  ce  dernier,  la  propriété 
de  la  famille  des  Talleyrand-Périgord.  Depuis  cette  épo¬ 
que  jusqu’en  1770,  nous  manquons  de  documents.  Nous 
ne  savons  même  pas  quelle  fut  l’administration  intérieure 
de  cet  hôpital.  Il  est  probable  —  nous  ne  1’afürinons  pas 
—  que  le  soin  des  pauvres  fut  confié  à  des  hospitalières 
laïques.  Cependant,  —  et  nous  pouvons  affirmer  ceci,  — 
la  charité  chrétienne  ne  l’oublia  pas  pendant  cette  période 
jusqu’à  l’époque  de  la  grande  Révolution.  Nous  avons  pu 
recueillir  les  noms  de  quelques  bienfaiteurs  qui  témoi- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DÛ  PÉRIGORD.  387 
gnent  en  faveur  d’une  bonne  tenue  de  Fhôpital.  Nous 
pouvons  citer  : 

En  1727,  le  comte  de  Talleyrand,  duc  de  Périgord,  pour- 
une  rente  perpétuelle  de  1,000  fr.; 

En  1736,  Leymarie  Laboneygeas,  d’Excideuil,  pour  une 
rente  perpétuelle  de  48  fr.; 

En  1740,  Grand,  d’Excideuil,  pour  une  rente  perpétuelle 
de  84  fr.; 

En  1755,  Lafon  Desvergnes,  d’Excideuil,  pour  une 
rente  perpétuelle  de  4  fr.; 

En  1756,  Durand  Dauberoche,  d’Excideuil,  pour  une 
rente  perpétuelle  de  40  fr.; 

En  1758,  Dubreuil  Lafarerie,  d’Excideuil,  pour  une 
rente  perpétuelle  de  46  fr.; 

En  1767,  Audebert  Lapinsonnie,  de  Lapinsonnie,  pour 
une  rente  perpétuelle  de  24  fr.; 

En  1774,  Nicolas  Lacoste,  de  la  Forge-de-Fayolle,  pour 
une  rente  perpétuelle  de  80  fr.; 

En  1781,  Méredieu,  de  Périgueux,  pour  une  rente  per¬ 
pétuelle  de  89  fr.; 

En  1781,  Jean  Gourdou,  d’Excideuil,  pour  une  rente 
perpétuelle  de  110  fr. 

C’était  déjà  un  revenu  de  1,516  francs  ajouté  aux 
«  quinze  sestiers  de  bled  mesture,  »  que  la  fondatrice, 
Isabeau  de  Beauville,  avait  assurés  à  l’hôpital,  «  annuel- 
»  lemeni  et  perpétuellement  sur  sa  terre  et  seigneurie 
»  d’Excideuil.  »  Ces  revenus  furent  augmentés,  en  1770, 
de  ceux  de  la  communauté  de  Sainte-Glaire.  Ces  religieu¬ 
ses  ayant  été  supprimées,  leurs  biens  furent  déclarés  de 
mainmorte  et  les  revenus  réunis  à  ceux  de  l’hôpital,  par 
arrêt,  en  date  du  21  août  1770,  du  parlement  de  Bordeaux. 

Mais  que  devint  l’hôpital  d’Excideuil,  h  l’époque  désas¬ 
treuse  de  1793  ?  A  défaut  de  documents  certains,  sachant 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


ce  qui  se  fit  ailleurs,  nous  pouvons  bien  donner  comme 
très  probable  que  les  mains  spoliatrices  de  la  Révolution 
ne  respectèrent  pas  ici  plus  qu’ailleurs  l’habitation  et  le 
domaine  des  pauvres.  Si  le  service  des  malades  et  des 
pauvres  infirmes  y  fut  supprimé, pendant  quelques  années, 
nous  voyons  qu’il  y  était  repris  et  que  l’hôpital  fonction¬ 
nait  dès  l’année  1800.  En  cette  année  il  reçoit  de  Blon¬ 
deau  d’Auberoche,  de  Périgueux,  une  rente  perpétuelle 
de  40  francs.  Et  nous  pouvons  reprendre  à  cette  année  la 
liste  de  ses  bienfaiteurs.  Nous  citerons  : 

En  1800,  ce  Blondeau  d’Auberoche,  de  Périgueux,  pour 
une  rente  de  40  francs  ; 

En.1817,  Antoine  Lagrange,  des  Maisons,  pour  une 
rente  perpétuelle  de  100  fr  ; 

En  1818,  Léonard  Foucaud,  pour  une  renie  perpétuelle 
de  80  francs  ; 

En  1829,  Alphonse  Saint-Aubin-Rebeyre,  d’Excideuil, 
pour  un  capital  de  4,000  francs  ; 

En  1832,  comte  Maxence  de  Mallet,  de  Saint-Médard, 
pour  une  rente  perpétuelle  de  68  francs  ; 

En  1840,  veuve  Tarrade,  de  Sarrazac,  pour  une  rente 
perpétuelle  de  50  francs  ; 

En  1843,  Marie  Bounet,  de  Saint-Pantaly,  pour  un  capi¬ 
tal  de  200  francs  ; 

En  1852,  Lacombe,  épouse  Pressac,  de  Saint-Raphaël, 
pour  un  capital  de  3,000  francs  ; 

En  1853,  Jean-Baptiste  Débotas,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  300  francs  ; 

En  1861,  Marie  Lacbaume,  du  château  de  Mayac,  pour 
un  capital  de  300  francs,  pour  lits  de  la  salle  des  hommes  ; 

En  1860,  Mme  Labrousse,  d’Excideuil,  pour  un  capital 
de  400  francs  ; 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,'  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  389 

En  1860,  M.  Chavoix,  notaire,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  500  francs  ; 

En  1861,  M.  Arthur  de  Mallet,  de  Périgueux,  pour  un 
capital' de  5,000  francs  ; 

En  1865,  M.  Antoine  Gay,  de  la  Judie,  pour  un  capital 
comptant  de  35,000  francs,  et  un  capital  de  110,000  francs, 
payable  après  le  décès  de  deux  légataires  ; 

En  1868,  Mme  Marie  Darfeuille,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  50  francs  ; 

En  1873,  Mme  Rigaud,  d’Excideuil,  pour  un  capital 
de  700  francs  ; 

En  1876,  M.  Jean-Baptiste  Labrousse ,  d’Excideuil,  pour 
un  capital  de  1,000  francs  ; 

En  1877,  Mme  veuve  Lafforest,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  300  francs. 

En  1877,  M.  Dumas,  de  Paris,  pour  un  capital  de  500  fr. 

En  1878,  M.  Zacharie  Raynaud,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  300  francs. 

II.  —  Ces  nombreuses  offrandes  faites  à  diverses  épo¬ 
ques  jusqu’en  1878,  et  d’autres  en  linge  et  objets  mobi¬ 
liers,  dont  nous  ne  parlons  pas,  prouvent  en  quelle  estime 
était  l’hôpital  d’Excideuil,  et  la  confiance  qu’inspirait  son 
administration. 

Ce  ne  fut  qu’en  1838  que  sa  direction  intérieure  fut 
confiée  aux  religieuses  de  la  Charité  et  de  l’instruction 
chrétienne  de  Nevers,  aux  conditions  et  clauses  que  cette 
congrégation  impose,  lorsqu’elle  se  charge  de  la  direction 
d’un  hôpital.  La  demande  en  fut  faite  par  l’envoi  d’une 
délibération  de  la  commission  administrative  de  l'hôpital  ; 
et  le  5  mars  1838,  la  supérieure  et  le  conseil  de  cette 
congrégation,  ayant  pris  connaissance  de  cette  délibéra¬ 
tion  et  étant  autorisés  par  le  supérieur  général,  MBr  l’évê- 


390 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


que  de  Nevers,  acceptèrent  la  direction  de  l’hôpital. 
Néanmoins  le  traité,  qui  liait  les  parties,  ne  fut  signé  que 
le  5  avril  1841  par  la  commission  administrative,  et  que 
le  .21  mai  suivant  parla  supérieure  générale  et  son  conseil. 
Il  reçut  l’approbation  du  ministre  de  l’intérieur  le  31  juil¬ 
let  de  la  même  année. 

On  n’envoya  d’abord  que  trois  sœurs  ;  elles  suffisaient, 
et  les  -revenus  de  l’hôpital  n’en  permettaient  que  trois. 
Peu  à  peu,  et  selon  les  nécessités  des  œuvres  entreprises, 
d’autres  vinrent  s’adjoindre  aux  premières  ;  elles  sont 
aujourd’hui  au  nombre  de  huit. 

En  1851,  la  sœur  Dorothée  Veillerot,  cédant  aux  ins¬ 
tances  qui  lui  étaient  faites  et  pressée  elle-même  du  désir 
de  faire  le  bien  par  l’éducation  chrétienne  des  jeunes 
filles,  annexa  à  l’hôpital,  mais  dans  un  local  entièrement 
indépendant,  une  école  gratuite  pour  les  enfants  des 
familles  indigentes  ou  peu  aisées,  et  un  pensionnat  avec 
externat  pour  les  enfants  des  familles  aisées.  C’était  com¬ 
prendre  toutes  les  classes  de  la  société  pour  donner  à 
toutes  le  bienfait  de  l’éducation  chrétienne.  En  peu  d’an¬ 
nées  le  pensionnat  fut  très  florissant  et,  en  1870,  l’école 
gratuite  fut  érigée  en  école*  communale. 

Les  sœurs  de  Nevers  ont  donc  aujourd’hui  sous  leur 
.direction,  à  Excideuil,  une  école  communale,  une  salle 
d’asile,  un  pensionnat  et  l’hôpital.  Elles  occupent  l’ancien 
couvent  des  Cordeliers. 

Nous  avons  nommé  la  salle  d’asile.  Fondée  en  1856, 
elle  a  eu,  comme  l’hôpital,  ses  bienfaiteurs  ;  nous  pou¬ 
vons  citer  en  l’année  même  de  sa  fondation  : 

M.  le  comte  Talleyrand-Périgord,  de  Paris,  pour  un 
capital  de  1,000  francs  ; 

M.  le  comte  Maxence  de  Damas  d’Hautefort,  pour  un 
capital  de  500  francs  ; 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  391 

M.  le  marquis  de  Mallet,  de  Paris,  pour  un  capital  de 
200  francs  ; 

Mm®  Cavaillon,  d’Excideuil,  pour  un  capital  de  50  fr.  ; 

Mlle  Marie  de  Yenancourt,  d’Excideuil,  pour  un  capital 
de  200  francs  ; 

M.  Théodore  Debrégeas-Laurenie,  d’Excideuil,  pour  un 
capital  de  2,000  francs,  aün  de  perpétuer  le  souvenir  de 
sa  mère. 

Ces  bienfaiteurs,  ayant  fait  leur  offrande  généreuse  en 
l’aDnée  même  de  la  fondation  de  la  salle  d’asile,  doivent 
être  considérés  et  honorés  comme  les  fondateurs  de  cet 
établissement.  La  charité  chrétienne  n’oublie  jamais  ce 
qui  peut  contribuer  au  bien-être  des  classes  indigentes 
et  ouvrières.  C’était,  mû  par  cette  charité  que,  dès  l’an¬ 
née  1853,  M.  Jean-Baptiste  Labrousse,  alors  ordonnateur 
de  l’hôpital,  avait  pris  l’initiative  de  cette  fondation.  Il  lui 
fallut  trois  ans  pour  vaincre  les  obstacles  et  aplanir 
toutes  les  difficultés.  Mais,  enfin,  le  succès  couronna  sa 
persévérance.  On  doit  le  comprendre  au  nombre  des 
fondateurs  de  cette  œuvre  si  admirable  et  si  utile.  Nous 
le  trouvons,  d’ailleurs,  pour  une  somme  de  1,000  francs 
sur  le  catalogue  des  bienfaiteurs  de  l’hôpital. 

C’est  à  cet  homme  de  bien,  successivement  juge  de  paix 
et  maire  d'Excideuil,  qu’est  due  l’initiative  de  toutes  les 
améliorations  faites  à  l’hôpital  pendant  les  quarante  ans 
qu’il  en  fut  presque  l’unique  administrateur.  Ses  collè¬ 
gues  de  la  commission,  ayant  en  lui  toute  confiance, 
le  laissaient  faire  et  il  faisait  le  bien.  La  reconnaissance  a 
voulu  que  son  portrait  fût  placé  dans  le  salon  de  l’hôpital. 

III.  —  Avant  de  clore  cette  notice,  nous  devons  saluer 
avec  une  respectueuse  estime  la  mémoire  vénérée  d’une 
sainte  religieuse,  qui  fut  pendant  25  ans  employée  à 


392  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

l’hôpital  d’Excideuil.  Elle  y  a  marqué  son  passage  par 
trop  de  vertus,  par  trop  d’amour  des  pauvres,  pour 
qu’elle  puisse  être  jamais  oubliée  :  c’est  la  sœur  Alexan¬ 
drie  Junière.  Elle  appartenait  par  sa  famille  au  diocèse 
de  Périgueux.  Née  à  Issigeac,  au  mois  de  juin  1820,  elle 
était  la  digne  sœur  de  l’éminent  vicaire-général,  dont  la 
modestie  voudrait  faire  oublier  le  mérite,  et  qui,  sous 
l’épiscopat  de  trois  évêques,  ayant  pris  une  part  active  à 
l’administration  du  diocèse,  a  su  n’avoir  parmi  ses  con¬ 
frères  que  des  amis. 

La  sœur  Alexandrine  fut  envoyée  à  l’hôpital  d'Excideuil 
en  1838  ;  elle  y  mourut  le  3  avril  1869,  aimée  et  vénérée 
de  tous,  emportant  au  ciel  une  surabondante  mesure  de 
mérites.  On  l’appelait  la  Sœur  des  Pauvres  ;  et  son  zèle, 
toujours  fervent  pour  tous  leurs  intérêts, justifiait  bien  ce 
nom,  qui  est  son  plus  bel  éloge  et  résume  toute  sa  vie. 
Nous  renvoyons  ceux  de  nos  lecteurs  qui  voudraient  con¬ 
naître  les  détails  de  cette  vie,  si  bien  remplie  devant  Dieu 
et  devant  les  hommes,  à  l’intéressante  notice  que  lui  con¬ 
sacra  M.  l’abbé  Poumeau,  alors  vicaire  d’Excideuil  et  au¬ 
mônier  de  l’hôpital,  et  aujourd’hui  curé-doyen  de  Mussi- 
dan.  La  sainte  religieuse  ne  pouvait  avoir  un  meilleur 
panégyriste. 

En  finissant,  constatons  avec  regret  que  le  digne  curé- 
doyen  d’Excideuil,  M.  l’abbé  Dardé,  a  été  exclu  de  l’ad¬ 
ministration  d'un  hôpital,  qui  doit  tout  à  la  charité  chré¬ 
tienne. 


XXXVI 


Hôpital  Sainte-Marthe  et  Hôpital-général 
à  Périgueux. 

En  parlant,  au  premier  chapitre  de  ce  volume,  des 
origines  de  la  congrégation  de  Sainte-Marthe,  nous  avons 
constaté  qu’elle  prit  naissance  dans  l’hôpital  appelé  Hotel- 
Dieu,  dont  la  direction  fut  confiée  aux  pieuses  filles  qui 
les  premières  s’engagèrent  par  vœux,  sous  le  vocable  de 
Sœurs-de-Sainte-Marthe,  à  soigner  les  pauvres  et  les 
malades.  C’était  en  1643. 

Par  la  suite  et^peu  de  temps  après,  l’asile  hospitalier 
s’appela  indistinctement  Hôtel-Dieu  et  hôpital  de  Sainte- 
Marthe.  Il  ne  tarda  pas  à  prendre  une  grande  importance 
par  l’adjonction  qui  lui  fut  faite  de  cinq  autres  petits 
hôpitaux  que  possédait  Périgueux. 

Il  existe  aux  archives  départementales  un  dépôt  de 
mille  à  douze  cents  pièces,  fort  intéressantes,  concernant 
cet  hôpital.  «  Elles  proviennent  des  familles  Dupuy  de 
»  Montferrier  et  Gay  de  Lambertie,  qui  ont  eu  pendant 
»  longtemps  deux  de  leurs  membres  syndicts  dudit  hôpi- 
»  tal  au  xvn6  et  au  xvm«  siècles.  Elles  se  composent  de 
»  titres  de  propriété,  de  rentes,  de  dépenses,  de  procédi*- 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  res,  de  mémoires  à  consulter,  de  requêtes  au  grand  con- 
»  seil  du  roi,  de  lettres-patentes,  de  correspondances  avec 
»  les  avocats  et  procureurs.  Dans  une  requête,  le  syndict 
»  rappelle  que  le  grand  Condé  fit  don  à  l’hôpital  deSainte- 
»  Marthe  de  Périgueux  de  15,000  livres  pour  la  fondation 
»  de  12  lits  en  faveur  des  pauvres.  » 

Nous  ne  pouvons  qu’indiquer  ici  ce  précieux  dépôt, 
regrettant  de  ne  pas  donner  une  courte  analyse  de  cha¬ 
que  pièce.  Le  cadre  nécessairement  restreint  de  cette 
notice  ne  nous  le  permet  pas.  Il  y  aurait  là  toute  une  his¬ 
toire  à  écrire  ;  nous  en  laissons  la  tâche  à  un  autre  en  lui 
indiquant  les  matériaux. 

En  même  temps  que  cet  Hôtel-Dieu  ou  Hôpital  de  Sainte- 
Marthe,  où  l’on  ne  recevait  que  les  indigents  malades,  il 
existait  à  Périgueux  l’Hôpital-général,  appelé  aussi  Manu¬ 
facture ,  où  tous  les  pauvres,  non  malades,  étaient  reçus, 
instruits,  moralisés  et  occupés  à  des  travaux  manuels. 
Nous  en  avons  aussi  dit  un  mot  au  premier  chapitre  de 
ce  volume.  Il  était  situé  sur  l’emplacement  de  l’hôpital 
actuel,  et  la  direction  en  était  confiée  à  une  ancienne  reli¬ 
gieuse  de  la  Charité.  Il  reçut  son  existence  légale  en  1665, 
par  une  Déclaration  du  roi,  que  nous  allons  reproduire 
ici.  Ce  précieux  document,  que  nos  lecteurs  sauront 
apprécier,  est,  à  lui  seul,  toute  l’histoire  de  cet  Hôpital- 
général,  et  fait  bien  ressortir  la  paternelle  sollicitude  de 
nos  rois  pour  les  pauvres,  au  double  point  de  vue  de  leur 
bien-être  matériel  et  de  leur  bien-être  spirituel. 

DÉCLARATION  DU  ROY 

PORTANT  ESTABLISSEMENT  D’üN  HOSPITAL  GÉNÉRAL  A  PÉRIGUEUX. 

«  Louis  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  de 
Navarre,  à  tous  présents  et  advenir  ;  Salut. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  395 

»  C’est  avec  une  grande  satisfaction  que  nous  avons 
accordé  à  quelques  villes  de  notre  province  de  Guienne, 
nos  lettres-patentes  en  forme  de  Déclaration,  pour  établir 
des  Hospitaux-généraux  et  y  eslever  les  pauvres  dans  la 
crainte  de  Dieu,  et  faire  parmi  nos  sujets  de  bons  artisans, 
de  bons  citoyens  et  de  bons  chrétiens  :  et  que  nous  avons 
départy  notre  protection,  en  faveur  de  ces  ouvrages  de 
piété,  et  par  ce  moyen  excité  la  charité  et  le  zèle  de  plu¬ 
sieurs  personnes  de  qualité  et  de  mérite  ;  ecclésiastiques, 
nobles  et  autres  dans  notre  province  de  Périgord,  à  con¬ 
tribuer  et  à  l’establissement  d’un  Hospital-général  dans  la 
ville  de  Périgueux  ou  faux-bourg  d’icelle  ;  et  à  disposer 
les  moyens  nécessaires  pour  parfaire  cet  ouvrage,  lequel 
ne  pouvant  subsister  n’y  estre  asseuré  sans  l’appuy  de 
notre  authorité,  et  s’il  n’estait  favorisé  de  nos  grâces,  et 
de  pareils  privilèges,  à  ceux  que  nous  avons  accordés  aux 
autres  Hospitaux-généraux  establis  dans  quelques  villes 
de  notre  dite  province  de  Guienne,  et  dans  le  ressort  de 
de  nostre  Parlemen  de  Bourdeaux;  nous  avons  d’autant 
mieux  reçu  les  très-humbles  supplications  qui  nous  ont 
esté  faites  par  les  Directeurs  nommez  pour  l’administra¬ 
tion  dudit  Hospital-général,  quenous  avons  reconnu,  que 
c’est  un  moyen  d’oster  l’oysivité,  d’où  procèdent  quantité 
de  désordres  qui  se  commettent  dans  ledit  pays  de  Péri¬ 
gord. 

»  A  ces  causes  ;  de  l’advis  de  nostre  conseil  qui  a  veu 
le  consentement  du  sieur  evesque  de  Périgueux,  ensemble 
les  autres  actes  consernant  l’establissemen  dudit  Hospital- 
général,  et  de  notre  certaine  science,  pleine  puissance,  et 
authorité  Royalle,  Nous  avons  par  ces  présentes  signées  de 
notre  main,  dit,  déclaré  et  ordonné,  disons,  déclarons, 
statuons  et  ordonnons  :  Voulons  et  nous  plaist  qu’il  soit 
establi  un  Hospital-général  dans  les  lieux  et  fonds  donnez 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


pour  servir  audit  establissemen  près  la  ville  de  Périgueux, 
pour  y  eslever  les  pauvres  en  la  crainte  de  Dieu  et  leur 
faire  apprendre  des  mestiers  ;  duquel  nous  voulons  estre 
Protecteur  et  Conservateur. 

»  Voulons,  que  l’administration,  gouvernemen,  et  juri¬ 
diction  dudit  Hospital,  tant  pour  l’instruction,  nourriture, 
entretien,  et  correction  des  pauvres  enfermez  ;  que  pour 
le  soing  des  Manufactures,  des  ouvrages,  et  généralemen 
de  tout  ce  qui  concernera  le  bien  dudit  Hospital-général  ; 
soit  entièremen  confié  à  douze  notables  Bourgeois,  choisis 
et  esleus  de  tous  les  corps  et  compagnies  de  ladite  ville  : 
conformemen  à  ce  qui  ce  pratique  pour  la  direction  de 
l’ancien  Hospital  des  malades  dans  ladite  ville.  Et  pour 
obvier  aux  contestations  qui  pourraient  naître,  pour  rai¬ 
son  des  rangs  et  séances,  ordonnons,  que  si  aucunes  en 
survienent,  elles  seront  réglées  par  le  sort. 

»  Voulons,  que  la  charge  des  directeurs  dudit  Hospital- 
général  dure  quatre  années  sans  que  pendant  ledit  temps 
ils  puissent  être  changez,  sinon  en  cas  de  mort,  absence 
ou  autre  empeschemen  légitime,  d’aucun  d’iceux  :  auquel 
cas,  il  en  sera  subrogé  d’autres  nouveaux  en  leur  lieu  et 
place,  et  néanmoins,  afin  que  dans  la  succession  des  per¬ 
sonnes,  qui  entreront  dans  ladite  administration,  il  y  ait 
toujours  quelqu’un  qui  soit  informé  de  l’estât  dudit  Hospi¬ 
tal,  et  qui  puisse  instruire  ceux  qui  seront  esleux  de  nou¬ 
veau,  qu’il  en  soit  nommé  six,  de  deux  en  deux  ans,  après 
lesdites  premières  quatre  années  ;  voulons  que  la  nomi¬ 
nation  en  soit  faite  le  premier  jour  du  mois  de  may  ;  pour 
entrer  en  charge  le  premier  de  juin  suivant  ;  auxquelles 
assemblées  du  Bureau  pourra  et  aura  droit  de  se  trouver 
toutes  fois  et  q  uantes  qüe  bon  lui  semblera,  le  sieur 
evesque  de  Périgueux,  et  ses  successeurs  audit  evesché, 
et  y  avoir  la  prescéance. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  397 

Donnons  pouvoir  auxdits  administrateurs  et  directeurs 
de  faire  des  règlements  de  police  et  statuts  non  contraires 
au  contenu  des  présentes,  pour  le  gouvernement  et  direc¬ 
tion  dudit  Hospital-général,  tant  au-dedans  d'icelluy  qu’au 
dehors  et  es  lieux  en  dépendans  ;  soit  pour  l’establis- 
sement,  subsistance  et  direction  des  pauvres  ;  ou  pour 
empescher  la  mendicité,  publique  et  secrette,  et  la  conti¬ 
nuation  de  leurs  désordres  :  A  ces  fins  pourront  appeler 
tel  nombre  de  personnes  du  corps  de  la  ville  qu’ils  juge¬ 
ront  à  propos. 

Gomme  aussi  pour  le  bien,  et  avantage  des  pauvres, 
lesdits  administrateurs  pourront  nommer  scindic,  un 
receveur,  un  secrétaire  et  un  économe  choisis  entre  tous 
les  habitants  de  ladite  ville,  de  quelque  condition  qu’ils 
puissent  être  :  Ensemble  un  avocat,  un  médecin,  un  pro¬ 
cureur,  un  chirurgien  ou  plusieurs,  qui  auront  droit  de 
représenter  audit  Bureau  les  choses  qui  regarderont  les 
fonctions  de  leurs  charges  seulemen  ;  destituables  à 
volonté.  Et  seront  lesdits  status  et  reglemens,  gardez  et 
observez,  par  tous  ceux  qu’il  appartiendra. 

»  Octroyons  auxdits  administrateurs  dudit  Hospital  pen¬ 
dant  le  temps  qu’ils  seront  dans  cet  employ,  exemption 
de  toutes  tutelles,  curatelles,  garde  aux  portes,  et  généra¬ 
lement  de  toutes  charges  publiques  de  quelques  qualité 
qu’elles  soient  quoyque  non  exprimées  ou  spécifiées. 

Faisons  inhibition  et  défenses  à  toute  sorte  de  person¬ 
nes,  de  quelle  qualité  et  condition  qu’elles  puissent  estre 
de  faire  aucune  questes  dans  les  églises  ou  dans  les  mai¬ 
sons  pour  les  pauvres,  sinon  par  la  permission  des  admi¬ 
nistrateurs  dudit  Hospital-général.  Dans  lesquelles  des- 
fenses  n’entendons  comprendre  les  questes  ordinai¬ 
res  pour  l’hospital  des  malades,  pour  les  prisonniers,  ny 
celles  des  religieux  mendians. 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


»  Ordonnons  que  tous  les  pauvres,  valides  et  invalides, 
de  quelque  aage,  qualité  et  sexe  qu’ils  soient  de  ladite 
ville  de  Périgueux,  faux-bourgs,  banlieue  et  juridiction 
d’icelle,  spécialement  les  orphelins,  les  aveugles  et  les 
extropiez,  demeureront  à  l’advenir  renfermez  dans  ledit 
Hospital,  pour  être  employez  au  travail  dont  ils  seront 
capables. 

»  Faisons  inhibition  et  desfenses  à  toute  sorte  de  per¬ 
sonnes  de  mandier  dans  ladite  ville,  faux-bourgs,  ban¬ 
lieue  et  juridiction  d'icelle,  à  peine  contre  les  contreve- 
nans  du  carcan  ou  du  pillori. 

»  Défendons  à  toutes  personnes,  de  quelque  qualité  et 
condition  qu’elles  soyent,  de  donner  l’aumosne  manuele- 
ment  aux  vagabonds,  mendians  dans  les  rues,  églises  et 
maisons  sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse  être,  et  à 
tous  propriétaires  ou  locataires  des  maisons' dans  ladite 
ville,  faux-bourgs,  banlieue  et  villages  dépendans  de  la 
juridiction  dudit  Périgueux,  de  donner  retraite  auxdits 
vagabonds  dans  leurs  logis  ny  les  y  recevoir  à  coucher, 
sous  quelque  prétexte  et  cause  que  ce  soit  :  à  peine  de 
quatre  livres  d’amende,  payable  sans  déport,  en  vertu  des 
présentes,  applicables  au  profit  dudit  Hospital-général. 

»  Donnons  et  attribuons  auxdits  administrateurs,  et  à 
leurs  successeurs,  droit  de  tenir  Bureau  en  la  forme 
accoutumée,  dans  l’ancien  hospital  dudit  Périgueux,  et 
en  iceluy  exercer  tout  pouvoir,  authorité,  direction  et 
administration,  connaissance,  juridiction,  police,  correc¬ 
tion  et  chastimens,  sur  tous  les  pauvres,  renfermez  et 
mendians,  etmesme  de  les  pouvoir  faire  mettre  en  prison, 
au  carcan,  et  autre  peine  par  forme  de  chastimen  et  cor¬ 
rection  sans  autre  forme  Dy  figure  de  procès.  Et  pour  cet 
effet  leur  permettons  d’avoir  dans  ledit  Hospital-général  des 
prisons,  un  poteau  et  un  carcan,  à  la  charge  néanmoins, 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  399 

que  si  les  pauvres  méritent  peine  inflictive,  lesdits  admi¬ 
nistrateurs  seront  tenus  de  les  envoyer  par  devers  les 
juges  auxquels  la  connaissance  en  appartient. 

»  Permettons  auxdits  administrateurs  et  directeurs  dudit 
Hospital-général  d’établir  des  Archers  en  tel  nombre 
qu’ils  jugeront  necessaire  pour  vacquer  au  renfermement 
desPauvres,  si  mieux  ils  n’aiment  se  servir  des  officiers  et 
sergens  de  la  Maison  de  ville  :  avec  pouvoir  d’en  mettre 
aux  portes  de  ladite  ville  pour  recevoir  les  pauvres  pas- 
sans  et  renvoyer  les  vagabonds,  sans  faire  neanmoins 
aucuns  exploits  de  justice,  ny  sans  qu’ils  puissent  pré¬ 
tendre  aucune  chose  des  pauvres,  ny  les  favoriser  ou 
maltraiter  en  façon  quelconque. 

»  Défandons  à  toute  sorte  de  personnes,  de  quelle  qua¬ 
lité  qu’elles  puissent  estre,  de  molester,  injurier  ou  mal¬ 
traiter  lesdits  archers  ou  commis  dudit  Bureau,  qui  seront 
employez  pour  prendre,  conduire,  renvoyer,  renfermer  et 
accompagner  les  pauvres,  à  peine  d’estre  emprisonnez  sur 
le  champ,  et  d’estre  procédé  contre  eux  criminellement,  à 
la  requeste  du  syndic  dudit  Hospital-général,  et  aux  pau¬ 
vres  de  faire  aucune  résistance  sous  peine  d’esire  punis 
ainsi  que  lesdits  administrateurs  adviseront. 

»  Voulons  qu’il  soit  fait  visite  de  trois  mois  en  trois 
mois  par  les  maire  et  consuls,  ou  par  les  directeurs  dudit 
Hospital,  dans  les  lieux  de  ladite  ville  et  desdits  faux- 
bourgs  de  Périgueux,  où  lesdits  vagabons  ont  accoutumé 
de  se  retirer  et  loger.  Voulons  que  les  lits,  paillasses, 
matelats  et  couvertures,  dans  lesquels  lesdits  vagabonds 
auront  couché  plus  d’une  nuit,  soient  enlevés  et  apliqués 
au  profit  dudit  Hospital-général,  sans  espérance  de  répé¬ 
tition. 

»  Voulons  que  tous  nos  officiers  de  judicature  et  de 
finances,  ensemble  les  advocats,  procureurs,  greffiers, 


400 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


commis,  huissiers,  sergens,  notaire?,  que  tous  autres  offi¬ 
ciers  qui  seront  reçus  dans  ladite  ville  de  Périgueux,  lors 
de  leur  réception  ou  installation  en  leurs  offices,  donnent 
audit  Hospital-général  quelques  sommes  modiques,  sui¬ 
vant  la  taxe  qui  en  sera  faite  par  les  compagnies  de  nos 
officiers,  chacun  en  ce  qui  les  regardera,  eu  égard  à  la 
qualité,  faculté  desdits  officiers.  Faisons  très  expresse 
inhibition  et  deffenses  aux  greffiers  des  justices  de  ladite 
ville  de  délivrer  aucunes  matricules,  ou  actes  de  récep¬ 
tion,  ou  installation,  que  la  quittance  du  revenu  dudit 
Hospital-général  ne  leur  soit  mise  entre  les  mains,  à  peine 
d’en  répondre  en  leur  propre  et  privé  nom. 

»  Defandons  aux  maire  et  consuls  de  ladite  ville  d’ac¬ 
corder  aucunes  lettres  de  nouveaux  habitants  d’icelle,  ny 
permettre  à  aucuns  marchands,  pâtissiers,  boulangers, 
cordonniers,  seruriers  et  autres  gens  de  mestiers,  de  quel¬ 
que  qualité  qu’ils  puissent  estre,  de  lever  boutique,  met¬ 
tre  enseigne  et  bannières,  qu’ils  n’ayent  payé  au  préalable 
audit  Hospital  quelque  somme  modique  suivant  la  taxe 
qui  en  sera  faite  par  lesdits  maire  et  consuls. 

»  Déclarons  appartenir  audit  hospital  les  meubles  qui 
y  auront  été  portés  par  les  pauvres  qui  y  décéderont  et 
qui  y  auront  esté  gaignés  par  eux,  à  l’exclusion  de  leurs 
héritiers,  suivant  l’inventaire  qui  en  sera  fait  aux  dili¬ 
gences  desdits  administrateurs,  dans  le  temps  de  l’entrée 
desdits  pauvres  audit  Hospital-général,  et  de  leur  décès 
ou  de  leur  transport  en  cas  de  maladie,  dans  l’hospital  de 
Ste-Marthe  dudit  Périgueux,  suivant  le  concordat  d’entre 
lesdits  hospitaux  ;  lesquels  meubles,  le  decez  desdits  pau¬ 
vres  arrivan  dans  l’un  desdits  hospitaux,  seront  censez 
propres  audit  hospital  général. 

»  Gomme  aussi  permettons  de  faire  faire  et  fabriquer 
dans  l’estendue  dudit  Hospital-général  toute  sorte  de 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DD  PÉRIGORD.  401 

manufactures,  et  de  les  faire  vendre  et  débiter  sans  payer 
aucun  droit  de  visite  à  ceux  qui  les  visiteront. 

«  Yodlons  que  tous  dons,  légats,  institutions  d’héritiers 
en  faveur  des  pauvres  en  général,  par  contracts,  testa¬ 
ments  et  autres  dispositions,  adjudications  d’amendes 
aux  pauvres  en  termes  généraux,  quoyque  les  dispositions 
précèdent  les  présentes,  et  toutes  celles  qui  se  trouveront 
cy-après,  soient  et  appartiennent  audit  Hospital-général  ; 
lesquelles  à  cet  effet  pourront  estre  revendiquées  par  les- 
dits  administrateurs,  dans  l’estendue  de  la  juridiction  de 
ladite  sénéchaussée  dudit  Périgueux,  auquel  Hospital,  en 
tant  que  besoin  serait,  nous  en  avons  fait  don  par  ces 
présentes. 

»  Déclarons  exempt  et  déchargeons  ledit  Hospital-gé¬ 
néral  et  les  lieux  qui  y  seront  en  après  unis  pour  quelque 
cause  que  ce  soit,  de  tous  les  logements,  passage  et  con¬ 
tributions  de  gens  de  guerre  ;  et  serviront  ces  présentes 
de  sauvegarde  particulière  avec  deffenses  très-expresses 
aux  officiers,  commissaires  et  conducteurs  de  troupes  et 
soldats  d’y  loger,  et  aux  échevins  scindics  et  autres  d’y 
délivrer  aucuns  billets  de  logemen,  taxes, aydes  et  contri¬ 
butions.  Enjoignons  aux  gouverneurs  de  nos  provinces, 
villes  et  chasteaux,  nos  lieutenants-généraux,  échevins, 
consuls  et  autres  officiers,  d’y  tenir  la  main  ;  et  afin  que 
personne  n’en  prétende  cause  d’ignorance,  seront  mis  aux 
portes  des  maisons,  fermes  et  métairies  dudit  Hospital  les 
panonceaux  de  armes,  contenant  les  sauvegardes  et  exemp¬ 
tions  cy-dessus. 

»  Ne  voulons  que  les  fermiers .  dudit  Hospital-général 
ou  métayers,  faisant  valoir  le  bien  des  pauvres,  soient 
taxez  au  rolles  des  contributions,  tant  ordinaires  qu’ex¬ 
traordinaires  pour  raison  des  domaines  et  revenus  dudit 
Hospital-général,  mais  seulement  pour  leurs  biens  parti- 


402  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

culiers  pour  lesquels  ils  seront  raisonnablement  taxés  par 
les  esleus. 

»  Accordons  en  faveur  dudit  Hospital-général  le  quart 
des  amendes  et  restitutions  qui  nous  seront  adjugées  pour 
crimes  et  délits  :  à  ces  fins  ordonnons  que  tous  actes  pour 
les  affaires  des  pauvres  de  l’Hospital-général  seront  expé¬ 
diez  gratuitement,  sans  aucun  salaire  ni  droit  pour  les 
juges,  greffiers,  notaires,  et  autres  officiers  de  justice,  et 
que  les  sentences,  jugements,  testaments,  donations,  con¬ 
trats  et  traitez,  dont  lesdits  greffiers,  notaires  ou  autres 
seront  chargez,  et  auxquels  les  pauvres  auront  intérêt) 
soient  délivrez  par  extrait  et  gratuitement  aux  directeurs 
dudit  Hospital-général. 

»  Permettons  ausdits  directeurs  et  administrateurs  d’es- 
tablir  troncs,  bassins,  grandes  et  petites  boêtes,  dans  les 
églises,  lieux  publics,  bureaux,  boutiques  des  marchands, 
et  en  toutes  occasions  et  lieux  où  la  charité  peut  être 
excitée,  comme  ez  baptêmes,  mariages  et  convoits,  ser¬ 
vices  funèbres  et  autres  semblables. 

•  »  Gomme  aussi  permettons  ausdits  administrateurs  de 
faire  faire  toutes  questes  dans  la  ville,  campagne,  bourgs, 
villages  et  autres  lieux  dépendant  de  la  juridiction  de  la 
sénéchaussée  de  ladite  ville  en  faveur  des  pauvres  dudit 
Hospital. 

»  Ordonnons  que  les  aumosnes  qu’on  a  accoustumée  de 
distribuer  ez  enterrements  des  morts  et  autres  convoits,  et 
honneurs  funèbres  dans  ladite  ville  et  lesdits  faux-bourgs, 
seront  délivrées  au  receveur  dudit  Hospital-général. 

»  Donnons  et  unissons  audit  Hospital-général  tous  autres 
hospitaux,  maladreries,  léprosies,  hospices,  lieux,  mai¬ 
sons,  fonds,  droits  et  revenus,  cy-devant  donnez  pour  les 
pauvres  dans  l’estandue  de  ladite  sénéchaussée  de  Péri- 
gueux,  qui  se  trouveront  divertis  à  autres  usages  qu’à 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  403 

ceux  de  leur  fondation,  et  toutes  les  aumosnes  générales 
et  particulières  dont  il  constera  par  fondation, ou  pocession 
légitime,  le  revenu  des  confréries  esteintes  ou  qui  s’es- 
teindront  à  l’advenir,  en  satisfaisans,  sur  les  lieux,  par 
les  administrateurs,  aux  charges  des  fondations  à  pro¬ 
portion  du  revenu  d’icelles,  et  en  recevant  s’il  y  échoit 
les  pauvres  desdits  lieux,  et  logean  dans  un  lieu  séparé 
les  lépreux  ou  pourvoyant  autremen  à  leurs  nécessitez, 
n’entendànt  donner  lesdits  lieux  destinez  aux  lépreux 
qu’en  cas  qu’ils  fussent  abandonnez  ou  inhabitez. 

»  Etdésiran  gratifier  les  pauvres  dudit  Hospital -général, 
voulons  que  ceux  qui  auront  enseigné  et  travaillé  en  qua¬ 
lité  de  Maistres  pendant  dix  ans,  dans  ledit  Hospital-géné¬ 
ral  sous  le  congé  et  certificat  des  administrateurs  d’iceluy, 
puissent,  après  ledit  temps,  jouir  des  privilèges  des  autres 
Maistres  et  habitans  de  nostre  dite  ville  de  Périgueux  tout 
ainsi  que  s’ils  avaient  obtenu  des  lettres  des  Magistrats 
ordinaires  de  ladite  ville . 

»  Approuvons  et  authorisons  la  correspondance  entre  les 
directeurs  de  l’ancien  hospital  des  malades  dans  ladite 
ville  de  Périgueux,  suivant  leur  concordat,  avec  les  direc¬ 
teurs  de  l’Hospital-général,  sans  mélangé  neanmoins  ny 
confusion  de  leurs  revenus  ;  en  sorte  que  les  pauvres 
renfermez  de  l’un  et  l’autre  sexe  venans  à  estre  malades 
de  maladies  formées,  soient  reçus  et  traités  audit  ancien 
hospital  de  Sainte-Marthe,  comme  les  autres  malades, 
jusques  à  entière  convalescence,  et  après  reconduits  dans 
ledit  Hospital-général.  A  ces  fins  sera  tenu  registre  des 
malades  qui  y  seront  em voyez  et  d’où  ils  ne  pourront  estre 
congédiez  sans  qu’au  préalable  lesdits  directeurs  du 
Bureau  des  pauvres  de  l’Hospital-général  soient  advertis 
de  leur  convalescence  pour  estre  par  eux  pourveu  à  les 
remettre  dans  l’Hospital-général. 


404  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

N’entendons  que  ledit  Hospital-général  soit  chargé  de 
faire  alaicter  ny  nourrir  les  enfans  exposez,  attendu  que 
dans  l’ancien  hospital  de  Sainte-Marthe  cette  charité  est 
exercée.  Enjoignons  aux  magistrats  de  la  police  et  sei¬ 
gneurs  justiciers  d’y  pourvoir  suivant  nos  ordonnances, 
et  mesme  de  procurer  à  ce  que  justice  soit  faite  contre  les 
expositeurs.  Voulons  néanmoins  que  lesdits  enfans  expo¬ 
sez  estant  en  âge  pour  être  instruits  et  capables  de  quel¬ 
que  travail  puissent  estre  receus  dans  ledit  Hospital-géné¬ 
ral  comme  les  autres  mendians. 

»  Si  donnons  en  mendemen  à  nos  amez  et  féaux  les  gens 
tenan  nostre  cour  de  Parlemen  de  Guienne  et  Chambre 
des  contes  de  Paris,  cour  des  Aydes  de  Guienne,  Prési- 
dens  et  trésorier-généraux  de  France  à  Bourdeaux,  Prési¬ 
diaux,  Baillits,  Sénéchaux  et  tous  autres  nos  justitiers,  et 
officiers  qu’il  appartiendra,  que  ces  présentes  ils  facent 
lire, publier  et  enregistrer, icelles  exécuter,  garder  et  obser¬ 
ver,  selon  leur  forme  et  teneur,  cessant  et  faisant  cesser 
tous  troubles  et  empeschemen,  ou  contraire,  car  tel  est 
nostre  plaisir  :  nonobstant  ordonnances  quelconques  dif¬ 
férences,  reglements  et  lettres  à  ce  contraire,  auxquelles 
et  aux  dérogations  d’icelles,  nous  avons  pour  ce  regard 
seulemen  dérogé  et  dérogeons  par  les  présentes,  et  aûn 
qu’elles  soient  fermes  et  stables  à  toujours  nous  y  avons 
fait  mettre  notre  sceau,  sauf  en  autres  choses  nostre  droit 
et  celuy  d'autruy  en  toutes. 

»  Donné  a  Paris  au  mois  d’avril  l’an  de  grâce  mil  six 
cent  soixante  cinq  et  de  notre  règne  le  vingt  deux.  Signé 
Louis,  et  plus  bas  :  Par  le  Roy  Phelippaux,  •et  à  coté 
Séguier,  visa  pour  servir  aux  lettres-patentes  d’establis- 
semen  d’un  Hospital-général  en  la  ville  de  Périgueux.  » 

Cette  Déclaration,  qui  est  une  vraie  démonstration  de 
ce  qu’était  un  hôpital  général,  et  des  privilèges  et  faveurs 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  405 

dont  il  jouissait,  fut  enregistrée  au  Parlement -4e  Bor¬ 
deaux  et  rendue  exécutoire  par  arrêt  du  trois  juin  mil  six 
cent  soixante-cinq. 

Nous  l’avons  déjà  ait,  cet  Hôpital-général  était  dirigé 
par  une  religieuse  -  dite  de  la  Charité,  aidée  de  quelques 
séculières  à  titre  de  servantes.  Mais  il  y  avait  à  l’Hôtel- 
Dieu  un  nombre  plus  que  suffisant  de  religieuses  de  Ste- 
Marthe  pour  soigner  les  pauvres  malades.  Leur  surabon¬ 
dance  et  leur  bonne  administration  de  cet  établissement 
inspirèrent  aux  autorités  de  la  ville  la  pensée  de  leur  con¬ 
fier  aussi  la  direction  de  l’Hôpital-général.  Elles  y  entrè¬ 
rent  en  1701,  et  le  dirigèrent,  en  se  conformant  aux  sages 
prescriptions  de  la  Déclaration  du  roi,  jusqu’à  la  grande 
Révolution.  A  cette  époque  désastreuse,  surtout  pour  les 
pauvres,  l’Hôtel-Dieu  fut  supprimé,  et  les  malades  qui  s’y 
trouvaient  furent  transportés  à  l’Hôpital-général,  qui  cessa 
d’être  Manufacture  et  devint,  ce  qu’il  est  encore  aujour¬ 
d’hui,  hôpital  et  hospice.  Les  religieuses  de  Sainte-Marthe 
y  restèrent  employées  aux  soins  des  pauvres  et  des 
malades.  Elles  en  furent  chassées  en  1794,  et  y  furent 
rappelées  en  1800  par  les  autorités  de  Périgueux.  Elles  en 
sortirent  de  nouveau  en  1835,  pour  faire  place  aux  Sœurs 
de  la  Charité  de  Nevers,  qui  n’ont  point  cessé  de  le  diri¬ 
ger  depuis  cette  époque. 

Les  bienfaiteurs  n’ont  pas  manqué  à  cet  hôpital.  Leurs 
noms  sont  religieusement  conservés  et  forment  un  tableau 
d’honneur,  placé  dans  la  chapelle.  Nous  les  en  détachons 
pour  les  reproduire  ici  ;  ils  invitent  à  l’imitation  la  géné¬ 
ration  actuelle  et  la  génération  à  venir. 

L’hôpital  recevait  : 

De  Mlle  Lacharmie,  de  Périgueux,  par  testament  du 
l01  juillet  1827,  la  somme  de  3,000  fr.,  acceptée  par  déli¬ 
bération  de  la  commission  administrative  du  19  mai  1833  ; 


406 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


De  M.  le  comte  Duclusel,  de  Périgueux,  par  testament 
du  3  mai  1833,  la  somme  de  500  fr.,  acceptée  par  délibé¬ 
ration  du  29  décembre  1833  ; 

De  M.  Cosson  de  Lassudrie,  un  don  manuel  de 
500  fr.,  accepté  par  délibération  du  16  mars  1834  ; 

De  Mlle  Forestier,  née  Desvaulx,  un  don  manuel  de 
250  fr.,  accepté  par  délibération  du  3  juin  1837  ; 

De  Mme  de  Labaume  Forsac,  de  Toulouse,  native  de 
Périgueux,  veuve  de  Touchebœuf-Beaumont,  par  testa¬ 
ment  du  18  mars  1835,  la  somme  de  1,000  fr., .  acceptée 
par  délibération  du  29  mai  1841  ; 

De  Mlle  Lucrèce  Dubois,  par  testament  du  1er  mai  1830, 
la  somme  de  200  fr.,  acceptée  par  délibération  du 
10  juin  1842  ; 

D’un  anonyme,  un  don  manuel  de  2,000  fr.,  accepté 
par  délibération  du  27  septembre  1842  ; 

De  M.  Eymard  (François),  de  Périgueux,  par  testament 
du  26  novembre  1831,  la  somme  de  4,000  fr.,  acceptée  par 
délibération  du  3  juillet  1842  ; 

De  Mlle  Daussel,  de  Périgueux,  par  testament  du 
9  mai  1843,  la  somme  de  1,000  fr.,  à  charge  de  20  messes 
par  an,  acceptée  par  délibération  du  21  mai  1843  ; 

De  Mme  Villechanoux  (Anne),  par  testament  du  27  sep¬ 
tembre  1835,  la  somme  de  200  fr.,  acceptée  par  délibéra¬ 
tion  du  22  avril  1841  ; 

De  Mme  Jeanne  Pazaigne,  de  Périgueux,  par  testament 
du  25  avril  1843,  la  somme  de  8,000  fr.,  acceptée  par  déli¬ 
bération  du  25  janvier  1850  ; 

De  M.  Charles  de  Feletz,  de  Paris,  par  testament  du 
25  novembre  1847,  la  somme  de  3,000  fr.,  acceptée  par 
délibération  du  25  mars  1850  ; 

De  Mlle  Marguerite  Petit,  de  Verteillac,  par  testament 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  407 

du  3  décembre  1848,  la  somme  de  8,000  fr.,  acceptée  par 
délibération  du  14  novembre  1869  ; 

De  M.  Frédéric  Maurice,  de  Genève  (Suisse),  par  testa¬ 
ment  du  1er  janvier  1834,  la  somme  de  500  fr.,  acceptée 
par  délibération  du  24  juillet  1851  ; 

De  Mlle  Boury  de  la  Terrade,  de  Château-l'Evêque,  par 
testament  du  9  février  1846,  la  somme  de  150  fr.,  acceptée 
par  délibération  du  2  novembre  1851  ; 

De  la  famille  Dupont,  de  Périgueux,  par  don  manuel 
du  23  juillet  1852,  la  somme  de  5,700  fr.,  acceptée  par 
délibération  du  23  juillet  1852  ; 

De  Mgr  George,  évêque  de  Périgueux,  la  somme  de 
10,000  fr.,  acceptée  par  délibération  du  29  avril  1852  ; 

De  Mme  de  Vigneras,  de  Périgueux,  par  testament  du 
15  septembre  1851,  la  somme  de  31,545  fr.,  à  charge  de 
trois  messes  par  mois,  acceptée  par  délibération  du 
30  décembre  1852  ; 

D’un  anonyme,  de  Périgueux,  la  somme  de  8,000  fr., 
acceptée  par  délibération  du  30  décembre  1852  ; 

De  M.  Thomas  Préat,  de  Saint-Meyme-de-Périgord,  par 
testament  du  27  septembre  1853,  la  somme  de  600  fr., 
acceptée  par  délibération  du  9  janvier  1854  ; 

De  M.  Joseph  Sauveroche,  de  Périgueux,  par-testament 
du  9  octobre  1852,  la  somme  de  600 fr.,  acceptée  par  déli¬ 
bération  du  2  octobre  1855  ; 

De  Mme  Ricoux,  de  Périgueux,  par  testament  du 
21  mai  1853,  la  somme  de  300  fr.,  acceptée  par  délibéra¬ 
tion  de  juin  1856  ; 

De  M.  Chanard  Lachaume,  de  Périgueux,  par  testament 
du  3  octobre  1851,  la  somme  de  2,000  fr.',  acceptée  par 
délibération  du  1“  mars  1856  ; 

De  M.  Ghazal,  curé  de  Saint-Bonnet  (Corrèze),  la  somme 
de  97  fr. ,  acceptée  par  délibération  de  juin  1856  ; 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


D’un  anonyme,  de  Périgueux,  la  somme  de  26,000  fr., 
pour  la  chapelle,  acceptée  par  délibération  de....  ; 

De  Mme  de  Monteil,  de  Périgueux,  par  testament  du 
30  juin  1853,  la  somme  de  2,000  fr.,  à  charge  de  deux 
messes  annuelles,  acceptée  par  délibération  du  ,1er  août 
1857; 

De  Mme  Jeanne  Yidal,  de  Périgueux,  la  somme  de 
2,000  fr.; 

De  Mme  Sophie  Vidal,  de  Périgueux,  la  somme  de 
600  fr.; 

De  M.  Benoît  de  Laubresset,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  1er  mai  1856,  la  somme  de  2,000  fr.,  acceptée  par 
délibération  du  18  octobre  1858  ; 

De  Mme  de  Sanzillon,  de  Périgueux,  la  somme  de 
12,000  fr.,  acceptée  par  délibération  du  3  septembre  1856; 

De  Mme  Laborie,  née  de  Sanzillon,  la  somme  dé 
10,000  fr.,  acceptée  par  délibération  du  16  septem¬ 
bre  1859  ; 

De  M.  Pierre  Gourtey,  de  Périgueux,  la  somme  de 
6,000  fr.; 

De  M.  Parrot  Lagarenne,  de  Périgueux,  la  somme  de 
300  fr.; 

De  M.  Georges  Goursat,  de  Périgueux,  la  somme  de 
500  fr.,  par  testament  du  6  juillet  1860  ; 

De  M.  le  comte  de  Malet,  de  Périgueux,  par  don  manuel 
du  1er  juillet’1858,  la  somme  de  10,000  fr.; 

De  M.  Magne  (Pierre),  de  Périgueux,  par  don  manuel 
du  3  novembre  1860,  la  somme  de  500  fr.; 

De  Mme  veuve  Georges  Goursat,  de  Périgueux,  par  tes¬ 
tament  du  1er  octobre  1861,  la  somme  de  500  fr.; 

D’un  anonyme,  de  Périgueux,  par  don  manuel  du 
21  avril  1863,  la  somme  de  500  fr.; 

De  M.  le  baron  du  Cluzeau  de  Glérant,  par  testament 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  PU  PÉRIGORD.  409 

du  25  janvier  1865,  la  somme  de  200  fr.,  acceptée  par  déli¬ 
bération  du  31  octobre  1865  ; 

De  Mme  veuve  François  Golômbet,  de  Périgueux,  par 
testament  du  18  février  1865,  la  somme  de  200  fr.,  accep¬ 
tée  par  délibération  du  2  novembre  1865  ; 

De  Mlle  Ducoux-Lapeyrière,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  de  février  1865,  la  somme  de  200  fr.; 

De  Mme  veuve  Oriol,  de  Périgueux,  par  testament  du 
12  juin  1865,  la  somme  de  1,000 fr.,  acceptée  par  délibé¬ 
ration  du  15  octobre  1866  ; 

De  Mlle  Hélène  du  Pavillon,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  20  février  1866,  la  somme  de  200  fr.,  acceptée 
par  délibération  du  25  septembre  1866  ; 

De  M.  Bayle  de  Lagrange,  de  Périgueux,  par  testament 
du  20  octobre  1868,  la  somme  de  20,000  fr.; 

De  Mme  la  comtesse  de  Barde,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  26  octobre  1868,  la  somme  de  500  fr.  ; 

De  Mme  Pierre  Magne,  de  Périgueux,  par  don  manuel 
du  26  octobre  1868,  la  somme  de  500  fr.; 

De  Mlle  Lovelie  de  Fraigneau,  de  périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  23  décembre  1868,  la  somme  de  500  fr.; 

L  De  M.  le  marquis  de  Mallet,  de  Périgueux,  par  don 
manuel  du  5  juin  1869,  la  somme  de  10,000  fr.; 

De  M.  Joseph  Favarey,  de  Périgueux,  par  testament  du 
2  novembre  1869,  la  somme  de  5,000  fr.; 

De  M.  Adrien  de  Crémoux,  par  testament  du  2  décem¬ 
bre  1871,  la  somme  de  2,000  fr.; 

De  M.  Amédée  Dussault,  de  Périgueux,  par  testament 
du  2  décembre  1871,  la  somme  de  8,000  fr.; 

De  M.  l’abbé  Delteilh,  curé  de  la  cathédrale,  par  testa¬ 
ment  du  25  mai  1872,  la  somme  de  500  fr.; 

De  M.  le  baron  de  Gamanson,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  6  août  1872,  la  somme  de  500  fr.; 


410  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD. 

De  M.  Pierre  Canler,  de  Périgueux,  par  don  du  6  août 
1872,  la  somme  de  300  fr.; 

De  Mme  veuve  de  Gamanson,  de  Périgueux,  par  testa¬ 
ment  du  22  septembre  1875,  la  somme  de  250,000  fr.; 

De  Mme  veuve  Hanin,  de  Périgueux,  par  don  du  22  sep¬ 
tembre  1875,  la  somme  de  15,000  fr.; 

De  M.  Sicaire  Lapeyre,  de  Périgueux,  par  testament 
du  22  septembre  1875,  la  somme  de  1,000  fr.; 

De  M.  Alexis  Lapeyre,  de  Périgueux,  par  don  du 
18  février  1878,  la  somme  de  300  fr.; 

De  Mme  veuve  Martineau,  de  Périgueux,  par  testament 
du  14  mai  1878,  la  somme  de  300  fr.; 

De  M.  Pierre  Magne,  de  Périgueux,  ancien  ministre, 
par  don  du  26  juin  1879,  la  somme  de  5,000  fr.; 

De  M.  Durand  (Etienne),  de  Périgueux,  par  don  du 
24  avril  1877,  la  somme  de  4,400  fr.; 

De  Mme  veuve  Chanard-Lachaume,  de  Périgueux,  par 
don  du  30  janvier  1877,  la  somme  de  1,000  fr.; 

De  M.  Auguste  Saint-Martin,  de  Bergerac,  par  testament 
du  29  février  1876,  la  somme  de  500  fr. 

Là  finit  le  tableau  d’honneur  appendu  dans  l'intérieur 
de  la  chapelle  de  l’hôpital.  Les  sommes  énumérées' for¬ 
ment  un  total  de  493,644  fr. 

Mais  cette  liste  des  bienfaiteurs,  quoique  longue,  doit 
être  très  incomplète.  Elle  ne  remonte  qu’à  l’année  1827. 
Avant  cette  époque,  nous  n’en  doutons  pas,  l’hôpital  avait 
eu  de  nombreux  bienfaiteurs.  Des  recherches  dans  les 
registres  antérieurs  feraient  facilement  découvrir  leurs 
noms,  et  alors  le  tableau  serait  complet.  Ce  travail  s’im¬ 
pose  au  zèle  des  administrateurs,  qui  doivent  donner  aux 
pauvres  l'exemple  de  la  reconnaissance. 


XXXVII 


Hospice  de  Vieillards  à  Périgueux, 

DIRIGÉ  PAR  LES  PETITES-SCEURS-DES-PAUVRES. 


Si  la  main  de  Dieu  apparaît  dans  la  fondation  de  toutes 
les  familles  religieuses,  on  peut  dire  qu’elle  se  montre  visi¬ 
ble  jusqu’à  l’évidence  dans  la  fondation  de  l’Institut  des 
Petites-Sœurs-des-Pauvres.  Tout  moyen  humain  est  ici 
soigneusement  écarté.  On  veut  faire  l’œuvre  de  Dieu,  et 
l’on  s’abandonne  à  Dieu,  laissant  à  sa  Providence  le  soin 
de  créer  et  de  conserver  son  œuvre. 

L’œuvre  des  Petites-Sœurs  commençait  en  1840,  à  Saint- 
Servan,  dans  le  diocèse  de  Rennes.  Elle  avait  pour  fon¬ 
dateur  un  jeune  vicaire  de  la  paroisse,  M.  l’abbé  Le 
Pailleur.  Quelles  ressources  avait-il  ?  Il  ne  s’en  était  pas 
préoccupé.  Mais  il  était  vivement  pressé  par  la  charité  de 
Jésus-Christ  et  le  désir  de  secourir  les  pauvres  vieillards 
et  de  les  sauver.  Il  se  sentait  l’instrument  de  Dieu,  et  il 
agissait  en  cette  qualité,  ne  se  doutant  pas  qu’il  fondait 
un  Institut  qui  s’étendrait  sur  toute  la  France  et  nous 
pouvons  dire  sur  le  monde  entier, 


412  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Nous  n’avons  pas  à  faire  ici  l’histoire  de  cette  étonnante 
fondation  et  de  ses  merveilleux  développements  ;  ceux 
qui  voudront  la  connaître,  la  trouveront  dans  une  petite 
brochure  ayant  pour  titre  :  Histoire  des  Petites-S œurs- 
des-Pauvres,  extraite  de  l’ouvrage  de  M.  Léon  Aubineau  : 
Les  serviteurs  de  Dieu  ;  brochure  du  plus  saisissant  inté¬ 
rêt,  que  nous  devons  à  l’obligeance  de  nos  Petites-Sœurs 
de  Périgueux. 

Commencée  en  1840,  ayant  à  sa  base,  comme  première 
assise  de  tout  l’édifice,  deux  jeunes  ouvrières,  deux 
enfants,  dont  l’aînée  n’avait  pas  dix-huit  ans  et  la  plus 
jeune  en  avait  à  peine  seize,  la  petite  œuvre  est  devenue 
une  des  plps  imposantes  et  des  plus  puissantes  manifesta¬ 
tions  de  la  charité  dans  notre  siècle. 

L’auteur  de  la  brochure  dont  nous  avons  parlé  écrivait 
en  juin  1879  :  «  Près  de  trois  mille  Petites-Sœurs  ont 
»  embrassé  l’Institut  de  M.  l’abbé  Le  Pailleur,  et  vivent 
»  selon  l’esprit  qu’il  leur  a  inspiré.  Elles  occupent  en 
»  France  et  à  l’étranger  cent  soixante-seize  maisons.  Elles 
»  soignent  et  nourrissent  plus  de  dix-neuf  mille  pauvres 
»  vieillards.  Les  merveilles  des  premiers  jours  se  sont 
»  renouvelées  de  toutes  parts.  Le  petit  noyau  planté,  il  y 
»  a  trente-neuf  ans,  par  une  main  sacerdotale,  a  pris, 
»  dans  l’abnégation  et  l’humilité,  une  germination  admi- 
»  rable  ;  il  est  devenu  un  grand  arbre,  ses  rameaux  s’éten- 
»  dent  au  loin  ;  ils  ne  couvrent  pas  seulement  la  France 
»  et  une  partie  de  l’Europe,  ils  s’étendent  sur  l’Afrique  et 
»  sur  l’Amérique.  Beaucoup  d’âmes  se  reposent  à  leur 
»  ombre  et  y  chantent,  comme  dans  un  asile  béni,  leur 
»  dernier  cantique  d’actions  de  grâces  dans  la  paix  et  dans 
»  l’amour  de  Dieu.  » 

Quelle  belle  couronne  pour  M.  l’abbé  Le  Pailleur,  for¬ 
mée  de  tous  ces  vieillards  auxquels  son  Institut  assure  le 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRTGOBD.  413 

bien-être  des  dernières  années  et,  à  la  fin,  l’inappréciable 
bienfait  d’une  mort  chrétienne  I  Quelle  couronne  pour  les 
Petites-Sœurs  employées  à  les  soigner  et  à  les  préparer 
pour  le  ciel  ! 

Ce  fut  en  1868  que  les  Petites-Sœurs-des-Pauvres  s’éta¬ 
blirent  à  Périgueux.  Elles  y  furent  appelées  par  Mm«  de 
Gosselin  dont  les  œuvres  de  bienfaisance,  assez  connues, 
dispensent  de  faire'  l’éloge.  Cette  généreuse  et  fervente 
chrétienne,  ayant  pu  apprécier  à  Paris  et  ailleurs  le  bien 
que  font  les  Petites-Sœurs  aux  vieillards  dans  les  hospices 
qu’elles  dirigent,  nourrissait  depuis  longtemps  dans  son 
cœur  le  désir  de  les  établir  à  Périgueux.  Dès  l’année  1865, 
elle  l’avait  manifesté  à  M.  l’abbé  Le  Pailleur  et  en  avait 
obtenu  la  promesse  de  la  fondation  pour  un  temps  indé¬ 
terminé.  La  mort  de  M.  de  Bousquet,  de  Montanceix,  vint 
hâter  l’accomplissement  de  ce  désir  dans  le  cœur  de  Mm* 
de  Gosselin  ;  la  pieuse  fille  se  sentit  pressée  d’offrir  à  Dieu 
cette  bonne  œuvre  pour  le  repos  de  l’âme  de  celui  qu'elle 
pleurait.  Elle  y  fut  encouragée  et  secondée  par  M.  de 
Bousquet,  son  frère,  et  par  ses  deux  fils  MM.  Alix  et  Léon 
de  Gosselin,  attirés  vers  les  pauvres,  à  l’exemple  de  leur 
pieuse  mère,  par  les  sentiments  les  plus  charitables. 

Toutefois,  Mme  de  Gosselin  ne  voulut  rien  commencer 
sans  prendre  conseil  et  recevoir,  pour  elle  et  son  œuvre, 
la  bénédiction  de  Mgr  l’évêque  de  Périgueux.  Sa  Gran¬ 
deur,  comprenant  tous  les  avantages  que  les  pauvres  de 
sa  ville  épiscopale  retireraient  de  la  fondation  qui  lui 
était  proposée,  bénit  avec  reconnaissance  la  généreuse 
fondatrice  et  confia  l’exécution  de  son  noble  projet  à  son 
éminent  vicaire -général,  M.  l’abbé  de  Saint-Exupéry,  et 
à  M.  l’abbé  Estignard,  curé  de  Saint-Georges.  Celui-ci 
prêcha  pour  sa  paroisse,  —  on  ne  pouvait  que  l’en  féli¬ 
citer,  —  et  l’emplacement  pour  construire  le  nouvel  hos- 


414  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

pice  fut  choisi  à  l’extrémité  du  faubourg  des  Barris. 
C’était,  du  reste,  le  quartier  pauvre  de  la  ville  ;  on  y  vit 
un  titre  qui  donnait  droit  à  la  préférence.  Mme  de  Gosse¬ 
lin  y  fit,  au  nom  de  l’institut  des  Petites-Sœurs-des-Pau- 
vres,  l’acquisition  d’une  maison  et  d’un  jardin,  et  un 
architecte  fut  chargé  de  dresser  immédiatement  le  plan 
d’un  vaste  édifice. 

Comme  il  y  avait,  de  la  part  de  la  fondatrice,  urgence 
de  voir  fonctionner  son  œuvre;  et  urgence  de  la  part  des 
besoins  des  pauvres,  on  n’exécuta  d’abord  qu’une  partie 
du  plan,  cette  partie  devant  suffire  pour  abriter  provisoi¬ 
rement  quelques  religieuses  et  quelques  vieillards.  Dès  le 
commencement  de  l’année  1868,  les  Petites-Sœurs,  au 
nombre  de  quatre,  purent  y  être  installées  et  y  recevoir 
immédiatement  une  dizaine  de  vieillards.  Avec  les  pau¬ 
vres  arrivèrent  les  dons  de  la  charité  :  linge,  couvertures, 
meubles  et  les  objets  de  première  nécessité.  De  tous  côtés 
on  promit  des  dessertes  ;  des  religieuses  donnèrent  l’âne, 
et  un  voiturier  la  petite  charrette,  objets  indispensables 
pour  les  quêtes  à  domicile.  De  pauvres  gens  apportèrent 
quelques  ustensiles  de  ménage,  qui  une  marmite,  qui 
une  chaise,  qui  un  soufflet,  un  balai,  de  la  chandelle. 
Les  chères  Petites-Sœurs  étaient  vivement  émues  en 
voyant  les  soins  maternels  de  la  Providence  qui  pour¬ 
voyait  ainsi  à  leurs  moindres  besoins. 

La  fondation  avait  été  placée  sous  le  patronage  de 
Notre-Dame-de-Toutes-Grâces,  et  la  Sainte-Vierge  mon¬ 
tra  bien,  par  l’effusion  de  grâces  spirituelles  et  tempo¬ 
relles,  qu’elle  avait  pris  d’une  manière  spéciale  sous  sa 
puissante  protection  ce  nouvel  asile  des  membres  souf¬ 
frants  de  son  Fils.  Saint  Joseph,  .le  protecteur  de  tout 
l’Institut,  ne  montra  pas  moins  qu’il  l’était  aussi  de  la 
nouvelle  fondation.  Aussi,  dès  le  commencement  du  mois 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  415 

de  mars,  les  traits  de  la  Providence  se  multiplièrent.  En 
témoignage  de  leur  reconnaissance,  les  Petites-Sœurs 
étaient  désireuses  de  faire  célébrer  dignement  à  leurs  bons 
vieux  la  fête  de  leur  saint  Pourvoyeur.  Saint  Joseph  lui- 
même  fut  chargé  d’y  pourvoir, et  il  s’en  acquitta  largement. 

La  chapelle  provisoire  fut  munie  des  objets  les  plus 
nécessaires  ;  la  sainte  messe  y  fut  célébrée,  et  les  bons 
vieux,  au  nombre  de  29,  y  assistèrent  en  habits  de  fête, 
présents  de  la  charité. 

Au  dîner,  il  y  eut  grand  régal  :  les  bienfaiteurs  n’avaient 
rien  épargné.  La  joie  était  complète  dans  cet  asile  nais¬ 
sant.  Chacun  louait  et  bénissait  Dieu,  rendant  mille 
actions  de  grâces  à  saint  "Joseph  de  ses  nombreux  bien¬ 
faits,  de  tous  bien  appréciés. 

Quelques  jours  après  cette  fête,  il  y  eut  encore  grande 
joie  parmi  les  hôtes  de  ce  bienheureux  asile  ;  Mgr  l’évê¬ 
que  y  fit  sa  première  visite.  Les  vieillards,  revêtus  de  leurs 
plus  beaux  habits,  l’attendaient,  rangés  en  ordre,  près  du 
portail,  les  hommes  d’un  côté,  les  femmes  de  l’autre. 
Ils  le  reçurent  avec  une  grande  joie,  qu’ils  exprimaient 
en  frappant  des  mains  et  par  les  acclamations  de  :  Vive 
Monseigneur  1  vive  notre  bon  évêque  !  Sa  Grandeur  les 
bénit  avec  effusion,  leur  témoignant  sa  surprise  de  les 
voir  déjà  si  nombreux. 

On  se  rendit  à  la  chapelle,  et  là,  après  une  prière  qui 
réunissait  tous  les  cœurs,  dans  un  même  sentiment  de 
reconnaissance,  le  prélat,  visiblement  ému,  adressa  à  ces 
heureux  vieillards  et  à  leurs  dignes  servantes  quelques 
mots  tout  pathétiques  d’édification  et  d’encouragement.  Il 
exprima  combien  il  aimait  l’œuvre,  et  quel  bonheur  c’était 
pour  lui  et  pour  toute  la  ville  de  la  voir  établie  à  Périgueux. 

En  visitant  la  maison,  Sa  Grandeur  ne  put  que  bénir  la 
divine  Providence  des  choses  merveilleuses  qu’elle  avait 


416 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


faites  pour  ses  pauvres  depuis  le  commencement  de  la 
fondation.  Puis  elle  se  retira,  non  sans  avoir  fait  une  géné¬ 
reuse  offrande  et  avoir  promis  aux  Petites-Sœurs  de  venir 
prochainement  dire  la  sainte  messe  dans  leur  chapelle. 

Tous  ces  détails  sont  consignés  dans  le  registre  de  la 
maison-mère  de  l’Institut.  Ils  nous  ont  été  transmis  par 
la  Mère  supérieure-générale.  Elle  ajoute  : 

Les  commencements  de  cette  maison  furent  remarqua¬ 
bles  par  plusieurs  conversions.  Parmi  les  vieillards,  il  y 
en  avait  un  bon  nombre  qui  étaient  éloignés  du  bon  Dieu 
depuis  de  longues  années.  En  entrant  dans  l’asile,  ils  n’y 
venaient  que  pour  y  recevoir  les  soins  de  la  charité  et  se 
mettre  à  l’abri  de  la  misère.  Mais  la  grâce  les  y  attendait) 
et  bientôt,  touchés  par  cette  charité  qui  les  entourait,  ils 
revenaient  librement  et  d’eux-mêmes  vers  cette  religion 
qu’ils  avaient  oubliée  et  de  laquelle  ils  recevaient  tant  de 
bien,  ce  qui  fut  pour  les  Petites-Sœurs  un  grand  sujet  de 
consolation. 

Dès  les  premiers  jours  du  fonctionnement  de  l’œuvre, 
il  fut  aisé  de  prévoir  qu’elle  aurait  ses  progrès  et  pren¬ 
drait  des  développements  inespérés.  Aussi  fallut-il  se 
hâter  de  compléter  le  plan  de  l’architecte  par  l’achève¬ 
ment  de  la  seconde  partie  de  l’édifice  qui  comprenait  la 
construction  d’une  chapelle.  Ce  fut  l’ouvrage  de  peu 
d’années.  La  chapelle  ne  fut  néanmoins  achevée  que 
quatre  ans  plus  tard.  Mgr  Dabert  en  fit  la  consécration  le 
18  juillet  1872,  en  présence  d’un  nombreux  clergé  et  d’un 
concours  empressé  de  fidèles,  parmi  lesijuels  plusieurs 
notabilités  de  la  ville.  On  y  remarquait,  et  tous  les  regards 
et  tous  les  cœurs  reconnaissants  se  tournaient  de  leur 
côté,  Mme  de  Gosselin,  M.  Alix  dë  Gosselin,  son  fils; 
Mme  Du  Hamel,  sa  nièce,  et  M.  Du  Hamel,  son  neveu  ; 
M.  Gerlié  et  M.  l’abbé  Layant,  amis  de  la  famille. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  417 

La  consécration  se  fit  avec  toute  la  pompe  des  céré¬ 
monies  de  l’Eglise.  Commencée  à  huit  heures,  elle  ne  se 
termina  qu’à  une  heure  de  l’après-midi. 

De  l’admirable  discours  que  Sa  Grandeur  prononça, 
après  cette  consécration,  en  prenant  pour  texte  ces  paro¬ 
les  de  Jésus-Christ  :  «  Je  vous  donne  un  commandement 
nouveau  ;  c’est  que  vous  vous  aimiez  les  uns  les  autres 
comme  je  vous  ai  aimés  »,  nous  détachons  les  lignes  sui¬ 
vantes  qui  forment  le  plus  gracieux,  le  plus  saisissant  ta¬ 
bleau  de  la  vie  héroïque  des  Petites-Sœurs. 

Après  avoir  fait  le  plus  délicat  éloge  de  la  pieuse  fon¬ 
datrice  «  qui  a  bien  mérité  de  l’Eglise  et  des  pauvres  » 
l’éloquent  prélat  s’écrie  :  «  Et  que  dirai-je  maintenant  de 
»  nos  chères  Petites-Sœurs-des-Pauvres  ?  Rien,  je  le  sais, 
»  qui  n’ait  le  double  inconvénient  de  blesser  leur  modes- 
»  tie  et  de  rester  bien  au-dessous  de  leur  incomparable 
»  dévouement.  Et,  cependant,  comment  me  taire- sur  cette 
»  nouvelle  famille  religieuse  qui  fait  de  l’héroïsme  même 
»  de  la  charité,  son  exercice  quotidien,  et  qui  le  pratique 
»  avec  cette  simplicité,  cette  assurance,  ce  naturel  que 
»  nous  mettons  à  nos  actions  les  plus  ordinaires  ?  Voyez- 
»  la  cette  Petite-Sœur-des-Pauvres  :  elle  s’est  faite  la  ser- 
»  vante  des  pauvres  vieillards.  Pour  eux  comme  pour  elle, 

»  elle  n’a  et  ne  veut  avoir  qu’un  trésor  :  le  trésor  de 
»  la  Providence.  L’asile  est  ouvert,  et  la  voici  à  l’œuvre  : 

»  elle  mendie  I  Elle  mendie  et  tout  lui  est  bon.  Tout  est 
«  accueilli  par  sa  reconnaissance  ;  tout  est  mis  à  profit 
»  par  son  industrie.  Bientôt  le  mobilier  se  forme,  s’ac- 
»  croît,  s’embellit  de  tout  le  luxe  de  la  propreté.  Chaque 
»  jour  aussi  se  recueille  la  nourriture  de  l’asile.  Aux  heu- 
»  res  réglementaires,  la  table  est  dressée  et  garnie  de  mets, 

»  agréablement  variés  comme  les  vêtements  des  convives. 

»  Après  leur  repas,  la  Petite-Sœur  qui  les  a  servis,  fait  le 

27 


418  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

»  sien  de  leurs  restes  ;  et,  s’ils  n’ont  rien  laissé,  elle  re- 
»  tourne  à  l’aumône  ou  reprend  son  travail  dans  l’asile, 
»  attendant  l’heure  où  il  plaira  à  la  Providence  de  lui  en- 
»  voyer  un  morceau  de  pain. 

»  Voilà,  en  quelques  traits  trop  incomplets,  par  quelle 
»  vie  la  Petite-Sœur-des-Pauvres  a  pris  sa  place  dans  les 
»  phalanges  virginales  de  la  charité.  Çette  place  est  belle, 
»  mes  chères  Petites-Sœurs,  votre  Institut  l’a  reçue  des 
»  mains  de  son  vénéré  fondateur,  dont  nous  sommes  heu- 
»  reux  de  célébrer  avec  vous  la  fête  en  ce  jour.  Cette  place, 
»  votre  Institut  la  gardera  ;  vous  la  garderez  vous-mêmes 
»  dans  cet  asile,  sous  la  paternelle  direction  d’un  pas- 
»  teur  (1),  à  qui  le  Seigneur  a  donné  une  abondante  par- 
»  ticipation  de  votre  propre  esprit.  Vous  la  garderez  pour 
»  le  soulagement  des  pauvres  et  pour  l’honneur  de  la 
»  sainte  Eglise,  la  mère  des  grandes  inspirations  et  des 
»  sublimes  dévouements  (2).» 

On  ne  saurait  ni  mieux  penser,  ni  mieux  dire. 

Comme  on  l’avait  prévu,  l’hospice  a  prospéré.  Aujour¬ 
d’hui  cent  dix  pauvres  vieillards  y  sont  reçus,  logés,  nour¬ 
ris  et  soignés  avec  une  piété  filiale  par  leurs  chères  Peti¬ 
tes-Sœurs,  qui  n'ont  pour  subvenir  à  la  dépense  que  les 
dons  soit  en  argent,  soit  en  nature  qui  leur  sont  faits. 
Mais  Dieu,  dont  la  Providence  veille  à  ce  que  le  plus  petit 
des  oiseaux  ait  sa  nourriture  de  chaque  jour,  voit  dans 
cet  asile  de  la  pauvreté  des  âmes  qui  lui  sont  bien  chères 
et  pourvoit  à  tout.  ■ 

Au  début,  comme  nous  l’avons  dit,  les  Petites-Sœurs 
de  cet  asile  n’étaient  que  quatre,  aujourd’hui  elles  sont 
au  nombre  de  quatorze:  Nous  n’avons  pas  besoin  d’ insis¬ 
ter  pour  faire  ressortir  leur  dévouement,  leur  charité,  et 

(1)  M.  l’abbé  Estignard.  curé  de  St-Georges. 

%  Semaine  religieuse  de  Périgueux,  n°  du  JO  juillet  1872. 


DES  HÔPITAUX.,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  419 

le  sacrifice  continuel  qu’elles  doivent  faire  d’elles-mêmes  ; 
elles  sont  les  Petites-Sœurs-des-Pauvres.  Ces  trois  mots 
réunis  pour  former  leur  nom,  disent  ce  qu'elles  sont,  et 
forment  leur  plus  bel  éloge. 

N’oublions  pas  de  mentionner  et  de  signaler  à  la  recon¬ 
naissance  des  pauvres  une  autre  bienfaitrice  de  cet  hos¬ 
pice.  Mm0  de  Gamanson,  dont  le  nom  se  trouve  uni  à  tant 
de  bonnes  œuvres,  ne  voulut  pas  rester  étrangère  à  celle- 
ci  :  elle  donna  l’argent  nécessaire  pour  l’acquisition  d’une 
prairie,  voisine  de  l’établissement,  qui  fournit  la  nourri¬ 
ture  des  vaches  dont  le  lait  avec  le  produit  du  jardin 
forme  la  meilleure  partie  des  aliments  des  vieillards,  et 
des  religieuses. 

Tel  est  l’hospice  de  nos  chères  Petites-Sœurs,  asile  vrai 
de  la  pauvreté  heureuse  et  du  dévouement  porté  jusqu’à 
l’héroïsme.  Lorsqu’il  fut  fondé  en  1868,  il  était  la  105® 
fondation  faite  par  l’Institut  depuis  son  origine  ;  aujour¬ 
d’hui  le. nombre  des  fondations  dépasse  200.  La  main  de 
Dieu  ne  s'en  est  point  retirée. 

Et  maintenant,  nous  dirons  aux  habitants  de  Péri- 
gueux  :  Allez  souvent,  pour  vous  édifier,  visiter  l’asile  de 
vos  pauvres  vieillards,  et  laissez-y  votre  aumône.  «  Si 
vous  avez  beaucoup,  donnez  beaucoup  ;  si  vous  avez  peu, 
donnez  de  ce  peu,  mais  de  bon  cœur,  vous  rappelant  que 
l’aumône  sera  le  sujet  d’une  grande  confiance  devant  le 
Dieu  suprême  pour  tous  ceux  qui  l’auront  faite  (1).  » 

Nous  ne  pouvons  mieux  terminer  cette  notice  que  par 
ces  paroles  qui  n’auront  jamais  une  plus  juste  applica¬ 
tion  :  A  Domino  factum  est  istud  ;  et  est  miràbile  in 
oculis  nostris  (2). 

(1) Tobie  ch.  i,  v.  Pet  12. 

(2)  Psaume  117,  v.  22. 


XXXVIII 


Bureau  de  bienfaisance  de  Carsac. 

M.  l’abbé  Delpeyrat,  curé  de  Garsac,  a  fait  d’heureuses 
recherches  sur  les  origines  et  les  développements  de  sa 
paroisse.  Il  les  a  consignées  dans  une  brochure  de 
90  pages,  ayant  pour  titre  :  Essai  historique  sur  l'an¬ 
cienne  paroisse  de  Saint-Augustin-de-Carsac. 

Ce  n’est  pas  ici  le  lieu  de  faire  ressortir  le  mérite  de 
cette  belle  étude  ;  nous  pourrons  y  revenir.  Nous  y  trou¬ 
vons,  dans  une  société  de  prêtres,  l’origine  d’une  Miséri¬ 
corde  ou  Bureau  de  bienfaisance,  bien  digne,  à  tous 
égards,  d’une  mention  toute  spéciale. 

Nous  avons  hâte  de  le  dire,  pour  écrire  cette  Notice, 
nous  n’avons  qu’à  reproduire  un  extrait  du  travail  de 
notre  cher  confrère,  en  nous  aidant  d’une  lettre  particu¬ 
lière  qu’il  a  bien  voulu  nous  écrire  à  ce  sujet.  Nous  lui 
laissons  de  bien  bon  cœur  tout  le  mérite  de  ce  que  nous 
allons  imprimer. 

Dès  le  commencement  du  xvi°  siècle,  il  y  avait  à  Garsac 
une  société  de  prêtres  vivant  en  commun  sous  la  direc¬ 
tion  du  curé  de  la  paroisse.  Formaient-ils  une  commu¬ 
nauté  de  prêtres  retirés,  ou,  comme  nous  dirions  aujour¬ 
d’hui,  de  prêtres  en  retraite,  se  reposant  des  labeurs  d’un 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  421 
long  ministère?  ou  bien  étaient-ils  des  prêtres  réguliers, 
unis  entre  eux  par  des  vœux  ?  Il  est  probable  que  la  cha¬ 
rité  seule  les  unissait  sous  l’autorité  du  curé  qu’ils  recon¬ 
naissaient  pour  leur  supérieur,  exerçant  les  œuvres  de  la 
charité  et  pourvoyant  à  tous  les  besoins  des  pauvres  de  la 
paroisse.  Les  noms  de  plusieurs  ont  été  conservés; 
c’étaient  :  1°  Messire  Noël  de  Valette,  docteur  en  théologie 
et  curé  recteur  de  Carsac  ;  c’est  lui  qui  fit  bâtir  les  colla¬ 
téraux  de  l’église  et  refaire  la  voûte  de  la  nef  ;  2 «  Maistre 
Etienne  Valette,  frère  plus  jeune  du  précédent  et  résidant 
avec  lui  ;  3°  Maistre  Jehan  Jardel,  prêtre  de  Carsac,  y 
résidant  ;  il  était  décédé  le  9  novembre  1559  ;  4°  Maistre 
Etienne  Jardel,  frère  du  précédent;  5°  Maistre  Jean 
Taverne,  prêtre  et  notaire  ;  6°  Maistre  Jehan  Delsbrout. 
Outre  ces  six  prêtres,  résidant  à  Carsac,  M.  l’abbé  Delpey- 
rat  nous  donne  les  noms  de  plusieurs  autres,  résidant 
également  à  Carsac,  à  la  même  époque,  savoir  :  M»  Pierre 
Tardes,  M®  Géraud  Cros,  M°  Mathieu  Malevergne,  M°  Jean 
Farnier.  Les  Calvinistes,  conduits  par  Assier  et  Mouvans, 
surent  les  déloger  de  leur  retraite  et  leur  apprendre  com¬ 
ment  ils  pratiquaient  la  liberté  de  conscience,  qu’ils  récla¬ 
maient  les  armes  à  la  main.  Ils  furent  tous  massacrés,  à 
l’exception  d’un  seul,  M6  Géraud  Gros,  qui  vivait  encore 
en  1612. 

Il  résulte  donc  de  tout  ce  qui  précède  qu’il  y  avait  à 
Carsac,  avant  les  troubles  religieux  du  xvi°  siècle,  sous  la 
conduite  ou  l’autorité  du  recteur,  une  société  de  prêtres 
séculiers,  qui  fut  dirigée  de  1524  à  1559  par  Noël  de 
Valette,  occi  par  les  protestants  ’en  1567.  Cette  société, 
avons-nous  dit,  pourvoyait  à  tous  les  besoins  des  pauvres 
de  la  paroisse  et  administrait  leurs  biens.  Et  ce  fut  là 
l’origine  de  la  Miséricorde  ou  Bureau  de  bienfaisance  qui 
y  fonctionne  encore  de  nos  jours. 


422  LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 

Les  curés  de  Garsac  ne  purent  de  longtemps  réparer  le 
désordre  -et  relever  les  ruines  amoncelées  en  quelques 
jours  par  les„ prétendus  réformés.  Les  pauvres,  néanmoins, 
n’étaient  pas  oubliés,  et  l’un  des  vicaires  avait  charge 
spéciale  de  veiller  à  leurs  besoins.  De  pieux  fidèles  voulu¬ 
rent  même,  par  leurs  libéralités,  augmenter  les  ressour¬ 
ces,  et,  en  parcourant  leurs  dernières  dispositions,  on 
reste  convaincu  qu’il  n’y  avait  pas  de  testament  sans  un 
souvenir  pour  les  pauvres  et  pour  l’église.  Après  avoir 
légué  une  certaine  somme  consacrée  à  faire  dire  des 
messes  pour  le  repos  éternel  de  leurs  âmes,  ils  ajoutaient 
toujours  un  don  pour  la  confrérie  du  Saint-Sacrement  et 
un  autre  pour  les  pauvres  de  la  Miséricorde. 

Il  serait  impossible  d’énumérer  ici  tous  les  dons  faits 
à  cette  Miséricorde;  qu’il  suffise  de  dire  qu’en  dehors- 
des  rentes  qu’elle  avait  à  Sarlat,  à  Grolejac,  Laca- 
néda,  etcv  etc.,  elle  possédait  encore  en  1789  plus  de 
200  hectares  de  propriétés,  savoir  : 

1°  Dans  le  tènement  des  Landes,  relevant  de  la  Gazaille 
et  de  Saint-Rome,  une  terre  labourable,  donnée  par 
Antoine  Tray,  contenant  une  cartonnée  et  5  punières  3/4. 

2°  Dans  le  tènement  de  la  Garrigue  et  Pasquebal,  une 
terre  et  bois  appelés  à  Longue-Crèze,  contenant  deux  car¬ 
tonnées  et  3  punières. 

3°  Les  Pechs  de  la  Bergade,  de  l’Ane,  des  Tuileries,  de 
Fertignon,  de  la  Gane,  de  Monseigneur,  de  la.  Boissière, 
de  Peyremole,  du  Bouyssou,  de  Yialard. 

4°  Le  petit  et  le  grand  Rayssé,  Relumnier,  la  Montade, 
les  Vignasses,  les  Auzières  et  Garrissades  de  Vialard, 
les  Buyssades,  le  Roc  de  la  Navette,  les  Vergnes,  les  bois 
d’Aillac,  etc.,  etc. 

5°  D'autres  pièces  de  bois  et  terres  à  Peche-Vache,  aux 
Harpies,  au  Moulin-de-Papier,  aux  Grouzettes,  à  Malever- 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGOBD.  423 

gne,  à  Peyremole,  sur  le  Pech,  au  Pont-du-Bouyssou,  au 
Combalou,  à  la  Vergne,  à  la  Plane,  aux  Noyettes,  au 
Plantou,  au  Coudert,  à  la  Joncaille,  à  la  Fontaine  de 
Faye,  sur  le  Cingle,  etc.,  etc. 

Ces  biens,  placés  naturellement  sous  la  sauvegarde  des 
curés,  furent  d’abord  administrés^  par  eux  ou  par  un  délé¬ 
gué  spécial  qui  avait  le  titre  de  syndic. 

Ce  pourvoyeur  des  pauvres  avait  pour  mission  de  préle¬ 
ver  les  revenus;  de  donner  quittance  et  de  faire  la  distri¬ 
bution  aux  nécessiteux,  sur  l’avis  du  curé  ou.  du  vicaire 
chargé  de  ce  soin.  Il  devait,  en  outre,  produire  ses 
comptes  toutes  les  fois  qu’il  en  était  requis. 

Cette  fonction,  absolument  gratuite,  fut  d’abord  confiée 
à  un  clerc',  et,  dans  la  suite,  sa  nomination  eut  lieu  en 
assemblée  capitulaire,  c’est-à-dire  avec  le  concours  de 
tous  les  habitants,  sous  la  présidence  du  curé  de  la 
paroisse. 

Dans  l’assemblée  capitulaire  qui  eut  lieu  à  cet  effet,  à 
l’issue  des  vêpres  de  Carsac,  le  dimanche  31  janvier  1731, 
à  laquelle  assistèrent  avec  messire  Bertrand  Moméjà, 
docteur  en  théologie  et  curé  de  la  paroisse ,  noble  Fran¬ 
çois  Jean  de  Labrousse,  écuyer,  sieur  de  Carsac  ;  François 
de  Moreau,  avocat  au  Parlement  et  juge  de  Sarlat  ;  Pierre 
Touron,  clerc  ;  Pierre  Ligounat,  clerc  ;  Jean  Jardel,  clerc  ; 
Guillon  Jardel,  laboureur;  Jacques  Joly,  laboureur; 
Gabriel  Géraud,  Michel  Moulinière,  Jean  Cros,  Géraud 
Royère,  Jean  Maillet,  Lagrier  et  Garrigou  frères  ;  David 
Touron,  tailleur  ;  Antoine  Géraud,  sauve-gardien.etc.,  etc., 
c’est  Pierre  Touron,  clerc,  meunier  et  mallier  du  Moulin- 
Neuf,  qui  est  nommé  et  accepte  le  titre  de  syndic  de  la 
Miséricorde.  Il  l’était  déjà  delà  confrérie  du  Saint-Sacre¬ 
ment.  C’était  un  homme  d’une  probité  reconnue.  Par  acte 
du  26  septembre  1721,  il  avait  obtenu,  comme  récompense 


424 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


de  sa  fidélité  à  solder  les  pieuses  libéralités  de  sa  tante, 
deux  tombeaux  dans  l’église  de  Carsac.  Le  16  juin  1722, 
Jean  de  Bénie  de  Lacypière,  conseiller  du  roi  en  la  séné¬ 
chaussée  et  siège  présidial  de  Sarlat,  en  vertu  d’une  pro¬ 
curation  du  T.  R.  P.  Claude  Massai,  général  et  grand  mi¬ 
nistre  de  tout  l’ordre  de  la  Trinité  pour  la  rédemption  des 
captifs,  l’avait  nommé  quêteur  et  marguillier  de  Téglise  et 
de  la  paroisse  d’Alliac,  «pour  lever  et  recevoir  dans  cette 
»  église  et  dans  toute  la  paroisse  les  aumônes  et  charités 
»  que  les  personnes  de  piété  faisaient  en  faveur  des  pau- 
»  vres  esclaves  détenus  dans  les  fers  entre  les  mains  des 
»  barbares.  »  Il  succédait  dans  ce  dernier  emploi  à  Jean 
Royère,  que  le  même  Lacypière  avait  destitué. 

Ce  Pierre  Touron,  du  Moulin-Neuf,  conserva  ces  deux 
nobles  emplois  jusqu’à  sa  mort,  arrivée  le  31  août  1743,  et 
les  larmes  des  pauvres  l’accompagnèrent  jusqu’à  sa  der¬ 
nière  demeure.  Par  son  testament  du  12  juin  1743,  reçu 
par  Debars,  notaire  royal,  il  léguait  aux  pauvres  malades 
de  la  Miséricorde  400  livres  tournoises,  à  la  confrérie  du 
T.-S.  Sacrement,  25  livres  pour  faire  dorer  l’ostensoir  de 
l’église,  et  à  M.  le  curé  de  Carsac  et  aux  RR.  PP.  Corde¬ 
liers  et  Récolets  de  Sarlat  la  somme  nécessaire  pour  dire 
200  messes  pour  le  repos  de  son  âme. 

Le  syndic  des  pauvres  de  Carsac  était  aidé  dans  le  soin 
des  malades  par  les  Filles  de  la  Miséricorde  de  Sarlat, 
qui,  plusieurs  fois  la  semaine,  venaient  les  visiter,  panser 
leurs  plaies,  exécuter  les  ordonnances  et  donner  les 
remèdes  que  prescrivaient  les  médecins  et  chirurgiens. 

Le  13  juin  1745,  jour  de  dimanche,  à  l’issue  des  vêpres, 
une  assemblée  capitulaire  se  réunissait  au  presbytère 
pour  nommer  un  nouveau  syndic  des  pauvres.  Avec 
M.  François  Duloix  de  Lasserre,  curé  de  la  paroisse, 
étaient  présents  noble  Laurent  de  Bars,  écuyer,  seigneur 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  425 
de  laGazaille  ;  Jean  Jardel,  marchand  ;  Jean  Jardel,  clerc  ; 
Jean  Touron,  teinturier;  Guillaume  Joly,  etc.,  et.c.  A 
l’unanimité,  [tous  désignèrent  pour  remplir  cet  emploi 
Jean  Touron ,  meunier  au  Moulin-Neuf.  Entré  en  fonction 
dès  ce  jour,  il  poursuivait  en  justice  les  débiteurs  des 
pauvres  et  faisait  condamner  devant  le  juge  de  Grolejac, 
les  13  août  1764  et  le  11  mars  1766,  François  Neyrat,  pour 
retard  apporté  à  solder  la  rente  due  aux  pauvres  de  la 
Miséricorde  de  Carsac,  par  acte  du  13  août  1764. 

Cet  état  de  choses  a  duré  jusqu’en  1789,  jusqu’à  cette 
Révolution  faite  au  nom  du  peuple,  mais  dont  les  pauvres 
de  Carsac  ont  peu  profité.  On  leur  fit  tirer  adroitement  les 
marrons  du  feu  et  d'autres  les  mangèrent,  remarque 
M.  l’abbé  Delpeyrat,  qui,  à  ce  sujet,  ne  peut  dire  tout  ce 
qu’il  sait. 

Il  restait  encore,  en  1844,  aux  pauvres  de  Carsac,  mal¬ 
gré  les  désastres  de  la  Révolution,  88  hectares  95  ares  de 
terrain,  qui  fut  vendu  depuis  à  vil  prix,  et  dont  le  produit, 
placé  en  rentes  sur  l’Etat,  forme  un  capital  dont  le  revenu 
est  plus  que  suffisant  pour  soulager  toutes  les  misères, 
et  c’est  là  qu’on  puise,  dit-on,  largement,  pour  assurer 
l’élection  politique  des  ambitieux  qui  montent  sur  les 
épaules  des  pauvres  pour  leur  faire  du  bien. 

En  terminant  cette  Notice  sur  la  Miséricorde  ou  Bureau 
de  bienfaisance  de  Carsac,  rappelons,  comme  nous  l’avons 
dit  en  la  commençant,  que  nous  l’avons  extraite  du  tra¬ 
vail  historique  que  M.  l’abbé  Delpeyrat  a  fait  sur  sa 
paroisse.  Le  cher  confrère  nous  permettra  de  lui  adresser 
ici  nos  biens  sincères  félicitations.  Quelle  belle  statistique 
diocésaine  nous  aurions,  si  chaque  curé  faisait  de  sem¬ 
blables  études  sur  sa  paroisse  I 


XXXIX 


Bureau  de  bienfaisance  de  Prats-de-Carlux. 


La  paroisse  de  Prats-de-Carlux  possède  un  Bureau  de 
bienfaisance,  régi  par  une  administration  purement 
laïque.  La  notice  que  nous  allons  en  donner  ajoutera  un 
témoignage  nouveau  à  l’origine  ecclésiastique  de  la  plu¬ 
part  de  nos  établissements  de  charité,  et  prouvera  une  fois 
de  plus  l’inconvenance  d’une  loi  qui  exclut  le  prêtre  de 
l’administration  des  biens  péniblement  amassés  par  les 
prêtres  au  profit  des  indigents. 

L’origine  du  Bureau  de  Prats,  ou  si  l’on  aime  mieux  sa 
préparation,  remonte  à  la  seconde  moitié  du  xve  siècle. 
Nous  allons  en  suivre  les  développements  qui  nous  offrent 
des  détails  du  plus  saisissant  intérêt. 

Nous  nous  aiderons  ici,  comme  pour  le  Bureau  de  bien¬ 
faisance  de  Carsac,  des  documents,  ou  plutôt  du  travail 
qu’a  bien  voulu  nous  communiquer  M.  l’abbé  Delpeyrat, 
ce  chercheur  intelligent  et  heureux.  Ici  encore  nous  lui 
laissons  tout  le  mérite  de  ce  que  nous  allons  imprimer. 

Les  anciens  terriers  de  la  paroisse  de  Prats  nous  mon¬ 
trent,  dès  la  fin  du  xvB  siècle,  des  biens  pour  les  pauvres 
appartenant  à  l’église  et  que  le  curé  seul  régissait.  Ces 


427 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES,  ETC.,  Dü  PÉRIGORD. 

biens,  situés  dans  le  tènement  de  Combe-Naude,  près  de 
l’église,  contenant  «  14  cartonnées  »  étaient  arrentés  à 
nouveau  le  14  vril  1479,  par  messire  Anthoine  de  Chas- 
sain,  prêtre,  docteur  en  théologie  et  curé-recteur  de 
Prats,  à  Léonard  Peyrat,  à  la  redevance  annuelle  de  4 
cartons  de  froment  et  de  12  deniers  en  argent,  avec  le 
droit  d’acapte.  L’acte  était  reçu  par  Jehan  de  Fenis, 
notaire  royal. 

Ce  n’était  point  là  encore  le  Bureau  de  bienfaisance  tel 
que  nous  le  comprenons  aujourd’hui,  c’était  s»  prépara¬ 
tion,  toute  ecclésiastique.  Elle  avait  dû  commencer  bien 
des  années  avant  le  14  avril  1479,  puisque,  à  cette  date, 
l’arrentement  des  biens  des  pauvres  se  faisait  «  à  nou¬ 
veau,  »  au  moins  pour  la  deuxième  fois. 

En  1513,  lorsque  Pons  de  Gimel,  seigneur  de  Paluel, 
fut  armé  chevalier,  dans  la  nouvelle  contribution  qui 
frappa  les  quinze  paroisses  de  la  juridiction,  nous  trou¬ 
vons  quatre  prêtres  résidant  simultanément  à  Prats, 
atteints  par  cet  impôt  :  Jehan  de  Laumont,  Jehan  Rabi- 
sole,  Jehan  et  autre  Jehan  Izac,  dont  l’un  était  spéciale¬ 
ment  chargé  du  soin  des  pauvres.  Il  devait  prendre  le 
titre  d 'aumônier,  distributeur  d’aumônes. 

Il  en  fut  ainsi  jusqu’aux  troubles  religieux  de  ce 
xvi«  siècle.  Les  laïques  d’alors  administrèrent  ces  biens, 
et  les  pauvres  n’eurent  pas  lieu  de  s’en  réjouir. 

Et  néanmoins  le  mal  s’accrut  et  le  nombre  des  pauvres 
augmenta.  Les  guerres  de  la  Fronde  qui  suivirent  ruinè¬ 
rent  la  contrée.  Le  pays  fut  ravagé,  pillé,  incendié.  Les 
troupes  du  duc  de  Mayenne  et  du  maréchal  de  Matignon 
le  parcoururent  en  tout  sens.  Turenne  y.  séjourna  quel¬ 
ques  jours  après  le  siège  de  Sarlat,  et  le  sieur  d’Aubeterre 
durant  les  49  jours  du  siège  de  Carlux.  «  La  détresse  était 
»  si  grande,  et  les  habitants  tellement  molestés,  ruinés  et 


428 


LES  ORIOINES  CHRÉTIENNES 


»  appauvris,  que  ceux  qui  avaient  avant  4  paires  de  bœufs 
»  n’avaient  plus  alors  les  moyens  d’en  avoir  un  seul.  » 
C’était  en  1593.  Et  un  seul  homme  s’occupait  alors  acti¬ 
vement  de  secourir  les  pauvres.  La  tempête  et  les  orages 
avaient  enlevé  le  peu  de  récolte  qui  restait.  Pris  pendant 
deux  fois  et  emmené  captif  d’abord  à  La  Faurie,  puis  à 
Domme,  loin  de  se  laisser  abattre,  son  courage  semble 
grandir  avec  les  difficultés.  Il  assiste  les  plus  malheu¬ 
reux,  relève  le  moral  de  ceux  qui  désespèrent,  les  fortifie 
et  ranime  par  ses  paroles  et  par  ses  exemples.  Il  adresse 
aux  trésoriers-généraux  de  France  pour  le  Languedoc  (1), 
siégeant  à  Toulouse,  une  requête  accompagnée  de  10 
témoins  pour  attester  la  vérité  de  ce  qu’il  raconte,  et  par¬ 
vient  à  faire  dégrever  pour  quelque  temps  de  tout  impôt 
la  paroisse  de  Prats.  Il  poursuit  devant  le  Parlement  de 
Bordeaux  ceux  qui  ont  usurpé  les  biens  des  pauvres,  et 
meurt  en  1616,  regretté  même  de  ses  ennemis.  Cet  homme 
était  messire  Jehan  Vergne,  prêtre,  docteur  en  théologie, 
recteur-curé  de  Prats  depuis  1586. 

Ses  successeurs  imitèrent  son  exemple  et  augmentèrent 
les  revenus  des  pauvres.  Pascal  de  Labrousse,  natif  de  la 
paroisse  et  devenu  vicaire-général  de  l’évêque  de  Sarlat, 
donna  en  mourant  aux  pauvres  de  Prats,  dont  il  avait  été 
curé  pendant  25  ans,  une  terre  assez  considérable.  Mes- 
sire  Jehan  de  Bonet,  curé  de  Prats  de  1665  à  1695,  s’oc¬ 
cupa  activement  du  besoin  des  pauvres.  Il  donna  par  tes¬ 
tament  200  écus  pour  le  mariage  de  12  filles  honnêtes,  et 
400  livres  pour  faciliter  l’apprentissage  de  10  jeunes  gens, 
avec  une  rente  pour  vêtir  chaque  année  8  pauvres  vieil- 

(I)  La  paroisse  de  Prats,  dépendant  du  diocèse  de  Cahors,  était  avant 
1640,  du  présidial  de  Gourdon  et  du  ressort  du  Parlement  de  Toulouse, 
créé  en  1302  et  qui  comptait  dans  sa  juridiction  le  Languedoc,  le 
Quercy,  etc. 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  DU  PÉRIGORD.  429 

lards.  Ce  fut  Marguerite  de  Bonet,  sa  sœur,  épouse  de 
M*  Jean  de  Pignol,  avocat  à  la  cour  et  juge  de  Sarlat,  qui 
solda  les  pieuses  libéralités  du  curé  de  Prats. 

Dès  ce  moment,  cette  institution  des  pauvres  prit  le 
nom  officiel  de  Miséricorde  de  Prats,  et  ce  fut  d’abord  le 
vicaire  qui  en  administra  les  biens  sous  la  surveillance 
tutélaire  et  paternelle  du  curé.  Mais,  comme  leur  régie 
réclamait  parfois  des  actes  judiciaires  et  des  revendica¬ 
tions  qui  pouvaient  nuire  au  saint  ministère,  dès  les  pre¬ 
miers  jours  du  xvm°  siècle  les  curés  de  Prats  nommèrent, 
avec  le  concours  des  notables,  un  syndic  laïque  pour  en 
tenir  les  comptes.  Cette  mesure,  toute  populaire,  avait 
aussi  pour  but  d’intéresser  à  la  pieuse  fondation  toutes 
les  personnes  charitables  de  la  paroisse.  On  avait  bien 
présumé.  Aussi  voyons-nous  en  1741  ce  syndic,  Pierre 
Neyrat,  autorisé  à  prêter,  au  nom  de  la  Miséricorde  qu’il 
administrait,  des  sommes  assez  considérables  qui  prou¬ 
vaient  que  les  biens  des  pauvres  avaient  considérable¬ 
ment  augmenté.  Dans  l’assemblée  capitulaire  du  4  mai 
1745,  il  fut  même  démontré  que  plusieurs  donations 
pieuses  n’étant  pas  pour  le  moment  nécessaires  aux 
besoins  des  pauvres,  le  syndic  leur  chercherait  un  place¬ 
ment  avantageux. 

Messire  Mathieu  Clavel,  qui  fut  curé  de  Prats  de  1747  à 
1770,  mit  tous  ses  soins  à  faire  produire  à  la  Miséricorde 
tout  le  bien  possible,  surtout  envers  les  pauvres  malades. 
A  cet  effet,  dans  une  assemblée  des  notables,  présidée 
par  lui-même  et  réunie  aux  Gautheries,  en  1752,  il  fut 
arrêté  que  Marguerite  Chassain,  autorisée  par  son  père, 
serait  envoyée  à  l’hôpital  de  Sarlat  pour  y  apprendre  à 
servir  les  malades  et  leur  donner  tous  les  soins  néces¬ 
saires.  Cette  fille,  dévouée  à  Dieu  et  au  service  des  pau¬ 
vres,  qui  habitait  le  village  des  Yeyssières,  demeura  dans 


LES  ORIGINES  CHRÉTIENNES 


l’hôpital  de  Sarlat  une  année  entière,  moyennant  60  livres 
payées  à  la  supérieure  de  cet  établissement  par  la  Misé¬ 
ricorde  de  Prats. 

Ayant  fait  tous  les  progrès  qu’on  avait  espérés,  et  munie 
d’un  trousseau  de  chirurgie,  Marguerite  Chassain  com¬ 
mença  à  soigner  les  pauvres  malades  de  la  paroisse,  dis¬ 
persés  dans  20  familles..  Elle  les  visitait  plusieurs  fois  la 
semaine  et  leur  administrait  les  drogues  et  médicaments 
jusqu’à  leur  parfaite  guérison,  les  tenant  dans  la  plus 
grande  propreté,  et  faisait  de  leur  état  un  rapport  exact 
aux  médecins.  Pour  les  aliments,  bouillons,  linges,  cou¬ 
vertures  et  honoraires  des  médecins,  chirurgiens  et  apo¬ 
thicaires,  etc.,  le  curé  et  le  syndic  devaient  y-pourvoir 
autant  que  pouvaient  le  permettre  les  ressources  de  la 
Miséricorde.  Cette  pieuse  fille  devait  recevoir  annuelle¬ 
ment  pour  tous  ces  soins  et  dévouements  une  indemnité 
de  60  livres. 

Après  un  an  d’exercice  de  cette  charité  généreusement 
dévouée,  on  jugea  nécessaire  de  modifier  sa  position  et 
de  lui  donner  une  influence  et  une  autorité  qu’elle  n’avait 
pas,  et  dont  la  privation  pouvait  nuire  au  bien  qu’elle  vou¬ 
lait  faire.  Une  nouvelle  assemblée  des  notables  eut  lieu  le 
29  novembre  aux  Gautheries,  sous  la  présidence  du  curé. 
Les  conventions  suivantes  y  furent  arrêtées  : 

«  Il  demeure  convenu  entre  messire  Mathieu  Glavel, 
»  prêtre,  docteur  en  théologie,  curé  de  Prats,  MM.  Izac, 

»  avocat  au  Parlement  et  juge  de  Garlux,  Jean-Baptiste 
»  Yergne,  Jean  Duteil,  Jean  Déguiral,  autre  Jean  Déguiral, 
»  bourgeois,  Jean  Tache, Anthoine  Laborderie,  Jean  Bouys- 
»  sonnie,  Pierre  et  autre  Pierre  Garrigues,  Marc  Cros, 
«  clerc,  et  Anthoine  Neyrat,  syndic,  formant  la  majeure 
»  partie  des  notables  de  Prats,  d’une  part  ;  et  Marguerite 
»  Chassain,  du  village  des  Veyssières,  d’autre  part  ;  savoir 


DES  HÔPITAUX,  HOSPICES,  ETC.,  PU  PÉRIGORD.  431 

»  est  que  le  sièur  curé  et  les  principaux  paroissiens  re- 
»  mettent  à